1
«
La vie humaine est un combat contre la malice de l’homme même.
Baltasar Gracian, L’homme de cour.
L’éthique est à la mode, c’est le moins que l’on puisse dire. A chaque difficulté ou dysfonctionnement social : le dopage des sportifs, la pédophilie des prêtres ou des encadrants de la jeunesse, la législation de l’IVG, les dérapages financiers en politique, le clonage des gènes, le droit d’ingérence dans les pays en guerre etc c’est le mot éthique qui sort du bois. Un mot chargé comme beaucoup d’ambiguïté. On a l’impression que c’est un mot « cautère-sur-jambe-de-bois » et qu’il suffirait de le prononcer pour que les choses rentrent magiquement dans l’ordre. C’est un mot grigri, un mot fétiche contre la poisse. C’est un mot qui surgit dans les équipes éducatives lors d’un dysfonctionnement. Il s’agit de colmater les brèches : on ne pense pas, on n’élabore pas de savoir, on « éthiquette » et ça tourne en eau-de boudin. Là où le réel d’une situation exigerait un mouvement de création de la pensée, individuel et collectif, on produit une charte de bonne conduite, un règlement intérieur, on jure ses grands dieux qu’on ne nous y reprendra plus, ou tout autre forme de construction défensive, qui vise avant tout à échapper à ce devant quoi on est convoqué : à répondre de notre présence ici et maintenant, autrement dit à assumer une responsabilité. Donc l’éthique est aussi de nos jours un mot qui produit un déplacement. Là où l’on attendrait, face à l’adversité, face aux difficultés, face aux dérapages une mise en avant de la responsabilité des acteurs, au contraire l’éthique est aujourd’hui un mode de démission et de reculade devant l’engagement. Avec l’éthique on botte en touche ! Il suffit de voir quelle extension prolifique ont pris les divers comités d’éthique. S’agit-il de réfléchir et statuer sur le clonage des gènes, on crée un comité de bio-éthique ; s’agit-il de penser aux conséquences sur nos bambins des images de violence ou de sexe à la télévision, idem, création d’un comité d’éthique et de vigilance. S’agit-il dans nos professions sociales de questionner la place des travailleurs sociaux face aux usagers, le CSTS charge une commission d’éthique de faire un rapport… Or l’éthique, nous allons le voir, est un lieu de décision subjectif, auquel nul sujet ne peut se dérober. La création quasi permanente de comités d’éthique dans notre société moderne est à la mesure d’un processus de désubjectivisation qui se traduit par une déresponsabilisation. Le rouleau-compresseur du discours de la science qui a peu a peu laminé nos moindres faits et gestes, aboutit à cette conclusion aberrante : nul n’est pour rien dans ce qui lui arrive. Et quand il s’agit de produire un acte ou de prendre une décision qui engage, il faudrait s’en remettre aux experts, aux savants qui, réunis en comités, trancheront. On voit bien que ce glissement dans l’éthique est une tentative de se dédouaner, à l’échelle d’une civilisation, de ce que justement, à mon avis, l’éthique engage. C’est l’expert qui dirait alors le vrai du vrai. Il s’agit d’un détournement par la science, sous les auspices de la vérification par la preuve, de ce qui engage la vérité chez un sujet : à savoir qu’il parle. Et cela nul ne peut le faire à sa place. Qu’un sujet parle, voilà ce qui rend incontournable une position éthique. L’éthique, que je le définirai d’emblée comme éthique du sujet, exige au contraire une responsabilité du sujet que la psychanalyse n’a cessé de mettre en avant. « De notre position de sujet, précise avec fermeté Jacques Lacan dans une conférence intitulée « La science et la vérité », nous sommes toujours responsables. »
Si l’ambiguïté apparaît aussi prégnante autour du terme d’éthique nous allons voir que le mot est frappé dès son origine par ce statut de duplicité. Le mot éthique vient en fait de deux mots grecs distincts : èthos et éthos. La distinction n’est pas flagrante en français, seul un accent sur le e, grave ou aigu, permet de l’opérer. Par contre en grec on a deux lettres bien différenciées : un êta dans le premier cas et un epsilon dans le second. C’est surtout Aristote qu le premier a mis en tension ces deux dimensions de l’éthique. Si l’éthos, avec un epsilon en grec est relativement repérable, et ouvre à toute une confusion de nos jours, le second reste énigmatique. L’éthos en effet désigne les bonnes mœurs, la morale sociale, ce qui est communément acceptable ou interdit. Régi par un droit coutumier l’éthos recouvre les bonnes manières, manières de table ou manière de se tenir en société, un savoir-vivre en quelque sorte.
L’èthos avec un êta, est beaucoup plus ancien. La première occurrence que je connaisse de ce mot se trouve dans les fragments d’Héraclite. Ce philosophe grec né à Ephèse cinq siècles avant Jésus-Christ, précède largement la grande floraison de la philosophe grecque de Socrate à Aristote en passant par Platon. Sa philosophe est fondée sur l’idée du mouvement : tout dans l’univers et dans l’homme est en mouvement. C’est ce qu’il dit dans un de ses fragments : « on ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve. » Le centre de l’univers comme l’homme, est animé par un feu central,
puros
et c’est le
logos
qui maintient ce feu, comme le font les bords d’un volcan. « Ce monde en son ordre, nous dit, à travers 25 siècles, le philosophe d’Ephèse, aucun des dieux ni des hommes ne l’a fait, mais il était, il est et sera : feu toujours vivant, s’allumant en mesure, s’éteignant en mesure. » (Fragment 30) Le
logos
, c’est à la fois le langage, la culture, ce que Lacan nommera bien plus tard le symbolique. Le feu du réel est canalisé par la mesure du symbolique. Si le feu central reste immuable, la ronde des mots que l’homme ne cesse de circonscrire autour de lui pour le contenir et n’être pas embrasé par son débordement, est en mouvement permanent. Héraclite fustige ceux qui ne savent ni écouter, ni parler, car ils produisent des failles et des désordres dans l’univers par lesquelles le feu se propage et détruit le monde. Seule la parole maintient l’ordre du monde, ce que justement les Grecs nommaient cosmos, autrement dit arrangement, organisation, mise en ordre. S’attacher à la parole et à son surgissement dans le corps de chaque sujet, c’est donc pour Héraclite, rejoindre le monde en son jaillissement permanent, en son éclosion. Mais qu’est ce qui permet à l’être humain, le parlêtre, de se mette en accord avec les battements en mesure de l’univers? Qu’est ce qui lui permet de prendre les bonnes mesures, de faire les bons choix ? Certes c’est par la parole que l’homme maintient l’univers en ordre, mais une parole où il affirme quoi ? Guidée par quoi ? C’est là qu’Héraclite introduit une dimension essentielle chez les humains qu’il nomme justement : èthos. L’éthos logé au cœur de l’homme c’est sa demeure intérieure, son for intérieur, comme on disait au XVIII ème, la demeure de l’âme dira Thérèse d’Avila. Avec les outils conceptuels de la psychanalyse, on pourrait dire que c’est la dimension de la subjectivité, le sujet de l’inconscient. Mais comment l’être parlant peut-il se mettre en contact avec ce qui l’habite au plus intime et lui donner une expression dans la parole pour organiser son monde ? Héraclite en dit un peu plus, en effet, l’èthos, cette demeure intérieure est habitée par une drôle d’entité, ce qu’il nomme un daïmon. Voici le fragment complet d’Héraclite :
èthos anthropoï daimon
(fragment 119). On peut traduire par : dans la demeure intérieure de l’homme il y a un
daïmon
.
2
C’est volontairement que je ne traduis pas le mot grec
daïmon
. Il prête à confusion dans notre langue puisque c’est de lui qu’est issu le terme démon. Le démon dans son aspect diabolique est une invention des pères de l’Eglise du III ème. Constatant la désaffection progressive des églises par les chrétiens, ils inventent un démon terrifiant pour leur faire peur et les ramener au bercail. Le daïmon des grecs a une toute autre allure ? Pour le comprendre, je vais parler un peu de Socrate. On sait en effet que Socrate se promenait avec un daïmon auprès de lui.
3
Pour entrer en contact avec lui et écouter, tel Gimini Crickett, la voix de sa conscience, autrement dit entendre ce qui se dit dans son éthique, Socrate tombe périodiquement en extase. Alcibiade dans
Le Banquet
, fait le récit d’un Socrate figé pendant vingt-quatre heures, immobile, insensible aux exigences du corps et à ce qui se passe autour de lui, retiré de lui-même et du monde, absent, en voyage intérieur. Lorsqu’il sort de cet état il fait une prière au soleil et vaque, comme si de rien n’était, à ses occupations coutumières. Socrate affirme dans un autre dialogue de Platon, le
Charmide,
qu’il a été initié au chamanisme pendant le siège de Protidée. En effet Socrate, outre son travail de philosophe des rues qui vise chez ses interlocuteurs l’accouchement des âmes, comme il dit, se loue comme mercenaire pour des batailles. Il court vite, est résistant à l’épreuve, n’a pas peur devant l’ennemi, et fait preuve d’une puissance d’action dans le combat, hors du commun. A l’époque, comme aujourd’hui, la philosophie ne nourrit pas son homme, et c’est son métier de mercenaire qui lui permet de mettre du beurre dans les épinards. Lors de cette bataille qui trouve son issue avec la prise de la ville de Protidée, Socrate a fréquenté dans les alentours au Nord-Est de la Grèce, un médecin traditionnel thrace qui l’a vraisemblablement initié au chamanisme. Mais il y a une différence de taille entre la pratique chamanique et la maïeutique socratique : là où le chamane guérit par des incantations, Socrate procède par la parole. Socrate affirme que lors de ces extases il se met entre en communication avec son daimon. Les dialogues de Platon mettent en scène à diverses reprises ce Socrate méconnu, ascète d’une mystique étrange, qu’on peut désigner comme éthique. Lors du fameux banquet
chez Agathon, Socrate est en retard. Il a rencontré en chemin Aristodème qui n’est pas invité mais qu’il a pris sur lui d’amener avec lui. Ils sont en chemin quand soudain Socrate s’isole et se fige, comme pétrifié. Aristodème arrive au lieu du banquet et fait part de sa surprise aux convives. On dépêche un esclave près de Socrate qui le trouve debout sous le porche de la maison voisine, et constate qu’il ne répond pas à ses questions. Aristodème précise alors que c’est chose habituelle dans le comportement du philosophe : ça lui prend n’importe où et n’importe quand et il n’y a rien à faire qu’attendre qu’il redescende sur terre. Il est plongé dans son
èthos
en conversation intime avec son
daïmon
. Evidemment on aimerait bien savoir ce que Socrate vivait pendant ces ravissements, dans quelles visions il était plongé, et quelle sagesse et enseignement il en tirait. C’est d’ailleurs précisément ce que ne manque pas de lui demander Agathon lorsqu’il arrive au banquet avec un retard considérable. Mais Socrate ne répond pas. Le savoir, dit-il, ne peut passer d’un esprit à un autre, comme on transvaserait de l’eau d’une cruche dans une autre. C’est une expérience subjective que la rencontre éthique avec le
daïmon
. Cette sagesse, cette
sophia
, comme dit le texte de Platon, ne se transmet pas. A chacun d’en faire l’épreuve. Socrate ne fait jamais appel à ces expériences extatiques pour se prévaloir d’un savoir qui lui viendrait d’en haut, des divinités. En fait il va sans cesse répétant qu’il ne sait qu’une chose, c’est qu’il ne sait rien. Selon une technique aguerrie, la fameuse ironie (
ironein
signifie questionner en grec) Socrate, à partir de questions de moins en moins naïves en vient à déstabiliser son interlocuteur qui prétend posséder un savoir, jusqu’à balayer comme château de cartes les évidences. Le savoir pour Socrate est toujours nouveau. Parfois Socrate se réfère à ses rêves qu’il considère comme des avertissements. Ainsi dans le
Phédon
, il fait grand cas d’un rêve absurde mais qui se reproduit fréquemment. Une autre fois, il se met à composer des chansons dans sa prison à cause d’un rêve que le lui a ordonné.
C’est dans le Banquet qu’il verse au compte de Diotime ce qu’il sait du
daïmon
. Intermédiaire entre les dieux et les hommes, le
daïmon
transmet les messages divins que ce soit en rêve, dans les extases ou encore dans les oracles tels que la pythie en délivre au sanctuaire de Delphes. Sorte d’ange antique, le
daïmon
est tout à la fois messager et médiateur. Dans le
Banquet
Socrate donne quelques précisions sur la nature de ce
daïmon
. Dans l’
Apologie de Socrate
, il déclare que « cela a commencé dès mon enfance, une voix qui ne se produit que pour me détourner de ce que je m’apprête à faire, mais ne me pousse jamais à agir. » Le
daïmon
, Socrate ne le connaît que par cette voix étrange, à la fois intime et étrangère, extime comme disait Lacan dans un néologisme saisissant. De plus il s’agit une voix qui lui dit « non » sans jamais lui indiquer le chemin. Est-ce à dire que Socrate était psychotique en entendant cette voix et faut-il verser cette manifestation au registre de l’hallucination ? Sans doute que non. Il s’agit beaucoup plus de repérer ici la voix (voie) de l’éthique, comme éthique du désir. Une voix inscrite dans un contexte où la philosophie est en train de se détacher de la religion, sans la renier. Socrate est en cela proche d’un culte comme les Mystères d’Eleusis ou les cultes d’Orphée, haute figure mythique du chamanisme venu du Nord, comme l’est Dionysos. « Par la fascination incantatoire de sa parole, sa conception du corps tombeau de l’âme, son adhésion aux mythes exprimant le voyage de l’âme après la mort et ses allusions fréquentes aux Mystères, précise Jean-Joël Duhot, Socrate a de nombreux aspects orphiques. »
Une des dernières fois où se manifeste le
daïmon
par sa voix, c’est lors de l’incarcération de Socrate. Il vient d’être condamné à mort pour avoir, l’accusent ses juges, perverti la jeunesse et pour athéisme. Questionnant sans relâche on peut assurer qu’il fait œuvre de subversion en incitant chacun à penser par soi-même et non en fonction des dogmes prêt-à-penser civils ou religieux. Evidemment Socrate a la cote chez les jeunes qui, apprenant à penser par eux-mêmes se font un peu plus revendicatifs face aux vieillards qui tiennent le Sénat. Socrate est par conséquent condamné à mourir par empoisonnement en absorbant une dose mortelle de décoction de ciguë. Ses amis, révoltés par cette sentence inique, volent à son secours, et obtiennent des sénateurs, moyennant finance, la grâce de Socrate et la commutation de la peine en exil a vie. Ils vont porter la bonne nouvelle à Socrate dans sa cellule. Mais avant de décider quoi que ce soit Socrate consulte son
daïmon
. Et à l’écoute de la voix, il décide de rester et de se soumettre à la sentence. Ainsi Socrate reste-t-il en accord avec lui-même. Position éthique s’il en est.
On peut voir cette notion de
daïmon
dériver tout autour des cultures qui fleurissent sur les bords de la méditerranée. Le
daïmon
de Socrate, c’est aussi le
djinn
dans la culture islamique, haute figure qui réjouit diverses scènes des
Mille et une nuits
. Venu du sud avec les invasions arabes, le
daïmon
se fait
duende
dans la culture ibérique, surtout en Andalousie où il est adopté par les peuples tsiganes. Le
duende
, comme le
djinn
arabe, est un lutin capricieux. Il se manifeste au détour de certaines pratiques communautaires. Notamment dans le flamenco et la corrida. Il peut, dans la corrida, apparaître dans le corps du taureau ou du toréador. Dans le flamenco, il se manifeste dans certaines cassures de la voix, au détour d’un accord musical étrange. On peut dire qu’il s’agit là d’un véritable culte du
duende
, ces pratiques rituelles collectives visant à le faire advenir. C’est ainsi qu’Inès Bacan, sœur de Pedro Bacan, s’exerçant depuis toute jeune au
cante jondo
, se désespérait de voir un jour jaillir dans son corps le
duende
, eut la surprise de se voir entourée à la fin d’un long chant par les plus âgées du clan des Pinini, pour célébrer l’avènement du
duende
: il était passé à travers elle, par son chant, sans qu’elle s’en rende compte. Un chanteur comme Camaron de la Isla est resté célèbre pour sa capacité à rendre patent le
duende
. Même ivre ou drogué, la grâce du « génie » s’incarnait en lui. Les mères lui demandaient d’imposer les mains à leurs enfants pour que le
duende
les habite. Lorsque dans une conférence faite à La Havane en 1930, Frederico Garcia Lorca aborde sa
Théorie et jeu du duende
, c’est pour affirmer que « tous les arts sont capables de
duende
, mais où il s’ébat le mieux, comme il est naturel, c’est dans la musique, dans la danse et dans la poésie récitée, car elles demandent l’instrument d’un corps vivant et sont des formes qui naissent et meurent sans cesse, assemblant leurs contours dans les limites du présent. » « Le
duende
, précise le poète, exprime les citrons de l’aurore. » Et il poursuit en associant le
duende
à la mort car en Espagne « un mort est plus vivant comme mort qu’en aucun lieu du monde. » Mettant en série trois manifestations de ce qu’on nomme maladroitement le surnaturel, la muse, l’ange et le
duende
, Lorca conclut que « lorsque la muse voit arriver la mort, elle ferme la porte… Lorsque l’ange voit arriver la mort, il vole en cercles lents… Au contraire le
duende
ne vient que s’il voit la possibilité de la mort, que s’il est sûr de tourner dans sa maison et d’agiter ces branches de deuil que nous portons tous et qui n’ont pas, qui n’auront jamais de consolation.» Le
duende
est l’ange du manque et de la castration. La conclusion de cette étrange conférence pose une question « Où est le
duende
? » Et la réponse fuse : «Sous l’arc vide passe un vent spirituel, qui souffle avec insistance sur les têtes de mort, en quête de nouveaux paysages et d’accents ignorés, un vent avec une odeur de salive d’enfant, d’herbe mâchée et voile de méduse qui annonce le constant baptême des choses récemment crées » Faisant du
duende
le messager de la mort, Lorca le rapproche de cette catégorie de Jacques Lacan, le réel, ce non-lieu qui échappe aux images et aux noms, ce lieu de l’invisible et de l’innommable, cet au-delà que cerne Freud. Il y a dans l’homme, de structure, un point d’échappée qui se présente comme une énigme constante et irréductible. Ce pays de l’Autre, c’est celui que Lacan, au soir de sa vie, le 15 février 1980, dit aller rejoindre, « S’il arrive que je m’en aille, précise-t-il, dites-vous que c’est afin d’être Autre enfin. On peut se contenter d’être Autre comme tout le monde, après une vie passée à vouloir l’être malgré la Loi. » Voilà où se situe le territoire de l’éthique, ce lieu inaccessible en l’homme, ce lieu à la fois le plus intime et le plus étranger, qui prend les figures de la mort, au sens d’inconnu radical, et ne se manifeste que par les voix intérieures. Ce rapprochement que j’effectue entre l’éthique et la mort pèse de tout son poids si l’on considère que c’est dans les circonstances les plus radicales, lorsqu’un sujet est au pied du mur de sa vie, que l’éthique se manifeste dans toute sa force. C’est ce que signale Alain Badiou dans son petit traité sur
L’Ethique. La conscience du mal.
L’éthique n’a rien à voir avec la défense de valeurs dominantes telles que l’humanisme ou le respect des droits de l’homme. Au contraire, elle intervient comme contre-poids à ces valeurs sociales qui livrées à elles-mêmes conduisent bien souvent au pire, à savoir vouloir faire le bien de l’autre contre son gré. Nous savons que c’est ce qui frappe d’une maladie infantile rédhibitoire tout le travail dit social. Kant ne disait-il pas que « vouloir faire le bien des autres, c’est la pire des tyrannies.» Sans doute parce que la notion de bien, le Souverain Bien dont parle Aristote, est en fait gouvernée en sous main par les fantasmes et volonté de pouvoir de chacun. Vouloir faire le bien de l’autre c’est le vouloir conforme à ce qu’on attend de lui. Or la marque du sujet, c’est justement la non-conformité au désir de l’Autre. Si comme l’énonce Lacan « le désir de l’homme c’est le désir de l’Autre », c’est justement dans l’écart creusé entre ce qu’on désire pour lui et ce qu’il fait de ce désir qui lui pèse, dès la prime enfance, sur les épaules, que s’ouvre toute l’énigme du sujet. C’est donc le lieu de l’éthique au sens d’Héraclite. L’éthique intervient dans les circonstances les plus dramatiques, là où souvent le désir de l’Autre se fait le plus totalitaire, le plus meurtrier, le plus extrême. Par exemple dans les camps de la mort, lors d’un accident, dans un épisode de vie marqué par le deuil ou la disparition de proches, lors de l’écroulement des illusions… Alors l’homme, en bout de course, acculé à répondre de son être au monde, trouve en lui le chemin de l’éthique. Mais est-ce en lui ce qui justement le met hors de lui ? Ethique des circonstances et des situations limites, précise Badiou. Du
daïmon
au
duende
, en passant par le
djinn
, nous en arrivons à ce que notre culture a malheureusement banalisé et désactivé sous le terme de génie. Ne dit-on pas à tout propos que tel artiste, tel objet, ou tel lieux qu’ils sont géniaux ? Il faut renouer avec toute la puissance poétique d’un Rimbaud pour entendre ce qu’il en est dans notre culture d’un rapport à l’éthique. Dans un poème des
Illuminations
, justement intitulé Génie, voici ce qu’il écrit.
«
Il est l’affection et le présent puisqu’il a fait la maison ouverte à l’hiver écumeux et à la rumeur de l’été…Il nous a tous connus et nous a tous aimés. Sachons cette nuit d’hiver, de cap en cap, du pôle tumultueux au château, de la foule à la plage, de regards et regards, force et sentiment las, le héler et le voir, et le renvoyer, et, sous les marées et au haut des déserts de neige, suivre ses vues, ses souffles, son corps, son jour
»
Donc premier niveau de l’éthique c’est cette mise en correspondance de l’homme avec ce qui en lui résonne comme le plus étrange. Evidemment ceci n’a rien à voir avec la défense d’une quelconque morale sociale et encore moins professionnelle. L’éthique, au sens où on la voit apparaître dans Héraclite, il appartient à chaque sujet d’en trouver le chemin. Mais nous avons vu également que l’éthique, autant chez Héraclite que chez Socrate entre en résonance avec la parole. Autrement dit ici se dessine ce que Lacan désigne comme éthique du bien dire. Non seulement il s’agit d’entendre ce qui se dit en soi en terme de vérité, mais cette vérité, aussi surprenante soit-elle, n’apparaît que dans les méandres de la parole où un sujet fraie son chemin. Les choses se compliquent lorsqu’on aborde la deuxième partie de l’éthique, comme morale sociale, celle qu’Aristote écrit avec un epsilon, et avec laquelle elle rentre en tension. Nous verrons qu’il ne s’agit en matière d’éthique de ne lâcher ni sur l’une ni sur l’autre. L’éthique ne consiste pas à faire ce qui passe par la tête, mais à maintenir vivante l’insertion d’un sujet dans le corps social. Autrement dit, comme nous le verrons en nous appuyant sur les apports d’Hannah Arendt, éthique du désir et éthique de la raison, éthique de la morale sociale et éthique du sujet doivent avancer de concert. Loi et désir restent arc-boutés l’un à l’autre chez un sujet.
Pour illustrer cette tension entre les deux faces de l’éthique, nous allons mettre en scène les personnages du théâtre antique dont Sophocle décrit la geste dans sa pièce
Antigone
. Cette pièce fait partie d’une trilogie dont les deux premiers volets,
Œdipe Roi
et
Œdipe à Colone
, articulent le drame qui frappe une lignée. Chacun connaît le destin tragique d’Œdipe. Promis à la mort par son père, le roi Laïos, suite à la consultation de l’oracle qui lui prédit qu’un fils le tuera et épousera sa propre femme, l’enfant est recueilli par un berger qui le conduit au roi de Corinthe. Le roi et la reine l’élèvent comme leur fils et lui donnent le nom d’Oedipe, pied enflé. Lorsque comme tout jeune homme, il va consulter à son tour l’oracle de Delphes, la pythie lui prédit le funeste destin déjà annoncé à Laïos : tuer son père et épouser sa mère. Il s’enfuit et dans son errance tombe sur un char dont il massacre les occupants. Il arrive à Thèbes qui est infestée par la peste et réduite en esclavage par un monstre qui monte la garde à ses portes et dépèce tout homme qui ne sait répondre à l’énigme qu’elle lui propose : la sphinge. Œdipe résout l’énigme : qu’est-ce qui marche à quatre pattes le matin, sur deux le midi et trois le soir ? Evidemment, c’est l’homme. Œdipe est alors nommé roi de Thèbes et épouse la reine Jocaste qui est veuve. Il ordonne aussitôt une enquête sur la mort du roi afin que le crime ne demeure pas impuni. Un voyant-aveugle, Tirésias, lui fait bien comprendre qu’il ferait mieux de laisser tomber. Œdipe s’acharne et, lorsque la vérité éclate, Jocaste se pend et il se crève les yeux en prélevant sur la robe de celle-ci une fibule qui la tient. Fin du premier épisode de la trilogie Œdipe-Roi. La suite voit Œdipe partir sur les routes, accompagné de sa fille Antigone. Il a eu quatre enfants avec Jocaste, sa mère : deux garçons : Etéocle et Polynice et deux filles : Ismène et Antigone. C’est cette dernière qui est la plus proche de lui. Avant de partir, il confie le gouvernement de la cité à Créon, le frère de Jocaste. Une longue errance sur les routes l’amène jusqu’à Colonne, où il s’éteint doucement et paisiblement. Ce deuxième épisode est une belle méditation sur l’acceptation de la vie et de ses malheurs. Œdipe meurt réconcilié avec lui-même : puisque les dieux en ont voulu ainsi qu’il en soit fait selon leur volonté.
Antigone rentre à Thèbes et c’est là que commence le troisième volet de la tragédie de Sophocle. Elle arrive en pleine bataille. Son frère Polynice s’est dressé contre sa cité natale défendue par son autre frère Etéocle. Ils s’entretuent dans un combat singulier. Créon, homme politique avisé décrète, selon les lois en vigueur, que celui qui s’est dressé contre sa cité n’est pas digne de funérailles et que son cadavre sera jeté hors les murs aux bêtes fauves. Quant à celui qui a agi en patriote il sera enterré en grandes pompes. Ismène et Antigone sont accablées par cette décision de justice. Ismène se résigne « Nous ne sommes que des femmes, que pouvons-nous contre la raison d’Etat ? » Mais Antigone ne veut pas plier et annonce à Créon que malgré la loi elle enterrera son frère dignement, même si elle désapprouve sa conduite infâme. A la nuit tombée, elle se coule hors les remparts et en grattant la terre avec ses ongles donne une sépulture à son frère. Elle est dénoncée par un soldat est conduite devant Créon (je résume le dialogue):
- Tu as transgressé les lois
- Il y a les lois de la cité, que je respecte, mais aussi des lois qui ne sont pas écrites et qui nous viennent des dieux. Ces lois au nom de ce qui lie un frère et une sœur m’ont dicté de ne pas laisser mon frère mort être considéré comme un chien. J’ai agi selon cette loi
- Tu connais le prix à payer pour cette transgression.
Et elle est emmenée dans une grotte où elle meurt emmurée vivante tout en chantant : Regardez-moi, voyez ce que je souffre pour avoir observé la plus haute loi.
La confrontation entre Créon et Antigone met en scène la tension entre les deux éthiques. Créon, maître de la politique sociale fait appel à la loi morale : pas de société sans loi. Antigone lui oppose une autre loi, qui relève d’une éthique intime. Raison et désir s’opposent ; mais le désir ne trouve son point d’expression qu’arc-bouté à la loi.
4
La tragédie de Sophocle nous permet alors de comprendre l’ambiguïté dans laquelle la question de l’éthique est aujourd’hui engluée. En fait il ne s’agit de ne lâcher ni sur l’une, ni sur l’autre. Les sociétés humaines ne peuvent survivre sans des lois qui obligent chaque citoyen à en rabattre sur sa jouissance pour vivre avec les autres. D’autre part, un sujet ne saurait entièrement se conformer aux lois de la cité. La question de son désir est engagée et il ne peut s’en débarrasser sous peine de disparaître comme sujet. Il ne peut se dédouaner de sa propre responsabilité : qu’il obéisse aveuglément à la loi sociale ou qu’il transgresse, dans tous les cas ils ne peut faire l’économie de sa responsabilité. C’est donc un champ de conflit entre sujet et société, une mise en tension inépuisable qui s’ouvre entre les deux éthiques.
Aristote dans son
Ethique à Nicomaque
précise la nature de cette opposition. Hannah Arendt dans
La condition de l’homme moderne
, reviendra longuement sur la réflexion d’Aristote. Je propose une synthèse des ces auteurs.
|
éthos
|
èthos
|
mode de pensée
|
compliqué
|
complexe
|
mode d’action
|
poïesis
|
praxis
|
moyen d’action
|
technè
|
phronésis, logos, métis
|
type de production
|
objet (
ergon
)
|
sujet, collectif
|
Approche éducative
|
raison
|
désir
|
Pour Aristote les deux ethos se déclinent ainsi : l’une (
èthos
) est fixe, tandis que l’autre change (
éthos
) Par exemple une pierre que l’on lance ne change pas de nature intime, elle conserve son
èthos
; mais le mouvement la fait changer de place, d’
éthos
. La vertu éthique que tire Aristote de sa réflexion consiste à prôner une mise en conformité de ce qui ne change pas avec ce qui change. Il met en jeu une morale conservatrice, pour tenter de résoudre l’opposition.
En fait, si l’on maintient comme dans le tableau ci-dessus, la tension entre les deux éthiques, on parvient à un point de vue un peu plus dynamique. D’un coté on a une pensée du compliqué, c’est l’approche que fait la science des phénomènes humains ou naturels. Là où les choses apparaissent comme trop compliquées, il s’agit de les disséquer en une série de petits problèmes que l’on résout un par un. Il s’agit d’expliquer. Au contraire la pensée complexe exige de prendre en compte ce qu’il y a d’énigmatique dans l’être humain : on ne saurait tout expliquer, demeure un « infracassable noyau de nuit » comme dit André Breton. Il y a en l’homme quelque chose qui fondamentalement nous échappe, ce qui fait de chaque sujet une énigme vivante. Le mode d’action mis en œuvre par la pensée du compliqué qu’Aristote nomme
poïesis
vise la production d’objets (
ergon
) Par exemple, écrit Aristote, le travail d’un architecte consiste à construire une maison. Pour cela il lui faut mettre en œuvre une technique, de savoirs et des savoir-faire. Toute notre modernité a rejoint ce point de vue de la prédominance des techniques, des objets et des biens de consommation. Voilà un point sur lequel Hannah Arendt, dans la foulée de son maître Martin Heidegger, va s’opposer. La prédominance de la technique met en péril la spécificité de l’être humain. On ne saurait le cantonner dans le champ de la production et de la consommation. Elle oppose à la
poïesis
, la
praxis
. La
praxis
vise la prise en compte de l’énigme de l’humain. Ce qu’elle cherche à produire, c’est de l’humain et non seulement des objets et « c’est une tache autrement difficile que de monter une expédition au pôle Nord avec des chiens de traîneaux » comme l’écrivait Fernand Deligny peu de temps avant de mourir. Elle vise un « perfectionnement de l’agent » dans l’action, précise Aristote. Elle vise en langage d’aujourd’hui la production de sujets et de sujets réunis dans un projet commun (le collectif) La
praxis
, comme contre-feu allumé à la chosification du monde, met l’accent sur la citoyenneté, comme production sociale par excellence. Les moyens d’action mis en œuvre par la
praxis
, participent de ce que les Grecs nommaient le
kairos
, qui consiste à saisir l’occasion. Comme l’écrivait Freud : « le lion ne bondit qu’une fois » et un adage français renchérit en précisant que « l’occasion fait le larron » La
poïesis
est une tentative permanente de maîtrise, de planification, de programmation, de management, d’instrumentalisation à partir de savoirs et savoir-faire accumulés. La
praxis
introduit la prise en compte du désordre, de l’imprévu, de l’impondérable, de la surprise. Elle exige un mode de pensée et d’action où l’inconnu est appréhendé dans son surgissement. Cette pensée qu’Aristote nomme
phronesis
, l’intelligence des situations qui ne relève pas d’un savoir préétabli mais d’une connaissance née de la rencontre avec le réel (co- naissance, qui signifie naître avec…), se double d’une mise en œuvre du
logos
, d’une éthique du bien dire, comme le souligne Lacan. J’y ai ajouté la
métis
, encore qu’elle ne soit pas dans la démonstration d’Aristote. La
métis
, concept mis à jour par les travaux de Detienne et Vernant
5
, désigne ce savoir-faire particulier à certaines activités qui relèvent de la complexité, comme la chasse, la pêche, la guerre, la navigation, la musique, la poésie. On pourrait ajouter aujourd’hui l’action sociale. Dans ces activités, la technique, le savoir ne suffisent pas, il y faut épouser de façon très subtile la réalité inédite de la situation pour mettre en œuvre des actes efficaces.
Dans un article consacré à la question de l’éthique dans l’intervention sociale
6
, le philosophe Jean-Bernard Paturet, en vient à mettre en tension ces deux modes d’éthique. « A ne considérer l’intervention sociale uniquement dans le champ de la
poïesis
, c’est à dire de la
technè
et de l’instrumentalité, on est renvoyé à une vision mécaniste et cartésienne de l’action sociale. Les pratiques et les représentations appartiennent à l’ordre de la machine : machine compliquée, certes, mais qui malgré son degré de complication peut être décomposable en éléments simples tels que la décomposition qu’en donne les sciences humaines (psychologie-sociologie-économie-politique etc) peuvent le faire fantasmer » En découlent un certain nombre de concepts qui forgent les pratiques d’intervention sociale : organisation, fonctionnalité, application de ratio, démarche-qualité. Il s’agirait alors de mesurer l’action sociale à l’aune de sa productivité. De plus la complication fonde une véritable idéologie de la transparence : tout des usagers de l’action sociale devrait devenir visibles. Le glissement est alors vite opéré vers des pratiques de contrôle social et de surveillance à la Big Brother. Les sujets que l’on rencontre dans l’action sociale sont transformés en usagers dont il faut décortiquer les problèmes pour les résoudre. On assiste ainsi à un éclatement des services spécialisé en autant de lieux de traitement des problèmes : le sujet petit à petit est découpé en autant de problématiques : logement, santé, emploi, famille, formation,… qui renvoient à autant de textes de découpage administratif et autant de services spécialisés. On ne l’écoute plus : seul son problème et son traitement intéressent, ce qu’il peut en dire, non. On voit comment la massification des populations sous des nominations qui produisent stigmatisation et ségrégation est paradoxalement issue de ce morcellement imposé. Erémistes, chômeurs, handicapés, toxicomanes, jeunes des quartiers dits sensibles sont associés à des textes de référence, des modes de prise en charge, des problématiques, où la prise en charge globale d’un sujet comme être parlant en vient à s’effacer. On a alors produit ce que Marx cerne du nom de réification. Là où il s’agit de produire des humains, la pensée de la
poïesis
livrée à elle-même, sans contre poids de l’éthique
,
fabrique des objets (
ergon
) : objets de soins, de surveillance, de mesures sociales etc. les usagers des services sociaux sont au sens propre, chosifiés.
7
« Au contraire, poursuit Jean-Bernard Paturet, la
praxis
inscrit l’intervention sociale dans l’ordre de la complexité… Dans cette perspective, le tout doit être pris comme tel, c’est à dire comme irréductible à la somme de ses parties… Le champ de la
praxis
ne relève plus simplement de l’explication, mais de la compréhension, c’est à dire de la question du sens. » Or la question du sens s’avère inépuisable, c’est une histoire sans fin. Nous n’en aurons jamais fini d’essayer de comprendre ce que nous faisons sur terre. De plus la construction du sens met en jeu la subjectivité : à chacun revient la tache jamais achevée de comprendre ce qui lui arrive. On conçoit alors qu’en appui sur des mesures sociales, il relève de l’éthique des travailleurs sociaux d’accompagner chez des sujets qui leur sont confiés la mise en œuvre de cette construction du sens.
Si l’application du droit des usagers ne saurait être mise en cause, elle ne suffit pas à la prise en compte d’un sujet dans l’action sociale. En effet on ne saurait déposséder un sujet de sa responsabilité, autrement dit de sa capacité à répondre de ce qui lui arrive ? Ethique de la personne d’un coté, éthique du sujet de l’autre. Le travail social situé en ce point de confrontation entre un sujet et son inscription sociale doit se maintenir au cœur de cette tension pour soutenir ceux qui eux y sont en souffrance. C’est ce qu’implique vraiment la problématique de l’insertion sociale.
Jean-Bernard Paturet place les travailleurs sociaux devant un choix : « soit faire le jeu des idéologies dominantes et s’inscrire par conséquent dans une perspective résolument orthopédique ou au contraire considérer et reconnaître les sujets humains –exclus, handicapés, souffrants etc. – comme des êtres de désir et comme citoyens au même titre qu’eux. »
J’ai laissé en suspens la dernière ligne du tableau qui ouvre sur deux types de pédagogie ou d’éducation. Education de la raison d’une part et du désir de l’autre. Depuis trop longtemps les courants éducatifs dominants sont lourdement chargés du coté de la raison : c’est la maladie infantile de l’Education Nationale ! Il suffit de produire des raisons scientifiques pour aboutir à des méthodes pédagogiques. On voit où cela nous mène : désintérêt des élèves pour les apprentissages ; disqualification des enseignants ; violences multiples... La machine à éduquer, à mettre à la casse le désordre du subjectif, est rouillée. A ne pas prendre en compte ce que Freud désignait comme l’impossible, qu’il voit à l’œuvre dans trois métiers essentiels : la politique, l’éducation et le soin, les pédagogues et éducateurs de la raison raisonnante, les technocrates de l’éducation scientiste courent à la catastrophe. Tentant de renouer avec cet idéal cartésien increvable d’un « homme machine », décrit par le médecin-philosophe Julien Offroy de La Mettrie, que l’on puisse programmer et façonner à la convenance, selon des normes préétablies, ils ont fait du champ de l’éducation un désert vidé de la puissance d’action et de la soif de savoir qui ne trouve sa source que dans le désir singulier de chaque sujet. Ainsi en ce qui concerne l’apprentissage de la lecture, ce ne sont pas les méthodes pédagogiques qui priment, mais le désir de l’élève de s’emparer de ce que contiennent les livres. Célestin Freinet disait avec un humour décapant que « aucune méthode de lecture n’a pu empêcher un enfant qui le souhaitait d’apprendre à lire ». Ce déséquilibre ne saurait être contré que par la prise en compte des pédagogies du désir. Un certain nombre de mouvements ont exploré ces modes d’appréhension du sujet comme être de parole dans son rapport au monde et aux autres. Les méthodes qui en découlent ont fait leur preuve, mais restent enterrées dans la clandestinité ou marginalisées. Le mouvement des écoles nouvelles, représentées par Célestin Freinet ou Fernand Oury ; celui de la psychothérapie institutionnelle avec François Tosquelles, Lucien, Bonnafé, Jean Oury, Roger Gentis … et bien d’autres, représentent autant de tentatives d’ouverture vers des modes d’éducation ou de soin où le sujet est pris en compte à part entière et non entièrement à part. La question éthique on le voit soulève pour chacun des questions d’engagement et de choix politiques. La question éthique rebondit sur l’institution. Les institutions sociales et médico-sociales sont-elles des machines à mettre au pas ou à neutraliser des personnes qui dérangent ou bien sont-elles construites par ceux qui les font vivre, professionnels autant qu’usagers, comme des lieux de vie où il s’agit, comme l’énonce un texte de droit du moyen-âge qu’a exhumé Pierre Legendre d’ « instituere vitam », d’instituer la vie? Or la vie de l’homme est instituée par la parole échangée avec les autres hommes. Ce n’est que dans la parole que la position éthique de chaque sujet, quelle que soit sa place sociale, handicapé ou travailleur social, peut se donner à entendre. Ceci ouvre sur une question institutionnelle de taille : quels sont les lieux où l’on se parle et où l’on s’écoute ? Si tout sujet, comme nous l’enseigne la psychanalyse, agit par le symbolique sur sa pulsion, s’il est donc en traitement de ce qui l’habite, nous ne pouvons intervenir qu’en connaissance de cause, c’est à dire en ayant pris toute la mesure de ce mode traitement qu’un sujet s’impose. Ainsi les passages à l’acte, dysfonctionnements, carences, déséquilibres que présentent les usagers de l’action sociale sont-ils à entendre comme autant de manifestations de ce mode de traitement singulier : c’est une façon de faire avec sa propre vie, même si elle dérange, comme nous l’avons vu pour Socrate. C’est d’ailleurs ce dérangement de l’ordre social, qui vaut à un sujet de se retrouver placé en institution, c’est à dire déplacé de son réseau vital, pour lui imposer un changement. On voit combien en s’abandonnant à cette pente glissante, non seulement l’action sociale reste inefficace : les changements imposés par un dressage, comme dans le comportementalisme, ne durent guère, mais de plus ils produisent un peu plus de malheur et de malaise. La première marche de l’éthique du sujet vise donc à s’acheminer vers l’autre en toute humilité, sans projeter sur lui un savoir prêt-à-penser, ni des grilles d’observation aliénantes, pour s’ouvrir à la compréhension de ce qu’il fabrique de sa propre vie. Il s’agit de frapper à la porte de sa demeure intérieure pour qu’il réponde, même si cela lui échappe, de ce qu’il fait de ce qu’on a fait de lui. Il s’agit d’inventer des espaces où le
daïmon
puisse donner de la voix et se manifester.
En conclusion de cette longue dérive sur l’éthique, il me faut revenir sur une question essentielle. Nous avons surtout considéré l’éthique du point de vue de la relation du professionnel vers l’usager. Reste à envisager les choses sur le versant du professionnel face à lui-même, face à ses propres convictions, ses préjugés mais aussi son désir. A occuper une place dans le champ social d’aide et d’assistance à ceux qui en ont besoin, il n’en est pas moins un sujet. Qu’en est-il de son désir d’occuper cette place ? Qu’est-ce qui le guide dans ses choix d’intervention ? Une fois dégagée à ciel ouvert et éclairci, ce qui malheureusement reste enfoui dans beaucoup d’endroit, la mission confiée à l’établissement et à ses techniciens, chaque professionnel se retrouve face à lui-même et ne peut faire l’économie d’interroger le sens de ce qu’il fait. Cette question, même si l’équipe et le réseau institutionnel lui offrent un lieu d’exploration, ne relève pas d’une démarche collective. Si l’institution est régie par des textes, des lois, un règlement, mais aussi des choix moraux et idéologiques, si les professions sociales sont encadrées par une déontologie tacite, il appartient cependant à chacun de donner, comme on le dit en langage de marin, sa position. C’est cela l’éthique dont nous avons remonté le cours à contre-courant jusque chez Héraclite. Il s’agit que chacun donne forme à ce que son daïmon lui dicte. Il s’agit que chacun donne de la voix. Remplaçons le daïmon par le concept moderne de désir qui est au cœur de la démarche psychanalytique et la question s’éclaire. Du coup on peut entendre l’interrogation sur laquelle Jacques Lacan conclut une année d’enseignement sur l’éthique de la psychanalyse, la seule question à poser face à une action dans laquelle un sujet est engagé : « ai-je agi conformément à mon désir ? » Si la formulation de la question est simple, la recherche d’une réponse s’avère difficile, voire impossible. En effet en fonction de quels critères répondre ? Comme on l’a vu chez Antigone, la réponse n’appartient ni à l’ordre du bien et du mal déterminé par les lois sociales, ni à un quelconque appareillage idéologique civil ou religieux, ni à un corps de doctrine ou de croyance. Alors sur quel socle prendre appui pour répondre à la question éthique par excellence s’il n’est plus rien, ni personne pour le faire à notre place ? Cette question Saint Augustin se l’est posée sous une forme légèrement différente, mais dont la structure au fond est semblable : comment puis-je dire que j’ai agi selon la volonté de Dieu ? Augustin retourne la question dans tous les sens et il aboutit à une conclusion qui ne peut que nous éclairer. Lorsque j’ai agi conformément à Dieu, il y a un signe qui émerge de mon corps et qui ne trompe pas : la joie ; lorsque je suis en désaccord avec la volonté divine c’est au contraire la tristesse qui m’habite. C’est ce qui fait dire à Lacan qu’en matière d’éthique, la seule faute possible, la seule lâcheté, c’est de lâcher sur son désir. Le retour est d’importance, ce lâchage, cette lâcheté, se paie de la tristesse. Quant à la joie il faut l’entendre ici, non comme quelque joyeuseté réactive et émotionnellement bruyante dans ses manifestations, mais comme une résonance vraie avec ce qui nous habite. C’est exactement ce qu’énonce Jean-Pierre Vernant lorsqu’il se retourne sur sa rupture avec le parti communiste. Si certains ont quitté le parti dans l’amertume, lui « a rompu joyeusement. Pourquoi ? Parce que je considérais que, dans cette rupture, j’étais absolument fidèle à ce qu’il y avait de plus profond, de plus valable, dans mes engagements premiers. » (Entre mythe et politique)
Cette dialectique de la joie et de la tristesse face à l’éthique du désir, c’est aussi ce qui guide la réflexion profonde et complexe de Spinoza. Dans un texte ardu, « mal poli », rugueux, qui précède son Grand Oeuvre sur l’Ethique, un texte intitulé d’abord « Traité de la meilleure voie qui mène à la vraie connaissance des choses », connu dans l’histoire de la philosophie comme Traité de la réforme de l’entendement, il parle de cette « éternité de joie continue et souveraine » qui jaillit au cœur de la fugacité et de l’éphémère de l’expérience. L’homme peut s’abrutir en consommant des objets ou des savoirs prêt-à-penser produits par la culture, des drogues de consommation courante produites par la technologie et disponibles sur le marché. Il peut aussi, par un processus que Spinoza nomme « emendatio », c’est à dire purification, chercher en soi l’idée vraie, cette idée qui enracine son désir dans la vérité et s’y référer. Dans cette recherche il ne peut compter ni sur Dieu, ni sur les autres. Ni dieu, ni maître à penser ne peut répondre à cette nécessité. Cette méthode qu’indique Spinoza est à entendre au sens premier du terme : met’hodos, c’est une voie intermédiaire, un chemin. On retrouve cette idée que j’avançais plus haut de cheminement. Et comme le dit la chanson : chacun sa route, chacun son chemin. Mais Spinoza va un peu plus loin. Il dit qu’une fois que l’homme a découvert ce noyau de nuit autour duquel se cristallise son idée vraie, il doit le faire savoir, le partager. L’Ethique de Spinoza est à la fois recherche et partage. « Il appartient aussi à mon bonheur de m’appliquer à ce que beaucoup comprennent ce que je comprends… » précise-t-il dans son petit traité. Souvenons-nous que pour cette idée hérétique, à savoir qu’il y avait en tout homme cette capacité à trouver en soi-même sa propre voie éthique, Spinoza paya cher. Il fut exclu de sa communauté et frappé du Herem par les rabbins, c’est à dire excommunié, en 1656 et chassé de sa ville, Amsterdam. Lorsque les frères De Witt, qui s’opposaient à la ségrégation et au fascisme après la défaite de la Hollande par la France et l’Angleterre, sont massacrés par la foule à La Haye en 1672, il sort dans la rue avec une pancarte où il a inscrit : « Ultimi barbarorum » (le pire des barbares) Peu de temps après, la tuberculose ronge ses poumons : il meurt. Il nous laisse un testament inestimable : n’attendons pas, nous dit Spinoza, je ne sais quelle promesse d’immortalité dans l’au-delà ou des lendemains qui chantent sur terre, recherchons sans cesse, ici et maintenant, à chaque instant de notre vie, et là où nous nous trouvons, l’éternité de la pensée qui seule peut nous procurer la joie. L’éthique, ne relève pas du projet, du futur : c’est tout de suite.
Quelles leçons peut-on tirer de cette longue méditation sur l’éthique, en ce qui concerne ces pratiques particulières que sont celles des intervenants sociaux. Tout d’abord notons que les travailleurs sociaux interviennent sur mandat : ils sont mandatés par le corps social, au nom de lois votées par les représentants du peuple, les députés, et sont donc payés en conséquence sur les deniers publics de la communauté des citoyens. On attend de leur action quelque chose que l’on désigne généralement sous le terme flou d’aide sociale, mais qui au bout du compte vise à rétablir l’ordre social ou à réinsérer dans l’ordre social ceux qui le dérangent : handicapés, délinquants, cas sociaux, fous etc Toute société en produisant une norme qui en assure la cohésion produit du même coup du hors norme, de l’anormal. Les travailleurs sociaux sont donc chargés de la gestion des anormaux.
8
Donc la première position éthique consiste à faire l’analyse de ce à quoi on sert pour répondre à la question que mon maître François Tosquelles lançait très souvent en guise de provocation : et toi qu’est-ce que tu fous là ? Qu’est ce que tu fous là dans telle institution, régie par telle association, chargée de telle mission etc. Il s’agit de se situer pour prendre position. C’est la raison pour laquelle par exemple je fais faire aux travailleurs sociaux en formation, d’entrée de jeu, un long travail de repérage institutionnel et d’analyse de leur place au sein de celle-ci. L’éthique commence dont par un questionnement sur soi-même et la place que l’on occupe. Elle ne saurait relever d’injonctions de l’institution, voire d’incantations ou de codes de morale. Chacun ici est renvoyé à répondre de son engagement. Le mot engagement véhicule deux sens d’origine. Le gage, c’est ce qu’on engage dans un pari, ce qu’on est prêt à perdre pour soutenir une position, une opinion etc. C’est une promesse sur l’avenir. Le gage c’est aussi l’argent que l’on touche pour une tache à accomplir, les gages d’un domestique par exemple. L’éthique révèle dont ce que chaque sujet engage pour soutenir sa propre vérité dans un contexte où il est payé pour produire une action. C’est donc un point de tension entre ce que chacun pense et ce qu’on exige de lui.
Le deuxième point que je soulèverai concerne la relation à ceux qu’on nomme de façon malheureuse les « usagers » de l’action sociale : de façon malheureuse parce que ce type de nomination est productrice de ségrégation, il stigmatise le sujet sous le marquage de sa difficulté à vivre et participe de l’injustice.
9
Si l’on m’a suivi jusqu’ici, si l’éthique est d’abord la prise en compte du sujet dans ce qui l’habite en son for intérieur, comme on disait il y a quelques siècles, la position éthique du travailleur social ne peut faire l’économie de la confrontation à l’usager dans ce qu’il a de plus intime : à savoir sa parole comme lieu d’émergence de son désir. Ceci implique par exemple un changement de cap dans la conduite des projets éducatifs. Si l’on tient une position éthique, que je définis comme éthique du sujet, on ne saurait se cantonner derrière de vagues projets passe-partout comme j’en vois fleurir à longueur d’écrits en formation (Gérard doit faire un projet d’autonomie !) Alors le projet devient une aventure, le lieu d’une rencontre et d’une création. Il épouse les contours de l’inconnu, de la surprise. Il se fait fluide et malléable. Ce qu’il s’agit de produire ce n’est pas à tout prix la réalisation des objectifs fixés (il faut vraiment que Gérard devienne autonome !!), mais un sujet en projet.
10
Cette mise en projet d’un sujet dans sa propre vie, cette mise en perce du désir, si l’on veut, ne peut advenir que dans la prise en compte du sujet et de sa parole, c’est à dire de son entière responsabilité. J’insiste : cette rencontre inter-subjective exige du travailleur social une certaine humilité. De quel lieu saurait-il ce qui est bon pour l’usager ? Il lui faut mettre en suspens ses préjugés, ses espoirs, ses représentations, ses fantasmes…bref, laisser la porte ouverte au transfert pour que du lieu de cette relation engagée le sujet au service duquel il met son savoir-faire, puisse trouver sa voie. La question du transfert demanderait de plus amples développements que je ne fais qu’esquisser, car c’est au cœur de la relation que se joue l’éthique. Du fait de sa position dominante sur l’usager, le travailleur social a le devoir d’en faire bon usage. Le meilleur serait celui de savoir s’effacer pour que l’usager s’avance. S’effacer ne veut pas dire laisser tomber. La question de l’autonomie de Gérard ne passe pas par un laisser tomber du genre : il est grand, qu’il se débrouille tout seul, elle a besoin d’être soutenue et accompagnée pour prendre son envol.
Enfin, sur le plan institutionnel, je ne reviens pas sur ce que j’ai déjà énoncé, mais on voit bien que l’éthique impose l’exigence de la prise en compte de la parole de chacun et donc des lieux où l’on se parle. Que ce soit en intra dans les diverses réunions formelles ou informelles : ainsi le café du matin échangé entre collègues est souvent aussi producteur que certaines lourdes réunions, qui se transforment en grand messe où le célébrateur-directeur diffuse la bonne parole : la parole du maître ! Que ce soit aussi en extra où se pose la rencontre des partenaires, administratifs ou techniques. L’éthique sur le plan institutionnel, on l’a vu, répond à la question : comment instituer la vie ? Evidemment c’est une tache qui n’est jamais achevée. L’éthique doit laisser… à désirer.
Ethique du sujet, éthique du bien dire, selon Lacan, parce que ne n’est que dans la parole que le sujet fraie son chemin, voilà les deux pieds sur lesquels j’ai cheminé. Ce versant de l’éthique ne balaie pas l’autre à savoir celui de la morale sociale. Non seulement il ne le balaie pas, mais il le fait entrer en tension. C’est dans cette tension maintenue entre les deux éthiques, celle du sujet et celle de la société, que travail social peut se frayer un chemin. En maintenant vive la tension entre sujet et société, l’éthique empêche le laminage des citoyens par le discours de la science qui vise une dévalorisation de la parole et de la subjectivité, mais elle retient aussi de basculer dans les extrêmes, qui verrait la victoire d’une éthique sur l’autre. Ces deux extrêmes que sont l’individualisme d’un sujet absolu ou le holisme d’une société totalitaire. Le sujet n’existe pas sans le corps social et le terreau culturel où il se produit ; mais une société ne saurait se maintenir vivante sans la prise en compte de la singularité des sujets qui la composent. D’où la conclusion de Lacan : « L’inconscient, c’est le social. » Le point incandescent, mystérieux, opaque, énigmatique qui surgit en ce lieu de tension entre inconscient et social c’est ce qu’on ne peut nommer qu’un sujet. C’est tout à l’honneur des travailleurs sociaux que d’œuvrer à cette confrontation dans l’accompagnement d’une personne, à condition que l’action soit éclairée d’un questionnement éthique qui est sans fin. Faute de quoi les travailleurs sociaux seraient rabattus sur une place de garde-chiourmes pour anormaux, de redresseurs de déviants, de policiers des familles. Au bout du compte l’éthique, comme on a pu le voir chez Socrate, relève d’une position subjective, mais ne trouve son plein accomplissement que dans le retour qu’elle produit dans la communauté des hommes. En cela les travailleurs sociaux sont entièrement responsables de ce qu’ils produisent. Ils ne sauraient s’abriter derrière une prétendue commande sociale qui les lierait pieds et poings à une injonction de normalisation, ils ont à répondre, quels que soient les textes qui balisent leur action, de la façon dont ils les mettent en œuvre.
Bibliographie :
IMBERT, François,
La question de l’éthique dans le champ éducatif
, Matrice, 1987.
PATURET, Jean-Bernard,
De la responsabilité en éducation
, Erès, 1996. 2e édition 2003.
PATURET, Jean-Bernard,
La psychanalyse « à coups de marteau »,
érès, 2003.
BADIOU, Alain,
L’éthique. Essai sur la conscience du mal
, Hatier, 1993.
LACAN, Jacques,
L’éthique de la psychanalyse, Séminaire VII
, Seuil, 1986.
ANSALDI, Jean,
Lire Lacan. L’éthique de la psychanalyse
, Champ Social, 1999.
ALLIONE, Claude,
Espace psychique, transfert et démocratie en institution
, Matrice, 1995.
MANNONI, Maud,
Education impossible
, Seuil, 1973.
MANNONI, Maud,
Les mots sont vivants
, Denoël, 1998.
OURY, Jean,
Il, donc
, U.G.E., 1978.
ROUZEL, Joseph,
Le transfert dans la relation éducative
, Dunod, 2002.
SOPHOCLE,
Œdipe Roi, Oedipe à Colone, Antigone
, Garnier frères, 1964.
1
Ce texte est intégré dans mon ouvrage
Le transfert dans la relation éducative
, Dunod, 2002.
2
On trouvera une excellente traduction des textes d’Héraclite, dont certains sont vraisemblablement apocryphes, dans
Les fragments d’Héraclite
, traduits et commentés par Roger Munier, chez Fata Morgana, 1991.
3
Sur la vie de Socrate, on peut consulter l’ouvrage de Jean-Joël Duhot,
Socrate ou l’éveil de la conscience
, Bayard Editions, 1999.
4
Pour de plus amples développements sur l’opposition et en même temps l’articulation entre désir et loi, voir Jean-François de Sauverzac,
Le désir sans foi ni loi. Lecture de Lacan
, Aubier, 2000.
5
Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant,
Les ruses de l’intelligence. La métis des Grecs
, Flammarion, « Champs », 1978.
6
Jean-Bernard Paturet, Ethique, citoyenneté et intervention sociale,
Empan n° 31
, sept. 1998., p.10-13. Voir également du même auteur,
La responsabilité en éducation
, érès, 1998.
7
Sur la prise en compte du sujet dans l’intervention sociale, voir mon texte « Le temps du sujet » paru dans l’ouvrage collectif
Les usagers de l’action sociale. Sujets, clients ou bénéficiaires ?
paru chez L’Harmattan en 2000.
8
Voir le cours de Michel Foucault au Collège de France,
Les anormaux
, Gallimard, 1999.
9
Sur ce point voir la réflexion que j’ai conduite sur la notion d’usager de l’action sociale « Le temps de l’usager » in
Les usagers de l’action sociale
, L’Harmattan, 2000, p. 73-97.
10
Sur le projet on peut consulter le chapitre que je lui ai consacré dans
Le travail d’éducateur spécialisé. Ethique et pratique
, 2ème édition, Dunod, 2000.