Voilà qu’après le rapport de l’INSERM et le fichier EDVIGE, on nous annonce la possibilité dans le cadre de la réforme de l’ordonnance de 45, de durcir une nouvelle fois le droit pénal des mineurs en permettant l’incarcération de ces derniers à partir de l’âge de 12 ans. Ca suffit !
Pour ce faire, Madame Rachida DATI, Garde des Sceaux, n’hésite pas à s’appuyer sur des contre-vérités navrantes du genre :
la délinquance se durcit, les progressions les plus fortes sont constatées chez les moins de 13 ans ce qui constitue un phénomène inquiétant, la délinquance est de plus en plus jeune...
Dans un amalgame surprenant et en bon soldat du sécuritaire, elle nous décrit une situation apocalyptique où les mineurs (délinquants)
sont des violeurs, commettent des enlèvements, des trafics de drogue et brûlent des bus dans lesquels il y a des personnes.
Elle saisit là des faits isolés pour en faire des généralités.
Or d’après les sources du Ministère de l’Intérieur, la part des mineurs mis en cause, après avoir augmenté entre 1994 et 1998, n’a cessé de baisser depuis 10 ans passant de 22 % en 1998 à 18 % en 2007. La part des enfants de moins de 13 ans représente seulement 0,3 % de l’ensemble.
Bien évidemment, nous sommes là dans autre chose. La manipulation de l’opinion se poursuit sous toutes ses formes. Pendant que le pouvoir met l’accent sur la dangerosité supposée de certains de nos jeunes, il fait l’économie de l’essentiel, à savoir de quels jeunes s’agit-il, à quelle classe sociale appartiennent-ils ? Comme le titrait un hebdomadaire célèbre : salauds de pauvres ! La question est bien de savoir dans quelle société nous voulons vivre. Une société qui n’aime pas sa jeunesse est une société qui se meurt…
En tant que témoins privilégiés et professionnels, que pouvons-nous faire ? Nous avons déjà perdu bien des combats : celui des Centres éducatifs fermés (CEF) ou celui de la loi du 5 mars 2007 sur la Prévention de la délinquance pour ne citer que ceux-là. Allons-nous nous contenter de quelques communiqués de principe et de quelques settings devant le Ministère ? La réforme de l’ordonnance de 45 est un combat idéologique majeur. Je n’ai pas plus que d’autres, de solutions sur la façon de nous y prendre. Seulement la conviction de sortir de notre propre microcosme et de recherches des alliances. L’incarcération des enfants de 12 ans n’est qu’un élément du sécuritaire et concerne chaque citoyen. A nous professionnels d’en prendre conscience, d’interpeller nos différentes organisations et de créer les conditions d’un véritable débat démocratique et citoyen.
Ca suffit !
Jean-Michel Courtois