Textes > fiche texteLa Psychanalyse, le Grand Homme et le hérosdimanche 15 novembre 2009
La Psychanalyse, le Grand Homme et le héros Il y a une satisfaction à célébrer Lévi-Strauss, que je voudrais ici essayer d’interroger.
Il était très significatif, mais fort peu surprenant pour moi, d’entendre lors d’une récente émission (« La grande librairie ») R. Maggiori, journaliste à Libération, nous dire que Lévi-Strauss était le découvreur de la fonction anthropologique, culturelle, de «l’interdit de l’inceste». Il y avait là Michel Onfray qui, de manière heureuse, a rétabli la mesure, la descendance des choses, indiquant que Lévi-Strauss n’était quand même venu qu’après Freud, après Totem et tabou… 1- avec le malentendu entretenu par Lévi-Strauss avec la psychanalyse de Freud, et, sous-jacent à celui-ci, à ce qu’il en fut de sa propre position imaginaire rivale à l’endroit de la figure de Freud (je renvoie sur ce point aux développements courageux de Marie Moscovici dans son ouvrage, « Il est arrivé quelque chose. Approche de l’évènement psychique », Payot)
Ce pouvoir dogmatique, méconnu comme tel, aussi bien par les « sciences humaines » que par la techno-gestion, regarde aussi de très près la psychanalyse , surtout quand elle en vient à déborder de sa sphère et prend position de discours superviseur (politico-militant) dans le champ institutionnel, culturel, social.
Je note au passage : il n'est dès lors guère surprenant que la
pensée critique
, qui vise à faire apparaître ce pouvoir occulte de la psychanalyse sur le transfert politique des sujets, soit appréciée par certains comme une "pensée d'accusateur", de lèse-majesté! (Je renvoie là, pour un éclairage plus approfondi de cette formulation, à l’analyse princeps de Guy Rosolato sur le « complexe de croyance » – cf. « L' analyse des résistances », Nouvelle Revue de Psychanalyse, n°20, 1979) Le héros – le militant-missionnaire, ou « nouveau résistant » – ne peut au final que se faire l’agent de l’idéal institutionnel du maîtrisable, du « gouvernable » : de cet idéal de l’institution parfaite, de « l’autre institution » (débarrassée des «méchants», en jargon, de « l’objet négatif ») cher à tous les tenants, hier chrétiens, aujourd’hui techno-gestionnaires, du vieux juridisme... Derrière l’opposition des orientations, derrière le duel des deux bords, il y a une profonde conjonction de position ; le même anti-juridisme irradie le projet technico-administratif et le projet scientifique ou de soin… Ce sur quoi sont aveugles les tenants des deux camps, même si, of course, je ne les mets pas dans le même panier ! Depuis le triomphe des dites « sciences humaines » – triomphe qui s’est accompagné du triomphe de l’anti-juridisme, ou juridisme occulte, constitutif des discours spécialistes – nombreux du côté psy (et de la sociologie) ce sont proposés, et continuent de se proposer, comme agents de la rénovation du vieux principe d’autorité… Par exemple : sous le vocable lacanien de la prétendue « place d’exception » qui serait celle de la place d’autorité (place que devraient réaliser les chefs), se lit sous des plumes savantes la nostalgie de l’ordre ancien, que les mêmes déclarent pourtant honnir… Ceux-là, à ne pouvoir véritablement penser la dimension négative de la Référence tournent en rond… Que des psychanalystes, à l’enseigne de la « libération », se fourvoient là dedans, dans le champ social, institutionnel, par exemple au titre du dit « superviseur » (un statut non légalement institué) ne cesse de m’interroger… J’y lis, même si rénové à la sauce « psychanalytique », le vieux discours théologico-politique, la même vieille identification au maître : cette prétention des occupants du ciel des chefs et des sachants à une direction psychopolitique et/ou biopolitique de la communauté… Despotisme éclairé par les Lumières ? A l’envers du biopouvoir vous avez le psychopouvoir, à l’envers du coach vous avez le «superviseur» ! Et de ce « superviseur », à vous croire chers amis, il faudrait en mettre partout, dans les institutions, les collèges, et même me dit-on chez les télécom ! Je relève là le signe manifeste d’une fierté impénitente, surplombante, qui ne peut plus prendre sa propre mesure ! Comme si l’on voulait transformer tous nos concitoyens en «patient », en « supervisé », j’oserai dire, en « pantin de la psychanalyse » ! Peut-on ainsi s’auto-fonder dans un « ensemble de fierté » et oublier Narcisse, Œdipe, leur destin, et continuer à se réclamer de la psychanalyse ? Pourrait-on ici, je dirai « sentir », que quand nous parlons de « la Psychanalyse », il s’agit aussi pour les fils de Freud et de Lacan, de la Mère absolue ? Et de là saisir, un peu, en quoi la « mission » (thérapeutique, éducative, de supervision) véhicule, dans l’idéalité du discours, une mise à mal du père, des « parents pauvres » ? En vérité, le déni de sa propre position « meurtrière »…
D. Pendanx
Daniel PENDANX |
La Psychanalyse, le Grand Homme et le héros
Daniel Pendanx
vendredi 20 novembre 2009