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L’enjeu maternel, ou la naissance du petit d’homme.

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Daniel Pendanx

mercredi 30 juin 2010

« … un sentiment de piété effleura Ulrich   quand il pensa à tout ce qu’il avait encore en lui-même de non résolu. »

R. Musil,  L’homme sans qualités, Tome 2, p. 41, Seuil, coll. Points  

Pourquoi « l’enjeu maternel », pourquoi revenir sur la « naissance » ?

Parce qu’en ces temps de dite « perte des repères » – quels repères ? – j’estime que nous ne saurions véritablement nous orienter dans les cas, les pratiques, éclairer avec quelque rigueur notre médiation éducative, sans une réflexion renouvelée sur les enjeux, enjeux de représentation , qui président à la naissance du petit d’homme. Et d’abord sur l’enjeu maternel, qui ne saurait bien sûr être isolé de la question du père.

L’essentiel est d’arriver à saisir en quoi la naissance du petit d’homme est une affaire tout à fois objective et subjective, nouée à la problématique de la reproduction subjective. Le plus difficile est là : comprendre qu’il n’y a du « maternel » pour l’être parlant qu’en regard de la position de la mère dans la structure (langagière, œdipienne) de la Filiation, de son rapport à ce « repère fondamental» qu’est la scène fondatrice, le jeu croisé des figures parentales… Dès son texte, Les complexes familiaux,  écrit pour l’Encyclopédie, Lacan soulignait combien le sort psychologique d’un enfant « dépend du rapport que montrent entre elles les images parentales ». Mais ce que nous ratons le plus souvent, en raison du poids toujours très actuel du familialisme, et de la façon dont l’idée de « famille naturelle » (fondée sur le sang, la génétique) a recouvert la dimension fictionnelle symbolique princeps (juridique) de « la famille », c’est combien ce rapport, pour être un rapport interne à la mère, intrinsèque à la réalité psychique de la mère, est au premier chef un rapport symbolique, transmis à l’enfant par sa mère.

C’est ce rapport – rapport aux figures fondatrices culturelles Mère et Père – qui se trouve aujourd’hui dans la société, par exemple sous le vocable si confusionnel de « parentalité » (faisant au final du père, une mère bis), très aplati et brouillé.

De ce fait, du fait du positivisme éducatif et thérapeutique dans lequel les sphères administrative et judiciaire de la protection de l’enfance sont embarquées depuis l’après-guerre, nous ne comprenons plus en quoi le naître et le grandir pour le petit d’homme tiennent, via la mère, et par le biais du père, à son introduction au langage, dans le langage, à son inscription dans la dialectique (ni le clivage ni la confusion) des figures. Nous ne comprenons plus en quoi la naissance et le grandir relèvent de ces «deux états, homme et femme, de l’être humain » que méditait, dans L’homme sans qualités, Ulrich le scientifique, devant la dépouille de son père…

Pour aborder cela, repérer la condition institutionnelle et juridique de la « fonction maternelle » (et de la « fonction paternelle »), je dis ici, avec Pierre Legendre dont l’œuvre m’accompagne depuis le début des années 80, que « les considérations bio-psycho-sociologiques sur la famille démocratisée, ne nous seront d’aucun secours » 1 .

L’enjeu maternel, c’est l’enjeu des enjeux : l’enjeu de l’inceste primordial, et donc, associé, celui de son Interdit, le fameux « interdit de l’inceste » si communément rabattu sur la corporalité, dans la seule dimension du passage à l’acte sexuel, et de ce fait ravalé à la seule dimension du visible traitée par le pénal. Nous ignorons toujours massivement, en dépit de l’apport de Lacan, du travail de Legendre, en quoi le jeu de l’Interdit civilisateur est intrinsèque au langage et à l’institutionnalité, et en quoi il dépend sous nos cieux du droit civil !

Alors insistons ici sur le fait que pour le petit d’homme, qui n’est pas le singe Bonobo, la première épreuve pour naître à l’Interdit fondateur – fondateur de la différenciation de soi et l’autre, de ce premier autre qu’est la mère – c’est l’épreuve du langage, de l’entrée dans le langage, l’épreuve de la « marque », celle du rapport au nom propre.

L’inceste, l’inceste institutionnel, l’inceste politique, consiste d’abord et toujours à pourrir cette « épreuve », l’épreuve du langage, le langage lui-même, à en subvertissant les termes institutionnels, ceux du « principe de réalité », du principe de contradiction, de la Raison.

Seul le non encore né à la parole, fixé dans la scène inconsciente, ce « creuset délirant de la Raison », échappe à l’irréductible contradiction : au fait que les parents ne sont pas les enfants, et les enfants les parents, que les femmes ne sont pas les hommes, et les hommes les femmes.

Voilà ce que de « l’épreuve » du langage, de l’entrée dans la parole, nous ne comprenons plus, nous qui prêchons à la planète entière le règne du fantasme, sa légitimation !

Le comble c’est qu’au nom de la psychanalyse, ou plus exactement d’une représentation fantasmatique (idéalisée) de La Psychanalyse, nombre d’interprètes, auto-fondés, refusent de prendre en compte les enjeux normatifs, juridiques, de l’institution du sujet.

Aussi, un dernier mot pour cette introduction. Attaché aux destinées de la psychanalyse, je suis aujourd’hui profondément convaincu, suivant en cela le sage conseil de Freud, qu’il convient de « se dispenser de participer au spectacle ». Il faut pour cela, disait encore Freud « se surmonter pour ne pas batailler avec les adversaires extérieurs de l'analyse », car « l'analyse ne se prête pas à un usage polémique »... Il s’agit pour l’interprète de ne pas trop s’occuper des « ennemis » (par exemple du genre Onfray), ou de la fabrique de l’Ennemi (soit-il nommé « Sarkozy »), mais bien davantage de développer le travail de pensée, et cela en distinguant les discours, ces positions de discours qui n’ont plus rien à voir avec la psychanalyse de Freud, sa rigueur, ses exigences, ses limites et ses frontières, mais qui pourtant « prétendent aujourd'hui encore porter ce nom ». Nous avons, tel l’enfant en nous, besoin de distinction, de frontières. La dogmatique est la condition de l’Ouvert, comme le langage la condition du poème.

L’enfant naît d’abord  de la mère. Voilà un fait qui pour notre espèce, l’espèce parlante, n’est pas à saisir comme un seul fait brut, biologique, comme si la mère n’était qu’une matrice de chair, productrice naturelle de l’enfant.

Cette conception naturaliste de la maternité a conduit une de nos chères illuminées nationales en la matière, la juriste Marcella Iacub, à soutenir froidement l’idée d’un monde à venir où les femmes, remplacées par la Machine, la Couveuse mécanique, seraient enfin débarrassées de « l’aliénation » du portage, de la gestation ! Nous avons là, sous ce fantasme avancé en toute innocence , la résultante ultime, défendue dans les pages du journal Libération s’il vous plaît, de la conception biologicienne, post-nazie, de la maternité.

Si une mère donne naissance à un enfant, cette naissance, dans l’espèce parlante, n’est en rien équivalente, de jure, à l’expulsion d’un objet partiel du corps propre de la mère – mère qui serait alors réduite elle-même à l’objet partiel, à une matrice décomplétée. On aurait la matrice et l’objet perdu… La mère, du fait de son propre statut de droit, celui d’un sujet femme elle-même divisée dans la ligne,  fait naître l’enfant, non comme seul petit bout expulsé du corps propre, mais comme un sujet lui aussi divisé, sous son nom propre.

La fonction symbolique de la mère opère, en vertu du droit, de sa propre place de droit dans la ligne,   sans qu’il y ait besoin pour cela, comme un certain psychologisme y a longtemps prétendu, de je ne sais quelle «loi du père réel» ou «intervention du père» qui viendrait, dans un face à face, séparer et diviser l’enfant de sa mère. Il n’y a pas , comme dit Pierre Legendre, les ventres + les pères . Le père, il est déjà là lui aussi en droit, ne serait-ce que sous sa catégorie ultime du « père inconnu ». En ce sens parler de «famille monoparentale», comme le fait le sociologisme, est une absurdité qui écrase la dimension fondatrice des fictions juridiques mère et père . Une mère et son enfant, c’est déjà une famille.

Dans la naissance de l’enfant, l’efficace de la fonction symbolique  de la mère opère d’abord  en vertu de son propre statut généalogique, différencié de celui de son enfant, comme de celui de ses propres parents. L’enfant se trouve en droit, sous son nom et prénom, institué à une place distincte de toute autre.

Pour une mère, en regard de la généalogie, faire naître son enfant c’est devoir lui céder sa propre place d’enfant dans la ligne. Cette opération, opération de la permutation symbolique de sa place de fille à celle de mère , se déploie à travers la réactivation de sa problématique subjective (œdipienne) provoquée par l’advenue de l’enfant, de l’enfant qui a aussi un statut tiers dans la relation de la mère aux autres.

[L’enfant vaut, dès l’origine, en regard de son propre statut tiers, comme représentant de la représentation du Père pour sa mère. Statut que tout fils ou fille doit d’ailleurs finir par habiter, pour son propre devenir sexué, auprès de sa mère. Pouvoir être « père » de sa mère est la condition pour être père ou mère de son enfant. Dit au plus simple : si vous ne pouvez dire « non » à vos parents, vous ne pourrez pas vraiment dire « non » à vos enfants.  Je renvoie à l’extrait de l’entretien de Sollers proposé en annexe de ce texte.]

Dans l’opération de permutation, il y a un prix subjectif de renoncement à sa propre demande inconditionnelle de reconnaissance, de renoncement à la jouissance narcissique, à payer par tout parent. Chacun sa part. Ce prix, il est impliqué dans toute élaboration de l’exercice des fonctions parentales institutionnelles .

A l’occasion de la naissance de son enfant, toute femme ré-aborde, pour son propre compte de sujet femme, l’enjeu de différenciation d’avec sa mère – enjeu qui touche profondément à sa position subjective dans le sexe, à toute l’organisation de sa jouissance. De là, dès lors qu’elle est engagée dans la permutation symbolique des places toute mère, quelles que soient ses limites, est, de sa place de mère , en position de pouvoir notifier la Loi à l’enfant – la loi de la division subjective. Voilà à quel engagement, je dirais à quel boulot de la mère , les discours sociaux et les pratiques ont vocation, vocation clinique, à rapporter les parents 2 . [La vieille qualification de fille-mère , aujourd’hui désuète en raison de la déconstruction avancée de l’institution matrimoniale (institution qui était le cadre traditionnel de référence pour l’opération du passage du statut de fille à celui de mère, par le biais de celui d’épouse),  signalait fort bien combien une jeune femme pouvait se trouver arrêtée à mi-chemin du travail de la permutation, dès lors que sa transgression la tenait en deçà du cadre institutionnel qui en soutenait l’opération.]

Pour que la permutation symbolique s’effectue faut-il encore que la mère soit instituée à sa propre place de droit dans la ligne, référée à la fiction de la Mère absolue , fiction dont dans notre culture la figure mythique de la Sainte Mère – la Vierge interdite,  projetée au ciel du mythe – a été le parangon. La figure culturelle de la Mère vaut dès lors comme fiction tierce mythique dans la relation de la mère avec sa propre mère. Il en est de même pour le père. Autrement dit c’est en se décollant lui-même d’un système de représentation où l’image narcissique (fusionnelle) de la Mère prévaut – système dans lequel au fond il n’y a pas le sujet et un autre, un autre irréductiblement autre, son semblable –, que le père, symbolisant son propre lien d’enfance à la mère, symbolisant la figure de la Mère, vaut comme tiers dans la relation de la mère tant à ses parents qu’à son enfant.

[Faire jouer la métaphore maternelle tierce  dans la relation d’une mère avec les institutions qui s’occupent de son enfant, est une clef essentielle pour orienter le travail éducatif spécialisé, dans le sens d’une clinique du sujet. Mais faut-il encore pour cela que les institutions ne se prennent pas pour la Mère gouvernante à majuscule, qu’elles soient elles mêmes référées au principe du Père, à ne pas confondre avec le pouvoir mâle !]

C’est par le biais du père de l’enfant que la mère va rejouer, peu ou prou à son insu, son lien à sa mère, à l’image maternelle – par le biais du père ou celui de tout autre substitut valant légitimement comme relais et étayage de la figure œdipienne du père.

Mettant au monde un enfant, la mère est amenée à rejouer son propre enjeu incestueux avec son père à travers sa relation avec le père de l’enfant , ou tout autre substitut symbolique de ce père. Le père se trouve lui aussi appelé, de par son propre statut dans la ligne, à « permuter », en élaborant, à nouveaux frais, son propre enjeu d’inceste à la mère  à travers sa relation avec la mère de l’enfant. Il doit lui aussi laisser sa place d’enfant à son enfant, en renonçant à sa propre position d’unique auprès de sa femme, valant alors en représentation (inconsciente) de la « mère » pour lui aussi. Il n’y a en ce sens de fonction parentale que fonction croisée. L’enjeu maternel, enjeu de symbolisation de la Figure œdipienne de la Mère, regarde les deux parents.

Pour la mère, il s’agit de se décoller, à travers la relation à son époux, de sa colle au père  – collage derrière lequel joue son identification imaginaire de fille à la Bonne Mère, une identification œdipienne qui peut la pousser à se faire la « meilleure », la « plus belle » auprès du père… Et cela souvent (c’est de structure) avec la complicité de la mère, qui y trouve, par identification, son « triomphe » œdipien, son propre lot de jouissance narcissique, perverse. Et puis, en regard de l’autre versant (œdipien) de l’identification imaginaire, il lui faut aussi, peu ou prou, se dégager de cette position inversée qui la conduit, dans une revendication fantasmatique tout aussi rivale, rivale du père, à vouloir se faire, tel le fils œdipien, le possesseur de la Mère, son meilleur bouche-trou, autrement dit plus Homme (comblant, satisfaisant) que tous les hommes. Lorsqu’une femme n’est pas une femme, elle est ainsi inconsciemment, imaginairement identifiée, sur un mode phallique, à cet Homme à majuscule, qui n’existe pas . L’enjeu maternel, inséparable donc de celui de l’identification sexuée, regarde toute femme, particulièrement toute femme exerçant dans le champ de la professionnalisation de la fonction parentale (éducative, thérapeutique), qu’elle ait ou pas enfanté. Mais, le prix à payer est là pour toutes : pour exercer sa fonction symbolique, toute femme a à perdre quelque chose de sa position narcissique, de sa propre relation primordiale d’enfance avec la mère – relation que l’on peut ranger sous le terme générique « d’inceste ».

La fonction symbolique de la mère – de la mère réelle, pas-toute  – peut être comprise elle aussi comme une fonction médiane : médiane de la relation de l’enfant à l’instance de la Mère mythique. Ce qui veut dire que pas davantage que le père ne peut s’inscrire et valoir en étant délié de l’instance mythique du Père, la mère ne peut valoir comme telle, déliée de la figure de la Mère absolue. Une figure que représente pour nous la République, personnifiée sous les traits de Marianne, mais tout aussi bien, comme en délégation de la Référence républicaine, les Institutions référées. Ni la mère ni le père ne sont auto-fondés. Leur fonction est une fonction dépendante des Figures fondatrices.

Je reprends ce point. La capacité symbolique d’une mère – j’entends là sa capacité à demeurer présente dans l’absence, absente dans la présence – dépend de ce qu’elle conquiert de sa propre liberté subjective de femme, par rapport aux tutelles parentales, tant familiales que sociales. Une femme n’a pas à attendre l’autorisation de sa mère pour être femme, et donc mère, pas plus qu’un homme pour être homme, et père… Mais il n’en demeure pas moins que pour ainsi «  s’autoriser d’elle-même » , nulle mère ne peut s’auto-légitimer : toute fonction parentale, tant familiale qu’institutionnelle, est dépendante de l’Autre, c’est-à-dire assujettie aux montages juridiques et institutionnels de la Référence. C’est ce que signifiait Lacan quand il soulignait que le psychanalyste, « qui ne s’autorise que de lui-même », ne trouve pourtant sa légitimité dans le transfert de l’analysant que de l’Autre. Mais cet Autre, s’il n’existe pas, ne vaut, comme Référence symbolique, qu’à travers la mise en scène culturelle, politique, du Totem, que de cette institution du langage dont relèvent sous nos cieux les montages juridiques. Voilà ce qui reste très incompris du côté de la psychanalyse.

La mère ne peut élaborer et soutenir ses propres limites de pouvoir dans la relation à son enfant que si sa liberté – je dirais sa liberté d’interprète dans son rôle de mère  –, liée au principe du Père, n’est donc pas équivalente à son seul bon vouloir, autrement dit à son seul fantasme !

Le pouvoir potentiel exorbitant de la mère sur son enfant, tel le pouvoir potentiel exorbitant du psychanalyste sur son patient (pouvoir extrême sur lequel Freud a plusieurs fois attiré l’attention), pour être un pouvoir limité, médian, doit être référé, croisé et articulé à celui des autres tiers. Le pouvoir des parents, pas plus que celui de l’analyste, ne peut être confondu avec le pouvoir théologico-politique de la Référence, sans que d’aucuns –  sinistrés du transfert –  ne se trouvent en place de « sacrifiés » 3 .

L’enjeu maternel consiste donc pour une femme à affronter, via le père de l’enfant (ou tout autre substitut), dans la dialectique œdipienne, l’enjeu narcissique, son propre enjeu d’inceste. Voilà ce que fait si bien réfléchir  de l’invisible, de l’autre scène  de   l’affaire, le montage surréaliste de Max Ernst présenté en ouverture : cette scène de séduction où le regard de jouissance énamouré de la femme s’offrant au troisième et étrange personnage qui lui touche le sein  –   l’ombre du Vieux , le  Commandeur  – fait miroiter le fantasme du père incestueux…

Daniel Pendanx 17 juin 2010

1  P. Legendre, L’inestimable  objet de la transmission, préface, nouvelle édition Fayard, 2004, p.IV (mon texte doit beaucoup à cet ouvrage, ainsi qu’à Filiation, fondements généalogiques de la psychanalyse , d’Alexandra Papageorgiiou-Legendre)

2  L’institutionnalité et le droit ont pour vocation clinique d’inscrire le sujet du désir (du désir en tant que désir inconscient œdipien) dans la triangularité qui est celle du cadre (langagier, symbolique) qui préside à l’opération de la permutation symbolique des places. Pour que les parents effectuent la permutation il convient d’abord qu’ils soient eux-mêmes institués à leur place de droit, requis à cette place. Ce qui suppose d’un côté que l’enjeu subjectif (œdipien) de la permutation ne soit pas esquivé par les réponses bouche-trou du positivisme « réparateur », du positivisme éducatif et thérapeutique ambiant, et que de l’autre, la dissymétrie des places généalogiques, nouée à la différence des sexes, ne soit pas mise à mal par des législations insensées, ainsi que par tous les discours et pratiques de l’égalitarisme.

3  A refuser de prendre en compte la dimension institutionnelle du transfert, à méconnaître que leur fonction est une fonction « parentale » médiane, parmi les autres fonctions institutionnelles médianes, nombre de psychanalystes ne peuvent relever en quoi et comment leur propre fonction joue, dans le transfert de l’analysant, comme une fonction référée, liée, croisée. Emblématisant et fétichisant les formules de Lacan, comme ils le font par exemple pour la maxime vénérée de «  l’analyste ne s’autorise que de lui-même  », ces psychanalystes – dois-je encore les appeler ainsi ? – manipulent de façon sauvage le transfert politique, en engageant leurs analysants dans des pratiques institutionnelles d’agit-prop et de séduction à des fins privées, proprement communautaires, sinon sectaires. Voilà qui ne peut conduire ces analysants qu’à se tenir dans une position de conquête, et dans une rivalité duelle déclarée par rapport aux lieux de référence institués. Comment ces analysants, confortés dans leur « orgueil » et poussés à de telles pratiques par leurs analystes, ne se trouveraient-ils pas privés en vérité, dans leur cure (conduite par de tels analystes), de la voie princeps de l’analyse, celle de l’élaboration subjective du « meurtre du Père » ? Les écoliers et militants de la Cause, enlacés dans leur « complexe de croyance » (Rosolato), y trouvent certes des « bénéfices », car bien évidemment le sujet de la servitude volontaire  en eux reçoit là tout à la fois son plus de jouir narcissique groupal, et ses indulgences. Nous sommes dans la répétition, sous couvert de psychanalyse, du plus ancestral usage militant de l’amour politique ! Je renvoie ici aux textes critiques décapants de Patrick Valas, en particulier à celui intitulé La ruche , sur son site. L’intérêt de cela c’est que l’interprète se trouve d’autant plus « obligé », quant à lui, à se tenir à ses limites de place et de discours. Ce qui ne signifie pas qu’il doive raser les murs, et être inerte. Il faut bien quand même que de temps en temps, il y ait un os.

Philippe Sollers – … Comment une Vierge peut-elle devenir mère ? Et en plus de son fils ? Ah, les fils de leur mère ! Quand comprendront-ils qu’ils devraient se situer par imitation du Christ comme pères de leur mère ? Telle est, au fond, la splendeur catholique, seule proposition universelle de résolution de l’inceste.

Les mères sont toujours des filles et peu de fils peuvent devenir le père de ces filles. Il y a toujours croyance à une Reine Mère, à une Mère de la Nuit, à une pondeuse primordiale. Le Père n’est pas connu, il est d’ailleurs calomnié en ce monde. Pour percer cette opacité il faut que le fils lui-même montre – à quel prix ! – qu’il est le père de sa Mère.

B. Chantre  – Devenir chrétien, c’est, selon vous, d’abord résoudre l’inceste ?

Ph. Sollers – Eh oui. Car, en général, la dévotion populaire à la Vierge est une dévotion archaïque, vestige des cultes maternels, prébibliques. Freud a vu ce point…

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