REZO Travail Social
|
|
|
Kiosque > fiche livre
Six pratiques sociales
C’est pas si fréquent que des psychanalystes s’aventurent dans le champ des pratiques sociales. Non pour y prodiguer des conseils ou des critiques, comme d’aucuns osent le faire sans scrupule, mais pour s’y coltiner. Chacun des auteurs témoigne ici d’une pratique, d’un engagement et d’une élaboration. De plus le dispositif d’écriture mis en place s’avère très original. Dans la foulée des écrits de pratique de chacun, les autres auteurs du collectif interviennent et commentent, dans un « deuxième tour », un re-tour, voire un retournement, ajoutent, rouvrent les questions. C’est donc pratiquement une invention d’écriture clinique à plusieurs qui se profile. Une sorte de cartel d’écriture. Et ça produit ce maillage étrange, ce tissage, cette texture où nul ne se dérobe devant le savoir ni le faire-savoir, tout en gardant ouvertes les énigmes qui trouent sa pratique quotidienne, et que ce texte enrobe « Chaque point de vue doit laisser une place à l’autre qui le décomplète », souligne un des auteurs. C’est vrai de la clinique, comme de la composition de cet ouvrage. À prendre les choses par le bout de l’acte, sur le terrain et dans l’écriture, ces six auteurs en quête de personnages impossibles (les fameux trois métiers épinglés par Freud) jouent sur la scène publique – celle où se trame toute forme de publication – le jeu d’une institution. De l’écriture du livre et de sa publication comme institution. Et cela produit chez le lecteur, à la fois de la curiosité, mais aussi le désir de s’y mettre. Oui il s’agit bien de donner à lire une pratique dont nul ne peut prétendre faire le tour, car toute pratique humaine, même si chaque artisan y développe des « tours de main » – et cet ouvrage en témoigne - , participe de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, pour embrayer sur une expression que soutient Lacan. Faire lieu d’acceuil à ceux qui et à ce qui ainsi dérangent – notamment l’ordre établi - participe d’une forme de résistance active. On ne saurait effacer, écrit Tocqueville « le mal de vivre et le trouble de penser ». Cela ne se peut que dans la mise en forme du « noyau secret recelé par les mots » comme l’exprime si bien Fernand Deligny. L’ouvrage par sa composition, par ses points d’arrimage dans le réel de la pratique, donne à lire non pas un témoignage, comme on le susurre trop souvent en direction des travailleurs sociaux, mais une mise en acte, une théâtralisation de la pratique, où la position analytique vient, en quelque sorte, subvertir le rouleau compresseur du discours de la science qui a peu à peu envahi le champ social avec ses cohortes de normes ISO, démarches qualité, référentiels de compétences etc… Enfin un ouvrage issu de la pratique où l’on respire ! La clinique du sujet, si l’on en cherchait une illustration vivante, trouve ici toute sa profondeur et son incise, dans une position qui, au-delà de la justesse clinique, ouvre sur une prise de position politique : ce qui se passe dans la cité regarde les psys ! Enfin…
Joseph Rouzel
|
|
|