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Le « SUJET » brisé de la CONSCIENCE divisée à l’Ere du Soupçon

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Maurice Castello

mardi 17 avril 2007

Dans cette quête infinie du Graal, le Labyrinthe du Moi,

Mirage, … ou ressource-providence de notre humanisme.

Humains trop humain.

Propos sur la belle Foi de notre Ignorance.

Toulon, ce 07 / 12/ 06.

Cher Momo,

J’ai bien reçu ton texte sur Pessoa et la petite note que j’avais oubliée et à laquelle je ne vois rien à retrancher, sauf que cette correspondance me paraît bien antérieure à 2004.

Ce que je t’écrivais alors exprimait mon défi de toujours pour tout individualisme littéraire, philosophique, psychologique ou social, depuis ses formes les plus hautes (Artaud, Céline voire Pessoa), jusqu’à ses formes les plus médiocres et les plus répandues chez ceux que j’appelle « les grenouilles qui demandent un Moi. » D’où cet itinéraire discrètement évoqué du « labyrinthe du Moi » à « l’horizon de l’humanité.» Pour la culture et l’économie d’aujourd’hui, l’affirmation de la personne est le point sublime de l’évolution de l’espèce ; pour le marxisme, ça en est plutôt le cul-de-sac. Les philosophies et les religions anciennes voulaient faire avancer l’homme de la conscience du Moi à celle du Soi, de l’être vers l’essence, vers l’union harmonieuse avec les autres, la nature, le cosmos. Puis il y eut le sacrifice ambigu du Christ et l’impératif catégorique du « je pense » et du « je suis » bourgeois. Même la découverte du « ça » a été mise au service du Moi pour lui donner la force de se battre dans une société qui opprime et qui déprime.

L’individualisme n’a de sens et d’excuse que comme organe de défense de l’individu dans un milieu inhumain. Il est donc loin d’être un idéal, un épanouissement comme le veulent poètes, penseurs ou psychologues, enfants et profiteurs de l’aliénation généralisée. Il est le produit de la lutte de tous contre tous dès lors que la classe dominante ne rencontre pas l’opposition de classe des dominés. On aurait pu penser que les fonctionnaires auxquels la République a confié l’éducation de ses enfants et quelques autres « privilégiés » de la petite bourgeoisie intellectuelle seraient immunisés contre cette peste du quant-à-Soi. C’était sans compter avec la fonction, pour laquelle ils sont payés, de dispensateurs de l’idéologie officielle, ni avec la division du travail qu’ils subissent comme tout le monde. Nul ne peut supporter le travail parcellaire s’il ne se figure pas que sa spécialité l’élève au-dessus des autres et qu’elle est le Bien suprême. Plus que chez l’ouvrier, c’est ce qui arrive aux gens de parlote et de calculette qui fourmille dans la société actuelle.

Avec cela on ne peut rompre tout seul, mais collectivement et en se projetant dans un avenir qui n’est pas plus improbable que l’au-delà des religions ou le règne millénaire du Capital. Tel est le point de vue et l’engagement du marxisme. Pour le dire avec Durkheim, « Savoir, c’est savoir les causes ». Le déterminisme marxiste remet à sa place historique aussi

I

bien l’individu que le capitalisme. Ainsi, ils n’apparaissent plus l’un comme absolu, l’autre comme éternel. Tout comme Dieu est « causa sui », la fiction de l’individualisme consiste à faire de l’individu la cause arbitraire de lui-même. De même le capitalisme croit se suffire à lui-même quand il prétend qu’à la Bourse « l’argent fait des petits ». Il oublie tout simplement que le travail d’enfantement revient à ses exploités. Individualisme et capitalisme s’inspirent d’une même utopie : la monade individuelle et l’autarcie impériale. Mais l’un et l’autre ont une fin comme ils ont eu un commencement. La philosophie elle-même le proclame : « toute détermination est une négation ». Et le capitalisme chaque jour aggrave ses contradictions.

Alors que reste-il à faire pour un marxiste, un révolutionnaire ? Œuvrer à cette « négation » et à la « négation de la négation » : le communisme pour lequel plus personne aujourd’hui ne se bat. Du communisme on sait ce qu’il ne sera pas : une société de classes fondée sur l’exploitation du travail salarié et l’exaltation d’individus « libres et égaux en droits ». Il ne faut pas non plus attendre des toutes nouvelles technologies de l’information et de la communication qu’elles unissent dans une démocratie de substitution ces monades informatisées : elles ne sont une révolution qu’à l’intérieur du capitalisme. Seul le retour à la lutte des classes s’accompagnera du déclin de l’individualisme, d’un regain de foi révolutionnaire, du sens de la politique et de la solidarité. C’est cela qu’un militant prépare et que le communisme réalisera développant en chacun, non pas l’individu, mais ce que Marx appela « l’être générique de l’homme », son humanité non aliénée, son lien naturel d’appartenance à la société et à l’espèce.

Voilà vers quoi me tire le travail de militant, bien loin des labyrinthes du Moi et du dilettantisme cultivé auquel j’ai assez sacrifié. Si faire ce choix, c’est être psychorigide comme tu me l’as dit, j’en accepte le diagnostic, de même qu’un vrai marxiste ne redoute pas l’accusation de dogmatisme. Je comprends très bien que l’expérience du café-lecture puisse te faire regretter la perte d’interlocuteurs. Moi, j’ai très vite réalisé que je ne trouverai pas là un seul camarade Du commerce des idées je n’espérais ni un enrichissement, ni de nouvelles parts de marché pour mes échanges. Il faut bien reconnaître que notre besoin égoïste d’humanité ne peut être satisfait par cette société. Un tel constat est déjà une preuve d’optimisme et de dépassement de soi. Il permet d’orienter sa vie vers un but qui n’est pas personnel ni éphémère. Cela est déjà un grand bonheur, c’est aussi un engagement qui force à abandonner bien des vanités et des relations ayant perdu de leur importance. Et je n’entends pas là faire une critique personnelle ni un quelconque prosélytisme, mais seulement marquer mon chemin.

Amicalement Roger.

II

Alès, ce 27 Janvier 2OO7.

Ave Roger.

Je reprends la lecture de ta dernière missive.

Les arguments bien ciblés de ce judicieux propos illustrent chez toi l’excellence d’une éthique chevillée, la Foi pure d’une nature d’être, dont le Souci de Soi s’incarne dans les préceptes d’une belle doctrine de la vérité, celle d’une conscience lucide aux accents spinozistes.

La problématique exposée vois-tu, s’inscrit dans ce mal endémique, ce point focal d’une hyperesthésie du Moi, dans sa conception moderne, cet héritage perpétué par la tradition cartésienne et le siècle des Lumières

D’ailleurs, le Politique dans tout ça, est bien trop averti, mais jamais bien avisé, bien que ces deux vocables dans une certaine langue de bois de propagande, celle prétendue d’un amour-propre, fassent amalgame dans l’opinion trop commune du quidam-citoyen.

Dans ce beau discours d’un tribun-militant dont j’admire les fières et légitimes convictions, je pressens néanmoins dans mon appréciation, la retenue d’une certaine réserve : celle que m’inspire le témoignage de ce tempérament foncier de l’Homme, qui opiniâtre et têtu, résiste aveuglément à cette Essence, cet aboutissement idéal d’une Soité, cette harmonie de notre humanité, condition pourtant « se ne qua non » qui se doit de s’inscrire dans l’intelligence de ce bel équilibre géométrique du cosmos. Et ceci tu le penses bien, n’est pas tout à fait innocent comme le disait déjà Rousseau.

C’est ainsi que pour te faire part de l’actualité de mes réflexions, qui se tiennent malgré tout dans la continuité de ce propos sur le devenir de l’homme dans ses horizons, je me pencherai ici plus particulièrement, sur la problématique égotique de l’être dont le profil ambigu nous masque la forêt de la société. Je pense tout de même que cette épineuse question s’articule conséquemment sur le vaste aperçu du Sujet politique, celui que tu esquisses à grands traits et avec un certain talent, dans ce petit essai dont témoigne ton courrier ; ma quête, tu en conviendras ne prend pas ici l’accent impudent, surtout pas celle d’une objection qui se voudrait plus pertinente.

C’est ainsi que dans ma réponse, je t’invite à parcourir ultérieurement dans mon second article sur l’herméneutique à te pencher sur un itinéraire passionnant, celui d’une controverse émouvante et instructive entre deux penseurs de ce temps sur l’intelligence humaine dans son interprétation. Dans une lecture appuyée comme il sied au lecteur soucieux dont fait preuve ta culture, tu découvriras en effet dans ce débat très contemporain la mise en œuvre qui régit les mécanismes de la compréhension, dans ces temps d’une révolution de la connaissance humaine. Tu comprendras sans doute alors plus précisément, avec la finesse et le sens juste des mots, cette rare qualité qui t’appartient et qui témoigne au mieux de cette belle capacité qui scelle notre mutuelle civilité, dans cet enjeu capital le questionnement soulevé

III

concernant ce problème de l’interprétation résolutive des maux de notre humanité. Je tacherais ainsi en quelque manière de concilier dans l’apport de cette lecture que je te soumets, mon point de vue appréciatif dans cette perspective d’une société « en mal d’être » ; je parle de celle que tu stigmatises fort sagement, et m’attarderais plus particulièrement, sur la condition citoyenne de l’homme qui se campe dans le décor politique d’une société dans ses accès turbulents. Afin de mieux ajuster l’argument de ma controverse, non pas sur le ton véhément en vaine élucubrations de persuasion, mais plutôt dans cet aperçu mis tout d’abord sur le décours d’une trame existentielle, celle du « Texte » fondateur de notre essence pour parler comme Ricoeur dans « Temps et Récits ». Adoptant le ton de cette instance ultime et décisive aux accents pathétiques dans l’impérieuse décision du choix entrepris dans notre destinée commune, celle que soulignait particulièrement Kierkegaard dans son accent tragique, dans ce procès du fatidique devenir existentiel humain.

Aussi, je me hasarderais à quelques spéculations aventureuses, non pas pour ponctuer car la conclusion reste toujours ouverte à la discussion, dans ce langage d’une ressource aux opportunités inouïes, ce qui force favorablement le destin de l’homme.

Inspirons-nous pour cela de quelques références pertinentes, occurrentes à cette problématique, dans la pensée d’auteurs émérites.

Jouons nous aussi le plaideur d’une autre cause, celle du Sujet pas si libéré que ça, car encore bien fragile dans sa trop humaine condition existentielle.

Le petit d’homme en effet, dans sa native condition se pose comme un être nu à sa naissance. La tension douloureuse en effet est le lot du nouveau-né, qui dépend des soins nourriciers strictement nécessaires à sa survie. Bien que subissant passivement dans son jeune âge les contraintes de ses aînés, leur éducation, leurs recommandations et les préceptes de tous ordres, il est cependant lui aussi appelé en grandissant à affronter les dures épreuves de l’existence.

Vivre en quelque sorte l’expérience du premier homme, comme tout un chacun. Il est l’objet tant bien que mal, dès sa plus tendre enfance de soins attentifs que nécessitent sa fragile constitution, puis l’héritier promis d’un patrimoine, celui de notre humanité qui lui échoit, ce qu’il reçoit dans sa plus ou moins docile passivité. Le langage maternel de prime abord, puis celui d’une éducation et enfin celui de la rigueur des institutions dans le sens qu’elles gardent soit en esprit, soit à la lettre. La culture, l’histoire et la civilisation prennent le relais pour domestiquer et former son caractère dans ce moule d’une société établie. Cette disposition très passéiste, l’amènera cependant plus tard lui aussi, à se poser des questions nécessairement vitales sur la société d’adultes plus ou moins astreignante, plus ou moins contraignante. Invoquons dans ce discours de l’être en devenir l’approche d’une lecture plus moderne, celle qui s’inscrit dans le réseau d’une structure symbolique plus parlante chez Lacan et notamment dans la pensée de Lévi-strauss lorsqu’il est dit : « La figure d’un être précipité prématurément dans un univers réglé avant lui non seulement par des lois physiques mais par des lois de langage, dans cet enchaînement rigoureux des dons et des dettes qui lui préexistaient dans le groupe, dans un réseau symbolique articulé comme un langage, préfigure cette réalité du nouveau-né avant même que le sujet n’ait proféré le moindre mot ». Ceci résume l’avenant d’un contrat dans cette vie où il est appelé à réaliser la totalité de son être concret, en vertu de quoi il pourra s’accomplir dans son humanité et se forgera à l’essence de sa vérité d’être. A cet effet, tu dis là en quelque sorte dans ta missive : qu’il s’insérera bien

IV

fatalement, j’imagine, « dans une société qui déprime et qui opprime », l’obligeant à se défendre opiniâtrement dans son for intérieur par la force d’un égoïsme foncier qui le détruit pourtant. De ce sentiment d’un retrait sur soi-même, que tu fustiges au nom d’une impérative nécessité, celle providentielle qui consiste plutôt à s’ouvrir aux autres et à la société, remarque à ce sujet la réponse à cette question et la leçon qu’en tire à ce propos, Paul Ricoeur. Cette question qui le poursuivait depuis longtemps, celle de savoir si ce retranchement sur soi était ou non répréhensible et néfaste et il finit en fait par juger cette attitude, aussi indispensable qu’impérieuse dans sa nécessité et, donc très légitime. Ce grand philosophe pourtant chrétien se montre par là lui aussi très libéral dans ses conceptions. C’est ainsi que lors de son ultime publication « Parcours sur la Reconnaissance » il écrira à cet effet juste un an avant sa disparition.

« Le Soi de la connaissance de Soi, n’est pas le Moi égoïste et narcissique dont les herméneutiques du soupçon ont dénoncé l’hypocrisie autant que la naïveté. Le Soi de la connaissance de soi est le fruit d’une vie examinée, selon le mot de Socrate dans l’Apologie ». Dans ce monde absurde nous éprouvons l’impérieuse obsession enfiévrée de justifier. Et là, on pourrait de même aussi, faire surenchérir Husserl le père de la phénoménologie lorsqu’il dit : « Ce sujet concret dans sa vie immédiate c’est l’humanité qui lutte pour son intelligibilité ». L’expression même de la « Raison dans mouvement incessant pour s’élucider soi-même ». Ainsi comprenons-nous mieux cette nécessité vitale où est acculé l’être pour advenir comme sujet responsable.

Telle est la perspective élargie de l’entendement humain que j’aspirais à entrevoir dans notre échange de courriers. A seule fin de mieux circonscrire l’embrouillamini de ces bisbilles de l’esprit, qui se reflètent dans le kaléidoscope de « l’être jeté dans le langage » dans sa foncière volonté métaphysique, celle de s’habiter soi-même dans sa raison d’être, pour habiter le Monde. Car au final si l’on admet désormais que tout est subjectif dans la « facticité » de l’homme - ce qu’ignorait pourrait-on presque dire les grecs - il est essentiel et primordial de s’en être depuis lors rendu compte, au travers d’une philosophie de l’auto-réflexion, celle « d’une vie examinée » comme le disait si justement déjà Socrate, dans l’Apologie. De son côté Vattimo quant à lui, nous donne un témoignage plus radical dans la position qu’il défend, déclamant son nihilisme foncièrement positif à ce sujet : « le Monde n’a pas de significations ni d’ordre, sans la subjectivité donatrice de sens. » Aussi n’est-il pas surprenant, un peu pour toutes ces raisons évoquées, que la société dans la perspective où tu la situes dans cette approche politique d’une idéologie que tu fustiges à très juste titre au nom de nobles valeurs, s’inscrive d’abord dans un statut plutôt d’engeance empirique chez l’individu, bien résolument dans l’entité d’un modus vivendi , celui d’un principe souverain d’essence libérale, dût-il de facto dans la réalité de cette société où il fait corps, lui être infiniment préjudiciable ?

C’est ainsi que :

A ce propos la réverbération de quelques citations et propositions d’essence capitales, dans une lumière diffuse et réfractée, nous plongera alors dans le trouble

d’une révélation intuitive de nature transcendantale ; celle de nos convictions trop souvent arrimées dans l’essence d’une rationalité établie, ce qui bien souvent relève d’une idéologie de nature pernicieuse dans ses accents trop convaincus.

Histoire d’une conscience et Conscience de l’Histoire

Lorsque la conscience balaye le seuil de son passé.

V

C’est alors que :

- « Les modes de conscience qui me possèdent ne sont jamais le mode de ma conscience actuelle en raison même de « L’être affecté par le passé ».

Car en effet :

- « C’est que le travail de l’histoire continue de déterminer notre conscience par- delà la conscience que nous en avons. »

Et de fait :

- « Une conscience finie ne sera jamais maîtresse de toutes ses détermination.

L’espoir de Gadamer, ce maître de l’herméneutique nous donne alors cet aperçu pour conclure :

- « C’est justement la reconnaissance de sa finitude essentielle qui amènera la conscience à s’ouvrir à l’altérité et à de nouvelles expériences. »

Ainsi :

- On comprend mieux au décours de ces quelques allégations le bien fondé de ce jaillissement du Verbe qui souverain, transcende peu ou prou, le réalisme de certaines vérités qu’on éprouve à justifier, dans ce besoin irrépressible de s’interposer, face à l’altérité déconcertante qui trop souvent nous altère et nous déprime.

Ma bien cordiale Civilité

MOMO

Et enfin dans une touche finale, je m’autoriserais par quelques citations adventices dans ce vaste propos, à délimiter par quelques traits les raisons dissimulées, qui nous serons révélées grâce à ce pouvoir miraculeux du sens infini. Essayons donc un tant soit peu, d’éclaircir cette prodigieuse problématique de l’entendement humain, ce que permet toujours ce verbe magicien dont les vertus se déclinent de sens insoupçonnés transcendant toute vérité provisoirement établie.

Et c’est ainsi que pour donner le point d’orgue de cette profuse réflexion sur l’essor de l’individu – depuis le labyrinthe du Moi où il s’enferme, est-ce là une forteresse vide, celle du mutisme de sa peur ? - à celui de l’horizon indécis, opaque de notre humanité. Aussi pour cela, je me risquerais à quelques pirouettes verbeuses et spéculatives d’une argumentation aux accents vertigineux. Il va de soi que le filet de l’acrobate est bien tendu pour contenir les risques de ces prouesses osées. En effet pour l’occurrence, je m’inspirerais de certaines références bien étayées par quelques illustres penseurs pour m’accompagner dans ces évaluations. Par l’éclairage de leur bon sens, elles constituent à mes yeux un point de vue sur ces questions qui transfigure la réalité que tu développes. Donnant à cette vérité

VI

dont tu dénonces bien sincèrement les égarements, le caractère explicatif d’une rationalité. Ceci sans toutefois nier bien entendu, cette déplorable réalité dont tu dénonces à juste titre avec pondération et sagesse, les graves déboires de ces égarements.

Et d’abord, lorsque tu cites :

… « Les philosophies et les religions anciennes voulaient faire avancer l’homme de la conscience du Moi à celle de Soi, de l’être vers l’essence »….

Oui certes, …. mais arrêtons-nous tout de même sur une considération essentielle : sur le mode de quelle connaissance inculquée : celle Substantialiste et Métaphysique, celle d’une conception platonicienne et judéo-chrétienne dans la transmission d’une morale impérative, dans les accents prononcés d’une vulgate dans ses fondements théologiques ? Car peut-on aussi penser que les anciens appréhendaient bien clairement la notion du Moi, qui leur était me semble-t-il inconnue jusqu’alors ? Observons plutôt ce qu’en pense Husserl ce grand théoricien dans les réflexions de cette vaste innovation d’une intelligence accrue de sens que constitue la phénoménologie, lorsqu’il déclare assurément : « la philosophie, qui a défini dès son origine un idéal d’intelligibilité est restée précise-t-il, jusqu’à la Renaissance dans l’ignorance de sa motivation cachée, et qu’ainsi….la Raison, jusque là déterminée dans ses échos scolastiques était à ce point exclusivement objectivée par l’essence d’une réflexion substantielle et métaphysique, se devait plus tardivement être cherchée du côté du Sujet ». Ainsi donc rajoute-t-il, « l’humanité était sujet et ne le savait pas ». Car en effet, l’homme de ce temps se pensant créature d’un amour divin, et avec le christianisme la société humaine par la bonne parole évangélisée, s’en trouva alors plus servilement soumise. Dans sa fervente contrition elle se penchait alors ostensiblement et pieusement sur les écrits sacrés, pour en faire l’exégèse d’une interprétation contemplative, plongée dans l’obscur mystère de l’hypostase du dogme de la trinité, et la fascination de la révélation des prophètes.

« Les grenouilles qui demandent un Moi » :

De prime abord je dois te dire que j’apprécie assez dans cette formulation empruntée à la fable, la truculence d’une saine rhétorique d’une part, ainsi que la dérision d’un orgueil vaniteux qu’aiguise cette pointe d’humour où tu mets l’accent, d’autre part. Je trouve également en toute sincère probité, que le sens qui s’inscrit dans ce propos fonde tout à fait cette belle théorie du « stade du miroir » qui depuis cette expression à saisir dans la matérialité de son sens propre plus particulièrement dans la tendre enfance, se perpétue jusqu’à celui de cet imaginaire où se réfléchit l’image que l’homme adulte se taille de lui même. En effet, me référent à la logique de cette structure spéculaire si finement élaborée par Freud, Wallon et Lacan, je cite ce passage décisif dans ce qu’il nous donne à entendre .

L’image du corps propre est l’objet d’un amour majeur, qui peut devenir absolu et conduire tout droit à la mort : tel est le constat de Freud dont il tire des conséquences décisives pour le devenir de sa théorie. Le mythe de Narcisse soutient la

figure d’un sujet capté par sa propre image qui ne reçoit plus de son amour, la nymphe Echo, que l’écho de ses propres paroles. L’amour de soi, nommé par Freud

VII

narcissisme, est ainsi lié à la mort et à la négation de l’Autre. Plus tard les contributions de Wallon et Lacan sur cette magistrale spéculation donnent un contour plus net à ce raisonnement

C’est ainsi que je prends acte de cette portée du sens à dégager lorsque tu énonces : « Les grenouilles qui demandent un Moi ». De même que l’analyse de l’idéologie de la liberté a partie liée au délire narcissique dans l’exaltation des « droits de l’homme ». Mais dans cette concession je me ferai néanmoins l’avocat d’une cause de « circonstances atténuantes » au regard de considérations appuyées elles aussi sur de bonnes et tangibles références, rapportées par des penseurs reconnus. Ainsi, camarade notre opposition prendra elle aussi, l’allure honorable d’une « mésentente cordiale », car je parle un peu comme toi, mais aussi contre toi, dans les accents accusés d’une digne controverse, ce que témoigne un peu - dirions-nous sans prétention - le reflet qui miroite dans cette disputation démocratique entre Gadamer et Derrida, dans ce beau témoignage d’une rencontre.

La Philosophie de l’Histoire et sa grande leçon selon Husserl.

« La crise des sciences européennes »

J’achèverais de souligner ce point de vue, en citant encore Husserl dans sa conception d’une Philosophie de l’Histoire. Parlant de la « Crise de l’humanité européenne » dès la montée du Nazisme période où il fut tout de même banni et ostracisé par le régime hitlérien. Notons que ces notions restent toujours une tragédie aux accents très actuels et que de même les redondances historiques d’un tel bouleversements continuent de faire des vagues d’inquiétude à l’horizon de notre actualité. Rappelons-nous à cet effet l’effervescence médiatique, celle d’une laborieuse Constitution européenne dans le concert politique d’une mondialisation, question toujours préoccupante à ce jour, pour le moins qu’on puisse dire.

Le fil directeur de sa pensée nous est fourni par le fait que l’Histoire dans sa généralité totalisante et de même, les histoires individuelles, fragments d’histoires objectives ne nous sont accessibles ou communicables qu’en fonction de l’unité vivante de l’humanité dont nous recueillons l’héritage, ce qui pour nous est historique est un sens sédimenté.

C’est ainsi, que successivement à ce sujet il déclare :

- « L’histoire nous est d’abord donnée dans le monde en tant qu’existence d’un passé qui nous porte. »

- « L’histoire constitue notre horizon d’intelligibilité et de culture, elle n’est pas hors de nous, mais nous lui appartenons par l’historicité même de notre vie ».

- « En histoire le primordial est notre présent. »

- « De cet horizon nous avons une conscience vivante et permanente, et ce comme un horizon de temps impliqué dans notre horizon présent de chaque instant ».

Cette tâche est exposée dans « la crise de l’humanité européenne » dont l’idée directrice est « que la vie constituante de la subjectivité transcendantale est elle-même historique ». Il critique par ailleurs fort justement, l’attitude naïve et naturelle dans cet aveuglement qui parce qu’il nous simplifie l’existence nous incite alors à opposer délibérément « raison et histoire »,

VIII

« raison et être » dans ces luttes spirituelles de notre époque, celui d’un humanisme en fréquences de turbulence pour se comprendre lui-même.

Husserl est bien le philosophe nous révélant le sens caché de l’histoire moderne, lorsqu’il dit fort à propos « qu’il il y a là du même coup une finalité téléologique de la raison. Elle se révèle nécessaire comme apodicité ». Il en résulte que la justification dernière de la phénoménologie transcendantale – cette subjectivité constituante - est d’être à la fois origine et résultat. « La réflexion transcendantale en le lui découvrant, orientera notre vie conformément à notre compréhension. Et c’est bien à ce point que le savoir d’une finalité vient motiver rationnellement la décision d’une prise de conscience ». Prolongements de la philosophie de l’histoire à l’éthique . Car « être homme », c’est être en un sens téléologique, c’est devoir être. « Tout be or not to be » en quelque sorte comme le faisait dire je crois shakespeare à un de ses héros dans une scène de ses tragédies.

Ricoeur de son côté, ce philosophe au parcours d’une éthique sans reproches achève sa réflexion d’une autobiographie intellectuelle qu’il intitule « Réflexion Faite », par ces mots : La portée éthique de cette herméneutique du soi tombe sous le sens. Son ouvrage « Soi-même comme un Autre » constitue une « petite éthique » qui s’efforce d’éliminer les tensions fondamentales par la « visée d’une vie bonne, avec et pour autrui dans des institutions justes. » Et de même l’on peut voir dans cette ontologie herméneutique de l’homme capable, l’aboutissement de tout le parcours de Ricoeur, mais aussi un retour à la problématique réflexive celle de l’ego, qui

avait donné le coup d’envoi dans sa réflexion sur cet itinéraire de sa longue et riche inspiration qui se greffe sur la pensée de grands auteurs dans la tradition française de l’auto-réflexion et celle de l’existentialisme.

Cette herméneutique du soi vient utilement rappeler que « l’être affecté par le passé », sur lequel avait insisté Gadamer, n’est pas la seule détermination de la conscience. L’homme, être de possibilités, peut reconfigurer son monde (mais aussi son passé, par la mémoire, le pardon, la reconnaissance).

Ricoeur conclut sous la forme d’un précepte qui nous éclaire sur le bien fondé et la portée de sa thèse, ce qui nous permet de voir que :

- Si une herméneutique sans éthique reste vide – celle d’une attitude qui purement réflexive qui n’aboutit à rien si ce n’est se donner l’illusion d’une pleine possession de soi par l’introspection spéculative sans la finalité d’une promesse morale qui nous conforte et de même nous porte dans cette raison apodictique –

- Et qu’une éthique sans herméneutique est aveugle notamment celle d’une

spiritualité trop inculquée par les sermons autoritaires et péremptoires, celle du dogme mystique et d’une Morale pour la morale. A seule fin de mériter la bonne grâce de la divine providence conférée à la majesté et aux mérites d’une bien docile passivité ; celle enfin déférente d’une infinie miséricorde dans la promesse express de l’au-delà céleste d’un séjour éternel.

Ce que j’en dis, ….. Moi.

Et donc osons une dernière tentative, celle se voulant malgré tout optimiste dans cette grave et trop prégnante réflexion, et donnons pour cela de même, un peu de panache à notre très sérieuse existence, en mettant un peu l’accent trivial sur ce propos. Un humoriste citait plaisamment ce paradoxe : « La vie certes ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie ».

IX

Ainsi, pour gloser dans la guise d’une péroraison de touche finale, je dirais plagiant quelques aphorismes notoires : « que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». C’est ainsi que pour Sisyphe, ce roi légendaire condamné aux enfers, qui dans sa déchéance bien affligeante est âprement confronté à ses épreuves, puisant sans cesse en lui même dans sa prodigieuse vitalité, cette ressource en pleine capacité de se prouver à lui-même, dans les humeurs de son existence pourtant bien sombre. Or dans sa déplorable condition humaine, et sous l’épouvante d’une bien austère contrainte par le fait induit de la lourde peine de son châtiment, il fallait alors nous dit Albert Camus dans son bel essai sur l’absurde, « le supposer tout de même heureux » !

Ainsi donc, proclamons nous aussi fièrement notre enthousiasme, car belle est la Foi de notre ignorance ! Quand dans ses accès soudain, le Verbe tonitruant explose comme le tonnerre dans un ciel d’orage, et dans l’accent même de nos inflexions exalte la pulsion de nos passions. C’est ainsi que la bien légitime véhémence de nos dépits, tout en forçant la faveur et l’augure de notre destin en devenir, nous forgent également plus résolus dans ce recours ultime à la parole. Cette résilience provisionnelle, qui nous soulage Dieu merci, du fardeau atavique, cette tare de notre « humaine trop humaine » condition, constitue le profond soupir d’une rémission providentielle dans ces avatars frustrants de notre nature existentielle.

Saperlipopette, tout ça Ventrebleu que Diantre ! car croyez-moi, il ne suffit pas simplement de se faire tirer les cartes, déchiffrer les lignes de la main, dévorer dans la fièvre inquiète la lecture de son horoscope ou encore mieux, consulter à grands frais quelque marabout illuminé, pour enfin soupirer et renifler afin de mieux se consoler dans le marc des sciences occultes, se donnant là pour seule finalité, la sensation de l’illusion délirante, celle d’une quête anxieuse sur soi-même. Hélas combien en sont réduits dans la prescription d’un gourou à ce strict bouillon d’une diète purgative, dans ce régime du questionnement sur Soi. Bien trop fatigués qu’ils sont dans leur fruste existence et l’indigence de leur curiosité spéculative des attraits de ce monde, pour anticiper d’autres projets que ceux réduits à l’esquisse de vagues plans sur la comète, ou dans la rage de folles envies, hardiment et vainement flasher en misant gros sur la merveille des châteaux en Espagne. Ma foi si cela leur chante, grand bien leur fasse !

Afin qu’égaré dans les sentiers de sa sensibilité propre, quelque peu perdu parmi les fleurs sauvages de ces quelques pensées, le lecteur improvisé y butine tant soit peu l’arôme de sa bien douce-amertume. Ainsi donc, dans cette immense forêt de notre existence hérissée de mystérieux symboles, jouons nous aussi au Petit Poucet déshérité dans son sort, en jalonnant nos repères dans ce souci de Soi ; semons précieusement ces petites graines de mémoire, celle enfin avisée pour créer du lien dans nos folles errances, comme autant de relais pour retrouver la « Maison du Père » dont nous parle Heidegger.

MOMO

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