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LETTRE OUVERTE A JOSEPH ROUZEL ET A LA COMMUNAUTE EDUCATIVE

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Ludovic COUTINHO

dimanche 14 septembre 2025

LETTRE OUVERTE A JOSEPH ROUZEL ET A LA COMMUNAUTE EDUCATIVE

9 au 11/09/2025 – Ludovic Coutinho

L’heure est aux armes, il faut sortir hors du soit!

D’où allons-nous bien pouvoir sortir?  Déjà me dois-je amorcer cette lettre par une extension supplémentaire:  Allons-nous bien pouvoir en sortir?  Et vous de me demander derechef:  Mais de quoi, d’où?  Puis d’ajouter peut-être:  Du soit?  Et moi de répondre enfin:  Soit

Voilà donc d’emblée trop de questions posées pour pas assez de réponses ouvertes, ou peut être me permettrais-je d’un  trop de réponses fermées?  Je m’enfonce dans un dédale initial pour mieux vous y impliquer directement Monsieur Rouzel et les lecteurs, pour m’y accompagner, moi qui accompagnais jadis. Nous devrions revenir pour sûr à l’idée de la non-réponse  au fur et à mesure de l’avancée du discours que je vous partage. D’ailleurs vous l’avez peut-être déjà rencontré ce discours, ou plutôt ladite non-réponse. Sur le terrain cette  non-réponse est la réponse institutionnelle, qui n’en est plus une et qui n’agit plus comme telle. Avec cela nous entreverrons probablement les chaines d’une servitude que nous avons souhaitée volontaire, ou qui se présentait comme autre. De plus permettez-moi ma liberté de prose, je vous salue la communauté éducative, du renom se ment lui, qui y a perdu des plumes.

Cette lettre, que je préfère ouverte afin qu’elle puisse intéresser d’autres à parler, à dire ou à faire sans blancs. Cette lettre donc, je l’ouvre à Joseph Rouzel, tête d’affiche d’une réflexion significative dans le champ éducatif; de par le fait qu’elle se fait essence en questionnant le sens, sans arrêt. Et de l’arrêt j’en parlerais aussi, peut-être même du geste et de l’acte professionnel, qui sait? Mais poursuivons avec la volontaire découture d’un discours et agitons tout tant qu’on y est – autant mettre tout hors de soi, et lâcher encore un profond soupir d’exténuation accompagné d’un terminal:  Soit!  Car lorsque tout ça s‘agite, s’embrouille, vacille presque, l’on peut tenir pour ancré ce que l’on a appris, mémorisé, éprouvé, tenu et effiloché par-delà monts et escabeaux. La pratique c’est bien, c’est le cœur certes mais j’ai ici à dire que la nécessité d’un support, d’un corpus, d’une vision est impondérable à toute œuvre éducative  in situ . Et il s’agit bien de cette  praxis  exprimée par Rouzel reprenant le terme de Lacan entendons-nous là ce va-et-vient entre un dehors et un dedans, entre la pratique et la théorie, qui nous a traversé tous en tant qu’éducateurs, et je dirais même percuté à tout jamais.

Le côtoiement du réel du champ, voilà peut être de quoi il en résulte, en tampon.

Ceux ayant cherché avec Rouzel en familier, et qui sont attachés à un travail de ramonage de cheminée, auront probablement reconnu des terminologies psychanalytiques, voire d’autres imageries et concepts dénotant la présence de noms tels que Jacques Lacan, Freud ou autres. La psychanalyse, ce ne sera pas l’objet de ce texte, je préfère l’énoncer ici, à ceci dit que Lacan sera  là quand  nous en aurons besoin, assurant une veille comme un garde-fou. Considérez-le, ce Jacques, ce fou, comme d’ores et déjà le tuteur d’un plan, d’un ailleurs à découvrir, d’une trouvaille à faire, à savoir la réanimation d’une  praxis  s’effaçant.

La théorie se meurt au profit d’un résultat, je ne vous apprends rien là. Une retraite s’étant déjà annoncée dans les institutions,  ça se sent ...place maintenant à la fin de l’avalement de l’ ouroboros et à l’approche d’un bout de réflexion sur la place éducative, d’un point de vue monadique– pour que cela puisse continuer, bien entendu!

Me faisant la promesse d’un pas d’à-coté salvateur, terminant tout juste cet à propos, je me dois de préciser ma  chose  par l’usage d’un souvenir, celui-ci s’effaçant de plus en lointain, esquivant le détail pour ne garder qu’une évanescence sèche. Ce souvenir m’est mis à mal par l’ajout de nouvelles données toujours plus impressionnantes et distrayantes. Je me suis donc surpris à rêver encore à moi-même, et pourtant tout, et je dis bien tout, semble voué à rêver du rêve d’un autre, ou de plusieurs autres – ce qui est encore plus schizant à vrai dire. L’image m’est revenue de ce jour où j’introduisais Rouzel, à Saint Paul, sur l’Ile de la Réunion en 2014 ou 2015, vous voyez là comment les  dates-à  s’effacent parfois. C’était dans le cadre d’une conférence pour étudiants du seul IRTS de l’Île (je me souviens aussi de nos échanges hors cadre, dans un lieu plus sauvage et libre à partager une bière). Revenons. Institution de formation dans laquelle j’étais inscrit en tant qu’apprenant, en passe (!) d’obtenir le sacro-saint et prié, diplôme d’État. Je disais que j’introduisais Rouzel, le connaissant de peu et pourtant presque déjà dans une démarche de comprendre de lui, de ses mots, de son souffle presque. Je dirais du fait même de nos objectifs, pris en tant que faisant partie d’un matériel optique, nous avions une vision commune. Tout comme lui, je cherchais le sens en regardant à travers des lunettes particulières, à partir d’un fond théorique, d’une structure peut être même structurante. J’y cherchais l’envers d’un décor, le revers d’un gant dont je sentais être manipulé par de nombreux leurres, effets de style et vœux de bienséance, par certains destins.

Quel inconscient!  Je ne peux le nier, mais j’agrémenterais le tout d’un peu de sel dans l’espoir que ça pique au bout d’un temps – ce qui sera bien plus représentatif de la donne qui était la mienne: celle du mis à l’étude, du naïf peut-être même bien.

Ce travail éducatif,  so special , impossible comme dirait l’Autre, et dont j’avais étudié bien plus les alentours philosophiques, parfois inclassables, que son ancrage démesuré dans le politique d’aujourd’hui et son envers moins poli. Je n’y voyais rien des enjeux qui se jouaient entre les individus et les institutions, entre les chefs et les directeurs, entre les éducateurs et les chefs, entre les chefs et les enfants, entre les carrières et les passions, entre l’amour et la sécurité. Et je n’ai rien vu au moment où peut être j’aurai du. On peut dire que j’y voyais à travers sans y laisser rien de mon œil. Reconnu par la France comme praticien, j’opérais alors cinq années(2015-2020) en tant que repère pour enfants et adolescents accueillis en protection de l’enfance, et bien entendu aussi des familles, parfois même là pour d’autres professionnels perdus. Reconnu officiellement, à faire office donc, par l’organisme de contrôle pour opérer dans le cadre, j’investissais une position d’éducateur dans  so spécial  d’une MECS.

Dans le champ que l’on nomme « le social »...sachez que moi j’aime un peu trop le hors-champ, ce qui n’a pas collé, et pour dire. Cela ne se passait pas avec le public, même si des fois cela passait à travers, mais avec une junte acide.

Aimant et attirant un ailleurs à moi, par le dessin d’enfants, par les associations libres, les projets devenus fantômes au risque d’être annulés ou trop vus, je fus trainé jusqu’à un épuisement professionnel total. Chaque entretien, tour de couloir, réunion, demande, décision ou initiative était jugée par un œil, dont j’ai appris à voir comme résultant d’une impuissance. Là, à cet endroit et en de multiples temps, alors jeune diplômé ayant roulé une bosse sur des milliers de kilomètres, j’envisageais déjà un ailleurs; je choisis donc volontairement de briser la sécurité d’un CDI. Risque.

A l’extension nouvelle du:  Allais-je donc bien pouvoir m’en sortir?  J’y rajoutais une nouvelle marche à mon parcours: une chaise face à un psychiatre. Suivant ma situation professionnelle, cet homme que j’entendais comme Maître (pour des raisons nominales), et que parfois je considérais comme un autre inspectant la pratique d’un autre inspectant sa pratique – ce qui me faisait défaut au sein de l’institution pour laquelle j’exerçais je dois bien le dire. En aparté, je pensais là à l’appellation des GAP, ou Groupe d’Analyse des Pratiques...dont l’anglophone sérieux reconnaitra en lui la signification du  gap  comme d’un abyme possible.

Allons-nous donc bien pouvoir en sortir ensemble?  Je tairais ici le  je fou  dont il s’agissait à cette époque, mais cela ne fut pas vain puisque je peux en dire une certaine chose aujourd’hui.

Confronté à cette époque aux arrêts de travail dont la particularité était qu’ils étaient PSY, bien qu’accablé par mon sort et dérouté, je prenais une nouvelle distance d’avec le secteur. Distance qui m’imprégna pendant plusieurs années. Sans y laisser toutes mes plumes et avec l’aide d’un destin (!), je quittais mon poste en veillant à ne pas perdre la face, traversant ensuite divorce, déménagement, éclatement familial et la nécessité de faire corps avec mes propres enfants, pour qu’enfin je puisse me remettre de ça. Certains s’y reconnaitront, tellement nous y sommes à y avoir eu à faire.

J’avais assuré à l’arrière l’ombre de l’inspection du travail sur ma situation, ayant fait appel aux organismes de contrôle en tout genre pour me défendre, et revendiquer que l’on me montrait du doigt comme empêcheur de tourner en rond.  Vous savez celui qui arrête la toupie?  Désigné par le fait de citer philosophes ou anthropologues, traité ironiquement d’étranger, ne souhaitant pas entendre une pratique, l’on me montrait que je faisais tâche.  Préféraient-ils peut être continuer de tourner en rond? Depuis le bureau des ressources humaines jusqu’au secrétariat, qui était le récipiendaire de moults bruits et signaux, les sourires se forçaient à l’avant pour mieux suivre ensuite à l’arrière-pan (!) la sournoiserie.  A bon chat bon rat!  J’avais certes piqué quelque chose, une sérénité soit, un habitus. Un soi-disant bien-être se tordait avant d’arriver sur le lieu de l’exercice, et un soi-disant non-dit s’installait aussi bien dans la partie adverse. Tout cela sentait mauvais je le savais, mais cette lettre n’a pas l’objectif encore de la plainte, ni de la révélation si ce n’est d’y avoir introduit du  maux dits . Et je le dis aussi au nom d’autres  compères . Je prolongeais de fait 5 autres années à pallier les effets de la perte de sens hyper-effective qui m’avait foudroyée, figée. J’étais rendu chômeur, vivant d’une compensation qui avait un goût étrange.

Je disais tout à l’heure qu’un certain homme nous apporterait son aide au moment où l’on en aurait besoin, c’est ici que l’éminent fol peut venir poser un pied et repartir ensuite. Il ne fait pas bon rester trop près des fous,  ça se contagie certains pourraient le dire. C’est quelque peu fou de chercher du sens dans une apparent sans dessus de sens – et surtout pour un travailleur social plongé dans l’épuisement du  trop  et du  pas assez , bienvenue Lacan. Tout comme pour celui que j’introduisais oralement lors de mon intervention à la Réunion, et à qui je dois remerciements, je dois aussi reconnaître que le fou psychiatre, maître d’un gai et inquiétant savoir, m’a permis de me tenir éveillé tout au long de ma débandade. Je dois dire ici que la source ne s‘est jamais totalement tarie. Lacan ne m’a jamais vraiment quitté, bien que je mis de temps à autres au rebut ses écrits par manque de prise sur le réel au sein de la MECS où je travaillais – ET aussi du fait que la communion ne passait plus.  Excommunié . Le flot ne circulait plus, ça se bloquait sans trouver matière à éponger le tout. Réunions et discussions d’élaboration, groupe de projets – tout un ensemble qui ne correspondait plus à une vérité pour moi, mais plutôt s’apparentant plus à une non-réponse qu’à une véritable rumination de ce qu’il y avait à faire, à gesticuler, de ce qu’il y avait de conduite à tenir pour ce public. Au contraire, le non-dit se cristallisa en  ne plus rien dire voire ne plus rien faire.

On attend alors?

Soit!

Alors d’un souvenir et de quelques détails revenus, ayant pris le temps du  deuil , je reparcoure ce jour le site  Psychasoc  et redécouvre d’anciennes propositions que j’avais posées parmi d’autres; relance d’une époque où j’étais animé et poussé en avant, vivant et portant mon anima en  cojones Que de fougue perdue!  Mis à terre d’un brut rapport au Réel de l’institué, non pas celui de Lacan – n’oubliez pas qu’il ne faisait que passer, je pris mon temps pour comprendre et dénouer nombreux nœuds du surmoi. Cela agissait aussi bien sur moi que sur mon corps, avec et là je n’apprends rien aux travailleurs du XXIème siècle, des graves problèmes s’agrippant à mon dos.

Certains objecteront que chaque institution se repose sur un système spécifique, et que l’expérience vécue de ces années à cet endroit et de mon point de vue, notamment au sein de cette MECS si particulière, pourrait très bien se voir tracer une issue différente, à un autre endroit, avec moins de fracas...peut-être. Étrangement là encore, je me permettrais d’ajouter qu’ issue  dans la langue anglaise signifie aussi  erreur , ou  problème . A ceux qui pensent donc qu’il y aurait intérêt à y voir ailleurs, je leur dirais qu’ils n’ont pas forcément tort (ce que je fis plus tard), mais voilà que l’on éliminerait d’un revers de main cette  praxis  introductive dont je parlais, qui peut vivre également sans forcément être attaché à son territoire.  Alors non ce n’est pas mieux ou pire ailleurs!  Le truc c’est que j’ai eu quelque chose à dire qui n’était probablement pas à dire, un discours lent qui ne correspondait pas à l’activité, pour ainsi dire à l’acte attendu. Le normatif avale. D’une position qui ne plaisait pas aux personnes à qui je devais plaire, je dût me résigner à faire profil bas. L’on m’avait eu. Pan!

Je sangle le tout maintenant en affirmant aussi que je piquais à mesure que l’on me piquait...tout ça pour dire que cela y a laissé quelques trous! Et vous savez que lorsqu’il y a des trous il faut combler, et un certain tout venant peut s’immiscer parmi les matériaux, non désirable. Vous n’êtes pas sans savoir que ce qui touche le professionnel dans l’institution touche à égale mesure son public, mais là encore il s’agit peut-être bien d’un mythe ou d’un phrasé esthétique.

D’un  art scellé . Faut dire que l’artiste en moi s’est vu coupé, à l’instar d’une certaine partie de l’œuvre alchimique où l’on doit être mis en miette.  Ego quand tu ne tiens plus!  Certains sauront de quoi je parle, cela est duc et non pas caduc.

La lettre avançant d’elle-même, s’élançant, je me dois de rediriger l’intention de mon discours, le dévier pour toucher – comme Lacan l’a fait tout à l’heure en nous aidant du bout du pied, quelque chose du vrai qui est farouche. J’ai pour ainsi dire été pris par un mouvement que j’ai cerné bien plus tard. Celui d’une marche forcée, tête vers le bas, au pas, entrainant l’enfouissement accéléré des anciennes mines et le renouvellement des professionnels du social, inscrits eux-mêmes dans une cellule politico – policière. Luttant pour m’extirper du sortir de cette institution, il me fallait surtout sortir de là tout court. Tribulations de jeune diplômé. Obligé de convertir à nouveau mon activité, de chercher du neuf, je ne voulais plus rien entendre, totalement rincé – égoutté – comprenez par-là que je ne voulais plus rien dire du social, et qu’ il ne me dise plus rien aussi en retour!  Je retrouvais par la suite plaisir à remodeler certaines choses personnelles, revenir au Tarot de Marseille aussi, et à y voir plus clair dans les nouveaux paradigmes apportés par les nouvelles technologies, l’art au centre. Alors trimant comme je le pouvais, sans trop le sous, je repansais certaines plaies loin d’un tissu social. Je vous fais cadeau d’ailleurs du fait que ce sacro-saint temps a fait pour moi son œuvre, qu’il adoucisse bien et polisse cela est une autre affaire – et je laisse cela en l’état. Alors fut un moment où par la force des choses je remis volontairement mes deux pieds dans un foyer, pour ensuite n’en mettre qu’un seul, puis plus rien.

Me voici ici à révéler que d’à partir d’un souvenir, d’un nom comme celui de Rouzel, ou encore celui de figures folles, je me sois remis à l’acte, à la pensée d’un domaine pour lequel j’aimais à panser. Écoutez donc ceux qui vous feront chercher en vous-même, qui se logeront et se feront l’antidate et l’antidote d’une maladie future.

Tentatives infructueuses ou vices de procédures, incompréhensions, manque de dialogue affectif ou d’écoute, mes irruptions renouvelées au sein d’un foyer départemental du père Macron et d’un autre sous l’égide d’un autre père, le père Favron, me posaient plus de questions qu’elles ne m’en donnaient. Je retrouvais le lieu de l’impossible à travers de nouvelles diffractions, de nouvelles non-réponses, et non sans dire également une crue violence. Ces expériences m’ont confirmé que l’action sociale que j’ai vue, semble se jouer d’un simulacre d’elle-même, elle n’agit plus dans le tissu, ne cous plus, elle applique – quand cela lui est permis par effet de soulagement, une réponse en flocage. L’institution de la République ne répond plus d’elle-même– elle se laisse répondre, répandre comme une tache...comme prise au piège du rêve d’un autre.

En roue libre?  Pas tout à fait. De l’intérieur c’est la cohue, les uns viennent y chercher ultime sécurité du salaire et des primes, d’autres la curiosité humaine et la violence secrète, et certains y font jouer bienfaisance envers un prochain qui connaît que trop bien d’où il vient et où il veut aller. D’autres travailleurs rencontrés, et je les salue eux les premiers, ressemblaient à des avatars de ce qu’ils auraient pu être auparavant, devenus images mentales idéalisées d’eux-mêmes et soit-dit en passant pire ou meilleurs avec le temps, cela ne fait pas d’importance pour moi. J’en ai trop vu d’autres regardant la montre humainement et physiquement fatigués d’une ère que l’on pourrait juger d’expérimentale, et qui adouci de par tous les coins. Encore de nouveau, certains croient faire bien mais font l’œil pour un autre, ils ont eux-mêmes oublié comme Pinocchio que des  fils de  se jouent d’eux. Notons que ces comportements résultent d’une coupe du terrain, représentative d’un discours qui ne serait pas du semblant.

Sommes-nous si loin du  sujet de la clinique éducative?  Le lissement des pratiques est un nivellement au rabais du secteur,  ah l’art (des) gens!  D’autres encore, étant pris dans une turbulence intérieure, en conflit ouvert – aspirés par des contraintes toujours nouvelles et renouvelées ne sont plus trop présents sur le lieu de l’acte, absents ils brillent pourtant de par leur nom. Moi, englobé dans certaines de ces catégories je dois aussi l’admettre, je procédais à des tests lorsque je le pouvais, je prenais l’excuse de n’être là que pour peu de temps notamment lors de mes dernières immersions, disais-je cela pour re-tater le terrain et non ressasser les souvenirs; et surtout j’étais là pour vérifier si les œufs sur lesquels j’avais jadis marché étaient toujours aussi fins et fragiles. Peut-être avaient-ils été laissés à l’abandon et avaient pourris sur place? Je ne le savais pas mais je prenais le risque d’un retour, d’un nouveau tour d’horizon.

Je me protégeais bien entendu, et me protège encore certes cela nous appartient à tous, et vous savez ce qu’il se passe des éducateurs qui se protègent, bin à vrai dire ils se projettent peu, avancent doucement, prennent leur temps, gestent, parfois trébuchent, mais n’ont jamais crainte de se retrouver face au miroir sans un projet écrit et signé. Cela n’exclue pas qu’ils tombent aussi et tomberont encore, prennent les coups et deviendront de nouvelles cibles à pointer. Car c’est de cela qu’il semble s’agir aussi bien dans ma situation personnelle, liée à mon  ressenti , que celle, chez qui j’ai eu oui dire d’autres problèmes liés à l’exercice de nos fonctions d’éducs. D’ailleurs les fonctions de l’agent ont évolué en 2025et le langage avec lui, signifiant un certain saut. Un saut de grenouille j’ajouterais, un  leap frog . Par abus, j’additionnerais le  leap frog  au  gap , qui se situe en dessous...plus à la marge, un vaseux moins visible mais tout aussi abyssal.

L’acte a pour ainsi dire évolué. Cela se traduit au quotidien par un engrenage qui déraille régulièrement, mal huilé ou plutôt huilé avec du sucre, où tout le monde en est conscient mais personne n’étant assez qualifié pour reconnaître l’ampleur des dégâts et encore moins pour tenter d’y remédier en démontant l’ensemble ensemble, ne souhaite y voir de plus près. Ca fait mal au dos de se pencher, cela encore vous le savez trop bien! Mais il n’en est rien, le bricolage des éducs a toujours accentué cela:  de ne pas voir la roue se détachant inéluctablement . Bon! Le système D marche!

Je n’ai évidemment pas l’intention de laisser cette lettre tomber sur une note si grave, où tout ça sent le pâté. Je ne suis pas du genre car d’artiste en optimiste, je n’accepte que personne ne puisse sceller l’art de quelqu’un, et ce – même si cela ne prend la forme que de mots. Un jour le président de la fondation vint où je travaillais pour une énième réunion institutionnelle, il fut étonné du fait que je réponde à une de ses questions par le fait que  j’étais optimiste  quant à l’avenir de l’action sociale. Il fut surpris au point de venir me voir en personne désirant le pourquoi de ma réponse, comme si l’idée était nouvelle.  Voyons!

Je disais donc que je n’ai pas succombé mais j’ai dû y jeter du surplus. Aiguiser encore et encore la lame.

Fou allié ou non je vous inviterais à vous retourner le sens avec le fou dont j’ai déjà cité l’importance. Qu’il s’agisse d’ailleurs de l’un ou de l’autre de ces déroutants marginaux, ils constituent tous deux(parmi d’autres cela s’entend)une base sur laquelle peut reposer l’espoir d’une remise en route, d’un reset aux paramètres d’usine, d’un geste salvateur, pour tout agissant du social qui se respecte. Car cela est primordial, le respect de l’autre passe par le respect de soi, du dehors vers le dedans et, dans un mouvement de va et vient il faut que cela communique, communie; et j’en ai vu des éducs qui ne s’octroyaient plus le droit au dire vrai, constrits – bien entendu sous contraintes multiples. La cage se forme autour du corps et de l’esprit, inspectez les peintures de Francis Bacon à ce sujet. Le couteau sous la gorge n’est plus à rechercher chez  les autrement capables  ou  les cas sociaux , il est à trouver au sein même des institutions permettant la résolution de problèmes pressés. Quel paradoxe d’y voir – dans l’institution, qu’une molle valeur perdue dans une qualité qui ne se veut que démarche. Le sens s’est perdu, détenu par des muets craignant que leur secret d’antan, leur suc de parole et de sachant, n’effleure les oreilles de nouvelles pratiques capitonnées, ou pire n’effleure les oreilles des nouveaux venus fraichement diplômés! Les autres dont je parle sont chauds, mais refroidis par la froideur de la tarification à l’acte, des intranets et des nouveaux algorithmes en chaine de blocs qui produiront de nombreux blocages avec l’âge.

J’ai profité ici d’une béance au sein de mon parcours pour exprimer mes profonds remerciements à l’ouverture d’esprit d’un Rouzel, d’un Lacan, et de ces autres qui brandissent leurs couleurs haut et fort,  Pirates! D’autres fois ces autres ont tenu tout tremblant, sous leur chemise, comme les dignes héritiers d’un enseignement secret quant à l’accompagnement du monde. Je le redis ici pour terminer cette entreprise:  L’heure est aux armes...

Car du soit, du laisser-aller ou du laisser-faire, du pas si grave que çà ou du on verra ça plus tard , de la non-réponse en somme à un problème posé, il n’y a qu’un pas...celui du géant avale-tout qui peut à tout moment écraser le peu de chemin que nos métiers impossibles ont su se frayer. L’effroi d’un terrain qui ne parle plus, ou du moins le fait comme il peut et pour modérer toujours mes propos, fait qu’il fige lentement le professionnel informé, le contraignant à s’adapter ou à décliner, à se froisser ou à se ranger ailleurs. Fuite des corps,  ça mouille . Alors pour terminer, et ranger les armes ici afin de laisser se glisser de nouvelles discussions amicales, j’invite les lecteurs à garder toujours une place sûre pour les figures qui n’ont jamais fait semblant. Vous apprendrez à les reconnaître et à éliminer les autres.

Merci R, merci L, et à ceux-là je rajouterais aussi cela: merci Coutinho. Car il faut bien parfois se remettre dans le discours à la place d’autres qui ne sont pas nous, et vous savez de qui je parle en ces jour où les appels à tout bloquer semblent dénoter d’une agitation forte d’esprits souffrants. Ce qui n’est pas pour me déplaire l’agitation. Car lorsque la sécurité l’emporte sur le risque, il n’y a pas grand-chose à faire et là où le sens s’ennui, c’est qu’il y a à faire avec une nuisance. Je laisse ces mots à ceux qui liront avec volonté pour qu’ils puissent eux aussi panser à nouveau, repenser encore, les mots qu’ils usent à chaque instant afin d’éclater les murs moelleux avant qu’ils ne soient murs souteneurs de tout un champ, murs figés empéchant toute possibilité d’y revenir par la suite.

Mes amis, si je prends la poigne d’écrire sur moi, en mon nom, bien qu’utilisant le discours sous un certain alambic, il n’en a été que pour exprimer mon amour du champ et de son hors champ. Pitié, tant qu’on y est, n’oublions donc jamais ce dernier. Enfin, il semble n’y avoir plus que de la conscience bien réglée, trop non-humaine, au sein des équipes, des différents corps de métier et chez ceux qui jouxtent les éducateurs ou s’en revendiquant eux-mêmes la place. Cette schize souhaitée, reprise par une majorité sur le terrain préfère dire:  Soit!  Sans pour autant parler de soi, et si en tant qu’éducateur nous ne parlons plus de  soie , c’est que nous nous berçons dans de beaux draps!

J’aurai préféré raccourcir cette lettre pour aller droit au but, car j’aime le Sud, mais je dois encore passer par un dernier entrelac espérant parler là de ce qui est réellement en jeu, le non-tracé réponse à une non-réponse nouvelle. Le déjà tracé lui, la carte actuelle...comment dire...semble s’être fourvoyée dans l’apparat, la langue de bois, à laquelle j’aurai préféré la langue des oiseaux de Flamel – peut être de façon égoïste, et c’est précisément à cet endroit que moi et de nombreux éducateurs y ont laissé quelques plumes. Pas d’inquiétude, ça repousse.

Ludovic Coutinho

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