Le Droit de mourir dans la dignité...
Ce week-end de Toussaint, je fais une conférence à La Baule sur le deuil et la perte, dans le cadre de l’ADMD, Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (près de 1000 adhérents en Loire Atlantique). Le lendemain sont invités à une table ronde, par courrier personnalisé, les 1463 médecins généralistes de la région pour débattre sur la fin de vie et plus précisément, de leurs positions sur l’interruption volontaire de vie (IVV), ainsi que sur l’application de la loi Léonetti et la rédaction de directives anticipées de leurs patients : 14 réponses, 4 accords, 2 présents…. Ce silence assourdissant interroge tout de même. Les médecins sont formés à donner la vie, pas à la retirer, et à accompagner le patient jusqu’à son heure dernière … nous sera-t-il rétorqué. Or pourquoi ne pas considérer comme un droit le choix d’un patient qui se sait en fin de vie et condamné à des souffrances et à de la dépendance et souhaite abréger ce qu’il considère comme intolérable et non vivable ? Qui, à par lui, peut en décider en son âme et conscience ? Les proches et les médecins n’ont pas à traiter un malade comme un enfant ou un mourant en objet, objet de la science, dépouillé de son libre arbitre. Cela implique que les choses soient dites et pas seulement aux familles mais bien au malade en ce qui concerne le diagnostic, le pronostic, afin qu’il puisse se décider en toute connaissance de cause sur la nécessité des traitements et de leur application au vu des conséquences et effets secondaires attendus. C’est la loi, certes, mais elle n’est guère appliquée cependant. Hors, détenir un savoir sur quelqu’un d’autre, ne pas lui en faire retour est une position de maître, de toute puissance, qui n’est pas acceptable. Chacun doit pouvoir faire face à sa mort, la regarder en face et préparer son départ. Les fins de vie n’en seront que plus paisibles et dignes.
Les directives anticipées permettent de prendre position sur la manière dont on entend finir sa vie : avec ou sans acharnement thérapeutique, en prenant position sur le don d’organes, sur les modalités d’inhumation (crémation ou enterrement), et enfin sur ce qui est appelé suicide assisté ou euthanasie active. Il s’agit d’un geste autre que le simple arrêt des traitements ou d’une sédation visant à adoucir la douleur. Or cela est interdit en France et beaucoup de militants se battent pour que la loi passe et autorise les médecins à donner une mort légèrement anticipée, à la demande expresse du patient ou de sa personne de confiance, sans qu’ils risquent, à coup sûr, une peine d’emprisonnement. On le sait cependant, cela se pratique, mais sous le manteau, et le combat ressemble bien à celui qui avait agité dans les années 70, les esprits, autour de l’IVG.
On ne peut qu’insister sur l’importance de la circulation de la parole dans les familles afin que les proches soient au courant des volontés de chacun et non pas confrontés à des décisions improbables dans des moments difficiles…
Écrire ses directives n’est pas signer un arrêt de mort, mais donner à autrui, médecins, personne de confiance, soignants, proches, une direction, celle de vouloir décider de sa vie et de sa mort lorsqu’on est encore vivant et en pleine possession de ses moyens. Cela n’arrive pas qu’aux autres, les situations impromptues d’accidents de la route ou d’AVC…
Anticiper n’est qu’une façon de transmettre à ses descendants un exemple de courage et de lucidité et cela va dans le sens d’une élaboration de lien autrement plus constructive que le non-dit, le mensonge et le secret.
Je voyais par coïncidence ce week-end également, la projection de ce film de Peter Haneke sur la fin de vie, palme d’or à Cannes, « Amour » dont je suis sortie éblouie et bouleversée, en pensant combien il est important que les directives anticipées soient clairement rédigées afin de s’épargner une fin de vie aussi dépendante et dégradée. Je ne veux pas ça pour moi !
Florence Plon
Loi Léonetti 22 Avril 2005
ADMD
http://www.admd.net/