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Désordres ou symptômes

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Jean-Jacques Renaud

vendredi 10 février 2006

Ferdinand et les TCC

Le titre que j’ai retenu pour cette communication lors du séminaire théorique de l’Antenne Clinique de Dijon ce soir pourra peut-être apparaître un peu énigmatique, il fait en effet un peu BD !!

Entre ce prénom - Ferdinand - qui est celui donné par Philippe Caubère au personnage qu’il fait vivre sur la scène depuis plusieurs décennies pour dénouer le fil d’Ariane de son roman d’un acteur, et les TCC - sigle usité aujourd’hui pour désigner les thérapies comportementales et cognitives qui ont été particulièrement bien « évaluées » par un certain rapport de l’INSERM en 2003…

Mais ce n’est pas de cela que je vais ici parler. Ni du destin du théâtre du Soleil et de son acteur protée incarnant magnifiquement Molière dans le film d’Ariane Mnouchkine, ni des thérapies susnommées.

Le sigle TCC que je veux évoquer fait référence à une série terminologique particulièrement usitée dans le champ des établissements et services dits médico-sociaux qui œuvrent dans le secteur de l’enfance et de l’adolescence.

Ferdinand, je vous le présenterai par la suite : jeune garçon sortant à peine de l’enfance, il vivait à Vienne, la capitale autrichienne de l’ex-empire austro-hongrois, dans les années 1920 ; c’est à partir de sa rencontre avec l’éducation spécialisée orientée par la psychanalyse - à travers l’expérience inaugurée par August Aichhorn à Oberhollabrunn entre 1918 et 1922 - que je vous parlerai de lui.

Les TCC donc : ce sont ici « les troubles de la conduite et du comportement », répertoriés également comme « troubles du comportement » et plus récemment « troubles de la conduite » ou encore « troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent » ; c’est en effet le titre exact sous lequel est restituée ce que l’INSERM a nommé « une expertise collective » délivrée en septembre 2005 à la demande de la CANAM, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des travailleurs indépendants.

Je ne vous entretiendrai pas directement de ce rapport, Jean-Daniel Matet l’a fait il y a peu lors de la conférence qu’il est venu donner à l’Antenne Clinique de Dijon. De même Dominique Laurent le commente avec précision dans le numéro 61 de la revue « la Cause freudienne » 1 .

Ce qui m’intéressera ici sera plutôt d’essayer de saisir les enjeux cliniques et éthiques posés à partir de l’usage fait de cette terminologie advenue dans le champ clinique et institutionnel de l’enfant et de l’adolescent pour désigner des catégories de troubles répertoriés ainsi :

troubles du comportement,

troubles de la conduite et du comportement,

troubles de la conduite, ou des conduites.

Puis en convoquant ensuite avec vous l’expérience d’August Aichhorn, qui nous est restituée dans son ouvrage « Verwahrloste junged » 2 , qui fut d’abord traduit en français en 1973 sous le titre : « Jeunesse à l’abandon », puis réédité en 2000 sous le titre : « Jeunes en souffrance » aux Éditions du Champ social, dans la collection « Psychanalyse » dirigée par Joseph Rouzel.

Cet ouvrage qui fut un temps épuisé, est à nouveau disponible dans cette collection. Il a été préfacé par Sigmund Freud lors de sa première édition ; celui-ci tenait ainsi à saluer chaleureusement cette expérience inaugurale qui est par ailleurs évoquée à plusieurs reprises par Jacques Lacan, dans ses Écrits entre autres.

J’articulerai à cela trois cas cliniques issus de ma pratique, dans une institution éducative et thérapeutique, également dans une activité de consultations en CMPP.

Mais je voudrai commencer par vous donner lecture d’un bref article, rédigé en forme d’éditorial dans une revue assez connue je crois aujourd’hui des praticiens du secteur social et médico-social : la revue Lien social , qui se présente comme « le forum social du jeudi ».

Il s’agit de sa livraison du jeudi 8 décembre 2005 : cette rubrique éditoriale comme je vous l’ai dit, porte le chapeau « social actualité » ; elle est publiée sous ce titre: « Après les émeutes, Nicolas Sarkozy briefe les préfets » 3 .

Lisons-là ensemble :

« Le 28 novembre dernier, le Ministre de l’Intérieur, par ailleurs candidat déclaré à la future élection présidentielle dans notre pays a réuni les préfets pour leur présenter un cortége de mesures destinées à lutter contre la délinquance, l’insécurité et l’injustice sociale. Ses réflexions, note le journaliste, portent sur trois points : l’aménagement du territoire, la sécurité et la prévention de la délinquance ».

Rien donc qui ne soit du domaine de compétence de son ministère. Nous pouvons y lire déclinées en effet diverses propositions, dont l’une a particulièrement retenue mon attention : En bon républicain démocrate, Nicolas Sarkozy rappelle que « son objectif est de donner les mêmes chances à tous les enfants » ; il en déduit naturellement que « plus on intervient tôt dans la vie d’un enfant sans attendre les problèmes liés à l’adolescence, plus on a de chance de réussite ». Pour cela, il faut dit-il « que les services de PMI, chargés du repérage des troubles du comportement s’intéressent davantage aux enfants de six ans et plus ».

Ainsi nous voyons énoncée de façon explicite, par le Ministre de l’Intérieur, la notion de « troubles du comportement » comme liée à la sécurité et à l’ordre public.

Evidemment, je ne sais s’il y a parmi vous des praticiens qui exercent dans le champ de la Protection Maternelle et Infantile ; peut-être seront-ils surpris d’apprendre qu’ils sont ici clairement missionnés par celui qui est garant de l’ordre public au niveau le plus élevé de l’Etat, dans le repérage des troubles du comportement, et non plus seulement dans une mission générale de santé mentale, comme partie de la santé publique.

Pourtant qu’il soit là, explicitement, à partir de cette catégorie des troubles du comportement, fait jonction entre santé mentale et ordre public n’a rien de surprenant.

Jacques-Alain Miller avait en janvier 1988 repris cela dans une conférence prononcée en clôture des Journées du Champ freudien à Séville, conférence publiée par Mental n°3, la « revue internationale de santé mentale et de psychanalyse appliquée » éditée par l’École Européenne de psychanalyse », sous le titre : « les mesureurs » 4 :

« La santé mentale n’a pas d’autre définition que celle de l’ordre public. Il n’y a en effet pas de critère plus évident de la perte de la santé mentale que celui qui se manifeste par la perturbation de cet ordre. Et cela peut aller jusqu’à l’ordre supposé privé de la famille » 5 .

Notons d’ailleurs à ce propos que le Ministre de l’Intérieur dans son intervention a souhaité en effet que « les parents défaillants soient soutenus mais aussi rappelés à leurs devoirs ». 6

Mon propos ici s’ordonnera autour de ce que Jacques Lacan et Michel Cénac ont diagnostiqué le 29 mai 1950 dans leur communication faite à la XIII° conférence des psychanalystes de langue française et qui se trouve rapporté dans « l’Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie » qui est reprise dans les Écrits :

« Les idéaux de l’humanisme se résolvent dans l’utilitarisme du groupe. Et comme le groupe qui fait la loi n’est point, pour des raisons sociales, tout à fait rassuré sur la justice des fondements de sa puissance, il s’en remet à un humanitarisme où s’expriment également la révolte des exploités et la mauvaise conscience des exploiteurs auxquels la notion de châtiment est devenue également insupportable.

Et les auteurs de rajouter ceci : « Cette conception suppose ainsi résolus les rapports du droit à la violence et le pouvoir d’une police universelle ». 8

Nous avons là précisément l’énoncé de ce qui à mon sens fonde l’irruption et l’usage de cette notion de troubles du comportement, troubles de la conduite et du comportement, troubles de la ou des conduites dans le champ de la santé mentale, comme partie de l’ensemble plus vaste de la santé publique, et qui fait le souci appliqué aujourd’hui des épidémiologistes.

Notons que ce développement, dans le texte de Jacques Lacan et Michel Cénac , fait suite à ce qui est souligné par leurs auteurs, du destin fait par notre époque - nous sommes alors en 1950, juste après guerre, mais les choses n’ont fait que s’accentuer de ce point de vue - à la sentence paulinienne : « c’est la loi qui fait le péché » et à sa déclinaison en droit pénal : « c’est la loi qui fait le crime », qui est rappelons-le ici, le fondement sur lequel repose dans notre pays tout engagement de poursuite pénale.

« La responsabilité c’est-à-dire le châtiment est une caractéristique essentielle de l’idée de l’homme qui prévaut dans une société donnée. Une civilisation dont les idéaux seront toujours plus utilitaires, engagée qu’elle est dans le mouvement de sa production ne peut plus rien connaître de la signification expiatoire du châtiment. Car si elle retient la portée exemplaire de celui-ci, c’est en tendant à l’absorber dans sa fin correctionnelle . » 9

En effet, comme l’a décrit par ailleurs Michel Foucault dans son ouvrage « Surveiller et punir », il y a cohérence entre le moment du rejet du châtiment corporel exemplaire, considéré alors comme inhumain, qui faisait s’affronter en place publique, physiquement et avec éclats, les corps (celui du souverain à travers le geste du bourreau et celui du supplicié), et l’instauration de ce qu’il appelle le temps de la punition généralisée, plus douce certainement, mais non moins radicale.

Citons seulement ceci, extrait de « Surveiller et punir » :

« Tout se passe comme si le XVIII° siècle avait ouvert la crise de l’économie des châtiments et proposé pour la résoudre la loi fondamentale que le châtiment doit avoir « l’humanité » pour « mesure », mais sans qu’aucun sens définitif ait pu être donné à ce principe considéré pourtant comme incontournable. Il faut donc raconter la naissance et la première histoire de cette énigmatique douceur ». 10

Sans préjuger des perspectives que Michel Foucault donnera à cela pour son engagement propre autour de cet enjeu politique, notons seulement ici qu’il en fera l’acte de naissance d’une « discipline » : la psychiatrie en tant qu’appliquée à la pénologie, et son correspondant universitaire, la psychologie en tant que « science des comportements et de la conduite » comme je le reprendrai par après.

Pour prolonger ce que Jean-Daniel Matet a développé ici même il y a quelques jours, cette perspective aboutit de facto à un véritable quadrillage des populations, qui revient, comme le rappelait Jean-Claude Milner lors du « forum des psys » de janvier 2004, à réveiller le concept soutenu par l’un des prédécesseurs de Nicolas Sarkozy, chargé de la bonne tenue des foules, Monsieur L.A. Fréguier, chef de bureau à la Préfecture de la Seine, dans un ouvrage qui fut récompensé en 1838 par l’Académie des Sciences morales et politiques : « Des classes dangereuses de la population des grandes villes et des moyens de les rendre meilleures ».

Son auteur énumérait ainsi la chaîne du danger : « classes nombreuses, classes malheureuses, classes vicieuses, classes laborieuses, et classes dangereuses ». 11

Au vocabulaire près, nécessairement revu par la sémantique de notre temps et modifié par le destin qui leur est fait désormais sous la férule du développement « libéral » de l’économie - les classes laborieuses sont en effet devenues généralement chômeuses, ce qui ne les émancipent nullement, tout au contraire, de la suspicion d’être ainsi porteuses de « facteurs de risques cumulés » - vous pouvez retrouver ce qui guide nos experts modernes sélectionnés par l’INSERM, dans la comptabilisation de ce qui préside à l’advenue des « troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent », ceci exprimé dans la langue singulière de la psychiatrie contemporaine du DSM IV appliquée à l’épidémiologie : il s’agit ici de cerner « les populations cumulant les facteurs de risques ».

Au fond le rapport d’expertise collective de l’INSERM se révèle ainsi comme le corollaire avéré, appliquée à la population dans son ensemble, de ce que Lacan et Cénac énonçaient en 1950 comme une conception sanitaire de la pénologie, et de son insertion radicale désormais comme organisateur du champ de la santé mentale, composante de la santé publique et donc de l’ordre public que le maître contemporain se doit d’assurer pour le bien-être de tous.

S’il est ainsi donné comme un enjeu politique majeur de notre temps, il ne saurait être sans conséquence cliniques pour nous.

Notons de plus qu’il y a cohérence de ce qui s’est ainsi dessiné, avec l’advenue de cette terminologie dans le champ du traitement des enfants et des adolescents « inadaptés » telle que celui-ci s’est constitué au sortir de la seconde guerre mondiale.

C’est en effet dans ce mouvement que les CREAI (Centres de Recherche sur l’enfance et l’adolescence inadaptées) par exemple ont reçu leur label. De même, nous verrons apparaître simultanément dans notre pays une nouvelle juridiction d’exception, comme issue de la combinaison de la vocation pénale (l’Ordonnance du 2/2/1945 sur la justice des mineurs délinquants) et de la vocation civile (par l’Ordonnance du 22/12/1958) dans le domaine de la protection judiciaire et sociale de l’enfance en danger ; dans le même temps, s’édifie tout un ensemble d’institutions traitant du devenir social et médical des enfants dans leurs familles et à l’école.

Par la loi du 15/04/1954, l’Assistance Publique se mutera en Aide Sociale à l’Enfance, service départemental public instaurant une compétence particulière à l’Etat en matière de protection des enfants abandonnés, en danger ou privé de famille.

Par ailleurs, se constituera sous l’égide de la psychologie universitaire établie comme discipline unifiante du devenir infantile, tout un édifice visant à traiter comme « handicap » la déficience et le trouble venant affecter la compétence scolaire et sociale des enfants.

Néanmoins, c’est dans ce cadre que s’est ouverte une nouvelle ère de la prise en compte des choses mentales qui a vu se constituer un vaste domaine clinique d’expériences et de réflexions théoriques dont nous ne citerons ici que quelques fleurons :

Cela va de « L’enfant agressif » de F. Redl et D. Wineman publié aux USA en 1951, « des enfants de Caïn » de L. Roubaud en 1925, « Les enfants du bagne » de Rouanet, et autres « Libres enfants de Summerhill » du Docteur anglais A.S. Neil, publié en français en 1970 et préfacé par Maud Mannoni…

C’est aussi dans ce même mouvement que Jenny Aubry inaugura à l’hôpital Trousseau et à la Fondation Parent-de-Rosan l’expérience clinique dont elle témoigne dans son livre « Enfance abandonnée, la carence de soins maternels ». Comme celles de Rosine et Robert Lefort, de Maud Mannoni avec l’École expérimentale de Bonneuil, de Françoise Dolto dans ses consultations à l’hôpital et en Hygiène mentale, ou de Bruno Bettelheim avec l’École orthogénique de Chicago…etc.…

Souligner et saluer ici les apports essentiels de ces expériences civilisatrices dans le champ clinique qui est le nôtre, ne doit pas pour autant nous dispenser de relever qu’elles furent contemporaines d’un temps où se constituait, avec d’ailleurs des prétentions tout aussi civilisatrices, un vaste édifice visant au repérage et au traitement des troubles du comportement et des conduites déviantes répondant de façon anticipée au vœu de notre actuel ministre de l’Intérieur.

De même, François Leguil reprendra cela dans la communication qu’il nous a faite sous le titre qu’il avait choisi pour la circonstance « Les enfants contumax » lors du colloque de l’ACF Bourgogne Franche Comté le 25 mars 2000. 14

Dans le résumé que Lacan et Cénac firent des réponses apportées à leur rapport du 29 mai 1950 que j’ai cité plus haut, est souligné la pente même de la criminologie ainsi conçue comme sciences des conduites criminelles, dans la pleine antinomie de ses effets , telle que cela apparaît à entendre alors le discours de Mr Hénard lors de la XIII° conférence des psychanalystes de langue française :

Nous pourrions dire de même que le traitement épidémiologique des troubles de la conduite chez l’enfant se fait volontiers au détriment de son statut infans , en éternisant et figeant en quelque sorte celui-ci et en affectant de même ses répondants légaux, ses parents, de la tutelle de l’Etat supposé bienveillant à l’endroit de son bien et de sa santé, mais assurément de ce fait assignataire.

J’avais pour cela, lors de ce même colloque de l’ACF-BFC du 25 mars 2000, rappelé la référence prise par Lacan chez Thomas d’Aquin, qui fut soulignée par ailleurs par notre collègue Jacqueline Dhéret : « les enfants ne naissent pas en grâce mais en justice comme leurs parents ». S’ils sont en effet reconnus « mineurs » en droit, soit comme non titulaires de leur acte, ce n’est qu’en vertu de ce que le théologien nomme un « droit à l’entrave », lequel est soutenu par son répondant légal le temps de l’enfance ; il caractérise ainsi le petit d’homme en le distinguant radicalement de l’innocence de l’ange, du « bienheureux » dont la responsabilité ne saurait à jamais être engagée. 16

Lorsqu’une certaine conception de la prévention prédomine en effet, s’instaure alors la discipline d’une science, d’une médecine et d’une justice prédictive appliquée à l’enfance et à l’adolescence, que celle-ci soit définie « inadaptée » ou « maltraitée » ou encore « à risques » comme c’est plus notoirement repris aujourd’hui.

L’espace du particulier, de « l’éveil du printemps », des métamorphoses de la puberté. L’espace du rêve, du symptôme et du Witz.

« Lorsque l’on ne croit plus à la langue ambiguë, celle qui produit le sujet, et que l’on fait l’apologie de la langue univoque des troubles, la langue des TCC, (ici les thérapies cognitivo-comportementales) le sujet cesse de respirer dans l’air vivifiant de la langue ». 18

C’est alors le rapport à la norme (celle des comportements, de la conduite) qui fait le trouble et qui signe un désordre à prévenir et à éradiquer.

C’est la loi du langage, celle qui fait le fondement paradoxal du parlêtre qui est mise à mal et c’est là que se situe la responsabilité du psychanalyste de notre temps.

J’ai cherché dans le champ que je scrute ici - celui du traitement des troubles chez l’enfant et l’adolescent, champ où se sont installées les institutions où nous travaillons - comment ces notions sont apparues et quel cours cela a pris par la suite.

Je le saisirai ici par trois références isolées parmi d’autres, mais qui me semblent rendre compte singulièrement de la chose.

La première est issue du « Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l’enfant » publié sous la direction de Robert Lafont, dans sa 3ième édition revue et éditée en 1973 (la 1ère datant de 1963). 19

Robert Lafont était alors professeur de clinique des Maladies mentales et nerveuses à la Faculté de Médecine de Montpellier, président du Centre technique national pour l’Enfance et l’Adolescence inadaptées, président de l’Union mondiale des Organismes de Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence.

Il a réuni pour cette somme incontournable lors des années 70 dans la bibliographie recommandée par touts les instituts de formation d’éducateurs et d’enseignants spécialisés, un ensemble de collaborateurs, tous praticiens divers dans le champ de l’Enfance et de l’Adolescence, et dans la Magistrature de la Juridiction des mineurs.

Citons en particulier Jean-Louis Faure, chargé de cours complémentaires aux Facultés de Lettres et de Médecine, médecin-chef de la Consultation d’Hygiène mentale infantile de Montpellier, et correspondant de la Société Française de Psychanalyse,

Pierre Martin, médecin-chef de l’Hôpital psychiatrique de Montpellier, chargé de cours à la Faculté des Lettres et Sciences humaines, membre correspondant de la SFP ; il fût un compagnon de route de Lacan, membre de l’Ecole freudienne de Paris et le premier président de l’Ecole de la cause freudienne de 1981 à 1982.

J’ai recueilli dans cet ouvrage à vocation encyclopédique, ce qui est écrit sous les trois termes qui nous retiennent ici : troubles, comportement et conduite.

Trouble :

Substantif, en biologie : désordre dans le fonctionnement d’un organe ou d’un système.

Adjectif , toujours en biologie : qui n’est pas clair ; ex : vue trouble.

Il n’y a rien d’autre ; notons qu’il y a néanmoins une ambiguïté quant à la traduction en anglais, notée ici discorder et non disorder … Est-ce une coquille ?

Comportement :

Là, nous trouvons un peu plus. La référence explicite au behaviorisme y est soulignée :

1) Dans le sens restreint :

ensemble des réactions adaptatives objectivement observables qu’un organisme généralement pourvu d’un système nerveux exécute en riposte aux stimuli eux aussi généralement objectivement observables, provenant du milieu dans lequel il vit.

(A. Tilquin, le Behaviorisme Vrin 1942)

2) Dans le sens large :

réaction totale d’un être par lequel il répond à une situation vécue en fonction des stimulations du milieu et des tensions internes de l’organisme, et dont les moments successifs sont orientés dans une direction.

Le comportement global comprend tout ce qui est mis en jeu dans la réaction ; il implique pour l’homme trois éléments formant une totalité indissociable :

- la conscience vécue, intentionnelle, engagée dans l’action, ce qui est senti, éprouvé, compris par le sujet,

- les manifestations extérieures pouvant être observées,

- la relation avec le milieu de vie (englobant tout l’environnement physique et l’entourage humain lié à la situation)

3) Dans le sens psychologique :

rapport du sujet et de l’environnement et activité intrinsèque-psychique lorsqu’elle atteint une certaine complexité d’ensemble à comprendre autant de l’extérieur que de l’intérieur : « Vision de l’homme comme débat et explication perpétuelle avec un monde physique et avec un monde social ».

(Ici, c’est une définition qui vient de la phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty.)

Le caractère apparaît dès lors comme une attitude de défense, comme une formation essentiellement défensive, « réactionnelle » (Fénichel) destinée à protéger l‘individu non seulement contre la menace de ses pulsions, mais contre l’apparitions de symptômes.

Nous trouvons par après un quatrième sens, biologique, qui nous intéressera moins ici, sinon dans son lien explicite avec l’avènement des psychotropes en médecine mentale et neurologique et de leurs effets agissant sur les troubles du comportement.

Conduite :

C’est sans doute ici que nous trouvons le plus à apprendre quant au destin que ce terme a pris dans la clinique.

1) Au sens premier, nous trouvons ceci :

Action de diriger la marche de quelqu’un (au sens propre). A partir du XVII° siècle, prend un sens figuré appliqué à la direction des pensées et des actions d’une autre personne ; dès cette époque le mot se dit aussi au sens réfléchi, de la manière dont on se conduit soi-même (Pascal). D’où le sens courant visant les manières d’être et d’agir d’un sujet par rapport aux règles morales de son milieu.

Indépendamment de ses usages, reste ainsi marqué le caractère premier d’une orthopédie sociale.

2) Au sens psychologique :

a) Terme adopté par Janet qui considère tous les phénomènes psychiques comme des actions et qui fait de la notion de conduite ((entendue au sens d’action à laquelle une tendance a pour caractère propre d’aboutir) l’objet de la psychologie .

b) Selon Daniel Lagache « la psychologie est la science de la conduite , celle-ci étant comprise comme l’ensemble des réponses significatives par lesquelles l’être vivant en situation intègre les tensions qui menacent l’unité de l’organisme » (cf L’unité de la psychologie p.57 PUF)

En effet, selon cet auteur, le concept de conduite :

« - n’implique rien en ce qui concerne les qualités conscientes ou inconscientes des processus mentaux mis en jeu dans l’action ( cf :Lagache, « la psychanalyse » p.36, PUF 1955 ) ;

- s’étend à toutes les conduites aussi bien aux manifestations purement extérieures et matérielles (physiologiques, motrices) qu’aux opérations symboliques (verbales, mentales) ;

- traduit l’interaction constante individu-milieu constituant une totalité dynamique qui englobe la relation vécue dans la situation par le sujet. »

Il est précisé alors dans le Lafont :

« Ainsi pris en ce sens large, le concept de conduite peut faire l’unité entre les différents points de vue de la psychologie. »

Réf : D. Lagache Bull. de psycho. Le concept de conduite, n°11, VIII , p.608 et suiv. ; 20 mai 1955.

C’est en effet dans son débat épistémologique avec ce qui fonde chez Lagache cette unité, « à partir d’une théorie générale de la conduite, comme synthèse de la psychologie expérimentale, de la psychologie clinique, de la psychanalyse, de la psychologie sociale et de l’ethnologie » proposée comme socle épistémique d’une science qui se suppose elle-même comme telle, que Georges Canguilhem rappellera comment « de bien des travaux de psychologie, il ressort l’impression qu’ils mélangent une philosophie sans rigueur, une éthique sans exigence et une médecine sans contrôle » :

On comprend dès lors ce qui conduira Georges Canguilhem à conclure en 1956 son propos par cet avertissement rappelé plus haut :

« Quand on sort de la Sorbonne par la rue Saint Jacques, on peut monter ou descendre ; si l’on va en montant, on se rapproche du Panthéon qui est le Conservatoire de quelques grands hommes, mais si l’on va en descendant on se dirige plus sûrement vers la Préfecture de Police.»

Lisez, si vous le voulez bien, avec cet avertissement en tête, le récent rapport de l’INSERM et vous constaterez combien il n’y a, de ce point vue, rien de nouveau sous le soleil, sinon que la vocation triviale et descriptive a-théorique du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - Fourth Edition (DSM-IV) de l’American Psychiatric Association y est pleinement revendiquée.

Notons également ceci : si le concept de « comportement » nous vient plutôt des comportementalistes avant qu’ils ne se mâtinent de cognitivisme ( Le Behaviorisme), le concept de conduite comme supposé unificateur du champ scientifique de la psychologie nous vient d’un Professeur par ailleurs psychanalyste, ayant accompagné Lacan dans la scission de 1953 divisant la Société Psychanalytique de Paris et dans la création de la Société Française de Psychanalyse…

Seconde référence :

Elle sera plus brève : ce sont les annexes XXIV, que tous ceux qui travaillent dans les institutions de soins spécialisés du secteur médico-social connaissent ou ont du moins entendu parler.

Il s’agit des textes réglementaires qui visent à définir « les conditions techniques d’autorisation des établissements et des services prenant en charge des enfants et adolescents présentant des déficiences ou inadaptés ».

Autrement dit, l’ensemble du dispositif qui s’est constitué régulièrement au sortir de la seconde guerre mondiale et qui accompagne la psycho-technique naissante en tant que celle-ci va donner une base mesurable à l’efficience mentale des enfants, en fonction d’une compétence intellectuelle établie comme statistiquement normale.

Dans son installation même, cette catégorisation va faire apparaître une catégorie d’enfants connexe, à la marge de la première décelée, non moins handicapante selon ce qui est attendu d’un enseignement général gratuit et obligatoire, bien que ne relevant pas du « déficit » entendu sur le plan de la débilité mentale - au sens premier de Dupré - que l’on nomme aujourd’hui « déficiences intellectuelles » ; les enfants relevant de cette catégorie singulière seront nommés simplement dans l’intitulé de l’annexe XIV : « inadaptés ». C’est de cette catégorie que sont issus entre autres les désormais fameux TDHA tant évoqués aujourd’hui, troubles déficitaires de l’attention et de l’hyperactivité. On voit ainsi qu’il a fallu inventer de nouvelles catégories de troubles « déficitaires » que ne recouvre pas la notion générale de déficience intellectuelle et la notion classique de débilité mentale.

Lorsqu’il s’agira de viser en quoi l’ensemble de ces troubles relèvent d’une éducation spéciale, dans des instituts spécifiques dénommés alors Instituts de Rééducation, le texte énonce les choses ainsi :

« Sont également visés par la présente annexe les établissements (IR) et services, distincts des précédents, prenant en charge des enfants et adolescents dont les manifestations et les troubles du comportement rendent nécessaire, malgré des capacités intellectuelles normales ou approchant la normale, la mise en œuvre de moyens médico-éducatifs pour le déroulement de leur scolarité ».

Il me semble que nous avons là à l’œuvre in situ, dans la réglementation qui en est issue, la fragilité épistémologique de la psychologie qui s’exerce à définir des catégories, ici celle des troubles du comportement, et surtout à cerner les individus qui en seraient affectés. Non que ces troubles ne soient avérés dans leurs manifestations parfois bruyantes, mais à permettre de saisir de quoi ils répondent.

Cette fragilité fût soulignée par G. Canguilhem à l’endroit même du psychologue, lorsqu’il remarque que la question de l’essence ou plus modestement du concept de la science dont celui-ci se prévaut, vient questionner directement son existence même : « Là où faute de pouvoir répondre exactement sur ce qu’il est, il est rendu difficile au psychologue de répondre de ce qu’il fait ». 21

Il nous semble que souvent lesdits Instituts de Rééducation n’échappent à cette logique, au point que le législateur se soit décidé à les rebaptiser tout récemment Instituts Thérapeutiques, Éducatifs et Pédagogiques, ITEP.

En son article modifié par le décret 2005-11 du 6 janvier 2005, les choses sont ainsi libellées :

« Les ITEP accueillent les enfants, adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages. Ces enfants, adolescents et jeunes adultes se trouvent, malgré des potentialités intellectuelles et cognitives préservées, engagés dans un processus handicapant qui nécessite le recours à des actions conjuguées et à un accompagnement personnalisé tels que définis au II de l’article D. 312-59-2. »

Assurément la formulation semble plus prudente dans ses énoncés ; notons surtout qu’elle fait la part belle, et disons-le d’une façon plutôt heureuse, à l’incertitude préservée dans l’exposé desdits troubles du comportement, comme à l’aléatoire et à la contingence de leur émergence, aléatoire et contingence qui n’épargnent ni les conditions du dépistage ni celles du traitement.

Voilà qui vient en quelque sorte faire écho à ma troisième et dernière référence, qui se situe chronologiquement dans l’entre-deux de celles que je viens de vous livrer.

Il s’agit là pourtant de l’expression d’un regret, voire d’une dénonciation de cette contingence qui ne peut que navrer le fonctionnaire soucieux des deniers publics : c’est le résumé d’un rapport de l’Inspection Générale de l’Action Sociale sur les Instituts de Rééducation, datant de janvier 1999, et présenté par Mrs Soutou et Gagneux.

Après avoir observé, plutôt sur le mode de la déploration, combien les IR qui ont « vocation à la prise en charge des jeunes souffrant de troubles du comportement forment un secteur spécifique régulièrement bien doté en dimension, en croissance et en volume », les auteurs du rapport soulignent combien celui-ci « demeure dans l’ensemble mal connu et mal piloté ».

Les rapporteurs relèvent « le caractère extrêmement complexe et divers de la notion de troubles du comportement » ce qui rend à leurs yeux « impossible toute définition précise et univoque, tant au plan médical qu’administratif. ».

« Ni véritables « déficients mentaux », ni intrinsèquement psychotiques (!!!), ni simples cas sociaux, les jeunes souffrant de troubles du comportement se situent en effet à la lisère de multiples domaines d’intervention, et relèvent la plupart du temps, simultanément ou alternativement, de tous les types de prise en charge : sociale, éducative, médico-psychologique et parfois judiciaire. »

« La mixité fondamentale de la notion de troubles du comportement , et ce, du triple point de vue de leurs causes, de leurs manifestations et des stratégies de soins et de rééducations qu’ils impliquent, a rejailli sur la conception et le régime de fonctionnement des établissements appelés à prendre en charge les enfants qui en souffrent. »

« Ainsi se révèle-t-il impossible à l’analyse, de dégager un modèle de référence ».

Et les rapporteurs de continuer en observant combien « le placement en Institut de Rééducation reste trop souvent une affaire de circonstance. L’enfant ou l’adolescent souffrant de troubles du comportement peut en effet en fonction de son environnement familial et scolaire, de la structure de l’offre locale en hébergement spécialisé, ou des aléas de son itinéraire social ou judiciaire, se voir tout aussi bien orienté vers un foyer de l’Aide sociale à l’Enfance, un foyer de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ou un Institut de Rééducation. Il bénéficie alors d’une prise en charge correspondant non pas à son état mais aux règles administratives et financières régissant l’établissement qui l’accueille ».

En somme, ce que les rapporteurs formulent ici avec regret, c’est combien une impéritie épistémologique foncière issue de la psychologie universitaire préside à l’orientation des enfants et adolescents dans les institutions sociales et médico-sociales.

Je m’arrêterai là non sans souligner combien il peut apparaître curieux que le psychanalyste recueille ici l’appoint du fonctionnaire de l’administration, à relever la contingence et l’aléatoire du destin de ces enfants - même si pour celui-ci, il s’agit de le déplorer. Ce qui va bien évidemment à l’encontre de l’assurance vers laquelle tend le psychologue dans l’exercice de sa science quand celle-ci s’assigne comme objet la définition desdits troubles du comportement et de la conduite.

J’ai conscience d’avoir fait peut-être un trop large développement quant aux usages de cette notion de TCC, au risque d’amputer la seconde partie de mon exposé, mais je me suis sans doute pris au jeu de cerner la fragilité épistémologique de cette notion de TCC qui nous est pourtant assénée le plus souvent sous un mode péremptoire, du fait même de ses manifestations avérées. Pourtant, celles-ci ne dispensent jamais en effet le clinicien de l’intelligence de la cause, et c’est sans doute ce que nous enseigne de la façon la plus précise Auguste Aichhorn.

Situons maintenant les choses.

Lacan à deux reprises fait écho à l’expérience inaugurée à Vienne par celui que Freud nomme dans la préface qu’il donne à son ouvrage « Verwahrloste junged » : le Président Aichhorn.

Celui-ci préside en effet à Vienne à la destinée d’une expérience éducative conduite auprès de jeunes asociaux de Oberhollabrunn, près de Vienne, entre 1918 et 1922, à la fois dans une pratique en placement hébergement éducatif et dans un centre de consultations.

Puis à partir de 1922, il formera un groupe de réflexion avec Siegfried Bernfeld et Wilhem Hoffer pour étudier les questions de délinquance des jeunes et leur traitement possible.

C’est pour faire valoir la difficulté particulière à traduire le terme allemand Verwahrloste par ce qu’il recouvre d’une orientation clinique, que Lacan vient à évoquer la notion de « délinquance latente » dans son « Introduction aux fonctions de la psychanalyse en criminologie » que j’ai déjà plusieurs fois évoquée plus haut. Il le fait dans le prolongement des conséquences qu’il rappelle lui-même de ses considérations déjà développées dans « les complexes familiaux » en 1938 :

Là encore nous retrouvons le même enjeu éthique portant sur la cause, qui toujours fait menace de glisser sur la pente d’un déterminisme externalisé, d’où le sujet reçoit sa sanction d’un savoir porté sur son devenir, et quoi qu’il en soit.

La clinique d’Aichhorn, si elle peut toujours faire enseignement pour nous par delà les années qui la sépare des conditions historiques et sociales de notre propre expérience, comme le souligne Freud dans sa préface, est une clinique qui s’élabore dans le détail de ce qui vient se donner comme expérience résolutive pour le sujet lui-même, et qui se décline comme nous en avions donné les coordonnées l’an passé dans notre exposé sur les abords du symptôme, en réponse au surgissement d’un point d’angoisse, qui certes vient troubler l’ordre social le plus souvent, mais qui d’abord est réponse, création, œuvre du sujet lui-même, qui le produit autant qu’il en est le produit.

La question reste selon Aichhorn à se situer dans une clinique qui jamais, quelles qu’en soient les conséquences, n’élude le choix éthique du sujet.

Freud le précise ainsi dans sa préface donnée à l’ouvrage d’Aichhorn :

« L’analyse a mis au jour, chez le malade comme chez le rêveur et l’artiste, l’enfant qui continue à mener sa vie sans avoir guère changé, elle a mis en lumière les forces pulsionnelles et les tendances qui impriment à l’être enfantin le sceau qui lui est propre, elle a suivi enfin les voies évolutives qui le mènent jusqu’à la maturité de l’adulte » 24

Plus loin, Freud s’emploie à décrire précisément en quoi l’expérience inaugurée par August Aichhorn relève d’une œuvre au sens plein du terme :

« L’auteur a œuvré pendant de longues années à son poste de directeur des établissements municipaux d’éducation protégée avant de faire la connaissance de la psychanalyse. Son comportement envers les jeunes pris en charge trouvait sa source dans l’intérêt chaleureux qu’il portait au destin de ces malheureux, et une intuition empathique de leurs besoins psychiques le guidait sur la juste voie.

D’un point de vue pratique, la psychanalyse ne pouvait guère lui enseigner grand-chose de nouveau, mais elle lui donna un aperçu théorique clair du bien-fondé de son action, et lui permit de la présenter à autrui comme une activité fondée sur des principes ». 25

Une activité sans standard mais non sans principes . Qui porte précisément vers une conception et une considération du symptôme dans son rapport à ce qui fait trouble, désordre, mais qui jamais ne laisse le sujet hors des conséquences de ce qui le détermine.

Dans le cas évoqué lors de sa seconde conférence intitulée « Une analyse du symptôme », Ferdinand, un jeune garçon âgé de 13 ans est présenté à Aichhorn par sa mère à la consultation éducative, avec la demande explicitement formulée par celle-ci d’une admission de l’enfant en maison de correction.

Dans le décours des explications que celle-ci donne à l’appui de sa demande, elle révèle que son garçon est parti de chez lui pour aller à Tulln (une ville proche de Vienne) sans prévenir ses parents et en emportant de l’argent pris dans le tiroir de la table de cuisine et dans la tirelire de sa sœur. Il n’est revenu que 48 heures après, et sa mère n’est pas parvenue à obtenir de lui la moindre explication sur son acte. Ce qui amène celle-ci à la conséquence de sa demande de placement de son fils pour son « comportement tellement mauvais ».

Après avoir entendu la mère, Aichhorn s’emploie à un travail d’élucidation laborieux avec Ferdinand, auquel je vous renvoie pour sa lecture détaillée, et qui porte sur les circonstances de la série des actes décrits, qui relèvent tous d’une certaine façon de ce qui est ordinairement logé sous la rubrique troubles de la conduite et du comportement : une fugue, un vol, et un refus obstiné de s’expliquer à sa mère sur sa conduite.

« L’interrogatoire de la mère ne livrant plus d’éléments susceptibles d’éclairer les manifestations déviantes de Ferdinand, je tentais, en interrogeant à part le jeune garçon de mettre en évidence des détails supplémentaires sur ses conduites. Je demandai à la mère d’attendre les résultats pour lui faire part des mesures nécessaire à prendre ». 26

Orienté par les considérations cliniques de constitution du symptôme répondant à la logique d’un conflit psychique, comme de celles du passage à l’acte sur le versant réponse du sujet au signal que constitue l’angoisse, Aichhorn repère bien sûr une position ambivalente de Ferdinand à l’endroit de ses parents. Mais nulle trace de manifestation typique de carence « Verwharlosung ».

Contrairement à sa mère, Ferdinand décrit les relations entre ses parents dans une certaine dysharmonie. Il révèle que lorsqu’une dispute éclate entre eux, le père s’en va, et reste plusieurs heures dehors cependant que la mère s’énerve. Il y a eu un nouvel affrontement le samedi précèdent et le père était parti avec son matériel de pêche à Tulln. Il est rentré beaucoup plus tard que d’habitude, à une heure très avancée de la soirée.

Si Ferdinand évoque son affection plus forte à l’endroit de sa mère, il estime en revanche que son père a raison de se soustraire aux affrontements désagréables avec celle-ci en s’éloignant. Il évoque de même sa relation difficile avec sa sœur.

Si les troubles relationnels et de comportement apparaissant ici font un peu sourire aujourd’hui, comparés à ce que nous pouvons rencontrer, l’essentiel est dans ce qu’en relève Aichhorn : une position ambivalente à l’endroit de ses parents, oscillant entre affection et rejet sans déceler pour autant « une tendance innée au vagabondage ».

C’est dans la précision du déroulement des événements que Aichhorn va faire une remarque d’importance : il note que les choses ne sont si simples que la mère voulait bien le dire en ceci :

« Il nous faut étudier de plus près le vol du jeune garçon et sa fugue , ou, pour employer une terminologie plus appropriée, le fait qu’il ne soit pas revenu à la maison . Un abord très superficiel suffit déjà à mettre en évidence 2 phases radicalement séparées, suscitées par des situations psychiques foncièrement différentes. Le garçon indique lui-même où finit l’une et où commence l’autre : devant les cerisiers , où il échoue dans sa fugue, au moment où il s’est aperçu que les cerises n’étaient pas encore mûres. « Les cerises n’étaient pas encore mûres, et j’ai eu peur en pensant à la maison ».

Aichhorn nous invite alors à laisser ce qui pourrait guider à chercher une dimension pathologique à cela, pour retenir ce qui, du point de vue du discours de Ferdinand, est donné pour sûr : « Lui-même s’explique par l’intention de ramener des cerises à sa mère. » 27

Plus généralement, et même si, note-t-il, les communications des enfants carencés ne sont le plus souvent pas dignes de foi, et « cela parce que nous avons affaire non seulement à des résistances inconscientes mais très souvent à des résistances parfaitement conscientes » - en clair ils nous mentent volontiers - Aichhorn invite à ne pas s’en offusquer pour s’orienter au-delà de ce fait, c’est-à-dire en comptant avec lui.

Aichhorn vise ainsi à distinguer radicalement le plan de la véracité des faits de celui de la réalisation de l’acte.

De ce fait la fugue, ou ce qui pourrait être appelée ainsi à la prendre dans la logique du passage à l’acte, où le sujet quitte la scène pour le monde, n’en est pas une, pour autant que « partir » n’est pas la même chose que « ne pas rentrer à la maison » ; la réponse symptomatique est ici très nettement prélevée comme « identification au père » dans le traitement du réel insupportable du courroux de la mère ; ainsi, dans un conflit psychique entre deux tendances, amour et haine pour celle-ci, l’affaire est réveillée en quelque sorte devant les cerises qui ne sont pas mûres, et dont il ne pourra faire l’offrande réparatrice à sa mère.

Il part donc comme son père, et il ne revient pas, comme lui, par peur de la fureur de celle-ci.

Il n’en est nullement ainsi du vol de l’argent, qui n’entre pas dans la chaîne causale de la névrose avec ses coordonnées œdipiennes.

Pourtant, Aichhorn n’irréalise pas cet acte : le vol. Il le considère très précisément comme la manifestation de la carence « Verwhorlosung », échappant à la logique de la névrose.

Production du sujet, solution au sens du passage à l’acte, le vol n’est pas susceptible de trouver son sens pour Ferdinand autrement que résolutoire de la tension d’un réel hors sens, non symbolisé, qui fait retour ainsi. Et là, nous avons l’ébauche d’une structure qui relève d’un autre type de cause, ce qui conduit Aichhorn à évoquer à ce propos « une atteinte de l’instance de l’idéal du moi, lié au surmoi ».

Soit, pour le penser dans la clinique que nous élaborons aujourd’hui à partir des coordonnées apportées par JA Miller lors de la Convention d’Antibes réunissant en 1998 les sections cliniques, de ce que nous nommons « la psychose ordinaire ».

Ses manifestations ne sont pas tonitruantes, « elles ne cassent pas la baraque », pourtant celles-ci relèvent bien, si on sait les saisir dans ce que le sujet en témoigne, de ce que August Aichhorn a voulu nous instruire de la Verwahrlosung : une carence forclusive des représentations qui échouent à symboliser un réel insupportable et imposent au sujet d’en passer par l’acte ou par une certaine réalisation de l’objet.

Trois vignettes de ma pratique maintenant : j’ai déjà évoqué les deux premières lors du séminaire d’AREA sur les psychoses chez l’adolescent. Je ne ferai que les reprendre ici. Elles se distinguent en montrant un traitement différencié de ce qui fait enjeu éthique pour le sujet. Et de plus elles invitent à diversifier les modalités de notre inscription dans la pratique clinique, que celle-ci soit éducative ou thérapeutique.

L’une et l’autre s’inscrivent dans le cadre de ma pratique en « Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique », ITEP, appelés jusqu’à l’année passée « Institut de rééducation » comme je l’ai indiqué plus avant.

L’une et l’autre mettent en jeu une clinique des troubles du comportement à saisir comme réponses symptomatiques à révéler le point d’insupportable du réel, et ceci autant pour le sujet lui-même que pour son Autre institutionnel.

Je voudrais donc vous montrer cela à partir de ces deux cas d’adolescents, rencontrés dans l’établissement dont je vous ai parlé, en insistant sur les variations données à notre intervention, qui veut laisser place à toutes les inventions du sujet.

Il est en effet parfois nécessaire d’encourager celui ci dans ses solutions, ou de le pondérer lorsque le choix emporte une issue par trop dévastatrice ; il nous revient également de traiter l’Autre, celui qui, dans une institution, se déploie à travers tous les intervenants qui s’adressent à lui à des titres divers, tous régis par les idéaux, nobles au demeurant, de soins, d’éducation et de bien-être. De veiller à ce que ces idéaux ne se révèlent pas trop persécuteurs pour le sujet.

Dans une institution d’éducation et de soins comme celle dont je vous parle ici, cela passe par tenter de soutenir une pratique à plusieurs, qui s’instruit donc entre autre de la psychose, appliquée à la psychanalyse et à la thérapeutique.

Qu’est-ce à dire ? Et bien que le clinicien, le psychanalyste à l’occasion, se tienne en posture de partager non pas son savoir, mais ses questions, ses orientations vers le réel de la jouissance en jeu dans l’abord du symptôme.

Je voudrais donc vous montrer comment c’est possible, combien c’est difficile aussi, dans la mesure où la solution particulière du sujet vient souvent heurter, se heurter au « pour tous », à l’universel de l’adresse qui fonde toute institution.

Deux cas d’adolescents donc, âgés chacun de 14 ans. Je nommerai pour la circonstance le premier Thibaut, le second Karim.

Premier cas : Thibaut.

Il s’agit d’un garçon arrivé à l’institution en septembre 2001. Très vite son séjour est rendu particulièrement difficile, présentant des manifestations de violence récurrentes dans le groupe comme en classe. En avril 2002, je suis saisi de sa situation par ma collègue médecin psychiatre de l’établissement. Elle a rencontré le garçon et souhaite me proposer de le recevoir. Il vient d’agresser gravement un autre garçon du groupe, un peu plus petit que lui, au point de l’étrangler, seule l’intervention de l’éducateur présent l’a arrêté.

Ce passage à l’acte fait suite à toute une série. Dès novembre, 2 rapports ont été faits par les enseignants à l’inspection d’académie ; cela continue néanmoins ; c’est dur, tout le monde est à cran ; nous savons pourtant tous à quel point cela fait répétition pour Thibaut : un précédent séjour dans un autre établissement IR de la région s’est soldé par son renvoi. De même il s’est fait expulser des écoles qu’il avait fréquentées près du domicile de sa mère. Un bilan SIOE avait été ordonné par le juge pour enfants, qui avait conduit à son orientation dans l’établissement où nous exerçons. (nous retrouvons ici l’aléatoire et le contingent déplorés par les rapporteurs de l’IGAS)

Le tableau est saisissant : débordement pulsionnel quasi permanent, peu d’élaboration aux entours de ses passages à l’acte, ni avant ceux-ci bien sûr, ni même après. Bref, un garçon qui paraît inaccessible à un traitement par la parole, pas plus qu’il ne l’est d’ailleurs à la raison éducative.

Néanmoins, ma collègue médecin psychiatre le rencontre après ce dernier passage à l’acte. Au cours de l’entretien, il la plante là et se sauve. C’est dans ces conditions qu’elle me propose d’essayer. Il finit par y consentir. Nous parlons de sa dernière agression envers le jeune garçon. Il me dit ceci : « il m’a parlé de mon père !!! » (je sais bien sûr qu’il s’agit d’une question épineuse pour lui…Sa mère a été reçu 2 fois à l’établissement, j’en ai eu quelques échos, mais je n’entre pas ici dans le détail) …

Je l’invite à m’en dire plus … il me dit : « il n’avait qu’à pas ! Là, il est sûr de frapper à la bonne porte !!! »

Aucune association ne peut s’embrayer là-dessus. Je recueille simplement cela..

Donc vous le voyez, il y a un côté : la messe est dite !!! Avec la fulgurance de la réponse agressive…

Lorsque nous en parlons avec l’éducateur qui était présent au moment de son passage à l’acte, s’engage entre nous tout un débat: Thibaut ment-il ? L’autre enfant n’a semble-t-il pas prononcé les mots que Thibaut lui prête…

C’est là que je propose de remiser cette question et de partir du fait : « il l’a entendu !!! ». Il s’agit d’ailleurs en même temps de protéger l’autre garçon.

Au fond, retenons de ceci qu’il s’agit de donner un statut à ce qui lui arrive en le qualifiant d’hallucination verbale … au sens que Lacan donne à celle-ci aussi bien dans son « Propos sur la causalité psychique » que dans « La question préliminaire » et le « séminaire III sur les psychoses » : Une hallucination verbale qui entraîne suspens - très fugace ici - et réponse par l’acte… Ici, Thibaut ne croit pas, il est certain !!!

Lacan nous indique ceci dans le séminaire III : « Les psychologues se posent le faux problème de savoir pourquoi le fou croit à son hallucination. Mais il n’y croit pas à la réalité de son hallucination. La réalité n’est pas ce qui est en cause… Contrairement au sujet normal pour qui la réalité vient dans son assiette, le fou a une certitude, qui est que ce dont il s’agit - de l’hallucination à l’interprétation - le concerne.

Ce n’est pas de réalité qu’il s’agit chez lui, mais de certitude. Même quand il s’exprime dans le sens de dire que ce qu’il éprouve n’est pas de l’ordre de la réalité, cela ne touche pas sa certitude qu’il est concerné. Cette certitude est radicale . » 28

Ici bien sûr, Thibaut n’en est même pas à considérer l’ordre de la réalité ; d’une certaine façon il s’en détache ; il est tout entier dans la fulgurance de la réponse par l’acte. Seule la présence physique de l’éducateur se mettra en travers…

Partant de là, nous avons du imaginer une solution qui prenne cela en compte : l’aspect persécuteur de ce qui lui revient de l’Autre quand cela vise « l’attrait même des identifications où il engage à la fois sa vérité et son être ».

Donc, d’être attentifs à lui proposer une forme d’accompagnement où l’Autre de l’institution se présente sous une forme plutôt diversifiée, en évitant de lui présenter un front commun, voire même un mano a mano ; que chacun, éducateur, chef de service, instituteur, psy, s’emploie et veille à pluraliser les formes de l’adresse qui lui est faite, à donner un abord latéral, presque contingent à celle-ci.

Dans le même temps, je continue de le recevoir pour qu’il puisse me parler à partir du refus que je lui formule : « tu ne te feras pas renvoyer d’ici !!! »

Notons simplement ici que cette ambition énoncée par ma bouche est littéralement démesurée puisque je ne suis bien sûr pas seul à pouvoir en répondre.

Par ailleurs, nous nous mettons au travail, celui du cas à partir de l’opportunité que nous trouvons alors de traiter ce qui fait problème à tous dans l’établissement, au-delà de Thibaut : la question de l’autorité. Qu’est-ce qui fait autorité ? etc.…

Nous rejoignons par là les interrogations soulevées par August Aichhorn auprès de « jeunes carencés » à propos de Ferdinand, quant à « une atteinte de l’idéal du moi, liée au surmoi », qui laisse libre cours à la jouissance .

Cela a marché tout un temps. Il s’agissait, pourquoi pas, de déplacer aussi la libido de chacun des intervenants sur un travail d’élaboration en commun.

De fait, le garçon est resté dans l’établissement jusqu’à ce que son séjour trouve une issue conforme à la logique de son âge… Certes les problèmes ont demeuré. Il a changé de groupe et de classes, d’activités aussi, les modes d’accueil lors des périodes de vacances ont été aussi variés …

Les interrogations de chacun n’ont pour autant pas cessé. La lassitude chez les intervenants a succédé à la détermination et la détermination à la lassitude… Vaille que vaille…

Second cas : Karim.

Je le rencontre depuis peu, lorsque j’écris ces lignes la première fois. Il s’agissait d’un garçon âgé de 13 ans. A l’établissement depuis septembre 1999, je ne l’avais encore jamais reçu. Il partageait par ailleurs sa vie à ce moment-là entre son domicile en ville chez sa mère, où vivent également ses deux sœurs utérines, l’une âgée de 14 ans et l’autre de 2 ans, et une famille d’accueil qui l’hébergeait à la campagne un week-end sur deux. Il était interne la semaine à l’établissement. C’était probablement sa dernière année à l’établissement.

Ma collègue médecin psychiatre m’invite alors à le rencontrer. Cela fait en effet longtemps que le mode d’être de ce garçon l’interroge. Elle lui en parle, il consent à venir me parler.

Premier entretien :

« Je voudrais savoir pourquoi je fais des bêtises : crever les pneus de la 205 de ma famille d’accueil, voler des portables… Je l’invite à me parler de lui ; son dire s’oriente vers son père : « mon père je ne le vois jamais ; il est à Paris ».

Il évoque un rêve qu’il fait souvent : « mon père est attaqué par un ours ». Il me parle de ses deux sœurs, sa mère ; de ce qui vient comme particulièrement insupportable pour lui : les disputes violentes entre sa mère et sa sœur aînée. Dans ces moments, il veut s’en aller ; « respirer l’air de la ville, respirer le gaz…» ; « aller dans le quartier ; voir ses copains ; marocains comme lui ; sa famille est originaire de Casablanca ». Il rajoute alors : ça veut dire « la maison blanche ». Il a son père et deux oncles à Paris…

Second entretien :

Il me décrit un moment difficile ; il est allé pendant les vacances de Toussaint chez lui ; il avait apporté une disquette sur laquelle il avait enregistré des poèmes et des histoires rédigés dans le cadre de l’atelier informatique qui est proposé aux jeunes de l’établissement. Il a voulu s’en servir sur l’ordinateur de la maison. Sa mère est entrée dans une colère qu’il me décrit comme effrayante, parce qu’il avait « brayé » l’ordinateur. Il s’est réfugié dans sa chambre jusqu’onze heures du soir. Il me dit qu’il veut s’évader ; aller dans les rues ; il me dit combien il s’intéresse à ce qui se passe dans le monde ; à la géographie.

Et puis, le chauffeur de l’Aide sociale à l’enfance qui devait le ramener le mercredi dans sa famille d’accueil s’est trompé de jour ; il est venu un jour avant ; il n’a pas eu le temps de rassembler ses affaires, il est parti comme ça…

Précisons, parce que c’est à notre sens tout à fait important, que tout cela est évoqué dans un registre qui n’est absolument pas celui de la plainte. Un peu sur le mode du destin implacable : c’est comme ça.

A ce moment-là, je note combien le monde de Karim lui apparaît insaisissable, insoutenable, impossible…

Un monde qui est sans père, même si pourtant un rêve, une formation de l’inconscient cherche à faire apparaître celui-ci, attaqué par un ours, et par l’évocation qui surgit après, associée à la ville, Casablanca, ce signifiant qui l’attrape : c’est là qu’il veut aller respirer le gaz quand il ne peut se supporter de la violence de l’Autre. La ville, celle de sa famille paternelle, c’est la « maison blanche ».

Cette mise en émoi qui l’a laissé interdit face à la colère de sa mère : il s’isole dans sa chambre ; regarde par la fenêtre… Je commence à me poser quelques questions. Nous en parlons avec le médecin psychiatre. Elle m’interroge sur la structure psychique de ce garçon.

Troisième entretien :

Là, les choses se gâtent ; il essaie de m’expliquer qu’il a fait des attouchements sur sa petite sœur ; sa mère l’a vu près du lit de celle-ci ; elle l’a dit à son éducatrice qui l’a soumis à un interrogatoire très serré ; il n’a pas mangé ; après deux jours il a dit qu’il l’avait fait : « j’ai préféré dire oui pour que ça s’oublie après ; à force qu’elle me le répète ».

Je lui fait part de mon étonnement sur cette accusation à laquelle il consent… Et si on l’accusait d’avoir tué quelqu’un ?: « ah non, là, ce serait grave ! »

« Je n’aime pas les disputes ; dans ma famille d’accueil, je peux sortir et prendre l’air, oublier… »

Puis, nous revenons sur les disputes de sa sœur et de sa mère : « j’ai trop vu ma mère et ma sœur se disputer » . Tu ne te disputes jamais avec ta mère ? il me répond : « Non, jamais, je ne serais jamais à la hauteur !!! »

Je suis de plus en plus perplexe quant à ce qui s’est passé.

D’abord notons la position subjective de Karim : « je ne serai jamais à la hauteur », et la réponse qu’il a consenti tant à sa mère qu à l’éducatrice : « Je dis oui pour que ça s’oublie après… »

Je suis alors tenté d’en parler avec les autres intervenants dans l’établissement, avec le chef de service éducatif en particulier ; il me semble en effet que quelque chose ne va pas dans la posture prise à son endroit dans le groupe ; je me ravise pourtant préférant rester en recours pour Karim. Néanmoins, j’anticipe sur ce qui peut se produire. Car comme vous le savez, c’est un point où l’Autre social est particulièrement aux aguets de nos jours. De plus, comme la loi, suivant ainsi la vox populi , rappelle chacun à la vigilance sur ces questions…

Néanmoins quelque chose vient m’interroger : tout est parti d’un échange téléphonique entre sa mère et l’éducatrice qui l’a soumis aux questions.

Quatrième et dernier entretien :

Il m’apprend qu’il n’ira plus chez lui jusqu’à nouvel ordre… Il le sait depuis la semaine dernière. Sa mère l’a appelé ce week-end dans sa famille d’accueil : « j’ai pleuré » me dit-il…Il sait que sa petite sœur a subi un examen médical ; ils n’ont pas trouvé de traces ; « forcément puisque je n’ai rien fait ». Il a vu l’assistant social de l’établissement qui a rencontré la mère à son domicile à l’occasion d’une visite qui était prévue… Celui ci est plus que sceptique…

Néanmoins, même si Karim présente un visage quelque peu figé lorsqu’il évoque cela, il n’y a toujours pas de plainte, pas de révolte ; plutôt toujours un : « c’est comme ça. »

Il peut néanmoins m’entretenir d’autre chose. Que son père est venu une fois à l’établissement il y a longtemps. « J’avais un grand sourire. C’est une manière de remerciement ». me dit-il en souriant à nouveau, ce qui contraste avec le visage figé d’avant. Il me dit par ailleurs quel chemin il emprunte quand il s’en va respirer dehors, lorsqu’il est dans sa famille d’accueil à la campagne : chemin qui va de la maison qu’il nomme par son lieu-dit à un autre lieu-dit : le Moulin…

J’en étais là au moment où j’ai écrit ces lignes. Je devais le revoir le lundi suivant. Je savais qu’il allait revenir.

Tout cela a produit en effet une certaine turbulence dans l’établissement et a interrogé la position de chacun, en particulier sur la posture d’enquêteur prise à son égard, qui était pour le moins problématique… Mais vous comprendrez que je veuille rester discret et ne pas en dire plus…

Que déduire de tout cela quant au diagnostic, éclairé par le choix éthique du sujet et en lien avec l’apport de Aichhorn autour de la Verwarhlosung , de la carence fondamentale affectant les représentations du sujet ?…

Nous pouvons nous la poser ensemble ici : en quoi ce sujet démontre ou non une structure relevant de cette Verwarhlosung, ou psychose ordinaire ? Met-il en jeu des traits d’identification œdipiens qui permettraient de penser plutôt à une névrose ? Y a-t-il prémisses d’un roman familial autour de ces deux éléments évoqués : « le père attaqué par un ours », et « la maison blanche » à propos de Casablanca.

A noter d’ailleurs que Karim me rectifie lorsque je le lui rappelle à la séance suivante en parlant de la « ville blanche ». J’étais en effet rattrapé moi aussi par la ville, la cité urbaine : Paris, l’air, les gaz que le garçon aime respirer… mais aussi par le souvenir de mon voyage de l’été précédent à Lisbonne, « la ville blanche », que le cinéaste Alain Tanner a magistralement mise en scène…

Car en effet comme nous le voyons ici, il n’y a pas de déclenchement ; Karim résiste somme toute assez bien aux vicissitudes de l’existence, là où l’Autre se fait plus qu’insistant, persécuteur même… Plus encore, il m’en parle sans retenue, bien que nous nous connaissions que de fraîche date, et ceci même si je me suis montré très attentif bien évidemment à ce qu’il venait me dire…

Pourtant, je crois que quelques points nous donne l’idée de la modalité de l’Autre, inentamé, auquel il a affaire - certainement au-delà de la personne qui l’incarne - et de ce qu’il trouve comme solution pour s’en soutenir : l’évasion, dans sa chambre, regarder par la fenêtre, avec ce regard qu’il pose comme ça sur le monde, la géographie… ; « dire oui pour que ça s’oublie ».

Evoquant cela avec la collègue qui me l’a adressé, là où j’évoque pour ma part une structure psychotique, elle évoque plutôt elle une fragilité, une faille narcissique. C’est une question clinique d’importance en effet.

Faut-il à retenir une fragilité, une faille narcissique, ce qui est assurément juste en la circonstance, reculer pour autant sur le diagnostic de psychose, malgré ce point : l’Autre qui se présente à Karim comme à jamais inentamable, sur lequel il ne peut s’imaginer, tel l’ours, « mordre » : « je ne serai jamais à la hauteur ». Mieux vaut pour lui l’errance des rues, les gaz d’échappement…

J’en viens maintenant au troisième cas que je voudrai évoquer à l’appui de ce que je souhaite vous indiquer de l’orientation clinique d’Aichhorn ; en particulier de ce qu’elle nous permet de saisir quant à « l’univers de la faute », dans ses déploiements subjectifs qui sont susceptibles de nous orienter non seulement par rapport au registre de la culpabilité et à celui de la responsabilité - dont un ancien ministre de la santé s’est employé à nous faire valoir la distinction pour son propre compte - mais plus encore à un troisième registre de la faute, plus difficile à situer cliniquement : celui de la honte.

Lacan souligne ainsi combien le fait d’adjoindre à cet univers comme le fait Mr Hénard, l’adjectif morbide pour en cerner la dimension psychopathologique, « vient marquer de son sceau toute la réflexion morale de notre époque ».

La remarque de Lacan est la même que celle apportée neuf ans plus tôt : celle de pointer cette conséquence, qu’à faire basculer la faute du côté du défaut , de la carence, du déficit, ou du trouble, comme ce qui signe un dérèglement, une affection, le sujet est réduit à s’en faire l’objet, et n’est plus considéré à même d’en répondre.

La connotation morbide du symptôme se retrouve bien évidemment également chez Freud. Mais c’est pour faire valoir qu’au-delà du sens - qui est la pente signifiante du symptôme, comme production inconsciente, à partir de laquelle s’est bâtie l’édifice théorique de la psychanalyse ( cf les trois erres » évoqués par Lacan et rappelés plus haut : « là où ça rêve, ça rate, ça rit ») - s’opère par là même un traitement du réel, de la jouissance .

De ce point de vue, l’introduction de la seconde topique dans la théorie freudienne en 1920 est la réponse doctrinale aux manifestations insistantes du symptôme, connotant le réel qui résiste à l’interprétation.

Dans l’ordre du trouble, la considération morbide a une toute autre perspective ; elle élude la dimension de la cause pour la résorber dans celle du remède. Ce qui revient à exclure le sujet de ce qui le détermine, même et surtout si c’est à son insu.

Dès lors, son traitement ne relève plus que du médecin ou de l’épidémiologiste. Lacan nomme cela « l’enfance généralisée.» 30

Il y a quelques semaines, j’ai été amené à recevoir en consultation un jeune garçon âgé de 13 ans. Il est le troisième des enfants qu’une mère de famille est venue confier aux praticiens de ce lieu de consultations. Il s’agit à chaque fois de la même demande, très civilement exprimée dans la plus grande douceur et la plus grande attention : celle d’accompagner ses trois enfants dans l’assomption du destin sous lequel son époux et elle-même les ont inscrits : celui d’une adoption dite « tardive ». Je veux dire par là qu’ils ne sont pas arrivés petits-enfants dans leur famille d’adoption, provenant chacun de pays d’origine différents et dans un ordre d’arrivée qui ne se recouvre pas avec leur âge de naissance.

Le garçon que je reçois est le premier des 3 enfants dans leur ordre d’adoption mais n’est plus l’aîné depuis que la troisième enfant est arrivée : elle est en effet plus âgée que lui. Lorsque je le reçois la première fois, il me fait valoir sa difficulté plutôt dans le registre de l’embarras. Docile à la demande de sa mère, il ne sait pourtant ni qu’en faire ni qu’en dire.

Cela se traduit par le fait qu’il lui est impossible de s’inscrire dans une temporalité dont il puisse répondre. Sa mère en effet fixe le calendrier de ses RDV, le modifie et le bouscule régulièrement au prétexte de l’organisation de l’emploi du temps de chacun de ses enfants qui fréquente le centre de consultations comme de son propre emploi du temps.

Elle est dans cela toujours habitée d’une remarquable civilité avec les secrétaires du centre qui ne peuvent pourtant qu’enregistrer les bouleversements qu’elle induit.

Comme s’ajoutent à cela les conséquences des troubles du comportement du garçon à l’école, l’organisation de « La vie scolaire » s’en mêle, en lui fixant à l’occasion des heures de colle répétées, bien évidemment au moment de ses séances, puisque celles-ci sont fixées le mercredi après-midi. Le garçon lui-même s’emmêle dans les dates de ses très nombreuses retenues. Il vient me rencontrer alors qu’il devrai être en colle, ce fait coller à nouveau, se rend en colle à une heure non-prévue, bref…

Lors des entretiens que nous avons ensemble, ses formulations rhétoriques épousent l’embarras manifeste dont il témoigne. Il s’exprime de façon hésitante, hachée ; lorsqu’il avance quelque chose, il se reprend immédiatement, l’annule, si bien qu’il devient rapidement incompréhensible. Lorsqu’il s’essaie à prendre à son compte ce qu’il s’explique de sa venue ici - ses troubles du comportement en famille et à l’école - il pratique régulièrement « la logique du chaudron » que Freud a mise en évidence dans la Traumdeutung 31 , empilant des explications qui pourrait être plausibles si elles restait isolées les une des autres.

Il réussit néanmoins avec cela, non sans difficultés, à me dire combien la présence et l’existence même de sa sœur lui est problématique et cerne ici son impossible à supporter. Ceci en effet après une sévère mise au point de ma part, où j’ai du lui faire savoir que j’étais décidé à l’éconduire s’il ne parviendrait pas à me formuler quelque chose de sa position, puis à lui indiquer que j’inscrirai désormais nos RDV sur un carton que je lui remettrai personnellement.

Il réussit alors à me raconter un épisode de dispute violente avec sa sœur dans un moment où la famille au complet se transportait dans le train. Cet incident avait conduit la mère à faire intervenir le contrôleur pour séparer ses enfants alors même que son mari était présent. Il me faut simplement vous indiquer ici pour saisir l’enjeu de l’affaire, que celui-ci tient dans sa vie professionnelle une fonction éminente dans le domaine de l’ordre public.

Plusieurs semaines après cet incident que le garçon m’a relevé lui-même comme sérieux, et ceci contrairement à sa mère qui l’avait quasi-oublié ( je l’ai su lorsque j’en ai reparlé avec elle à un autre moment), il me dira ceci de ses rapports avec sa sœur :

« On s’entend presque mieux…

Enfin, on s’entend pas beaucoup…

Hier, je l’ai insultée… »

Qui ? « - ma sœur… »

Que lui avez-vous dit ? « - putain, ta gueule, tu me fais chier ! »

Notons ici que c’est pour lui une véritable épreuve de lâcher cela (au regard de la civilité familiale ambiante). En effet, alors qu’il me parle par après d’un après-midi passé avec des camarades, des jeunes filles en particulier, il me dit « les meufs »… Lorsque je reprend cela, il me dit : « j’ai pas dit ça »… « Je ne dis jamais cela avec des adultes. » Puis il ajoute : « quand avec ma mère je dis cela, elle me reprend, et aussi, elle rigole… »

Puis une autre fois en me reparlant de sa relation avec sa sœur :

« -Pendant les vacances, on s’est pas parlé »…

« - Si on s’est parlé, mais pas beaucoup… » etc..

Entre-temps un incident sérieux s’est produit au collège : dans un moment où il déambulait en compagnie d’autres jeunes, il a dégradé sévèrement un élément mobilier… Beaucoup d’émoi en a résulté, et pour ne pas ébruiter l’affaire, les responsables du collège et la famille ont réglé ensemble la chose discrètement.

Dans l’après-coup de ce geste, lorsqu’il fut amené à s’en expliquer, le garçon fit état d’un fort sentiment de honte, accompagné d’une dépréciation de lui-même suffisamment accentuée pour conduire le médecin du service à lui proposer un accompagnement thérapeutique en complément des entretiens maintenus avec moi…

Disons que désormais il parvient avec moi à produire une énonciation singulière, encore un peu timide mais néanmoins bien réelle. C’est tout frais et je dois rester discret à ce sujet.

Dans un texte sur « la honte et la haine de soi » publié dans Elucidation n°3, Eric Laurent écrit ceci :

« La honte est un affect éminemment psychanalytique qui fait partie de la série de la culpabilité. Une des boussoles de l’action psychanalytique est, en effet, de ne jamais déculpabiliser. Lorsque le sujet vous dit qu’il est coupable, il a d’excellentes raisons pour ça, il a même toujours raison. C’est en tout cas ce qu’implique l’hypothèse du sentiment de culpabilité inconsciente. Contrairement aux psychothérapies, la psychanalyse reconnaît et admet cette culpabilité. Lacan opposait déculpabiliser à désangoisser. Il n’y a jamais à déculpabiliser mais il y a à désangoisser. Le terme « faire honte » s’inscrit ainsi dans un sillon tracé dans la tradition freudienne et indexe une position clinique constante dans l’œuvre de Lacan. » 32

Il me semble que cette vignette clinique témoigne de cela. C’est par l’aveu de son sentiment de honte admis par l’Autre qu’il rencontre, que ce garçon peut s’extraire quelque peu de l’angoisse qui faisait engluement de sa parole dans la difficulté, sous cette forme atténuée de l’inhibition qu’est l’embarras.

Mais pour cela, il fallait que l’Autre rencontré n’est pas idée qu’il puisse l’alléger de quelque façon de sa faute en considérant celle-ci comme un défaut . Et donc, ne pas considérer ce qui venait se manifester de son symptôme dans le désordre de son comportement, comme un trouble à psychothérapier, à l’instar des comportementalistes qui se l’imaginent ainsi, de façon, disons-le, bien prétentieuse.

Et il conclut sa préface en indiquant combien le lecteur trouvera à partir des chapitres théoriques de cet ouvrage, une première orientation dans la multiplicité de ces possibilités. C’est ce que nous appelons aujourd’hui avec le programme PIPOL, celui de la psychanalyse appliquée d’orientation lacanienne : psychanalyse appliquée à la thérapeutique, et à l’éducation spécialisée par exemple…

Ainsi, loin d’être un îlot à préserver des turbulences du monde et des troubles portés sur la scène sociale et/ou familiale, la psychanalyse peut s’inscrire dans la multiplicité de ces possibilités, à la condition que soit soutenue ce qui fait la convergence de leur intention et qui assurément oriente Auguste Aichhorn à partir de la Verwhalosung : une position éthique du sujet, dont celui-ci est responsable.

Rédigé en janvier 2006

1 Laurent D., « Les redresseurs de gènes et le tort fait au social », in la Cause freudienne n°61, nov. 2005, Navarin Editeur, Paris.

2 Aichhorn A., « Jeunes en souffrance », collection « Psychanalyse », Éd. du Champ social, Lecques, 2000.

3 In Lien social n° 777, 8 décembre 2005.

4 Miller J.A, Santé mental et ordre public , in Les mesureurs , Mental n°3, revue de l’ÉEP, Bruxelles, janvier 1997.

5 Ib, p.15.

6 Lien social, ib.

7 Lacan J., « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie » Ecrits p. 137, Le Seuil, 1966, Paris.

8 Ib, p. 137

9 Ib, p. 137.

10 Foucault M. , Surveiller et punir , Tel Gallimard, p. 89, 1975, Paris.

11 Milner J.C., Le retour des classes dangereuses , repris dans le Nouvel Âne n°4, 9 février 2004.

12 Laurent E., Que veulent nos mesureurs ? , in Les mesureurs, Mental n°3, revue de l’EEP,Bruxelles, janvier 1997.

13 Lacan J. Allocution sur les psychoses de l’enfant, Autres Écrits, p. 361, Le Seuil, 2001, Paris.

14 Leguil F. les enfants contumax , in L’enfant et les grandes personnes , Filum n° 15-16 bulletin psychanalytique de Bourgogne-Franche-Comté, octobre 2001.

15 Lacan J. Prémisses à tout développement possible de la criminologie , Autres Écrits, p. 121, Le Seuil, 2001, Paris.

16 Renaud J.J. Éditorial, L’enfant et les grandes personnes , Filum n° 15-16 bulletin psychanalytique de Bourgogne-Franche-Comté, octobre 2001.

17 Lacan J., Mon enseignement sa nature et ses fins, p. 98-99, Mon enseignement, Le Seuil, 2005, Paris.

18 Cf le texte de Philippe Lacadée : « faire tourner l’usage du sujet » Inédit.

19 Lafont R. , Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l’enfant, PUF, 1969, Paris.

20 Canguilhem G. Qu’est-ce que la psychologie ? , « Études d’histoire et de philosophie des sciences concernant le vivant et la vie », p. 365 et s., Vrin, 1994, Paris.

21 Ib.

22 Lacan J., « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie » Ecrits p. 133, Le Seuil, 1966, Paris.

23 Ib.p. 133.

24 Freud S. Préface à « Jeunes en souffrance » collection « Psychanalyse » Éd. du Champ social, Lecques, 2000.

25 Ib , p. 8

26 Ib, p.21

27 Ib. p. 27

28 Lacan J. Le séminaire Livre III Les psychoses , p.87-88, Le Seuil, 1981, Paris

29 Lacan J. L’éthique de la psychanalyse, séminaire Livre VII, p.10 ; Le Seuil, 1986, Paris.

30 Lacan J. Allocution sur les psychoses de l’enfant, Autres Écrits, p. 369, Le Seuil, 2001, Paris.

31 Freud S. L’interprétation des rêves, p 111, PUF, 1976, Paris

32 Laurent E. Essai sur la honte et la haine de soi, Élucidation n°3 p. 25-26, Navarin, juin 2002, Paris.

33 Freud S. Préface à « Jeunes en souffrance » collection « Psychanalyse » Éd. du Champ social, Lecques, 2000

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