La psychiatrie n’est pas une discipline sécuritaire
L’industrialisation et la marchandisation de la peur guettent leurs proies avec avidité morbide : tout délit peut et doit être utilisé pour engranger de nouvelles prouesses technologiques à même de mieux défendre et protéger ou encadrer les citoyens. Ainsi va "le c’est pour ton bien". Rituel d’une implacable logique. Logique ou règne en maitre peur de l’autre, méfiance institutionnalisée, réticence exacerbée envers l’étrange.
Le repli est frileux , les pulsions archaïques de haine et d’effroi risquent de submerger une pensée colonisée par des discours sécuritaires de tout bord et surtout à tout prix. Le capital a besoin du relais du discours et des lois de l’Etat pour écouler son stock de marchandises anti meurtre ; car il s’agit bien du risque de mort dont il est question en permanence.
Comment abraser ce risque ? Comment le faire tendre vers le risque zéro ?
Le fantasme de l’immortalité de l’homme se rapprocherait -il de la réalité sous les assauts conjugués de la science et d’un discours politique mégalomaniaque Discours mégalomaniaque de toute puissance car il dénie en permanence l’humain en l’homme à savoir sa mortalité ; "la mort est le berceau de la vie" disait le poète . La psychiatrie est en péril, disions nous lors des ses Etats généraux de 2003 car elle n’a plus la capacité d’accueillir ceux qui souffrent ; accueillir c’est à dire soigner ; les externements arbitraires sont le lot de tous les jours car il n’ y a plus de places , de temps , d’équipes de soins suffisamment nombreuses et formées pour s’engager avec les malades mentaux ; s’engager dans une pratique nous convoque à une prise de risques permanente .
Les échecs et les erreurs sont aussi le moteur de nos avancées, espérer zéro échec procède de la plus grave des utopies et entraine la société toute entière dans une idéologie de surenchère constante avec les effets boom rang que nous ne manquerons pas de subir.
La folie en l’homme peut être soignée mais elle ne peut être réduite au silence, exactement comme les peuples qu’on ne peut éternellement illusionner . Enfermer les fous , les mettre en prison, les cacher du regard des autres "humains " est un crime social dont le prix à payer est et sera payé au prix fort, celui d’un retour à l’ancien régime.
jeudi, 4 décembre 2008
Hervé BOKOBZA, ancien président de la Fédération Française de Psychiatrie.