L’étude suivante se présente comme un effort de formalisation d’une pratique dans l’accompagnement d’étudiants à analyser leur pratique. Dans le centre de formation où cette étude s’enracine, le choix s’est porté de faire des groupes d’analyse de la pratique mixtes, par les professionnalités d’assistants de service social et d’éducateurs spécialisés, pour les deux premières années de formation, groupes dits transversaux, et de faire des groupes mono-filières pour la troisième année. De part ma filière de rattachement dans le centre de formation et l’expérience significative de stage d’étudiants de troisième année, l’étude portera sur des groupes d’analyse de la pratique composés d’étudiants éducateurs spécialisés en fin de parcours de formation. Les situations de travail rapportées dans cette étude sont issues de différents groupes, donc puisé sur différentes années. Nous retenons essentiellement le matériel de ces trois dernières années. Les situations exposées dans les groupes transversaux au cours des deux premières années de formation peuvent aussi donner matière à notre propos. Toutefois, les modalités de l’alternance et les perspectives de la formation dans ces groupes, autrement dit, le cadre posé, diffère de ce qui est défini pour la troisième année. Une étude de ce contexte peut trouver sa formalisation dans un autre projet.
La pertinence que ces groupes d’analyses de la pratique soient animés par des formateurs fait l’objet de débats récurrents dans le centre de formation, débats alimentés par la règle de l’externalité la plus communément admise dans les institutions sociales et médico-sociales. Le choix de la hiérarchie, soutenue par l’équipe de formateurs, a été de considérer les groupes de l’analyse de la pratique comme une activité pédagogique relevant du rôle du formateur et de ses compétences. Il ne s’agit pas dans ce travail de réflexion d’interroger le bien-fondé de ce choix, mais d’en mesurer l’impact sur le matériel mis au travail et les questions qu’il soulève quant au déroulement de ces groupes.
Dans le développement de notre réflexion sur les groupes que nous animons dans le centre de formation, il nous a semblé que le matériel clinique rapporté par les étudiants traitait, non pas du lien entre professionnels ou usagers et étudiants, mais du lien entre étudiants et formateurs. Les « éléments », ainsi déposés le sont à l’adresse de l’institution-école, comme en réponse à ce qu’elle a elle-même exhorté. Au fond, le matériel clinique serait un prétexte à parler de ce que l’institution-école met en scène, particulièrement dans ces liens avec les établissements et services accueillant les étudiants en stage et que ceux-ci sont inconsciemment amenés à vivre.
En effet, les énoncés remettant en cause le plus souvent les pratiques des professionnels nous amènent à interroger comment l’institution-école détermine une position clivée des étudiants, position qui délimite les territoires de chacun des partenaires entre pratique et théorie, faire et penser, agir et analyser, etc. Les termes Groupes d'Elaboration des Pratiques Educatives et Sociales (GEPES) pour désigner un travail de réflexion sur la pratique sans parler de Groupes d'Analyse de la Pratique (GAP) porte les stigmates d'une défense institutionnelle-école contre d'éventuelles attaques de l'extérieur (les établissements accueillant les stagiaires). Nous y reviendrons dans le développement.
Nous pensons que cette position conditionnée des étudiants l'est également par les professionnels des établissements d'accueil en stage. Cependant, c'est bien à partir du matériel déposé dans les groupes en centre de formation et comment ce matériel y est déposé que nous proposons de discuter ici. Ce travail d'élaboration sur les pratiques est un dispositif de la formation, une commande des formateurs à l'égard des étudiants, commande spécifique, cadrée par des attentes non moins spécifiques. Nous sommes, nous-même, engagé dans ce dispositif, dans la commande institutionnelle. Il nous semble dès lors que ce qui s'y traite tient lieu des modes de liaisons psychiques entre étudiants et formateurs.
Nous proposons, dans une première partie, d'appréhender les mécanismes originels qui ont déterminé et qui déterminent encore aujourd'hui une organisation de la formation sur le mode du clivage terrain/école, mécanismes qui font l'objet d'une tentative de symbolisation dans les groupes de réflexion sur la pratique. Pour comprendre le présent, faire retour sur la fondation nous a paru une étape nécessaire de notre réflexion. Il ne s'agit pas de faire de l'histoire institutionnelle, mais de saisir ce qui perdure dans les intentions pédagogiques qui aurait sa résonance dans l'idée fondatrice.
Nous ferons appel à des écrits (travail de recherche interne, comptes-rendus de travaux de groupes et documents pédagogiques) pour étayer ce début d'analyse.
Nous reviendrons dans une deuxième partie sur des questionnements des étudiants dans les groupes d'analyse de la pratique, particulièrement dans leur rapport aux équipes qui les accueillent en stage. Nous montrerons qu'ils constituent une tentative de démutisation du clivage et des pactes inconscients qu'il recèle.
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Le cadre: origine et dispositif d'analyse de la pratique
Il ne s’agit pas de retranscrire ici une recherche historique approfondie sur l’origine de l’analyse de la pratique dans l'école de formation qui ouvre ses portes en 1933 à des futures Assistantes Sociales. Ce n’est pas le but premier de cet écrit. Toutefois, quelques documents relatifs à cette histoire nous ont servi à reconsidérer les enjeux d'une démarche de réflexion sur la pratique instituée depuis de nombreuses années. L'exploitation que nous en faisons ici permet d'éclairer notre propos sur ce qui suscite chez les étudiants le choix du matériel clinique proposé à l'élaboration. Nous tenterons d'y percevoir les prémisses d'une mise en abîme d'un conflit récurrent portant sur l'alternance et le clivage entre professionnels, sur le terrain, et formateurs, en centre de formation et par analogie, entre théorie et pratique.
Nous prenons d'abord appui sur un mémoire de Maîtrise en Sciences Sociales Appliquées aux Travail, réalisé par Claire VAISE
, formatrice puis directrice de la filière « Assistants Sociaux », emplois occupés entre 1972 et 2003. Elle connaît bien le centre de formation puisque avant d’en être salariée, elle y a fait sa formation d’assistante sociale et y a réalisé par la suite quelques vacations. Son mémoire date de 1985.
Nous ferons également référence à des comptes rendus de travaux de groupe en centre de formation faisant l'objet d'une réflexion sur la pratique. Ces comptes rendus couvrent la période 1979/1985. La dénomination de ces groupes change dans le temps, selon l'année dans le cursus de formation et les objectifs visés (acquisition de connaissances, préparation aux épreuves du diplôme, notamment à partir de la réforme de la formation des assistants sociaux, en 1980, en particulier, lorsque ces groupes ont pour visée, la préparation à l'épreuve intitulée:
étude de situation
). Deux dénomination se succèdent: Groupe de Service Social (GSS) et Groupe d'Etude de Situation (GES).
La dénomination GEPES apparaît en 2002, lorsque l'école ouvre ses portes à la filière éducative (éducateurs spécialisés). Nous en verrons les effets sur le cadre de l'analyse de la pratique dans ce centre de formation.
- Origine du dispositif
Le travail de recherche qu'effectue Claire VAISE porte sur les dissensions terrain-école et sur l'opposition théorie-pratique qui en devient l'instrument. Son étude prend appui sur son expérience d'assistante sociale, de formatrice dans cette école où elle a fait sa formation, et de directrice de la filière des assistants sociaux, filière à l'origine de la création de l'école (le premier décret qui encadre la formation des assistants sociaux et la délivrance d'un diplôme date de 1932).
Son premier poste de formatrice, Claire VAISE l'occupe en 1972. A cette date, un certain nombre de dispositifs pédagogiques permettent de concilier ce qui semble déjà être à l'époque, et que nous retrouvons aujourd'hui, des éléments de tension dans la formation des travailleurs sociaux. Ces éléments de tension voilent le désir de maîtrise de la formation par les professionnels ou par les formateurs, désir qui les met en conflit. Ces dispositifs destinés à un rapprochement mettent, en fait, en exergue la conflictualisation. Tour à tour, formateurs de terrain et formateurs de l'école sont à l'initiative de la création d'un dispositif, en définissent le projet et en détiennent l'organisation.
Pour l'école, ce sont, par exemple des visites de stages ou des réunions dans les locaux de l'école auxquelles sont invités les « maîtres » de stage à qui, les formateurs présents proposent des thèmes sur l'évaluation du stage, la réforme des études, l'accompagnement du stagiaire. De nos jours, ces dispositifs-école, fortement influencés par le législateur, visent à reconnaître officiellement aux institutions accueillantes leur rôle formateur. L'appellation de site qualifiant pour désigner le terrain de stage est signifiant à ce titre.
Pour les terrains, ce sont, par exemple, des commissions locales de stage visant à
rompre l'isolement pédagogique
, en se réunissant pour se répartir l'accueil des stagiaires, moyen d'avoir la mainmise sur l'organisation des stages. Cette concertation à l'initiative des professionnels montre le persistant intérêt des lieux de la pratique pour la formation dans l'organisation de l'alternance, et surtout, affiche la volonté d'être autre chose que les faire-valoir d'une expérience dont l'analyse se fait ailleurs et leur échappe totalement. Tout récemment, la gratification des stages donnent aux « sites qualifiant », par l'intermédiaire, à nouveau, du législateur, un pouvoir et un discours politique sur les stages et un droit d'accepter ou de refuser de prendre un stagiaire sous l'argument prétexte de l’infaillible contrainte budgétaire.
Le terme de « terrain » peut lui-même suffire à alimenter le conflit dans ce qu'il connote du clivage. Certains professionnels emploient souvent les métaphores des activités extérieures des lieux représentatifs du savoir pour dire qu'ils ont
les mains dans le cambouis, qu'ils ont la tête dans le guidon,
au point d'avoir du mal à la relever, autrement dit de ne pas avoir de temps pour penser. Penser est plutôt valorisant, renvoyé à l'activité intellectuelle de l'école et à la représentation que par cette activité de penser, le formateur se rapproche des catégories socio-professionnels élevées, telles que celles d'enseignant et médecin, élites dans l'imaginaire des classes populaires dont est issue la majorité de ceux qui s'orientent dans le travail social. Ce que la société produit en lutte de classe, le clivage lieux de stage/école le reproduit à son échelle. Chacun, à son niveau, participe à l’effort collectif sans jamais rencontrer l’autre. Un grand nombre de publications reprend cette hypothèse. Il y aurait, comme une célèbre émission de télévision de années 70 le véhiculait, « la tête et les jambes », celui qui sait et celui qui agit pour donner naissance au fond à une entité imaginaire: un couple gagnant.
Cette idée de couplage, nous l'empruntons à P. FUSTIER, lorsqu'il propose l'hypothèse de
base couplage
, sur les fondements théoriques de BION traitant de l'organisation inconsciente des groupes. Cette base couplage s'architecture sur la fonction de l'éducateur, plutôt dans le
Faire
avec l'enfant, et celle du « psychiste », entendu, bien sûr, comme étant le psychologue de l'institution, plutôt dans le
Sens.
Cette base couplage du faire et du sens donnerait naissance à un couple gagnant,
unissant
leurs compétences dans une tâche fondatrice, « manifestant que la graine du Sens a pu être déposée dans le terrain du Faire »
. En transposant cette base couplage au champ de la formation, nous avons la théorie, apanage des centres de formation et la pratique, domaine des professionnels, œuvrant conjointement, dans le même
espoir messianique
que naisse un enfant-professionnel capable de prendre en charge toute forme d’anormalité autant que de soutenir une position conceptuellement confortée.
Au fond, le conflit témoigne d'une quête de reconnaissance réciproque des rôles de chacun dans la tâche de former, tâche perçue comme noble s'il en est, qui n'est pas sans produire quelques fantasmes dans le lien que la tâche génère entre professionnels ou formateur et étudiants. Faire partie de l'école ou ne pas en faire partie, être en lien avec la réalité du travail en tant que professionnel, au chevet du malade, ou être extérieur au problème posé par l'usager et donc suffisamment distancié pour soutenir une pensée sur les actes professionnels sont des arguments de la querelle. Nous pouvons difficilement imaginer qu'elle ne produit pas d'échos dans le processus de formation des étudiants, dans leur perception consciente ou inconsciente d'un tel conflit et dans ce qu'ils tentent d'en traiter dans les différentes activités pédagogiques et particulièrement dans les groupes de réflexion sur la pratique qu'ils situent au cœur de leur formation.
Ce qu'ils y traitent, au-delà de ce que les usagers leur font vivre, est le clivage originel que l’alternance, telle qu’elle est pensée et mise en œuvre, insinue entre générations de formateurs (à l'école ou sur le lieux de stage) et de formés. C'est un premier point d'analyse qui transcende les catégories de filières professionnelles du champ social.
Mais que le conflit entre lieu de stage et école fasse l'objet d'un travail de recherche invite à imaginer que le problème de clivage qu'il pose à est plus subtil que la tentative de transfigurer les avatars d'une querelle intestine. Aller au-delà de l'histoire permet d'appréhender le malaise exprimé par les étudiants dans les groupes de réflexion sur la pratique lorsqu'ils évoquent des situations où ils pensent que leur statut de stagiaire les a empêchés d'intervenir en tant que professionnels. Plus encore, lorsqu'il les a conduit à se rapprocher des usagers, dans un sentiment d'être infantilisés et dans la perception finale de n'être ni professionnels, ni sujets responsables. Rappelons parfois les formules qui alimentent les évaluations de stage faisant ou pas de l'étudiant un « adulte » référent auprès de l'usager, comme si ce qui était évalué de la professionnalité pouvait remettre en cause le statut d'adulte de l'étudiant. Enfin, lorsque leur témoignage clinique traite de vécu aux limites de l'absurde où il semblerait qu'à tout prendre, il vaudrait mieux se passer d'intervenir auprès de l'usager que de se fourvoyer comme persécuteur à l'imaginaire plus sadique que l'environnement naturel.
Certes, P. FUSTIER suggère que ces énoncés marquent la soumission et l'allégeance aux consignes de l'exercice et que pour plaire, il faille investir le spectaculaire
. Moyen de répondre aux attentes des formateurs plus soucieux de la manière dont la situation est présentée que la situation elle-même. Mais l'accueil des autres filières du travail social dans l'école suggère de déplacer l'allégeance aux attendus du groupe vers ce qui préside à la fondation de la profession d'assistante sociale. Dans la fondation, P. FUSTIER dit qu'il s'y loge « le désir archaïque d'un retour à une situation de l'ordre du narcissisme des origines »
. Il prend le modèle du narcissisme primaire proposé par FREUD, moment où le nourrisson, ne faisant pas la différence entre sa mère et lui-même, développe un sentiment de toute-puissance qui conditionne l'existence même de l'objet au désir du nourrisson, non à la réalité propre de l'objet. De fait, il n'y a pas d'extériorité. Lorsque la réalité s'impose à l'enfant, le narcissisme produit de la souffrance que le Moi tentera de contenir, allant contre ce narcissisme. Plus en avant, P. FUSTIER fait le rapprochement entre ce sentiment de toute-puissance et le sentiment océanique proposé par Romain ROLLAND, dans sa relation épistolaire avec FREUD
. Le sentiment océanique, qu'il situe par delà toute référence à un quelconque dogme religieux, fait naître la sensation d'un désir illimité, toujours insatisfait, qui pousse la perception de l'existence aux confins de l'éternité. Le rapprochement entre éternité et narcissisme a valeur de sacralisation pour ce moment de l'existence du nourrisson dont la quête humaine d'un retour au paradis perdu n'en sera que la mutation.
Ce rapport au sacré, s'immisce dans la structuration de la profession d'assistante sociale comme dans celle d'éducateur spécialisée, dont P. DOSDA, entre autres, retrouve les traces dans le langage des étudiants en formation
. Mais pour poursuivre notre réflexion sur ce que l'institution met en scène dans les groupes de réflexion sur la pratique, nous proposons de poursuivre à partir de l'hypothèse développée par P. FUSTIER selon laquelle « la fondation et son récit relèvent d'une tentative nostalgique pour retrouver le narcissisme des origines perdues ». Ce narcissisme des origines, transposé à l'institution-école qui ne forme à ses premières heures uniquement des assistantes sociales, se caractérise par l'illusion originelle, inscrite dans l'organisation de la profession, que l'aide apportée aux plus nécessiteux, dans sa vocation à s'occuper des âmes et à panser les plaies, répond, au plus juste, aux besoins des populations assistées. Au fond, les désirs exprimés par les publics en difficulté sociale trouvent leur satisfaction dans la réponse donnée par les travailleurs sociaux. Il s'agit même de percevoir que la réponse serait originaire au désir exprimé. Dès lors que la réponse vise le bien, et par une moindre mesure, le mieux être, il ne peut y avoir de décalage entre désirs exprimés, demandes, et offres d'aide, réponses. Ainsi, la formation s'affirme dans la promotion de qualités nécessaires telles que L. GENIN les identifie dans son « précis de morale professionnelle » et qu'elle décline de la manière suivante: « obéissance, respect de la discipline, franchise, désintéressement, persévérance, prudence, discrétion, simplicité, humilité de cœur, esprit d'observation »
. Si ces qualités font abstraction de l'impact de la relation au « client », elles exigent du professionnel une totale abnégation, qualités qui ont été pendant longtemps, précise Claire VAISE,
la profession de foi
des assistantes sociales.
Le rôle de l'assistante sociale est également défini: « il ne s'agit pas seulement de permettre aux individus et aux familles d'atteindre un standard de vie adéquat du seul point de vue matériel, il y a tout un niveau de vie moral, social, culturel, religieux qui doit être pris en considération »
. L'idée majeure est de former un professionnel capable de répondre à un tout des besoins du client dans une sorte d'abandon de soi à un ordre mythique.
Nous retrouvons la base couplage du
sabre et du goupillon
, le sabre ayant été troqué par la propriété de l'ordre bourgeois. Le travailleur social naissant est l'enfant-professionnel de ces deux classes associant les pouvoirs de l'argent à la morale de la bienfaisance. Le corps intermédiaire des assistantes sociales naît dans un compromis qui subjugue les désirs plénipotentiaires de la bourgeoisie et de l'Eglise.
Le principe de l'altérité, d'une différenciation est aboli au profit d'une illusion groupale, d'un tous pareils vers quoi doit tendre la société civile et ceux qui en constituent les agents d'une force transcendante au service du même.
Il ne s'agit pas, ici, de nous livrer à des attaques sur la fonction des assistants sociaux et les préceptes qui ont consolidé leur démarche professionnelle. Ce qui nous intéresse est le rapport à l'origine, « le dernier trait qui caractérise le mode d'être de l'homme et la réflexion qui s'adresse à lui », écrit Michel FOUCAULT
. Dans ce dernier trait, s'incarne le récit de nos expériences contemporaines si tant est que l'origine n'est pas inscrite dans un temps reculé, dans un passé révolu, mais bien « à rechercher dans ce pli où l'homme travaille en toute naïveté un monde ouvragé depuis des millénaires, vit dans la fraîcheur de son existence unique, récente et précaire, une vie qui s'enfonce jusqu'aux premières formations organiques, compose en phrases encore jamais dites (même si des générations les ont répétées) des mots plus vieux que toute mémoire »
.
Il nous paraît ainsi plus judicieux de reconsidérer la vision idéologique des années trente, d'un nouveau partage du monde en deux conceptions antagoniques sur le rapport de l'homme à la production marchande pour reconsidérer que ce à quoi il est urgent de remédier est au penchant naturel de l'homme de désirer. La mission échoit à ces nouveaux corps intermédiaires s’inspirant autant de la médecine hygiéniste que de la morale préventive. Ils ont la charge de remodeler l’espace social en autant d’unités de vie juxtaposées et contrôlées jusque dans ces mouvements les plus intimes
. C'est notamment sur fond de morale sexuelle que se profilent les discours sur une organisation scientifique, méthodique de l'espace privé et sur une éducation bien-pensante, c'est à dire qui prédigère pour le sujet une éthique de la vie moderne, ou, plus directement, qui interdit de penser
.
La démarche se veut prophylactique et exige des membres de la société parmi les plus nécessiteux une conformation à un ordre établi qui ne supporte pas le différent, et par association de principes, le conflit.
Nous avons vu, selon l'hypothèse d'une
base couplage,
proposée par P. FUSTIER, que la création en corps intermédiaire et la formation des assistantes sociales pouvait se structurer autour d'un couple, dont l'alliance des deux constituants s'insinuait sur fond d'utopie, mais pas sans idéologie, d'une société sans conflit.
Une conséquence majeure à ce socle fondateur dans la réalité institutionnelle que nous abordons et que nous avons évoqué avec le travail de recherche de Claire VAISE sur les tensions à l'œuvre entre professionnels et formateurs se dessine dans un interdit pour les uns à questionner la pratique des autres. Il dimensionne leur rapport sur un repli défensif qui « hermétise » les espaces de formation et définit l'alternance dans un rejet de l'extériorité. Comme l'écrit P. FUSTIER, « le différent qui ne se dissout pas dans le désir fondateur ou militant n'a pas de place dans l'établissement »
.
Lorsque la filière des éducateurs spécialisés, par une fondation différente et donc une base couplage autre, profane les principes fondateurs de l'institution qui l'accueille, la réalisation du couplage nécessite la création d'une utopie, d'un mythe, tel celui contenu dans le terme de transversalité qui reste à définir, pour contenir un désir encore empreint de territorialité et de conquête: «chaque profession a tendance, compte tenu de son histoire, de sa place dans la hiérachie des professions sociales, à développer une résistance au changement qui masque la peur de se voir absorbé par certaines professions plus
fortes
(souligné par l'auteur) et de perdre leur spécificité »
. L'école garde la trace mnésique d'une tentative ancienne d'accueillir en son sein la filière éducative. En effet, elle forme, un temps, des moniteurs éducateurs avec la particularité suivante: l'espace de formation des moniteurs éducateurs se trouve isolé géographiquement de l'espace de formation des autres filières (assistants sociaux et filières du secteur santé). Cette filière ne sera jamais vraiment intégrée dans un univers de formation issu d'une idéologie telle que nous l'avons définie plus haut. Si rapport de force il y a, il se fait au détriment de la filière éducative.
Nous nous retrouvons dans le cas de figure proposé par J.-P. PINEL.
, lorsqu’il aborde « l’intensification des conflits interprofessionnels [qui] s’alimenteraient du désir narcissique de chaque praticien de conserver, voire d’accroître son territoire symbolique »
. Il propose une analyse du rapport entre instituteurs et éducateurs spécialisés qui se serait fondé sur des modèles d’éducation en rupture, les premiers participant à une entreprise de normalisation, les seconds intervenant sur les ratages de cette entreprise. Une homologie des liens interprofessionnels entre assistants de service social et éducateurs spécialisés soutiendrait l’hypothèse que les assistants sociaux participeraient aussi d'une forme de normalisation des rapports entre les individus face à des éducateurs spécialisés missionnés pour en mesurer et en juguler les faillites.
La confrontation entre les deux professions a lieu sur fond d’une perte de repères identitaires à la source de « l’effondrement des fondements imaginaires ». Le repli sur l'origine a valeur de contenance psychique d'une perte de satisfaction, d'un deuil de toute-puissance dans la pratique. Originairement, les modes de production culturelle des deux professions ne peuvent, contre toute attente du législateur, se rejoindre, ne serait-ce que sur des référentiels de compétences et de formation illusoirement réformés à dessein.
Dans le centre de formation, toute tentative de promouvoir la transversalité comme « manière de travailler ensemble », dit la charte institutionnelle, est voué à l'échec dès lors qu'elle fait l'impasse sur la figure du clivage et ce, quels que soient les objets clivés. Ainsi, se scelle, sur le négatif, un pacte qui unit les formateurs de l'école à qui l'on désigne les étudiants comme des objets d'investissement commun dans une nécessaire attaque des professionnels de terrain accueillant ces mêmes étudiants. Dans ce contexte, l'opposition radicale entre les deux professions aux méthodes, aux discours et aux références différentes se pare de l'emblème fondateur que constitue l'opposition entre deux conceptions de la formation, l’une par la pratique, l’autre par le savoir (théorique) que l’école stigmatise et que le travail d’élaboration sur la pratique cristallise. Le repli ne porterait pas sur l’identité professionnelle de l’une ou l’autre filière mais sur celle plus originelle de formateur ou de professionnel. Leur tâche primaire commune dans leur lien à l’étudiant, qui consiste à former, s’érigerait sur des contre modèles avec lesquels viendraient faire résonances les assertions suivantes : « à l’école, nous préparons les étudiants à passer un diplôme », « sur le terrain, nous préparons les étudiants à un métier ».
Les traits caractéristiques de mise en tension de ces oppositions théorie/pratique, diplôme/métier, formateur/professionnel, et plus anecdotiquement, éducateurs spécialisés/ assistants sociaux, sont immobilisés au profit d’un clivage de nature préoedipienne. La charte institutionnelle insiste sur ce point en précisant que « pour exister comme sujet humain, il convient de décliner
droits et devoirs
(soulignés dans le texte). Ces droits et devoirs ne viennent pas d'impératifs externes comme une référence absolue; ils sont la suite normale et la condition nécessaire de la réussite de la maturation personnelle et de l'apprentissage de la vie sociale ». L'école s'impose comme l'espace de création du sujet, non comme le lieu d'appropriation de savoirs et de savoir-faire. La formation qui y est dispensée devient un espace d'appropriation du mythe fondateur d'une société sans conflit, donc sans altérité. Plus en avant, la charte précise que le passage à l'école « peut être pour les étudiants un moment privilégié pour dresser un bilan de leur premier parcours d'existence et esquisser les grandes lignes de ce qu'ils veulent être à la lumière de ce qu'ils peuvent espérer ». Sous couvert d'un mécanisme d'introspection en apparence (un bilan de ses expériences propres), elle reconvertit les élaborations symboliques personnelles par les prismes de l'activité pédagogique (la lumière) en un ordre du monde savamment agencé, immuable, dont on ne peut espérer que ce à quoi il prétend répondre idéologiquement.
Cette lecture de l'histoire, par le simulacre de la fondation, ne reflète pas la réalité telle que ceux qui la vivent pourraient l'interpréter. Elle prétend offrir un point de vue de ce qu'elle fait vivre à ceux qui en portent, aujourd'hui, les stigmates par leur récit inaugural d'une position éducative à soutenir lorsqu'ils sont amenés à disqualifier l'expérience qu'ils viennent de faire. Une analyse de comptes rendus de travaux de groupes nous permet de revisiter le matériel clinique mis à la réflexion et la démarche pédagogique qui s'y déploie. Bien que datés, ils n'ont pas valeur historique dans notre propos. Mis en perspective des groupes contemporains de réflexion sur la pratique (GEPES) auxquels nous prenons part en tant qu'animateur, ils nous permettent de nous situer dans une problématique institutionnelle que les énoncés des étudiants nous semblent dévoiler.
Originalité du dispositif
Ces comptes rendus concernent les Groupes de Service Social (GSS) qui se présentent comme des temps d'échange sur la pratique. Ils sont constitués pour trois ans (le temps de la formation) autour d'une dizaine de séances par an. Que trouve-t-on dans ces comptes rendus?
Les comptes-rendus des GSS déterminent les cadres de cette activité pédagogique et la fonction de l'animateur du groupe qui est essentiellement un formateur. Ils nous servent d'appuis illustrateurs à notre propos quant au rejet de toute conflictualité entre terrain et école. Aucune analyse des enjeux politiques, institutionnels et a fortiori transférentiels n'y apparaît. La méthode de travail proposée n'envisage pas de confrontations de points de vue et, par voie de conséquence, ne permet pas un remaniement de l'expérience vécue en stage.
Les énoncés cliniques servent à thématiser les séances et à déterminer le contenu théorique parfois programmé à la fin de la séance précédente. Sous cet angle, la méthode éradique la conflictualisation entre les terrains de stage et l'école. Les professionnels comme les formateurs parlent le même langage. Comme il est dit parfois entre les membres d'une équipe: nous nous comprenons sans nous parler. Pour les étudiants dans ces groupes, il s'agit de perpétuer le mode d'être au travail dans une sorte d'illusion groupale qui affirme l'indifférenciation des membres dans un récit des origines. Ainsi, rattachés par le processus pédagogique au même centre de formation, professionnels, formateurs
et étudiants constituent une communauté fraternelle. Au-delà, la conflictualité qui pourrait naître des échanges dans le groupe n'a pas de place:
s’il existe des problèmes de personnes, il faut les identifier le plus rapidement possible et les traiter, éventuellement, cela peut amener à des changements de groupe.
Le conflit est perçu de façon néfaste et invite à modifier la composition du groupe plutôt que de l'appréhender comme la manifestation du désir. La méthode comme ciment génère l'unité du groupe. Une situation reprise dans un compte-rendu nous semble illustrer cette approche:
Une assistante sociale a connaissance de certains éléments concernant la famille par la venue de la mère à une permanence: père alcoolique, violent avec ses enfants (une dizaine)et possède une arme. Connaissant certains éléments, mais n'ayant aucune demande de la part de la mère, à l'égard des enfants, doit-on intervenir?
Dans le cas présenté, l'A.S. s'est refusée de placer les enfants; elle a cependant agi au niveau du père par le retrait de l'arme, persuadée que le placement des enfants aurait des conséquences néfastes(fugues des enfants, père d'autant plus violent).
Autour de cette situation, le groupe a tenté de dégager les aspects juridiques sous-jacents: protection sociale et judiciaire de l'enfance en danger, législation du secret professionnel, devoir des parents envers les enfants.
Nous en concluons que la société, les lois, commandent d'intervenir même s'il n'y a pas une demande réelle de la famille.
Ici, il n'est pas discuté des choix de travail de l'assistante sociale mais de son obligation d'intervenir que ne peuvent contester les membres du groupe à l'énoncé d'une souffrance d'enfants, quelles que soient les mesures envisagées pour les protéger. Les apports théoriques justifient l'intervention sans aborder la violence fondamentale qui inonde l'énoncé. Il faut protéger les enfants contre l'institution violente dans ce qu'elle pourrait envisager en terme de placement, c'est à dire dans sa tentation de séparer enfants et parents. Quoi qu'il se passe dans la famille (espace institué s'il en est), elle est préférable à toute institution sociale et médico-sociale considérée comme violente dès lors qu'elle aurait à soutenir institutionnellement, c'est à dire au nom d'un collectif sociétal, des espaces de différenciation entre les membres d'une même famille, quand bien même ce projet de vie en société imposerait l'éloignement provisoire des dits membres. C'est l'institution, dans son exigence de différenciation entre les êtres qui est mise en cause, exigence portée par l'étudiante elle-même. Mais exigence qui s'oppose à une pratique de terrain qui ne peut se discuter en centre de formation au risque d'une conflictualisation terrain école à laquelle il faut échapper aux détriment d'un travail sur les éprouvés professionnels de l'étudiante, comme de l'assistante sociale qui l'accueille en stage soumise à ses dépens aux règles déontologiques fondatrices énoncées plus haut.
Ce qui nous semble être mis au travail ici est une demande de protection de l'étudiante à l'égard de l'école contre les attaques des terrains dans ce qu'ils mettent en scène. Dans la famille, il est préféré l'archaïsme parental au traumatisme de la séparation. Dans le centre de formation, il peut être demandé au groupe et au formateur de garantir une protection par une hypertrophie des procédures contre les violences de la confrontation au monde, dans ce contexte, au monde professionnel.
Le compte rendu est un outil dont se dote le groupe pour faire lien et continuité dans le temps. Il est le relais d'une séance à l'autre par une programmation des thèmes. Il est, comme noté dans l'un d'entre eux, le
moyen systématique de clarification, d'objectivation et de critique interne.
C'est un groupe tourné sur lui-même qui s'auto-alimente de la théorie.
Les données sont objectives, c'est-à-dire détachées de toute émotion ou affectivité de la part du stagiaire. La visée même du groupe est l'objectivité. Dans un compte-rendu:
une définition de l'objectivité est donné: l'objet ne doit pas être pris dans son intégralité, mais il doit être reconstruit, « disséqué ». Il est question de passage des données empiriques, par un travail intellectuel, à des connaissances scientifiques(objectivation).
Dans ce groupe, les faits et autres événements survenus dans le stage sont imputés à l’histoire et au contexte social de l’usager. L’impact du lien à l’usager sur les ressentis du travailleur social est absent du débat. S'il y fait une incursion, c'est par les thèmes choisis. Mais les objectifs du travail de groupe sont de sortir des séances avec des repères collectifs. Il ne s’agit donc pas de traiter des enjeux de la relation à l’autre, l’usager, mais de produire des règles déontologiques, voire techniques pour une pratique inscrite dans
le contrôle social
à l’égard des usagers, et dans
le
rapport à la hiérarchie
à l’égard des professionnels. Les termes de technicien pour parler du professionnel et de client, pour parler de l’usager, reviennent assez souvent.
Le principe de la démarche pédagogique repose sur le case-work importé d'Amérique du Nord dans les années 1920. La méthode consiste en un recueil de données sur: la composition familiale, le sexe, l'âge, la profession des parents, le nombre d'enfants, le salaire, les allocations, mais aussi d'apprécier les conditions de logement et le budget familial.
Ce travail d'enquête veut mettre en lumière les causes du dysfonctionnement familial en privatisant sur la famille la responsabilité, voire la culpabilité, d'un dérèglement dont l'appréciation relève d'un rapport à une norme fixée idéologiquement. Cette méthode va s'enrichir progressivement des techniques d'entretien comme garant pour les travailleurs sociaux d'échapper à l'arbitraire. Les méthodes du case-work font véritablement leur entrée en force dans la formation des assistants sociaux dans les années 1950, essentiellement dans un rejet de l'approche psychanalytique par l'Eglise qui a largement inspiré les politiques interventionnistes en matière de lutte contre la pauvreté. Il s'agissait surtout de promouvoir un nouvel ordre social chrétien fondé sur l'assistance aux pauvres par les plus riches, intentions louables qui a autant séduit qu'attiré des personnes désireuses de faire le bien autour d'elles.
Le GSS s'inscrit donc dans une démarche empirique avec la particularité d'une co-construction de la méthode par l'ensemble des participants au groupe, chacun mettant en partage les connaissances qu'il mobilise pour se constituer un cadre d'intervention. Cette formation dans le groupe et par le groupe tient lieu dans le GSS de la fin des années 1970 d'une démarche commune à l'ensemble des centres de formation en travail social initiée au début de la décennie:
il n’est pas de faire de la dynamique de groupe, mais il est un apprentissage du service social par le biais du groupe.
Le rôle de l'animateur est présenté dans sa double compétence d'enseignant et d'évaluateur. La première tente de rappeler que la réflexion sur la pratique a vocation de former, et particulièrement de former par l'expérience. Mais la deuxième rappelle que c'est le centre de formation qui est garant de ce que l'expérience a produit chez le stagiaire, en terme d'apprentissage. L'évaluation du terrain peut être modifiée par le centre de formation dès lors que l'étudiant montre dans le groupe son adhésion à ce qui lui est proposé. Il y est question de
mesurer la progression de chacun.
C’est un rôle qu’il
[l'animateur-formateur]
ne nie pas, et qui consiste en une évaluation globale de professionnalité à travers la participation de chacun et non par un devoir.
C'est aussi un outil de
relativisation que peut faire l'école en cas de mauvaise appréciation de stage non motivée.
L'extériorité de l'animateur à l'institution n'est jamais posée comme une question ouverte. Les comptes-rendus de GSS ne font pas état d'un projet qui irait dans ce sens. Toutefois, sur une courte période, un fonctionnement en co-animation est institué, avec un professionnel. Aucun élément ne permet de penser qu'il s'agit d'une volonté de trianguler les rapports étudiants-formateur au regard de l'évaluation. Cette organisation en co-animation prend les caractéristiques d'une position redoublée de l'animation, le professionnel apportant une caution pratique au GSS.
La question de la participation et de l'implication dans le groupe est abordée sur le registre de l'engagement. Cependant, la notion d'engagement tel que soumis au groupe ne porte pas sur la participation au débat, avec comme corollaire la manifestation d'une position singulière. Si la participation est encouragée, elle porte davantage sur la matérialité des comptes-rendus:
u
n engagement important de chacun : participation aux comptes rendus à tour de rôle.
En résumé, le mise au travail de l'expérience en stage par le groupe nous semble conforter l'hypothèse d'une base couplage « formateur-professionnel » soutenant que la qualité professionnelle ne s'apprécie pas sur des divergences de vues entre formateur et professionnel, sur un conflit qui trouverait sa source dans le désir d'objet en la personne de l'étudiant-enfant, mais sur leur complémentarité de fonction. La participation du professionnel au groupe comme co-animateur renforce cette vision.
Nous percevons à travers ces comptes rendus un choix de travail en groupe qui porte sur l'apprentissage du positionnement professionnel non pas par l'expérience mis à l'épreuve de l'analyse, mais par l'acquisition d'une méthode propre à classifier une problématique et à en dégager les solutions opératoires. Dans cette perspective, la formation qui est fondée sur l'alternance semble se définir davantage par l'amalgame: ce qui se dit à l'école se vérifie sur le terrain et ce qui se vit sur le terrain trouve sa légitimité dans les apports théoriques proposés par l'école. Nous formulons cependant l'hypothèse que de soutenir une position amalgamée, plus que de la contester, renforce les défenses de l'école contre les dangers d'une extériorité qui pourrait remettre en cause une légitimité acquise théoriquement, mais non pratiquement. La mise en danger repose sur le fantasme d'une critique faite au centre de formation par les professionnels lorsque l'étudiant revient sur le lieu de stage avec une réflexion sur la pratique menée en groupe à l'école.
Dans le GSS, il y a, au fond, alliance inconsciente entre terrain et école aux dépens d'un étudiant pris dans un impensé et un impensable de la pratique qui le conduit à surdévelopper, dit P. FUSTIER, « des mécanismes d'identification projectives aux dépens de l'appareil à penser »
. La situation plus haut montre une étudiante en situation elle même de clivage entre l'acceptation de la position professionnelle qui lui est suggérée (ne pas placer les enfants et retirer l'arme) et son sentiment d'avoir affaire à des enfants en danger qu'il faut placer. Toute tentative d'élaboration est vouée à l'échec dès lors que cette mise en tension d'éléments contradictoires anxiogènes est frappée de déni et que le groupe lui-même ne peut se constituer en appareillage de substitution.
A partir de l'introduction de la filière éducative dans le centre de formation, le cadre du groupe change quelque peu et permet que viennent s'y déposer des éléments cliniques contextualisant le clivage terrain/école.
3. Le cadre d'analyse de la pratique actuel.
Dès l'année d'ouverture d'une filière d'éducateurs spécialisé dans l'école et de la mise en place de groupe d'analyse de la pratique, la dénomination change. Elle devient: Groupe d'Elaboration des Pratiques Educatives et Sociales (GEPES). Ces groupes remplacent les GSS de par le fait que, pour les deux premières années, ils sont communs aux assistants de service social et aux éducateurs spécialisés. Les termes « éducatives et sociales » renvoient respectivement aux éducateurs spécialisés et aux assistants de service social. Bien que le groupe de troisième année soit composé d’étudiants d’une seule filière, la dénomination GEPES demeure. Elle devient un repère de ce qui est mis au travail dans ce temps de formation.
Il nous faut préciser que pour le premier « E » de GEPES, le terme d’élaboration a une double importance :
- celle de remettre en cause la conception d’une analyse qui redoublerait l’analyse déjà produite sur le lieu même du stage et qui pourrait venir en concurrence de celle proposée en centre de formation. L’analyse de la pratique dans les institutions est aussi un élément de réflexion sur le positionnement professionnel. Il n’en est pas un élément à part du stage, hors terrain, espace de formation parallèle au centre de formation, mais bien un dispositif du lieu de stage propre à soutenir une démarche professionnelle contextualisée et ainsi soumis comme les autres dispositifs du terrain à une réflexion sur la pratique en centre de formation.
- celle de configurer le GEPES dans un début de professionnalisation où l’activité de penser, à laquelle nous essaierons de revenir, nécessite de s’immiscer dans une dimension culturelle professionnelle qui, par opposition à la dimension personnelle de l'étudiant, tente de délimiter les enjeux de la relation à l'usager-client.
Le GEPES se présente dès lors comme une démarche d'après-coup d'un retour sur expérience pour penser un positionnement professionnel détaché d'un contexte institutionnel singulier: «
il s’agit de repérer et d’analyser la complexité des enjeux de la relation éducative. Il s’agit donc surtout de réfléchir à la pratique professionnelle, pratique qui se pense et se construit en lien avec une situation professionnelle particulière et repérée comme telle
.
La situation choisie est relative à un événement particulier vécu en stage, situation qui implique l’étudiant ».
Les groupes sont composés par le responsable de l'activité pédagogique au sein de l'école. Tous les formateurs de la filière animent des groupes. Le groupe est composé de sept à huit étudiants.
Tous les étudiants ont une expérience de stage de même durée dans des lieux couvrant le champ de l'éducation spécialisée. Chacun devra présenter une situation qu'il soumettra au groupe. Pour huit étudiants, le groupe se réunit quatre séances. La prise de parole pour exposer et le démarrage de la séance se fait dans un ordre préétabli par les étudiants eux-mêmes. Ils sont présents à toutes les séances, l'activité pédagogique est obligatoire.
Quelques remarques s'imposent avant de poursuivre le travail de réflexion sur le contenu des groupes:
- l'activité pédagogique vise déjà, d'une certaine manière, à soustraire l'étudiant du terrain pour lui signifier que les attendus portent sur ce qu'il pense être sa fonction, transposable à n'importe quel public dans n'importe quelle institution. Le terrain n'est que prétexte à s'éprouver comme professionnel.
- Recontextualiser notre intervention dans un rapport à l'origine nous donne aussi à revisiter ce qui nous agit dans les groupes d'analyse de la pratique lorsque s'y pose la question de la théorisation, manière de construire un récit commun, légitimant pour chaque étudiant que ce qu'il met en œuvre au travail lui est suggéré pour une grande part par le contexte institutionnel dans lequel il pratique. Ce récit commun n'annihile pas la part de désir.
- Le nombre de séances nous amène à interroger la place faite dans le centre de formation à l'analyse de la pratique. Bien que considérée comme essentielle dans leur formation, cette activité pédagogique ne représente en volume que quelques heures de réflexion sur la pratique. Quatre séances dans l'année, avec des groupes recomposés chaque année n'autorise pas de liaisons groupales sur une réflexion menée à partir de l'expérience de stage. Ainsi, il n'y a pas d'enveloppe psychique groupale qui permettent de délimiter un intérieur et un extérieur du groupe au sein duquel l'activité de penser peut se développer. Nous interrogeons là la réticence de l'institution école à voir des groupes se constituer autour de l'analyse de la pratique, avec comme corolaire, la menace de dévoilement des pactes dénégatifs.
A partir du cadre et malgré les remarques que nous faisons, nous pensons que le passage du GSS au GEPES a modifié le contenu du groupe dès lors où parler de ses émotions était possible. Nous disons
possible
et non pas
imposé,
bien que la consigne les y invite parce qu'il nous semble que les attendus des étudiants dans ces groupes, même si certains s'en défendent, relève d'un travail sur les effets transférentiels à l'œuvre dans la pratique, mais aussi dans le travail du groupe. La situation d'enfants en danger, que nous avons reprise plus haut concernant l'intervention d'une assistante sociale, résonne pour l'étudiante comme pour les autres membres du groupe dans le GSS sur le registre de l'émotion dont on a vu le déni qui l'entoure.
Certes, imposer le registre des émotions confine à l'injonction paradoxale: soyez émus en stage. Mais nous trouvons là un compromis qui ouvre une brèche dans une approche sur la clinique réduite à opter pour des solutions correspondant à une nosographie des problèmes. Il nous apparaît également pertinent de considérer que c'est le groupe, de par la consigne, qui postule que l'un d'entre eux, le narrateur, vienne sur le registre des émotions. Au fond, ce qui résonne est ce que vit le groupe dans la formation, partageable entre étudiants et entre étudiants et formateur. Il nous semble que ce qui est pris en compte dans le GEPES est originairement inscrit dans la formation des éducateurs. Cependant, il nous semble que se former dans cette école pour des éducateurs, dont une première expérience s'est soldée par un abandon, nécessite pour l'étudiant de mettre sous silence ses processus de pensées pour consolider les liens originels tel que les fantasmes liés à la sélection et les modalités d'accompagnement durant les trois ans de formation les instituent.
Conclusion de cette première partie
Dans cette première partie nous avons rappelé que l'analyse de la pratique dans le centre de formation où nous intervenons, comme dans d'autres lieux semblables de formation en travail social, trouve sa raison d'être dans l'alternance entre temps d'école et temps de stage. Le retour sur la fondation del'école nous a conduit à soutenir que, sur les bases naissantes de l'analyse de la pratique, des groupes se sont créés, qui faisaient, certes, appel à l'expérience de terrain, mais qui en limitaient la portée à la constituer comme support à une approche didactique de la formation et par extension, à une utopie prophylactique de l'intervention des professionnels, à cette époque et pour cette école, des assistantes sociales.
Pour ces professionnelles, dans un cousinage pratique avec les professions de santé, la dimension technique de leur intervention a prévalu au détriment d'une mise au travail des enjeux psychiques dans la relation aux usagers. Le débat entre formation théorique et formation pratique a souffert de l'effacement du second au profit du premier, non sans conditionner l'apparition d'un clivage terrain école dont le mémoire de Claire VAISE se fait l'écho.
Nous retrouvons aujourd'hui, dans les groupes d'analyse de la pratique (GEPES) que nous animons, des résurgences fondatrices qui conduisent les étudiants de la filière éducative à mettre en scène, dans les groupes, le clivage terrain école dès lors que nous nous sommes accordé à penser que l'énoncé proposé au groupe par les étudiants était en lien avec le vécu de la formation et non la seule expérience de stage auprès des publics en souffrance.
Le retour sur l'origine donne à entendre la part d'imaginaire qui l'accompagne et qui organise psychiquement la tenue du groupe, c'est à dire son cadre. « Il n'est en effet pas simplement le cadre à l'intérieur duquel un travail pourrait être effectué et dans lequel l'élaboration pourrait être indépendante du cadre »
, rappelle Catherine HENRI-MÉNASSÉ. Nous avons cherché à comprendre à partir de l'origine ce qui était déposé, en souffrance d'après stage et qui nous semble révéler une tentative d'affranchissement d'une position clivée. Voyons, à présent, le travail du groupe dans sa démarche de production culturelle cherchant à déjouer les impasses de l'impensé.
-
Identité professionnelle et analyse de la pratique
-
Faire partie d’une équipe.
Dans les groupes d'analyses de la pratique en centre de formation, nos observations nous amènent à postuler qu'il s'y traite particulièrement les questions de l'appartenance à une profession, de l'identité professionnelle, de la reconnaissance des compétences à exercer le métier, de l'intégration dans une culture professionnelle.
« Je ne suis que stagiaire, je n'ai pas pu faire comme les autres professionnels, Ils n'ont jamais voulu me laisser assumer de responsabilités éducatives »
sont autant de formulations vindicatives que d'impressions frustrantes de ne pas faire partie intégrante de l'équipe. Certains se sont entendus appelés « le stagiaire » toute la durée du stage, formule perçue comme une fin de non recevoir.
Une étudiante aborde cette position inconfortable qui ne lui laisse pas la possibilité de prendre une place. Elle était en stage dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale qui distingue une fonction éducative d'accompagnement au quotidien et une fonction sociale liée à des projets d'accession à un logement et/ou un travail :
Tout au long de mon stage, j'ai ressenti quelques difficultés à me sentir intégrée dans l'équipe. En effet, j'avais sans cesse le sentiment d'être tiraillée entre le pôle éducatif et le pôle social. J'étais donc sans cesse dans un entre deux, positionnée à l'endroit même de la division. Je me trouvais alors entre un accompagnement passant exclusivement par le biais du quotidien et l'envie de m'investir dans des prises en charge se voulant plus individuelles. Toutes mes interrogations professionnelles restaient sans réponse et mes ressentis, puisque exclus des séances d'analyse de la pratique, sans réceptacle. Les accueillants (bénévoles), quant à eux, me renvoyaient l'idée que je ne me positionnais pas assez, qu'il fallait que je m'impose. Je suis encore étonnée qu'il faille s'imposer dans une équipe pour pouvoir y travailler sereinement. Du coup, j'avais l'impression de rester cantonnée à l'exécution de diverses tâches sans avoir la place de travailler une réelle posture éducative.
Se pose ainsi, avec cette évocation, une première distinction entre dedans et dehors, entre appartenir à ce milieu, en acquérir les caractéristiques identitaires, être reconnu par ceux qui en sont membres de droit, et les autres, ceux qui ont fait des expériences mais qui n'ont jamais passé de sélections pour entrer en formation ou qui y ont échoué. Nous considérons que faire des expériences dans le champ du travail social avant d'entrer en formation n'est pas hors milieu, mais ce que la sélection et l'entrée en formation produisent comme interrogations chez ceux qui sont admis donnent à vivre l'ambivalente situation du ni l'un, ni l'autre. Ni dedans, ni dehors, mais dans un entre deux inconfortable où il s'agit de faire ses preuves, à savoir, montrer sa capacité, ses compétences dirait-on aujourd'hui, non pas à se confronter aux personnes prises en charges et à leur problématique, mais davantage à analyser les effets du lien sur soi, professionnel.
C'est l'étape franchie de la sélection qui crée cet entre deux, dès lors qu'elle fait prendre conscience qu'avant cette étape, ce que pouvait être « appartenir à un milieu » n'était qu'illusion ou fantasme. La sélection puis l'admission en centre de formation transforme l'illusion en un réel qui n'est pas sans produire de la désorganisation psychique. Nous avons entendu dire, parfois repris par nous-même que le plus difficile était l’entrée dans l’école. Nous pouvons imaginer les effets d’un tel propos sur le lien fantasmatique que peut entretenir pendant trois ans un étudiant avec le centre de formation qui l’a sélectionné.
Il est possible d'envisager que c'est moins l'admission en centre de formation que le diplôme qui est le principal vecteur de l'entrée dans le milieu professionnel. Certes, le diplôme est important dans un plan de carrière, dans une perspective à long terme d'exercer une activité professionnelle. Il l'est également dans l'affirmation d'un statut qui lui confère une appartenance à une catégorie professionnelle. Mais ce qui nous intéresse est ce temps qui court entre la sélection et le diplôme constituant toujours un entre deux, pas encore dedans et plus vraiment dehors. Le travail de groupe en centre de formation et particulièrement en groupe d'analyse de la pratique témoigne de cette situation singulière.
On pourrait penser que cette distinction n'est que le produit de l'imagination de l'étudiant. Si tel est le cas, elle est induite par le milieu, perçu ici comme le lieu de la pratique, le terrain, et, à la fois, le centre de formation, lieu de référence des codes, des règles, de la langue, de la culture professionnelle. En effet, nous postulons que ce qui fait institution pour les étudiants n’est pas dans un « ou », l’école
ou
le lieu de stage, mais dans un « et », l’école
et
le lieu de stage étant un seul espace de formation pour l’étudiant. L’alternance qui en est la règle n’est pas une alternative, mais bien un espace temps permettant la reprise dans un après-coup des effets de transfert, reprise qui se fait tour à tour dans l’école, comme sur le terrain de stage. L’alternance soutient l’idée que la formation réside dans la bipolarité école/terrain, dans des désirs qui s’affrontent, s’opposent sur la question de la transmission par des professionnels (professionnels en poste ou formateurs, ex-professionnels) dans un ensemble qui tient du rapport à l’origine et à la figure fondatrice.
Dans une ambivalence tel que la préfigure ce double de la formation, comme pour l’enfant, le couple parental, l’enfant-étudiant doit adhérer aux valeurs institutionnelles (école et terrain), adopter le langage « de la tribu », comme le souligne René KAËS
et en même temps, chercher à s’en émanciper en tentant de faire valoir une singularité existentielle, une manière de s’inscrire dans le rapport à l’institution, dans un mode d’être au monde singulier. Mais, chacun peut penser dans cette institution parce qu’elle « soutient la désignation de l’impossible : l’interdit de la possession de la mère-institution, l’interdit du retour à l’origine et de la fusion immédiate »
. Penser dans l’institution suppose que l’étudiant ne soit pas pris dans un rapport fusionnel, d’une pensée unique si je peux dire où il serait le porte-parole d’un discours incontestable, donc impensable. Pour cette étudiante, ce qui fait souffrance, supposons-nous, c’est l’interdit de penser son rapport à l’institution en tant qu'espace bipolaire. Les deux sources de la formation sont clivées, dans une exigence de fusion à l’institution-école-mère.
Le lieu de la pratique s’apparente dans ce contexte à l’autre du couple, mais dans une triangulation impossible. Avant que cet autre ne devienne la figure emblématique d’un rapport au manque et d’une ouverture sur l’ordre symbolique, sur la culture, un travail de séduction est à l’œuvre, travail anteoedipien qui rejette les influences de cet autre. La séduction n’est pas que l’apanage du complexe Oedipien. Paul-Claude RACAMIER
soutient qu’à un niveau archaïque la formation d’un jeu de séduction lie l’enfant et la mère. Sous le concept de
séduction narcissique
, il rappelle que l’enfant est lié à sa mère comme la mère est liée à l’enfant dans une relation d'objet réciproque.
Dans l’institution école, la séduction narcissique s’alimente du fait que c’est l’école qui donne naissance à l’étudiant en le sélectionnant en lui prodiguant les premiers soins théoriques, nécessaires pour affronter le monde professionnel et les figures séductrices auxquels il faudra résister. Mais résister à cet autre peut aussi vouloir dire que seule l’institution-école-mère protège et garantit ce dont l’étudiant a besoin. Les apports de l’autre sont mauvais, la résistance s’organise sur un renversement du rejet. Ce n’est pas moi qui rejette cet autre dont je ne sais ce qu’il me veut, c’est moi qui suis rejeté par lui : il ne veut pas de moi. Le groupe d'analyse de la pratique devient le lieu où s'actualise et se consolide le rapport fusionnel entre école et étudiants. Il a lieu dans l'après-coup du stage non sans raison.
Ce que l’étudiante énonce de ce qu’elle ressent n’est pas qu’une impasse à son insertion dans une équipe, notamment dans une équipe dont la tâche est d’insérer. C’est aussi sa difficulté à accéder au langage,
ses interrogations sont sans réponses.
Elle est hors d’elle, tel que René KAËS le décrit, c’est à dire à la fois aliénée et dépossédée, livrée à la source de ce qui peut être sa folie mais qu’elle contenait et privée par-là même de toute volonté créatrice, de toute modalité sublimatoire qui permet, en d’autre temps, d’échapper au chaos. Sa parole ne trouve pas de
réceptacle,
elle ne se positionne pas, elle ne s’impose pas, selon les accueillants, bref, elle n’existe ni pour l’établissement qui l'accueille en stage, dans son discours manifeste, ni pour l'institution école, dans le discours latent adressé à l'école. Délestée de cette capacité propre à soutenir de l’être, elle est en proie à un vide existentiel soumis à un rapport le plus archaïque qui soit avec l’institution-école. Sans nom, sans articulation Réel – Symbolique, l'étudiante s'attache de manière ombilicale à l’institution qui la nourrit de sa nature fondatrice. Désubjectivée, hors d'elle, elle se raccroche à l’image originaire de la fondation comme mode « défensif de cette perte de soi »
:
«
Ayant de mon côté, l'impression de naviguer seule, je ne trouvais d'autre endroit que l'école pour me décharger »,
dira l'étudiante
.
Le groupe (GEPES), dans la caractéristique d’avoir lieu dans l’après-coup et selon un nombre de séances restreint, peut se penser comme un lieu de dépôt, dans le sens proposé par René ROUSSILLON, ou débarras
. L’exposé d’une situation et le travail de réflexion sur la pratique sont détournés de leur fonction initiale, construire de l’identité professionnelle, pour ne servir qu’au traitement de la problématique de clivage terrain/école. Il peut être aussi un espace intersticiel, tel que le décrit R. ROUSSILLON, dans cette même publication, dès lors que bien qu’institutionnalisé, inscrit dans un programme et planifié, ce temps de travail en groupe « est l’espace temps qui tamponne et régule les passages du
milieu du dehors
et du
milieu du dedans
»
. Ainsi, pris dans un conflit de loyauté à l’égard de l’institution-mère de qui il a été séparé pendant des mois, l’étudiant se sent dans l’obligation de dénoncer des maltraitances de la part de l’autre du couple de formation. Ces attaques à l’encontre du lieu de stage nous semblent manifester des angoisses archaïques comme la peur d’être abandonné par l’institution-mère. Il y a demande d’un retour à une situation illusoire de fusion, demande qui se fait dans le groupe (GEPES). Cette demande illusoire de fusion se vit aussi comme une demande illusoire de nourriture (la théorie) qui viendrait signifier à la fois une culpabilité dans la faillite du lien à l’usager et une incapacité du lieu de stage à contenir cette culpabilité.
Une des dimensions du travail en groupe sur la pratique porte sur cette illusion arrimée à la fois sur le sentiment de toute puissance à l’égard de l’usager et sur le lien fusionnel à l’institution école, l’un n’allant pas sans l’autre. Ainsi, ce qui est mis à la disposition du groupe est ce qui est partageable avec le groupe dans l’ici et le maintenant de l’échange. Faire partie du groupe, c’est partager ce sentiment d’union, c’est être dans l’illusion groupale d’une équipe de professionnels enfin constituée et autorisée par l’institution école. L’étudiant peut ainsi se dire que dans le groupe, il est aussi dans une équipe. La constitution du groupe (GEPES) autour d’un travail d’analyse de l’expérience dans l’après coup du stage entretient la formation d’un Moi idéal groupal que forge l’institution école à son image.
Inévitablement, notre fonction de formateur, à qui le cadre s’impose aussi, nous parait soutenir cet idéal, quelles que soient les tentatives de reprendre à notre compte la définition du cadre. A titre d’exemple, il est prévu cette année qu’il n’y aurait pas de GEPES pour les étudiants de deuxième année dès lors que l’alternance a été revue suite à la réforme de la formation en 2007, et qu’elle s’articule sur un stage se déroulant sur toute l’année, avec quelques semaines de regroupement ne prévoyant pas de temps d’analyse de la pratique.
2. Travailler sur l'illusion sans se désillusionner
Dans les autres groupes, les élaborations sur la pratique peuvent ne pas être satisfaisantes car elles provoquent ce que Paul FUSTIER appelle « un sevrage brutal de l’illusion »
. Sur le terrain, dans l’expérience pratique, les réalités du travail anéantissent les représentations imaginaires d’un lieu où l’usager pourrait trouver une issue positive à une situation précaire. L’entrée en formation est souvent perçue comme le moyen d’acquérir des
outils
permettant de
réparer
les personnes
cassées
. Cette représentation est d’autant plus forte qu’elle s'origine sur une expérience professionnelle antérieure durant laquelle
le manque à penser
, le
je n'ai pas les connaissances suffisantes pour satisfaire mon désir de réparer, sauver
, s’est fait sentir. Le sésame de la sélection ouvre sur des attentes d’un manque à combler. On rentre en formation pour se nourrir, afin, en retour, de nourrir l’autre, l’usager, dans un idéal institutionnel prenant appui sur une identification à la mère dévouée des premiers temps de la vie.
Cette nourriture, en centre de formation, est la théorie. Le formateur animateur du groupe devient « un porte-croyance » tel que « le psychiste » décrit dans les institutions par P. FUSTIER. Se travaille, dans le groupe (GEPES), cette part d'illusion qui ne peut trouver la voie de la rationalité. Ce travail ne consiste pas à désillusionner les étudiants, mais à contenir, refroidir la pulsion, le désir de toute puissance qui s'altère dans la confrontation aux autres du groupe. Dans la discussion qui suit généralement le récit clinique mis en partage, ce travail de désillusion est proposé par les membres du groupe:
«
dans nos institution, ils pensent qu'on est pas capable de prendre en charge les usagers. Ils se croient tout puissants ».
Ce qui est attribué à l'autre membre de l'équipe l'est aussi pour soi-même.
Si les professionnels chevronnés ne sont pas tout-puissants, je peux faire aussi bien qu'eux
. On assiste ainsi au retour de l'illusion, refroidie, nous y reviendrons, qui pour se maintenir, suppose qu'un « travail de la désillusion a pu être mené »
.
Le processus en marche consiste à soutenir une prise de conscience de la réalité du travail, dans un impossible à sauver, mais sans anéantir le désir d'y parvenir. Ce processus consiste en une mise en tension de l'illusion et de la réalité contenu dans la formule que nous livre P. FUSTIER: « je sais bien...mais quand même »
. Nous retrouvons sous une autre expression cette formule lorsque l'étudiante dit:
« Ainsi, pour me protéger, je pense que je suis inconsciemment restée cramponnée à mes représentations et à mes concepts théoriques ».
Elle sait bien qu’elle ne sauvera pas les personnes qu’elle accueille dans le CHRS. Mais la théorie, voire certaines représentations sur le métier, laisse espérer une réussite qui tiendra moins de la rationalité que d’une croyance dans un savoir omniscient. Le savoir dispensé dans le centre de formation tient de la potion magique. La réalité du travail de l'éducateur est prise en compte, le renoncement à cette place de tout-puissant est intégré comme la marque du professionnalisme. Mais il s'agit de se protéger de la perte de l'illusion:
il faut y croire, sinon on ne fait plus rien.
Le formateur qui anime le groupe est en quelque sorte ce « porte-croyance ». Il lui est d'abord adressé un discours empreint de réalisme, tel celui proposé dans la situation évoqué. Face à une situation d'exclusion sociale d'un homme dont l'histoire est marquée de ruptures des liens familiaux, conjugaux, frappé de l'interdit de voir ses enfants, l'étudiante dit:
«Je voulais tout mettre en œuvre pour lui éviter de subir le même sort que les autres. Telle une bonne mère, je voulais lui offrir, voire lui imposer, le giron de l'institution pour le protéger de sa propre vie, de sa propre situation et de sa possible exclusion. Je pense que ce qui m'a touché dans cette situation c'est qu'on ne l'ait jamais revu».
Ce premier énoncé témoigne d'une prise de conscience d'une place impossible à tenir, d'un désir qui ne peut être satisfait, avec un certain dépit dans l'expression. Mais la réflexion dans le groupe et les attentes à l'égard du formateur vise à redonner corps à une part d'illusion qui s'accroche à l'idée qu'avec plus d'apports conceptuels, plus de matériel professionnel, « sauver » l'autre redevient possible. La théorie, comme liquide nourricier en abondance dans l'institution-mère-école, donne au formateur, animateur du groupe, le statut de « porte-croyance ». Les conclusions que tirent les étudiants de ce travail en groupe s'expriment souvent ainsi:
« avec ce temps de réflexion, j'ai pu me rendre compte que..., j'ai pris conscience que..., avec la distance, la prise de recul d'avec le terrain, j'ai mesuré les enjeux.. ».
Nous n'entendons pas dans ces phrases la résolution d'un complexe, mais la répétition, d'une année de formation sur l'autre, dans des GEPES différents par le cadre, les membres du groupe et le formateur, de l'illusion maintes fois questionner. Ce travail nous semble avoir une suite dans les groupes d'analyse de la pratique en institutions spécialisées. Le groupe, par la mise au travail de l'illusion, devient le lieu du savoir, qui au-delà des enracinements théoriques, devient aussi un savoir pratique.
Le rôle imputé au formateur du groupe, rôle de « porte-croyance », n'en détermine pas moins un rapport clivé entre terrain et école. Si caricaturale que puisse paraître ce clivage, il nous semble faire l'objet d'un travail psychique d'élaboration dans les groupes (GEPES) où tentent de se dénouer les effets de l'alternance lorsqu'il y a risque de dévoilement des pactes inconscients, comme nous l'avons évoqué en première partie, pour chacun des lieux de formation, école et terrain. En effet, le plus souvent, l'illusion d'une toute puissance du centre de formation est aussi l'apanage des équipes lorsqu'elles accueillent un étudiant avec comme motivation l'idée que le stagiaire va bousculer des pratiques, remettre en question les actes routiniers et réinterroger les valeurs institutionnelles. C'est autant faire valoir chez l'étudiant le fantasme d'une capacité à modifier le monde que de situer le centre de formation comme l'espace à partir duquel ce fantasme est réalisable. Nous pouvons imaginer que parallèlement, pour l'équipe, la crainte qu'il se réalise conditionne les modalités d'accueil du stagiaire. L'affiliation à l'équipe, le temps du stage, s'en trouve compromise et les tentatives d'élaborations du stagiaire sur sa pratique, voire sur la pratique, perçues comme persécutrices. La dimension théorique conférée imaginairement à l'école offre dans ces situations une opposition au travail de l'étudiant sur le rapport illusion/désillusion et renforce la position clivée.
Être déçue de ne pas revoir l’usager après l’entretien qu’elle a eu avec lui laisse percevoir la part de désillusion qui se fait jour au quotidien dans la relation à l’autre, part de désillusion nécessaire à l’articulation du principe de plaisir au principe de réalité. L’emboîtement de cette scène dans la scène de la formation pour l’étudiante nous semble décrire un processus psychique à l’œuvre qui vise à préparer la séparation d’avec l’école non dans un arrachement mortifère, mais plutôt dans une douce déception. Ce qui est partagé et partageable est le vécu de la formation, non le rapport à un usager. Ici le vécu porte sur la séparation, sur l’émancipation comme modalité de créer du lien, d’appréhender pour le transformer ce qui est transmis. Il nous semble qu’il y a tentative d’échapper à la ligature dont le pendant est la rupture, la discontinuité psychique et comme perspective identitaire, le repli psychotique.
En résumé, lorsque nous proposons dans le groupe une élaboration à partir d'éléments conceptuels, nous prenons conscience que les phénomènes de résistances appuient sur le « je sais bien, mais quand même », dont parle P. FUSTIER, qui concourent à maintenir une part d'illusion sans laquelle la place d'éducateur semble impossible à tenir. « C'est trop compliqué, vous allez chercher trop loin, etc. » montre à quelle point cette illusion est attaquée et vient atteindre par la même les motivations premières de l'étudiant, dans son choix professionnel que la sélection a validé. Ce travail de conceptualisation, bien que déstabilisant, est nécessaire dès lors qu'il offre un socle commun de références sur lesquelles la pratique de l'un rencontre celle des autres et vient à se former et se déformer collectivement. Rappelons que, dans notre propos, la situation clinique n'est qu'un prétexte à traiter une menace plus grande que celle de l'effraction de la problématique des usagers dans la psyché des étudiants. Cette menace est menace d’égarement, d’errance dans une hémorragie de signifiants fondateurs d’une idéologie qui dispense de nommer le problème comme elle dispense de penser. Dans le groupe, le détour par une situation-tiers offre la capacité de construire (créer) un discours, déjà là (trouvé) sur lequel se déploie l'identité professionnelle.
3.
Construire un récit commun
Le groupe nous semble ainsi se constituer en un espace d'appropriation d'un sens commun dont la production constante crée les conditions d'émergence d'une culture. Nous ne nous risquerons pas ici à une tentative de définition de ce qu'est une culture. Ce qui nous intéresse, c'est qu'elle nous permet d'échapper à une vision de l'appareil psychique comme un espace clos. Ce travail de réflexion sur les groupes d'analyse de la pratique nous invite à redimensionner le rapport de causalité psychique individuelle du lien à l'usager à une causalité sociale, d'abord institutionnelle, puis groupale, dans la démarche d'analyse de la pratique. En effet, elle est à la fois ce qui procure une identité individuelle et groupale.
Avec les travaux de Georges DEVEREUX auxquels P. FUSTIER
fait référence, il est intéressant de revisiter l'essence de la culture: « chaque culture permet à certains fantasmes, pulsions, et autres manifestations du psychisme d'accéder et de demeurer au niveau conscient et exige que d'autres soient refoulés. C'est pourquoi tous les membres d'une même culture possèdent en commun un certains nombre de conflits inconscients
». Il y aurait ainsi partage de représentations communes, conscientes, d'échanges dans le groupe sur des affects nés de l'expérience qui trouveraient dans des lieux communs l'espace d'extériorisation d'un matériel traumatique. Sur le plan professionnel, nous les retrouvons sous cette forme:
« ce n'est pas toi qui est visé, tu n'es que la représentation de l'image maternelle ou paternelle, lorsque tu t'es fait insulté, c'était à une autre personne qu'il ou elle pensait, si tu as réagi ainsi,
étant entendu, si tu as mal réagi
, c'est qu'il ou elle a su trouver tes failles, etc. »
Comme dans toute société, ces lieux communs font fonction de mythes, moyens de défenses,
« 'sorte de
chambre froide' impersonnelle où les fantasmes individuels suscités par les conflits intérieurs peuvent être entreposés
»
. Pour le travailleur social, cette trame symbolique couvre de sa bienveillante présence langagière spécifique l'espace de négociation du lien avec l'usager.
Cependant, la culture ne met pas tout le temps à disposition de tels moyens de défense. Dans ce contexte, pour certains de ses membres, rendre sourd l'impact émotionnel de l'expérience sur des conflits internes est au dessus de leur pouvoir de refroidissement. Je pense que selon les stades de l'expérience « culturelle », toute tentative est vaine, faute d'étayages symboliques suffisant. Je retiens que l'appropriation des réflexes défensifs participe de cette difficulté. Bien qu'institutionnalisée, l'expérience professionnelle ne garantit pas à celui qui la fait le non retour d'éléments fantasmatiques métaphorisés qui ne demandent qu'à l'être à nouveau. Mais c'est en termes culturels, professionnels, que sont remaniés ces éléments subjectifs, dans et par l'expérience du groupe. Il semble même qu'il soit nécessaire de passer par des éléments subjectifs pour s'approprier les défenses préétablies par le milieu culturel professionnel.
La situation suivante, exposée par une étudiante, nous a fourni un grand nombre de pistes de réflexion. Cependant, elle nous semble assez bien illustrer ce travail de création culturelle étayé d'un « trouvé » que fournit le groupe.
Il y est question de la situation d’un adolescent âgé de 12 ans, dont la problématique relève des troubles du comportement et du caractère. Il est accueilli dans un ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) depuis la rentrée septembre. Nous sommes en juin (l’étudiante est à son deuxième mois de stage), moment d’un bilan de fin d’année, pour l'adolescent, auquel participe la famille.
Sont présents à ce bilan, l'adolescent, sa grand-mère maternelle et les membres de l’équipe pédagogique composée d’une institutrice spécialisée, d’un éducateur spécialisé et de l’étudiante stagiaire. L’ITEP fonctionne en groupe dont les équipes pédagogiques sont constituées sur le même modèle : un instituteur spécialisé et un éducateur spécialisé.
L’ITEP est pour l'adolescent un établissement de plus dans la liste de lieux d’accueil (famille d’accueil, foyer) où il a été placé alternativement à des retours en famille (chez la mère ou la grand-mère). Bien que reconnu par son père, il n’a jamais eu de contact avec lui. La dernière décision le confie à la grand-mère
Lors du bilan, la grand-mère exprime ses difficultés, puis elle termine l’entretien par : « enfin, heureusement que je suis là, moi ». La prise de parole de l’éducateur vise à expliquer que « tout se passe bien à l'ITEP ». L’étudiante stagiaire s'est rapprochée de l'adolescent qui ne l’avait pas quitté des yeux le temps du bilan. L’entretien se termine, il n’a pas dit un mot, l’étudiante stagiaire non plus.
Les premières questions des autres étudiants du groupe vont porter sur ce qui fait événement. L’étudiante précise que le regard de l’adolescent lui donnait l’impression qu’il cherchait à « s’accrocher, à s’appuyer, à trouver une prise », selon ses propres termes. « Désemparée, poursuit-elle, je n’ai pas eu d’autre réponse que de me rapprocher de lui ».
Une première hypothèse est proposée par une autre étudiante, hypothèse d’un rapport d’identification : l’enfant est soumis à un bilan, comme l’est et le sera l’étudiante, par les mêmes personnes. De plus, ce qui est dit de lui dans ce bilan, enfant sage, conduit à une autre association, celle qui ferait de l’étudiante, une professionnelle qui se comporte bien, en tout cas, comme peut en attendre idéalement le couple éducatif dans sa démarche de formation auprès de l'étudiante.
Elle a le sentiment d’être sous emprise, et que toute résistance lui parait vaine. Elle ose des positionnements qui ne sont pas sur les mêmes registres que les deux membres de l’équipe, sans avoir pu le leur dire. Elle soutient certains enfants « mauvais » contre les attaques dont ils sont l’objet, selon elle. Elle se sent considérée comme un enfant parmi les autres.
L’étudiante rapporte qu’il s’agit d’un couple éducatif (une institutrice et un éducateur). Mais qui plus est, ce couple est aussi un couple à la ville. Ils se sont rencontrés sur leur lieu de travail, l’ITEP où l’étudiante fait son stage. Enfin, la femme du couple a le même prénom que l’étudiante. Ainsi, lorsque l’éducateur appelle l’institutrice, c’est aussi l’étudiante qui répond.
Ce couple a un désir d’enfant qui ne trouve pas sa réalisation dans le réel, au point, selon l’étudiante, de se fabriquer un univers familial dans la structure où il travaille. Les enfants, et, parmi eux, ceux qui sont favorisés, répondent aux attentes narcissiques du couple et contiennent ainsi, partiellement sans doute, les effets du traumatisme de l’impossible engendrement : menace de mort, fantasme de non fécondité, résistance aux attaques de certains enfants dont l’histoire redouble l’histoire du couple (enfant sans parents/parents sans enfant).
Le rapprochement de l'enfant dans une démarche de fusion avec lui est à considérer, nous semble-t-il, comme une représentation de ce que peut vivre l'étudiante dans sa formation, sentiment d'être une « bonne » élève qui répond aux attentes d'un idéal de l'étudiant. Elle est à l'égard de la formation comme cet enfant qu'elle décrit, pris dans le désir de la mère, indifférencié d'elle. Elle s'efface dans un premier temps, derrière cet enfant qui, sans parents, ne semble pas avoir d'existence propre.
Comme dans de nombreuses séances, il faut un long moment pour que se déploie l’expérience et que des signifiants viennent constituer une chaîne de sens pour chacun des membres du groupe. Ce sont les questions des autres participants qui par associations focalisent notre attention sur ce qui cherche à trouver un ancrage symbolique. Le fait qu'un membre du groupe puisse relier la situation de l'enfant évalué à l'étudiante qui le sera nous amène à penser que ce qui se dit à avoir avec la représentation de l'étudiante au regard de sa formation est non dans le lien qu'elle entretient au couple. Ce qui tente de se symboliser, de se « refroidir », s'inscrit dans une série d'expériences, dont la dernière réorganise les précédentes. Il se rejoue la même scène dans un mouvement spiralaire mais que la dimension spécifique du groupe nécessite de métaphoriser par des éléments culturels propres au groupe. Le signifiant « évaluation » relie les deux scènes, celle du lieu de stage et celle du centre de formation. En même temps qu'il se confronte au monde professionnel, l'étudiant se le représente à partir de représentations en chaîne déjà là, les siennes. Au fond, le travail du groupe (GEPES) est à l'institution-école ce que le travail d'équipe est à l'institution qui l'accueille en stage, et ce qu'une thérapie comme travail psychique pourrait être au sujet.
Ainsi, plusieurs scènes s'emboîtent, dont il est difficile pour l'étudiant comme pour tous les membres du groupe, animateur inclus, d'en délimiter les contours. Ce qui est suggéré par l'étudiante dans l'exemple ci-dessus s'apparente à une régression qui pourrait trouver un écho à une position maternelle du centre de formation. Nous disons « s'apparente » parce qu'il ne s'agit pas d'un retour à un état antérieur, mais davantage d'une réactualisation du processus de transformation des éprouvés. Il nous semble que ce qui est proposé au groupe est un processus, pas un état.
Or, si ce qui se dit par l'institution école à l'égard des lieux de stage est perçu par les étudiants comme mauvais, non seulement l'accordage n'est pas possible, mais le travail psychique se structure sur un lien psychotique, fusionnelle. L'attaque dont fait l'objet les institutions accueillantes par les étudiants, rend compte du lien archaïque qui pourrait être la nature du lien tissé entre un centre de formation et les étudiants, le clivage venant rendre compte d'un ratage dans le processus de symbolisation, de refroidissement, pour revenir à l'image proposée par G. DEVEREUX.
Dans cette situation, il nous semble ne pas avoir permis de dépasser le registre des attaques de l'institution école vis à vis du lieu de stage. Le parcours singulier de cette étudiante, qui a interrompu sa formation pendant un an pour mener à terme sa grossesse et donner naissance à son enfant, est venu faire obstacle à un travail d'élaboration sur la pratique. Le groupe s'est accordé sur la toxicité du couple de professionnels du lieu de stage pris dans ses problématiques personnelles immobilisant tout travail de pensée. Seul un registre de réalité psychique, celui du couple, a été pris pour cible, éjectant de façon symptomatique ce que l'institution refuse de penser pour elle-même.
Nous touchons là à un paradoxe qui nous conduit parfois à une impasse théorique. La mise à disposition du groupe d’une part la plus intime semble aussi ce qui est le plus valable comme matériel, relayant au second plan la réalité professionnelle. Ainsi, nous formulons l'hypothèse que pour s'affranchir du conflit terrain / école, pour tenter d'échapper à une position clivée, la mise à disposition d'un matériel « privé » par les étudiants est une affirmation de leur capacité à contenir psychiquement leur propre conflit interne, faisant valoir une fonction contenante pour le psychisme des usagers.
4. Affirmer sa capacité à occuper une fonction contenante.
Cette partie de l'expérience humaine consacrée à l'activité professionnelle est cette part, que Pierre DOSDA appelle « la part professionnelle de la personnalité »
. Elle est l'objet du travail d'identification de la limite « dedans/dehors » du sujet, comme la limite « dedans /dehors » de la profession. « Lorsque l'on parle d'identité professionnelle il y a risque de confusion entre identité d'une profession et l'identité du professionnel. Il me paraît plus clair de conserver identité professionnelle pour l'identité d'une profession, l'accent est mis sur les caractères communs des membres d'une profession
». Ce qui est fait et dit au travail est induit par l'environnement professionnel. Le cadre du travail est ce qui met en lien les membres d'une même profession. MISSENARD, cité par P. DOSDA, fait référence à « un ensemble de systèmes psychiques articulés entre eux, reliés à l'ensemble de la personnalité tout en ayant leur autonomie de fonctionnement »
. Dans la logique de cette proposition, coexisteraient des systèmes psychiques autonomes pour chaque situation groupale que vit toute personne. Qu'elle soit en famille, au travail, en club pour une activité culturelle ou sportive, et autres groupes, elle met en fonction un système avec une économie propre qui lui assure, autant que possible, dans son mode d'organisation, un équilibre psychique.
Toutefois, que ces systèmes soient autonomes ne veut pas dire qu'ils sont indépendants. L'autonomie pour une personne, si nous nous accordons sur le principe qu'il n'y a de vie humaine qu'en groupe, est sa capacité à choisir les figures de sa dépendance. Sur ce postulat, chaque système psychique n'aurait de capacités de fonctionnement qu'en lien avec un autre dont le choix porterait sur la proximité, voire la similitude de ce qu'ils ont à traiter, à réguler psychiquement. Des éléments de liaison permettraient cette articulation, favoriseraient le passage d'un système à un autre, afin de garantir une continuité psychique. Ainsi, il serait permis de formuler l'hypothèse que des éléments de l'histoire personnelle pour un professionnel soient le mode de liaison, le mode de transition, entre un système, personnel, dont les défenses soutiennent l'économie psychique et un autre, professionnel, davantage soumis à des attaques qui ne trouvent pas inexorablement les parades étayantes. Sorte d'objet transitionnel psychique, l'élément personnel, objet de remaniements récurrents, objet familier, si nous pouvons dire, permet pour le professionnel d'accéder à l'objectivité en contenant ses désirs, désirs de toute puissance à l'égard de l'autre et/ou de l'environnement. L'objet n'est pas obligatoirement clairement énoncé comme objet personnel. Mais dans l'énonciation ou par l'énonciation, il révèle une part personnelle à peine voilée dans le contenu manifeste du discours. L'exemple clinique que nous avons proposé plus haut en témoigne.
Toute expérience professionnelle qui ne serait pas passée au prisme de ces deux distinctions par la vectorisation d'un élément personnel transitionnel pourrait produire ce que Georges DEVEREUX nomme des « vulnérabilités cumulatives »
. En effet, cette distinction n'est pas donnée, ni par la personne, ni par la profession ou le cadre professionnel. Elle est le travail constant du groupe d'analyse de la pratique en centre de formation. Nous ne voyons pas dans ce travail une clarification de ces deux champs de l'expérience humaine au sens d'une nette différenciation des frontières entre personnel et professionnel. Il nous semble davantage que le travail du groupe opère une liaison nécessaire entre les deux comme mode d'organisation psychique permettant d'échapper au clivage en contenant des registres qui pourraient prêter à confusion.
C'est au fond le sens donné à l'acte qui permet de le définir comme acte professionnel. Et le sens n'est professionnel que si des professionnels s'accordent sur le sens. C'est par la mise en commun de l'expérience que les membres du groupe peuvent donner un sens à ce qui est agi dans un cadre professionnel. Ce qui est énoncé constitue le plus souvent ce qui est mis en doute par l'étudiant lui-même comme étant en dehors de toute considération professionnelle. Ce doute est lui-même suggéré par le milieu professionnel qui a interrogé, avec l'étudiant, la mise en acte d'une intention professionnelle. L'évaluation du stage porte sur ce processus. L'énoncé clinique relate un événement, un acte professionnel dans lequel l'étudiant est impliqué, qui arrive dans une succession d'actes ou de positionnements. Mais dans l'énoncé, ce qui est remis en cause est le dernier acte qui a lui seul interroge la qualité professionnelle de l'intervention globale. Ce que nous tentons dans et avec le groupe est de restituer l'événement dans une chaîne signifiante professionnellement, c'est à dire dans une mise en lien des actes qui ont produit le dernier. Comment un acte pourrait être considéré comme non professionnel dans une succession d'actes qui l'auraient été?
Interroger l'événement sous cet angle, c'est réinterroger l'ensemble des actes qui ont conduit à cet événement. Autrement dit, ce n'est pas un acte en lui même qui est mis à l'analyse, mais bien la pratique dans son ensemble, c'est à dire la succession d'actes réalisés dans un temps donné du travail. Le groupe d'analyse de la pratique n'est donc pas amené à traiter d'une situation en particulier, tel que le « case work » le proposait, mais bien d'un processus de travail référencé à des actes professionnelles. Revisiter l'ensemble des actes, à partir de l'événement, structure la pratique et constitue une entité du « dedans », professionnel. L'écueil serait de déterminer l'événement comme acte en lui-même, abstrait d'un contexte et donc sujet à interprétation.
Nous pourrions envisager que ce qui produit l'événement vient du « dehors », donc non professionnel. Ce pourrait être une affaire personnelle, familiale, qui déclenche l'événement. Mais ramener dans le cadre professionnel, elle n'est que le déclencheur ou le catalyseur de l'événement qui se produit dans le cadre professionnel, le révélateur d'actes en chaîne. Il nous semble même que l'extériorité, le « dehors », déclenche à la fois l'événement et le travail de réflexion qui va porter sur cet événement et les actes en chaîne. Ce qui provient du dehors, exogène, n'est donc pas à rejeter comme tel, mais bien davantage à saisir comme un point d'ancrage de ce qui va produire du sens dans la pratique. Lorsque nous évoquons les limites et la recherche de limites entre un « dedans » et un « dehors » de ce qui serait professionnel, nous faisons appel au processus qui, à partir d'un objet du « dehors » permet de penser la mise en lien des objets du « dedans ». L'objet du « dehors » révèlerait par son extériorité les éléments structurant du « dedans ».
Ce que le récit donne à entendre généralement est une chaîne d'actes sans lien qui aboutit à un événement dans un ensemble décousu, qui provoque parfois agacement, irritation: « c'est quoi ta question? Où veux tu en venir? Quel problème ça te pose? » Je pense que les silences du groupe après l'énoncé ou les questions qui visent à obtenir des compléments d'information, de compréhension, cachent à peine l'embarras que produit le récit. Celui-ci s'ouvre sur des perspectives d'analyse dès lors qu'un élément extérieur vient réarchitecturer l'ensemble des actes réalisés dans le cadre professionnel. Cet élément extérieur n'est pas forcément de nature événementiel. Ce peut être une émotion, un sentiment de colère ou de satisfaction, etc., mais quoi qu'il en soit, non reconnu comme élément d'objectivation d'une professionnalité. Il peut provenir du narrateur comme des autres membres du groupe.
Cet élément extérieur peut avoir à l'interne, pour le narrateur, une autre dynamique psychique. Ce qu'il produit à l'extérieur du sujet ne dit rien de ce qu'il ordonne à l'interne, pour le sujet lui-même. Une quelconque réflexion sur cet élément en soi, pour le groupe, pris isolément ne peut aboutir qu'à l'interprétation, comme nous l'avons vu plus haut, d'un acte professionnel abstrait d'actes en chaîne.
Il apparaît bien évidemment pour le narrateur plus naturel de penser qu'il n'est pas fragmenté en autant de parties qu'il fréquente de groupes. Il peut penser qu'il est éducateur auprès des usagers comme il peut l'être dans son entourage privé. Les usagers eux-mêmes interrogent cette ambivalence de l'identité professionnelle lorsqu'ils remettent en cause la pertinence d'un discours sur l'éducation auprès de professionnels en devenir qui ne sont pas parents, ou encore, lorsqu'ils contestent les possibilités de compréhension de ce qu'ils vivent, chez un professionnel qui n'aurait pas traversé les mêmes épreuves de l'existence. C'est le groupe de pairs, dans leur réflexion sur l'appartenance professionnelle, dans cette quête des limites du « dedans et du dehors » qui permet, un temps, de fragmenter des éléments du récit afin de donner un sens, professionnel, à des actes réalisés dans un cadre professionnel. Si l'implication est totale, si elle engage la personne, future professionnelle, la limitation de cette implication par la fragmentation de ce qui a trait au milieu est essentielle dans la compréhension de ce qu'est une pratique.
Ici, la fragmentation n'est pas le clivage, mais l'identification et l'acceptation d'un emboîtement de scènes dont il paraît peu réaliste de les dissocier si ce n'est sous la férule d'un ordre idéologique qui s'auto-alimente de l'infaillibilité de ses sources théoriques, ordre qui ne peut être en échec puisque replié sur lui-même, hors de toute portée dialectique. Il nous semble retrouvé dans cette approche par fragmentation la différence que fait M. BALINT entre la notion de « transfert public » et celle de « transfert privé » pour privilégier la dimension formative du groupe réuni autour d'un objet professionnel et résister ainsi à la tentation thérapeutique.
Conclusion de cette deuxième partie
Nous avons voulu montrer que les questions que les étudiants se posent dans les groupes, questions assez générales dans ce type de formation, viennent faire écho à une problématique de clivage terrain/école. Les récits cliniques rapportés dans cet écrit ne sont pas spécifiques d'une situation isolée d'un étudiant dans un lieu de stage, mais caractéristiques d'un questionnement de groupe d'étudiants partageant une expérience de formation dans un centre de formation.
Intégrer une équipe, travailler sur le désenchantement d'une réalité professionnelle mise à l'épreuve du savoir, participer à la création culturelle d'un vécu du travail et du langage déjà là, s'assurer de sa propre contenance pour accompagner des sujets désorganisés psychiquement, tels sont, nous semble-t-il, les principaux enjeux du travail d'analyse de la pratique dans un centre de formation. Si ces enjeux font l'objet d'un discours idéologique de l'école, discours fondé sur la détention d'un savoir qui échappe aux terrains davantage en prise à un réel non symbolisable par les professionnels eux-mêmes, selon ce discours, la réalité du travail est niée comme peut être niée toute forme de pensée sur cette réalité. Seul subsiste un discours théorique à valeur scientiste, inattaquable, compact, qui ne laisse de place à une position théorique qui, elle, de par la confrontation qu'elle suggère, donne accès au champ des significations.
Conclusion générale
Alors que les textes de loi qui régissent le secteurs social, depuis la loi de janvier 2002, réaffirmant les droits des usagers dans leur rapport aux institutions jusqu'aux réformes de la formation des diplômes de ce même secteur, dont celle des éducateurs en 2007, ont comme mot d'ordre idéologique le partenariat, il nous semble que les institutions qui s'y réfèrent, établissements et services du champ social et médico-social, ainsi que les centres de formation, opèrent un repli structurel incompatible avec les ambitions que porte cette idéologie.
Dans le centre de formation où nous animons des groupes de réflexion sur la pratique, les liens interinstitutionnels se fissurent et font resurgir des clivages au fondement de l'institution mis en latence par des obligations réglementaires. Ils réapparaissent sous la forme d'une régression aux contenus archaïques dont la manifestation qui nous intéresse tient lieu d'un antagonisme radical dans la formation des éducateurs entre d'une part, la pratique des professionnels sur le terrain et d'autre part, la pratique des formateurs de l'école d'éducateurs dans la tentative de transmettre des savoirs et des savoir-faire.
Plus que sujet de sa formation dans ce qu'il peut construire d'un cadre professionnel, l'étudiant est en position de témoin, révélateur autant des limites de la charge qui lui échoit que des mises à jour du négatif par l'exploration de sa pratique de stage dans les groupes (GEPES) institués par l'école.
Ce sont aussi les limites auxquelles nous nous confrontons et qui nous ont conduit à participer à cette formation. En effet, nous avons constaté que ce qui est proposé à la symbolisation dans le groupe ne dépend pas uniquement du lien à un usager dans le contexte institutionnel singulier qui l'accueille. Il dépend également des alliances inconscientes terrain/école qui ont trait à la tentative de transmettre, mais plus attachées à ce qui est transmis qu'aux effets de la tentative, tel ITARD, pédagogue soucieux d'appliquer sa théorie à la formation du sujet humain qu'est Victor, mais pas réceptif aux progrès qu'il fait avec la gouvernante
.
Nous mettons ainsi à jour, pour nous même, une butée au travail de pensée qui dévoile la part importante de l'école lorsqu'il s'agit de traiter de l'objectivité au fondement de l'institution et de la mise en place des groupes d'analyse de la pratique, quelle que soit la dénomination de ces groupes, comme méthode pour y parvenir. Progressivement, dans ce qui s'y travaille, une menace d'effraction pèse sur l'institution école qui éprouve le besoin de réduire les séances. Elle érige en horreur un discours qui viserait à dépasser les dénis et à affranchir les formations en travail social des contingences procédurales et des modèles d'organisation bureaucratiques.
Nous avons tenté par ce travail de réfléchir à la fonction que nous occupons dans ces groupes dont l'originalité du modèle donne une perception de ce qui peut en être vécu par les membres, y compris le formateur animateur du groupe. Il nous a fallu d'abord comprendre ce que l'institution y déployait à partir du cadre posé et ce que nous en percevions de l'intérieur. L'appréhender du côté du clivage n'est pas un tout en soi, mais la voie d'accès à une première formalisation d'un retour sur expérience.
Nous n'avons pas cherché à remettre en cause la validité du dispositif dans ce centre de formation ni le fonctionnement adopté. Ce temps de travail est la promesse que les éprouvés dans le temps du stage trouveront à se transformer dans le centre de formation afin d'échapper à l'emprise, au déni de la conflictualité, à la neutralité bienveillante de l'opératoire et à la privatisation du lien à l'autre. La pertinence de ces groupes est une question s'il n'est pas autorisé que s'actualise dans la parole des étudiants leur rapport à la formation, à l'institution qui les a sélectionnés et aux formateurs qui les accompagnent. Dans ces rapports, leur préoccupation à l'égard des usagers est bien réelle et elle trouve à se métaphoriser dans le lien pédagogique où le savoir n'a d'intérêt que dans ce qu'il prétend délimiter du champ de la parole, ici, professionnelle.
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PINEL Jean-Pierre, Enseigner et éduquer en institution spécialisée : approche clinique des liens d’équipe,
in
Connexions N° 75, Toulouse, Érès, 2001, pp. 141 à 152
RACAMIER Paul-Claude,
L'inceste et l'incestuel,
les Éditions du collège, Paris, 1995, 254 p.
ROUSSILLON René, « Espaces et pratiques institutionnelles, le débarras et l’interstice », in KAËS et coll.1987,
L’institution et les institutions, Études psychanalytiques, Dunod, Paris, 2003, pp 157-179
Notes:
Claire VAISE est un nom d'emprunt,
le titre de son mémoire
, La relation école-terrain dans la formation des assistants sociaux ou la difficile articulation théorie-pratique
, mémoire de Maîtrise en Sciences Sociales Appliquées au Travail, 1985, n'ayant pas fait l'objet d'une publication.
FUSTIER Paul, Le groupe syncrétique : trois hypothèse pour une approche clinique
,
in
Se former ou se soigner, l'analyse de la pratique dans la formation et le travail social,
les Publications du CRI, Lyon, 1989, p.166
FUSTIER Paul, De l'existence du groupe clinique à l'intérieur de l'institution
,
in
Se former ou se soigner? L'analyse de la pratique dans la formation et le travail social.
Les publications de CRI, Lyon, 1989
FUSTIER Paul,
Le travail d'équipe en institution, clinique de l'institution médico-sociale et psychiatrique,
DUNOD, Paris, 2004, p.26
Préface à A
venir d'une illusion
DOSDA Pierre,
l'analyse de la pratique éducative dans un lieu de formation,
in
Se former ou se soigner? L'analyse de la pratique dans la formation et le travail social. Les publications de CRI, Lyon, 1989
Claire VAISE, op cit p.58
FUSTIER Paul (2004) p. 65
FOUCAULT Michel,
Les mots et les choses,
Gallimard, Paris, 1966, p.339
Ibid. p. 341
ISAAC Joseph, FRITSCH Philippe,
Discipline à domicile, l’édification de la famille,
Acte de la recherche N°28, 1978
MILLOT Catherine,
FREUD antipédagogue,
Navarrin éditeur, Paris, 1979
op. cit. P.37
Claire VAISE, op. Cit.p1
PINEL Jean-Pierre,
Enseigner et éduquer en institution spécialisée : approche clinique des liens d’équipe.
Connexions N° 75, Toulouse, Eres, pp. 141 à 152
Ibid, p. 145
Le parcours de Claire VAISE n'est pas une exception dans l'institution-école. Elle est devenu formatrice dans l'école qui l'a formée sur la base d'une
cooptation,
c'est à dire une pratique de recrutement par étape: formé/formateur-vacataire/formateur-titulaire/cadre. La promotion sociale comme principe premier contenu dans la charte institutionnelle est aussi applicable au personnel-formateur.
FUSTIER Paul,
Le ''groupe syncrétique'': trois hypothèses pour une approche clinique,
in « Se former ou se soigner? L'analyse de la pratique dans la formation et le travail social », Les publications du CRI, université Lumière-Lyon 2, 1989, p. 173
HENRI-MÉNASSÉ Catherine,
Au milieu du fleuve, entre le thérapeutique et le formatif
, in L'analyse de la pratique: origine et enjeux, Canal Psy N°64, juin-juillet 2004 pp.10-12 (p.11)
KAES René et coll.
Réalité psychique et souffrance dans les institutions,
in L’institution, les institutions, Etudes psychanalytiques. Dunod, Paris, 2003, p. 2
Ibid. p. 3
RACAMIER Paul-Claude,
L'inceste et l'incestuel,
les Éditions du collège, Paris, 1995, 254 p.
KAËS, op. Cit, p. 3
ROUSSILLON René, « Espaces et pratiques institutionnelles, le débarras et l’interstice », in René KAËS et coll.1987,
L’institution et les institutions, Etudes psychanalytiques, Dunod, Paris, 2003, pp 157-179
Ibid. p.167
FUSTIER Paul,
les corridors du quotidiens, la relation d’accompagnement dans les établissements spécialisés pour enfants,
PUL , Lyon, 1993, p. 94
Ibid. p. 143
Ibid. p.137
FUSTIER Paul,
Le travail d'équipe en institution, clinique de l'institution médico-sociale et psychiatrique, DUNOD, Paris, 2004
DEVEREUX Georges, « Normal et anormal », in Essais d'ethonopsychiatrie générale, Gallimard, 3ème édition, Paris, 1973, p.5
Ibid. p.12
DOSDA Pierre, Professionnalité et analyse des défenses professionnelles
,
institut de psychologie, D.U.A.Pr 2008, 14 p.
Ibid, p. 4
Ibid, p. 4
DEVEUREUX Georges,
Ethnopsychanalyse complémentariste
, Flammarion, 2ème édition, Paris, 1985, P.67
MANNONI Maud,
Education impossible,
Editions du Seuil, Paris, 1973
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