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Le rêve comme illusion réelle du fonctionnement social : le vivant se réduirait-il à une logique normative ?

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François Simonet

jeudi 11 juin 2015

Le rêve comme illusion réelle du fonctionnement social : le vivant se réduirait-il à une logique normative ?

François SIMONET – UPPA Pau

Colloque international «  Le vivant : histoires  »

CNAM Pays de Loire, Nantes- 7 & 8 Janvier 2014

Commençons par une idée, qui se veut confortable à admettre : « La vie vaut la peine d’être vécue ! »

Toute notre existence, singulière, nous tentons de donner du sens à nos actions, absent a priori , par la production de créations humaines. Ne pouvant exister que dans et par la société qui nous constitue[1], nous sommes constamment dans l’autocréation d’un être social. Chaque société créant son propre système d’interprétation du monde[2], investi de sens par ses systèmes de valeurs caractéristiques qui structurent ces mêmes pratiques et conduites. Chacun d’entrer dans la logique du monde qui le mobilise ; au sein de la société et de l’organisation qu’il « incarne », avec les représentations, les croyances, les idéologies dominantes, les principes d’action et les manières de penser relatifs à des contextes et à des moments historiques.

Nous sommes ainsi imbibés de cette société, au sens castoriadien : par absorption, intériorisation, incarnation de ses institutions[3]. Ce qui tend à apporter des éléments de réponse à l’interrogation de Didier Eribon :

« Quelle adhésion tacite ou explicite - et, dans tous les cas, toujours plus forte qu’on ne croit ou qu’on ne voudrait – cela suppose-t-il aux structures sociales et mentales dont nous héritons, et dont l’histoire est gravée au plus profond de nos corps et de nos subjectivités, nous fabriquant et nous prédéterminant comme agents sociaux ? »[4]

1- Quelle considération du vivant dans le contexte actuel ?

Portées par des mythes et des imaginaires nouveaux, nos pratiques sociales apparaissent auréolées de deux vertus indissociables : la rationalité et l’objectivité. L’une et l’autre sont incarnées dans la science et la technique, où la rationalité correspond essentiellement aux « formes spécifiques, conceptuelles, heuristiques et sociales, produites par les différentes tentatives de rationalisation du monde »[5], avec des procédures, des modèles abstraits, des théories[6]. C’est cette conception rationaliste : mathématique, comptable et gestionnaire, fortement et de facto encadrée par des normes et des règlementations aliénantes qui s’impose, en modèle d’ entreprisation du monde[7]. Notre existence n’est-elle pas organisée d’après le modèle entrepreneurial ? Cette rationalité objective et cette objectivité rationnelle ne sont que la forme d’une réalité, considérée sous le seul angle du quantifiable.

Une réalité dont la construction est appuyée par la fiction. L’ère nouvelle est au storytelling, cet appareil qui impose sa vision du monde en fabriquant des histoires auxquelles la réalité doit se conformer : procédant par un spectaculaire médiatisé qui solidifie les clichés et oriente fortement les consciences. Une réalité fabriquée, où tout ce qui est annoncé est entendu comme vérité, sans vérification. Une machinerie qui conditionne et « formate » les esprits[8]. Des figures et des pratiques particulières émergent. Ainsi, le monde va comme le storyteller, cet expert maître du jeu d’un nouveau pouvoir, le récite. Ce gourou de la mondialisation et ses fables correspondent à des traits caractéristiques de la société, comme : la violence, le mensonge, le mépris[9].

 

Il s’agit d’un bourrage de crâne, d’une véritable aliénation individuelle autant que collective à la tyrannie de la pensée uniformisante et à la conformisation du social, en simplification abusive. Envahis que nous sommes par les procédures et les gadgets, nous vivons dans un monde consumériste dans lequel l’expert, gardien du temple, occupe une place maîtresse ; Il a pris cette figure de nouveau prêtre-magicien détenteur d’un pouvoir absolu sur les esprits.

 

Interrogeons-nous quant aux « intentions » du nouvel ordre mondial sous-jacent ; Jouant sur les peurs et autres sentiments majoritairement partagés, l’arsenal de moyens mis en œuvre laisse perplexe. « I’m not a number » disait le héros de la série culte « le prisonnier ». Certes, si Patrick Mc Goohan refusait d’être réduit à un simple numéro, la logique actuelle nous « connecte » en permanence, pour notre « sécurité », sur un central qui suit à la trace nos faits et gestes. Les moyens proposés, toujours plus perfectionnés, pour veiller sur la population et lui apporter un confort de vie au quotidien, améliorer son bien-être, sont en fait des techniques intrusives et inquisitrices utilisées pour le contrôle et la surveillance des individus, soutenues par des discours justificateurs, qui démultiplient les avatars pour mieux convaincre. Pas un gadget qui ne soit devenu désormais totalement banal dans sa présence permanente : carte à puce, téléphone mobile, ordinateur, jeux vidéo, domotique, jusqu’à la voiture complètement informatisée.

Le langage du système informatique, adopté à grand renfort de certitudes, est devenu la « mesure de toutes choses ». Cet excès de rationalité verse dans l’hydris, cette démesure qui ne trouve plus la modération nécessaire. L’homme ne peut créer autrement qu’en fonction de lui-même les limites de son propre monde.

Le conditionnement à une telle conception est puissant. La banalisation s’immisce dans les mentalités, sur fond de bonnes intentions générant surtout des profits. Vision qui participe d’un totalitarisme social prononcé : au nom d’un progrès en expansion permanente, appuyé de méthodes qui se veulent scientifiques. Nous finissons par ne plus nous offusquer de cette méthode, qui donne au monde cette tournure cynique[10].

Ainsi, devenu propriété de lobbys spéculateurs (pharmaceutique, l’industrie agroalimentaire, les semenciers, etc.), dont ils vendent les « données », le vivant est désormais entièrement breveté, juridiquement encadré (l’exemple du génome), avec interdiction de reproduction - jusque-là gratuite - du végétal et de l’animal. Cette position tend à confirmer la volonté de maîtriser et de contrôler le vivant, et donc les individus. Le vivant n’ayant finalement d’intérêt qu’au poids des profits qu’il peut générer - et non des créations, humanistes et aléatoires, qu’il peut produire.

La réalité actuelle concernant la santé est exemplaire. Jouant sur le jeunisme et l’immortalité illusoire, le spéculateur a trouvé un filon profitable. La médecine prédictive a de beaux jours devant elle (estimer pouvoir guérir avant que la maladie ne se déclare, par l’analyse de risques futurs potentiels établis dans les gènes), et nous ne manquerons pas d’inventer des maladies… pour mieux les soigner[11] !

 

Or, dans une volonté (impérative) d’échapper à l’emprise des cases normatives, le vivant ne se situe-t-il pas dans ses créations plutôt que dans des procédures ? Et la création n’est-elle pas résistance à la normalisation ? Peut-on alors rêver une autre existence ?

2- Quelle considération du rêve dans le vivant ?

Alors se posent certaines questions :

-    Dans un tel contexte, que vaut le vivant ?

-    Quelle considération pour les caractéristiques qui le définissent : l’imaginaire, le symbolique, le culturel et le réel ?

-    Quel est le projet de société proposé ? Et sur quoi repose-t-il ?

Dans une société du tout sécuritaire, autosuffisante et protectionniste, obnubilée par la précaution[12], par le risque[13], par le profit, quelle place et quelle considération vis-à-vis du rêve ?

Qui peut affirmer que la société Orwellienne n’est pas devenue la réalisation de songes de décideurs fous ?

Pour les sociétés que sont les nôtres, le rêve est suspicieux et est réduit à une affaire personnelle banalisée ; il s’agit de la réduire à un critère de mal être qu’il est possible d’annihiler. Les rêves de révolutions, d’indépendances, de revendications, de liberté, d’autonomie ont-ils toujours leur place ? La substance la plus précieuse pour l’humanité, son souffle vital le plus insaisissable n’est-il pas le rêve ? Que les normes, les procédures, le technocratisme foulent aux pieds !

Le texte de William Butler Yeats : « He wishes for the Cloths of Heaven »

« Si je pouvais t’offrir le bleu secret du ciel,

Brodé de lumière d’or et de reflets d’argent,

Le mystérieux secret, le secret éternel,

De la nuit et du jour, de la vie et du temps,

Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds.

Mais, tu sais, je suis pauvre, et je n’ai que mes rêves,

J’ai déposé mes rêves sous tes pieds,

Marche doucement, car tu marches sur mes rêves. »[14]

prend toute sa force dans la fiction de Kurt Wimmer sortie aux USA en 2003 : Equilibrium. Nous sommes en 2070, à Libria, la planète vient de subir une destruction nucléaire. Ceux qui ont survécu tentent de sortir de la décadence dans laquelle ils ont sombré en essayant de trouver une solution. Considérant que cette inhumanité de l’homme envers lui-même était due à ses capacités à ressentir des émotions, à exprimer des sentiments et à agir, le prozium est proposé comme remède à prendre quotidiennement. Efficace pour lutter contre ce « mal » qui a poussé l’homme à des extrémités destructrices, le prozium annihile tous sentiments, rend heureux et productif. Le prix à payer pour que la société puisse vivre en parfaite harmonie et en paix est celui d’un sacrifice : supprimer toute expression d’amour, de peine, de désir, de bonheur, de haine, de colère, de joie, etc. La vie se déroule ainsi selon la volonté du Père , leader spirituel de cette société. Avant d’être exécuté pour avoir enfreint la loi, et avoir décidé de vivre sans prozium, Partridge (Sean Bean), un des ecclésiastes grammaton, récite les derniers vers de ce poème.

3- Du singulier au collectif : la puissance du rêve civilisateur .

Nous rêvons tous ! Même si le rêve produit est « pauvre », même si nous n’en avons aucun souvenir, aucune journée, ni aucune nuit, n’est vide de ces productions. C’est une donnée des physiologistes. Nous rêvons fonction des éléments culturels, symboliques, imaginaires et réels à notre disposition, c’est-à-dire : des caractéristiques de la société au sein de laquelle nous existons.

Et si l’analyse des rêves est une méthode « simple » d’exploration de l’inconscient[15], sous-entendu : l’inconscient individuel, c’est aussi le moyen d’explorer les tréfonds de la réalité sociale, historique, politique, soit : contextuelle, structurelle et circonstancielle. Les rêves se mettant au diapason de leur époque, du contexte, dont il raconte les fragments parfois insupportables : « Rêver sous le III e Reich »[16] nous indique que l’individu singulier, autant que pluriel, est traversé par le contexte qui le submerge (avec ses contraintes sociales, ses mythes, ses imaginaires, ses interdits et ses tabous).

Qui n’imagine son avenir sans gloire ni aventures, sous les bons auspices de la Fortune. Rêver la vie, sa vie, est une fonction tout à fait inscrite dans le fonctionnement de l’individu et de la société. A défaut du terme, l’idée est quotidienne, médiatisée en permanence :

« Laurent Aigon : son rêve décolle grâce à Google », peut-on lire à propos de sa « success story », en montant le simulateur d’un « cockpit de Boeing 747 dans la chambre de ses enfants », « et s’il (Laurent Aigon) a fait une croix sur son rêve de gosse de devenir pilote « dans le réel », c’est un autre objectif tout aussi ambitieux qu’il veut atteindre. Il s’agit de créer une société lui permettant d’exploiter le modèle de simulateur de vol qu’il a mis au point »[17].

« Il avait un rêve… » peut-on lire à propos du décès du président Nelson Mandela[18].

Sans se demander ce qu’il vaut, ni à quoi il sert[19], considérons le rêve comme participant de l’évolution humaine ; permettant, outre le développement des connaissances sociales, la compréhension de son devenir, d’après le choix d’actions parmi des possibles.

C’est là le sens de cette communication : le rêve d’une figure particulière (qui s’impose au gré des circonstances et des évènements, que ce soit un leader politique, un capitaine d’industrie, un créateur, un « agitateur d’idées »[20], dont la portée s’étend aux dimensions du collectif, dans une dynamique sociale puissamment génératrice. Une création toujours en mouvement, sans définition d’un meilleur ou d’un pire.

L’hypothèse étant que la société normative, visant au conformisme, n’exclut pas le rêve ; il en fait même partie intégrante, accordé à ses critères. Un rêve éveillé , porté par un leader s’exprimant devant les foules : « I have a dream that one day… »[21]. Un projet , soutenu par des critères de marketing dans une société consumériste : « Yes, we can ! »[22], ou : « Le changement, c’est maintenant ! »[23].

Rêver, et faire rêver : d’après un programme, comme action intentionnelle et rationalisée, analysé et interprété par des experts et communicatologues. Plus besoin d’interprétations allégoriques (l’Oracle de Delphes), nécessitant des clés contextualisées pour saisir et agir.

Cette communication ne portera donc pas sur l’aspect singulier et psychologique du rêve (en termes d’expression de pulsions refoulées, de productions névrotiques[24], renvoyé au feutré du cabinet analytique, nécessitant l’intervention de l’expert (analyste, thérapeute), réduisant de fait le rêve au rêveur. Peut-être même en négligeant la complexité du monde dans lequel se trouve le rêveur[25]. Il ne s’agit pas non plus d’exposer les fonctions du rêve[26], pas plus que de parler de son aspect « exotique », mais bien plutôt de (re)considérer sa place au fondement de toute action sociale et politique, comme un substrat fondamental - autant dans la réalité que dans l’illusion de la réalité.

4- Tout commence par un rêve !

  • « Je ne voulais pas me séparer de Djamouqa car nous provenons du même ventre, mais un rêve m’a révélé ta destinée. »
  • « Quel était ce rêve ? »
  • « Une vache rousse tournait autour de Djamouqa. En le frappant, elle s’est brisé une corne. Furieuse, elle soulevait la poussière et meuglait vers lui : « Rapporte ma corne. » Mais Djamouqa s’enfuyait avec. Alors la vache s’est attelée au chariot sur lequel était dressée la grande tente du khan et, malgré les ornières et la charge, tu as réussi, toi, Témudjin, à la faire avancer là où douze bœufs n’auraient pas suffi.

Le songe de Qortchi était si limpide que tous s’agenouillèrent devant Témudjin : la vache rousse la terre, et la yourte, le royaume, le peuple régnant. »[27]

Passage d’un roman certes, et qui repose cependant sur la « tradition » qui veut qu’un songe annonce l’imminence d’un évènement particulier : ici, l’accession au statut d’empereur du protagoniste de l’histoire, qui va devenir Gengis Khan !

Cet extrait est l’exemple qui va servir de point de référence pour appuyer l’idée que le rêve, loin d’être anecdotique ou un élément secondaire de la substance sociale, en est l’élément primordial. Et ce, pour trois raisons que nous retenons :

  • Le rêve est la substance même du vivant
  • L’institution de fonctions spécifiques pour l’interprétation des songes
  • La construction des mythes à partir de rêves.

Que l’intérêt qu’il suscite et les formes qu’il prend évoluent au cours du temps ne change rien à la prégnance de sa réalité.

  • Le rêve est la substance même du vivant

Le rêve (et/ou le songe, nous verrons ci-dessous la distinction sémantique), est la substance du vivant qui rend l’existence supportable. Nous qui sommes faits de rêves écrit Shakespeare dans La Tempête [28].

Sa présence constante se présentant comme tentative de résolution des contraintes sociales, rendant la vie supportable :

« Qui donc a jamais douté que les misérables rêvent de violence, et que l’opprimé « rêve en permanence » de s’installer à la place de l’oppresseur, que le pauvre rêve d’avoir ce que possède le riche, que le persécuté rêve d’« abandonner son rôle de gibier pour prendre celui de chasseur », et rêve en fin de compte du royaume où « les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers[29] » ? Mais le point important, comme Marx l’avait perçu, c’est que les rêves ne se transforment jamais en réalité. On sait combien les révoltes d’esclaves et les soulèvements de spoliés et de déshérités sont rares ; lors des rares occasions où ils se sont produits, c’est précisément la « folie furieuse » qui a transformé les rêves en cauchemar généralisé. En aucun cas, à ma connaissance, la force de ces explosions « volcaniques », pour reprendre les termes de Sartre, n’a été égale « à la pression qui avait été subie ». Confondre ce genre de révolte avec les mouvements de libération nationale revient à prophétiser leur échec – sans compter qu’une improbable victoire n’aurait nullement pour effet de changer le monde (ou le système), mais d’en changer les dirigeants. »[30]

Nombreuses sont les œuvres qui ont pour « modèle » le rêve : picturales, sculpturales, architecturales, littéraires, théâtrales, poétiques, musicales. Même l’œuvre politique : il n’est que de penser à Toussaint Louverture, dont nous pouvons considérer qu’il a rêvé l’universalité des droits humains les plus fondamentaux : la résistance à l’oppression et la liberté ! Conteurs de la nature de l’homme, les auteurs sont toujours les vecteurs des caractéristiques de leur époque, les témoins de leur temps, parfois avec une position visionnaire. Ainsi du texte de René Barjavel, Ravage , écrit en 1942[31], qui précède de quelques années celui de George Orwell, 1984 [32] De tels textes ne dévoilent-ils pas le rêve d’une société, en termes de vision supposée, dans laquelle nous sommes aujourd’hui. La fiction étant toujours plus réaliste que la réalité.

S’il n’en n’était pas ainsi, la présence du rêve, notamment dans tant de textes et d’œuvres, y compris des chroniques, des textes anciens, expliquant un fait, décryptant un évènement, analysant une situation, serait une anomalie (pour ne pas dire un mensonge) au sein même de l’humanité. A moins, et nous y reviendrons, que l’individu aime à croire à des histoires pour mieux donner de sens à une existence qui n’en contient pas a priori . Il est vrai que les grecs, comme les romains anciens, auraient été très surpris, voire sceptiques, de voir apparaître devant eux les déesses et les dieux, en résidence à l’Olympe et au Panthéon. De même que la chrétienté à progressé en Europe, par les saints, les martyrs et les miracles, pour contrecarrer les dieux de Rome[33].

Ce n’est donc pas parce qu’un phénomène dépasse la raison de l’homme que la réalité, et la croyance en ce même phénomène, n’est pas profondément inscrite en lui, comme vraie.

  • L’institution de fonctions spécifiques pour l’interprétation des songes

Tout rêve est un langage qui nécessite d’être déchiffré[34]. Rêver suppose donc une interprétation pour en comprendre le dessein et le sens.

Un autre aspect atteste ainsi de la réalité sociale du rêve : l’institution de la place de l’« analyseur » du rêve, dont on trouve des indications dans les archives les plus reculées. Tobie Nathan rappelant l’existence des plus anciennes clés des songes en notre possession en provenance d’Inde, du V e siècle avant J.-C. ; d’un traité d’interprétation des rêves dans les papyrus égyptiens du II e millénaire avant J.-C., et la bibliothèque d’Assurbanipal , contenant un ensemble de tablettes babyloniennes datant du VII e siècle avant J.-C., avec une clé des songes[36]

L’Antiquité accordait de l’importance à l’interprétation des rêves (par l’oniromancie), comme technique d’existence[36]. Les expéditions des empereurs, des rois et des chefs militaires comptaient ainsi dans leurs rangs des onirocrites – comme interprètes officiels de leurs songes. Dans le chant II de l’Iliade, Agamemnon ne pourra poursuivre son périple guerrier sur Troie qu’après l’interprétation du songe qui lui est envoyé par Zeus[37].

Interpréter un rêve ne peut se faire sans la participation du rêveur : ce qu’il a rêvé, qui il est et son environnement (contexte). Et comment négliger le contexte dans lequel émerge un rêve, du fait que celui-ci se nourrit de la substance quotidienne du rêveur. Aucun évènement qui se veut sensible pour le rêveur n’est à négliger. Il apparaît donc incontournable d’avoir accès aux caractéristiques contextuelles d’après lesquelles les significations du rêve s’élaborent[38].

Par son traité la « clé des songes », Onirocriton , Artémidore de Daldis[39] nous apporte un ensemble d’indications sur plusieurs registres dans ses cinq livres[40] : son intérêt pour le rêve [qu’il a voulu traiter de manière rationaliste, appuyée d’une technique tenant compte de ses observations, de ses analyses et de son expérience plutôt que d’après la divination (l’oniromancie). Sa collection de rêves ainsi recueillis lors de ses voyages en Grèce, en Italie, en Asie Mineure, est considérable. Comme il l’indique à la fin de son livre IV : il s’agit de rassembler autant de rêves qu’il peut, avec leurs accomplissements (apobasis), pour faciliter ensuite la pratique de l’interprétation] ; des indications sur les mœurs et l’époque [des coutumes particulières aux individus et aux sociétés côtoyés. Il donne ainsi, plus globalement, des informations sur la civilisation gréco-romaine du IIe siècle de notre période]

Dans le préambule de son traité, Artémidore indique ce que doit savoir l’onirocrite[41] pour exercer sa pratique : qui est le rêveur, son métier, sa naissance, son âge, son état de santé, sa situation, son pays, ses coutumes, ainsi que d’examiner attentivement le contenu du rêve lui-même. Tobie Nathan indiquant avec intérêt que : « … pour interpréter le rêve d’une personne donnée, il faut aussi disposer d’un corpus mythologique de référence dans lequel puiser personnages et récits. »[42]

Il serait même plus précis de parler d’interprétations plurielles du rêve, du fait que l’interaction entre le rêveur et l’interprète est dynamique : si le rêve « appartient » au rêveur, l’analyse relève des approches de l’interprète, via ses références, son expérience et sa sagacité. Autant d’interprétations que d’interprètes ?

Ce qui suppose que, le rêve construisant en permanence des mondes, toujours possibles, les « vérités » interprétées seront donc plurielles également, ouvertes sur des possibles.

D’autant que le rêve appelle une résolution, une décision, une action… dans la réalité du rêveur. En ce sens, l’interprète anticipe sur l’avenir du rêveur, sur son « destin » : « Prenez garde à qui vous racontez votre rêve, il se réalisera selon la bouche de l’interprète. »[43] n’est pas un propos anodin. Nous y reviendrons lors de la réflexion proposée.

Interpréter est donc prédire. Ce qui implique et engage l’interprète. Au rêveur la liberté, et néanmoins le risque supposé dirions-nous, d’agir fonction de paramètres et de facteurs à considérer[44], d’après l’interprétation.

  • La production des mythes à partir de rêves

Réalité ou son arrangement, des discours évoquent la part du rêve à de nombreuses découvertes : Léonard de Vinci, Newton, Descartes, le chimiste allemand Kékulé (ayant rêvé d’un serpent qui se mordait la queue, à son réveil, il eut l’idée de la structure moléculaire circulaire du benzène)[45].

Pour poursuivre, arrêtons-nous sur la sémantique qui définit le rêve[46].

Resver (v. 1130), (vers 1265) « aller çà et là pour son plaisir », « vagabonder ».

Rêver est associé à la méditation (le rêve de philosophe ; les rêveries auxquelles Rousseau[47] se laisse aller consciemment), au songe, a l’imagination, à la vision (Dans son traité, Artémidore de Daldis parlera de «  vision des songes  », plutôt que du songe) ; il est question d’envisager quelque chose qui n’existe pas encore, ne se trouve pas totalement dans le réel tel qu’il est supposé être.

Synonyme généralement utilisé : le songe . Il évoque le mystère, la magie, un caractère énigmatique pour les humains. Probablement du fait qu’il se rapproche du sacré, des dieux, de la « providence divine ».

Les songes que sont ces « petits génies par lesquels la divinité communique aux hommes sa pensée. Les songes étaient fils du sommeil. » (Trésor de la langue française, p. 679) Il y a une relation directe à la mythologie ; une « élection » par celui qui « envoie » le songe ! Un signal favorable ou funeste[48] !

Le songe, comme « suite d’images, de représentations qui traversent l’esprit, avec la caractéristique d’une conscience illusoire telle que l’on est conscient de son rêve sans être conscient que l’on rêve[49]. » (Trésor de la langue française, p. 1067)

Par le songe, le rêve relève de la révélation  : « Phénomène par lequel une réalité cachée ou ignorée se manifeste, s’impose soudainement à la conscience ou à la connaissance ; prise de conscience immédiate, découverte par voie d’intuition, d’inspiration, d’illumination. » (Trésor de la langue française, p. 1074)[50]

Révéler , dans le sens de découvrir en enlevant le voile qui cache. Faire connaître, faire savoir (ce qui était inconnu, secret), rendre visible, dé-voiler.

Nous y revenons : tout rêve nécessite d’être interpréter : pour donner sens à ce qu’il révèle, en découvrant le voile qui en recouvre les images.

Contrairement au dicton habituel : le songe n’est pas men(t)-songe. Pour Hérodote, les songes ne sont trompeurs que du fait de mauvaises interprétations.

Le songe fait partie de la cosmogonie. Les mythes de l’humanité reposent quasi toujours sur des songes (rêves), généralement en lien avec l’émergence d’une (grande) civilisation, et l’érection d’une cité. L’Histoire est remplie de rêves révélés par un personnage respecté, de renom, exceptionnel : de par son rang, sa place, sa fonction, son avenir, que ce soit sur le plan social, militaire, politique, religieux, culturel, scientifique. Parce que ceux qui reçoivent de tels rêves s’occupent des affaires publiques ou ont une importance sur le plan collectif. Tobie Nathan l’exprime ainsi :

« Un chef d’État rêve pour son peuple, pour son pays ; on pourrait presque dire qu’il rêve « sur ordre » - en tous cas, sa fonction n’est évidemment pas absente de son rêve. »[51]

Même à considérer que cela soit de l’ordre de la légende, il n’en demeure pas moins que ce type de rêve façonne le culturel, le symbolique et l’imaginaire social.

Pourrions-nous considérer que le rêve participe d’une propagande ? Les rêves, dits prémonitoires, ne font qu’annoncer la vision du monde de celui qui veut l’imposer, passant, pour mieux opérer, par la voie des dieux, par une « élection » divine. Rêves prémonitoires annonçant un évènement qui va advenir et, comme pour l’Oracle, de manière énigmatique ; le message porté au rêveur est sibyllin et nécessite l’interprétation du sage qui saura décrypter le message envoyé d’un au-delà.

Un exemple : la guerre de Troie s’origine dans le rêve de la reine Hécube, épouse de Priam, roi de la cité troyenne. Agamemnon poursuit son périple sur Troie, après que le mage eut décodé le songe envoyé par Zeus (Iliade, début du chant II, Homère).

Ces « grands rêves » comme patrimoine de l’humanité selon Yung, racontent des faits mêlant le réel, le fantastique (pouvant être pourtant réel), et une part totalement mystérieuse. La véracité du songe n’est donc pas du tout remise en question : la part de réel est toujours ce qui épargne l’ensemble du mythe face au doute. Douter de sa réalité serait douter de l’ensemble du mythe, et donc de cette part historique au fondement de l’humanité. Douter des fondements de notre humanité comme de ces évènements qui font l’Histoire est tout simplement impossible.

 

Au service des rois et autres figures historiques

Considérons plutôt que ces rêves portent en eux une part d’invérifiable et permettent de reconstruire des évènements, par idéalisation. Il en est ainsi des rêves associés à des empereurs, rois et autres figures historiques (des personnages civils par exemple), dont nous pouvons supposer une part d’« arrangement », les créditant d’une aura nécessaire pour asseoir leur autorité et cimenter les croyances du peuple.

Ainsi des rêves de Cyrus (Hérodote nous en parle à propos de la guerre mèdo-perse, vers 553, entre Astyage et Cyrus)[52], de Tarquin roi de Rome, de Denys l’ancien (dont Plutarque nous parle dans la vie de Dion)[53] et de Brutus (un songe lui annonça sa défaite à la bataille de Philippes), de la reine Basine, mère de Clovis, de Catherine de Médicis, qui vit la mort tragique de son époux Henri II lors d’un tournoi, ou encore, dans un autre domaine, le rêve de la riche finlandaise Mathilda Wrede, à partir duquel naquit « Toute l’œuvre internationale de secours aux femmes détenues »[54]

Des rêves qui ont annoncé la naissance des religions

Comme les mythes, les religions naissent et s’enracine d’après des rêves fondamentaux. La naissance de l’Islam se fait par les visions du Prophète Mohammad. Les rêves et songes dans les textes bibliques rappelle ce qui fait l’histoire du judaïsme et du christianisme.

-    Moïse reçoit la vision du buisson ardent, accompagnée de paroles divines.

-    Dans l’Ancien Testament, notamment la Genèse, dans les livre des Juges : le rêve de Salomon, les songes de Jacob et son combat avec l’ange (Genèse 28), de Pharaon (Génèse 41), d’Athalie, de Nabuchodonosor (Daniel pour interpréter les deux rêves du roi de Babylone), la vision de Balthazar, l’un des rois mages, etc.

-    Dans le Nouveau Testament : les rêves du cycle de Joseph (dont parle l’évangéliste Matthieu).

-    Constantin se convertit au christianisme après un rêve, ouvrant l’ère chrétienne[55] en Occident.

-    Avant saint Augustin[56], Saint Paul avait eu en rêve la vision d’un Macédonien lui disant, alors qu’il était en Asie Mineure : « Viens nous secourir. » »[57]

Quelles réflexions sur le sujet ?

Par le fait que « les rêves d’un chat sont peuplés de souris »[58], le proverbe arabe indique que les humains font des rêves d’après ce qu’ils sont et ce qu’ils souhaitent – pour faire advenir une société qu’ils veulent différente : après la chute de l’Eden, après l’acte de conscience de Prométhée, ou d’après d’autres mythes de différentes sociétés, mais toujours faisant des humains des déchus d’un âge d’or paradisiaque !

Rêver, comme étant une intention préalable à une réalisation (idéalisée). Nos rêves précèdant ainsi l’action[59].

Ne rêverions-nous pas pour (mieux) agir ? Jusqu’où est-on capable d’embarquer les autres pour réaliser ses rêves ? Et comment des rêves, à l’origine le fait d’un individu, relevant plutôt de délires fous, ont-ils pu se réaliser comme celui de régimes totalitaires récents.

Ce qui est à considérer avec beaucoup d’attention, c’est que les rêves qui semblent s’enraciner profondément dans les consciences (du fait des mythes) ne sont pas les plus favorables à l’humanité. Ne cessons donc pas de nous interroger à propos des dérives de l’histoire. Par exemple, ce qui a fait que le rêve d’un leader, sans état d’âme, a pu prendre forme collectivement, s’appuyant sur des objets « prédisposés » dans l’espace social et les esprits. Ainsi de tous les symboles du trésor du Saint Empire « spoliés »[60] par les nazis et tous les symboles convoqués en général pour élaborer un empire de mille ans : 

« Le mysticisme allait de pair avec la solennité, la grandeur et le spectacle, dans les formules « sacrées » déterminant les proportions et l’emplacement d’un bâtiment, expliqua Troche. L’Ahnenerbe était, paraît-il, arrivée aux formules exactes en étudiant les textes anciens et les chefs-d’œuvre des civilisations passées. La tribune d’où Hitler faisait ses discours lors des congrès était copiée sur le Grand hôtel de Pergame sur la côte turque, alors que le Deutsches Stadion tout proche imitait celui construit par Hérode Atticus à Athènes. Hitler était convaincu que ces constructions avaient duré pour une seule raison : leurs plans chargés de spiritualité obéissaient à des lois universelles. La position et la hauteur de la tribune avaient été déterminées par des radiesthésistes, et l’immeuble d’origine lui-même était réimplanté à plusieurs dizaines de mètres à l’ouest pour profiter de ce que les radiesthésistes prétendaient être des lignes droites souterraines et des courants magnétiques plus favorables aux activités se déroulant au-dessus. Le positionnement de la tribune n’avait pas été une mince affaire, dit Troche, puisqu’il impliquait l’assèchement d’un lac et le déplacement d’une voir de chemin de fer. Beaucoup d’autres exemples de croyances mystiques et de la « géométrie sacrée » avaient influencé la construction et les plans des monuments. Par exemple douze était le « nombre magique » puisqu’il y avait douze signes du zodiaque et douze apôtres. Des séries de douze colonnes, de douze piliers et de douze avenues devaient déboucher sur la voie principale reliant la vieille ville à la nouvelle. Tout cela n’était pas surprenant, comme le noterait Horn[61] plus tard, au vu des douze divisions ou bureaux dans la SS d’Himmler. »[62]

Le rêve a pris une tournure destructrice irrémédiable. Le passé n’est jamais très loin du présent ; cette période si funeste semble cependant bien avoir semé les critères de nos sociétés hyper-techniciennes et hyper-rationnelles actuelles.

Irions-nous jusqu’à mourir de/pour nos rêves ? A moins que ce soit le rêveur qui fasse mourir le collectif pour réaliser son rêve, ou lorsque celui-ci s’effondre[63]. Et à mourir de notre rêve, n’approchons-nous pas de la vérité, tel Icare ? Nous sommes aussi capables de tuer les rêveurs qui nous rendent humains, et de les supprimer de notre mémoire : il n’est que de penser à Toussaint Louverture, dont nous pouvons considérer qu’il a rêvé, sur le terreau de la Révolution française, l’universalité des droits humains les plus fondamentaux : la résistance à l’oppression et la liberté !

Rêver de et dans ces sociétés qui sont les nôtres, avec leurs avenirs fermés, concentrationnaires, qui s’inscrivent dans un progrès et une promotion des savoirs sans limite. Ces sociétés que nous créons et qui nourrissent nos rêves, à leur tour, de la substance mortifère qu’elles produisent.

Mythes et dieux ont changé de formes : le technocratisme met à disposition un ensemble considérable d’objets rationnels : moyens, techniques, procédures, appareillages et autres gadgets, promus par des méthodes marketing redoutablement efficaces. Pygmalion rêve à volonté de ses personnages et les anime dans la réalité de ses rêves.

Comme projet d’existence, le vivant survalorise l’idéologie en une technoscience qui se présente comme LA solution à tous les problèmes existentiels. La distinction se veut permanente entre le normal et le pathologique, même si le curseur se déplace fonction des époques et des circonstances.

Les leaders rêves de programmes électoraux, à grands renforts de campagnes : programmes mesurés, chronométrés, formatés, encadrés, médiatisés. En ce sens, briguer le pouvoir suprême nécessite de faire rêver, et peu importe la véracité du discours[64]. Les « capitaines d’industrie », pas forcément de bons marins mais davantage directement connectés sur la bourse, rêvent de profits et d’actions. Pour les aider, les onirocrites d’hier sont remplacés par les spécialistes : conseillers du Prince et chargés de communications sont experts en leur art. Sous leur coupe, à grand renfort de mise en scène, convoquant des éléments culturels, symboliques et imaginaires, les rêves deviennent plus réels que la réalité.

Mais quels reproches pourrions-nous faire ? Diriger le peuple ne consiste-t-il pas en premier lieu à le faire adhérer à des rêves. Ce qui consiste avant tout à persuader le peuple par la parole[65], ou un discours qui consiste à dire son rêve pour mieux y faire adhérer[66].

Le rêve trop plausible, trop réaliste, manquant de mystère et de panache n’est pas « accrocheur ». L’humanité semble ainsi avoir besoin de rêver, pourvu que le rêveur lui raconte une belle histoire. Pourvu qu’il y ait l’ivresse. Et tant pis si la gueule de bois fait partie des lendemains du rêve : l’essentiel est d’avoir pu rêver !

NOTES

[1] Castoriadis Cornelius, Une société à la dérive ; Entretiens et débats 1974-1997 , Paris, Seuil, Points Essais , 2005.

[2] Castoriadis Cornelius, op. cit. , Paris, Seuil, Points Essais , 2005.

[3] Castoriadis Cornelius, Le monde morcelé ; Les carrefours du labyrinthe - 3 , Paris, Seuil, Points Essais, 1990.

Castoriadis précisant que « les institutions sont en réalité faites de significations socialement sanctionnées et de procédures créatrices de sens. Ces significations sont essentiellement imaginaires – et non pas « rationnelles », fonctionnelles » ou « reflets de la réalité » -, ce sont des significations imaginaires sociales . Elles ne peuvent être effectives et effectivement vivantes qu’aussi longtemps qu’elles sont fortement investies et vécues par des êtres humains. » ([Castoriadis Cornelius, Figures du pensable ; Les carrefours du labyrinthe - 6 , Paris, Seuil, Points Essais , 1999, p. 160) Ces significations imaginaires sociales, incarnées dans les institutions, sont : « les dieux, les esprits, les mythes, les totems, les tabous, la parenté, la souveraineté, la loi, le citoyen, l’État, la justice, la marchandise, le capital, l’intérêt, la réalité, etc. La réalité est de toute évidence une signification imaginaire, et son contenu particulier pour chaque société est lourdement codéterminé par l’institution imaginaire de la société. » (Castoriadis, op. cit ., 1999, p. 226)

[4] Éribon Didier, La société comme verdict  ; Classes, identités, trajectoires , Paris, Fayard, champ essais , 2013, p. 10-11.

Alain Accardo écrit que : « c’est en adhérant à des pratiques déterminées, à des jeux sociaux particuliers avec leurs règles propres, leurs enjeux spécifiques et leur concurrence interne que l’individu donne en même temps, comme par surcroît et sans y penser expressément, son adhésion au système qui englobe tous les aspects de son existence. L’adhésion au système tire sa force irrésistible de ce qu’elle est de l’ordre du non-dit, de l’impensé, de l’implicite. Et elle peut le rester longtemps, même chez des individus instruits et diplômés qui, croyant ne faire que ce qu’ils font (de l’informatique, du commerce, de la musique, des arts martiaux, de l’action associative, etc.), font, à leur insu, sans le vouloir expressément, et selon la logique systémique du coup double, tout ce qui est en leur pouvoir pour faire fonctionner un système qui n’est jamais si bien servi que quand les gens s’occupent de leurs « petites affaires » sans s’occuper sciemment de lui. » (Accardo Alain, De notre servitude involontaire , Paris, Agone, Éléments , 2001, 2013, p. 57)

[5] Lecointe Michel, « L’évaluation : rationalités et imaginaires », In A. Jorro (dir.), Évaluation et développement professionnel , Paris, L’Harmattan, 2007, p. 223.

[6] Granger Gilles Gaston, « Épistémologie ». Encyclopedia Universalis , Vol8, 2007, p. 797-803.

[7] Solé Andreu, « L’entreprisation du monde », In J. Chaize et F. Torres (dir.), Repenser l’’entreprise , Paris, Le cherche midi, 2008, p. 25-54.

[8] Salmon Christian, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits , Paris, La Découverte, 2007.

[9] Arendt Hannah, Du mensonge à la violence ; Essais de politique contemporaine , Paris, Calmann-Lévy, Agora , traduit de l’anglais par Guy Durand, 1969, 1970, 1971, 1972.

[10] A titre de réflexion, la société orwellienne est une fiction dont la réalité a toujours été présente. Ce qui a fait dire à Alex Türk, président de la CNIL : « Si vous croyez que le monde ressemblera un jour à celui de Big Brother, détrompez-vous… Vous êtes en plein dedans ! (…) Lorsqu’on ne s’étonne plus du traçage, de la vidéosurveillance ou de la conservation des données, c’est justement le signal qu’on est entré dans un monde orwellien. » Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), in Le Figaro Magazine , 6 août 2005.

[11] L’invention de maladies, comme le Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), où, dès le plus jeune âge, les enfants sont diagnostiqués, stigmatisés hyperactifs. Une « maladie inventée de toutes pièces. Même son inventeur, le pédopsychiatre Léon Eisenberg, l’a reconnu dans le journal Der Spiegel , en 2012. » Ariane Gauvain, « Santé : gare au modèle américain », Marianne, n°917, du 14 au 20 novembre 2014, p. 58.

L’article de Jean-Luc Portet est révélateur de la situation actuelle : « Dans le monde qui nous pend au nez, plus un individu sera riche, plus il pourra rester en bonne santé. Et plus il repoussera loin l’échéance de la mort. Et plus il restera jeune longtemps, car il trafiquera son corps de manière à combattre la dégénérescence liée au vieillissement. » […] « Dans un récent rapport, « La bioéconomie à l’horizon 2030 », l’OCDE, l’organisme qui indique aux pays développés la direction de l’avenir radieux du libre-échangisme, désigne la médecine régénératrice comme un des miracles sonnants et trébuchants à venir. Fondée sur l’exploitation et la manipulation technoscientifique du vivant, la bioéconomie constitue, promis-juré, le grand gisement de la croissance de demain. Bien sûr, pour cela il faudra du matos, des gènes, des gamètes, des cellules, des ovules, des tissus, des organes, des embryons… Mais ça se trouve facilement, comme le montre la sociologue québécoise Cécile Lafontaine dans un solide et passionnant ouvrage (« Le corps-marché ; La marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconmie », Paris, Seuil, 270 pages) […] « Le corps humain vu comme un fabuleux gisement de profit. Et gratis en plus. Car, depuis 1980, la loi américaine permet de breveter le vivant sans que le patient ait son mot à dire. Ainsi, le tribunal suprême de Californie jugea, en 1990, qu’il était normal que les brevets pris sur les cellules de la rate de John Moore rapportent des profits aux cliniciens, aux chercheurs, aux universités, aux entreprises, et pas à lui. Et ce en arguant que la dignité interdit à tout un chacun de commercialiser son propre corps… » […] Mais cette promesse de santé parfaite en cache une autre, qui consiste à «  faire croire que la vie individuelle peut s’épanouir en dehors du lien social sui lie les corps les uns aux autres  ». En effet, si l’on n’y prend garde, ce sera chacun sa peau, chacun sa pomme, chacun son génome, et, forcément, à bas la Sécu ! » (Jean-Luc Portet, « À corps perdu », Le Canard enchaîné, mercredi 28 mai 2014, p. 5)

[12] Bronner Gérald ; Géhin Étienne, L’inquiétant principe de précaution , Paris, PUF, Quadrige , 2010.

[13] Méric Jérôme ; Pesqueux Yvon ; Solé Andreu, La « Société du Risque » : analyse et critique , Paris, Economica, 2009.

[14] He wishes for the Cloths of Heaven

Had I the heavens' embroidered cloths,

Enwrought with golden and silver light,

The blue and the dim and the dark cloths

Of night and light and the half-light,

I would spread the cloths under your feet:

But I, being poor, have only my dreams;

I have spread my dreams under your feet;

Tread softly because you tread upon my dreams.

[15] Jaccard Pierre, L’inconscient, les rêves, les complexes , Paris, petite bibliothèque payot, 1973, p. 85.

[16] Beradt Charlotte, Rêver sous le III e Reich , Paris, Payot et Rivages, Petite Bibliothèque Payot , traduit de l’allemand par Pierre Saint-Germain, 2004.

[17] La République des Pyrénées, 29 Novembre 2013, article de Julien Lestage et Aude Courtin, pp. 8-9.

[18] Le Journal du Dimanche, 8 décembre 2013.

[19] « Combien ça vaut un rêve ? Combien de protocoles standardisées, combien de cohortes épidémiologiques faudrait-il pour prouver que le rêve sert à quelque chose et à quelqu’un ? » (Gori Roland, La fabrique des imposteurs , Paris, Les Liens qui Libèrent, 2013, p. 170-171)

[20] Slogan utilisé par certaines enseignes culturelles…

[21] Discours du pasteur Martin Luther King, Washington D.C., 28 août 1963.

[22] Slogan de campagne du futur 44 ième président des États-Unis d’Amérique, Barack Obama, en 2008. 

[23] Slogan de campagne du futur président PS, François Hollande, en 2011-2012.

[24] Freud Sigmund, Sur le rêve , Paris, Actes Sud, J’ai lu, 1990.

[25] Nathan Tobie, La nouvelle interprétation des rêves , Paris, Odile Jacob, 2011, 2013.

[26] Pierre Jaccard parle de trois fonctions du rêve : 1) « La fonction réductrice a pour tâche de liquider les regrets et les conflits du passé. (…) ; 2) La fonction compensatrice du rêve agit dans le présent pour conjurer des afflictions réelles ou simplement combler un vide ou apaiser une insatisfaction générale dans une vie monotone. (…) Bref, C.-G. Jung a eu raison de dire : la plupart des rêves, presque tous, sont de nature compensatrice ; ils accentuent le côté opposé pour maintenir l’équilibre psychique » ; 3) La fonction prospective du rêve est une préparation de l’avenir. Prospectif veut dire littéralement « qui regarde en avant » (…) Dans son ouvrage Théorie biologique du sommeil , le Dr Claparède insistait avec raison sur le caractère actif du sommeil, son dynamisme créateur ; les mêmes qualificatifs s’appliqueraient au rêve qui est action et création. » (Jaccard Pierre, L’inconscient, les rêves, les complexes , Paris, petite bibliothèque payot, 1973, p. 111-112)

[27] Homeric, Le Loup mongol , Paris, Grasset & Fasquelle, 1998, p. 177.

[28] « Nôtre est l’étoffe dont les rêves sont faits, et notre petite vie est cernée de sommeil » exprime Prospero dans La Tempête . (Shakespeare William, La Tempête , Paris, Robert Laffont, œuvres complètes, édition bilingue, présentée et traduite par Victor Bourgy, 2002, p. 493). Le traducteur d’indiquer, concernant le terme « cernée » : soit « entourée », soit « complétée ».

[29] Frantz Fanon, Les damnés de la Terre , Paris, Maspero, préface de J.-P. Sartre, 1968, p. 19.

[30] Arendt Hannah, Du mensonge à la violence ; Essais de politique contemporaine , Paris, Calmann-Lévy, Agora , traduit de l’anglais par Guy Durand, 1969, 1970, 1971, 1972, p. 124.

[31] Barjavel René, Ravage , Paris, Denoël, Folio , 1943.

[32] Orwell George, 1984 , Gallimard, Folio, Paris, 1950.

[33] Jacques de Voragine (1228 ?-1298), La légende dorée , Paris, Seuil, Sagesses , traduit du latin par Téodor de Wyzewa, 1998. La lecture de l’ouvrage de cet archevêque dominicain du moyen-âge (1230-1298), qui raconte l’implantation de la chrétienté en occident, à partir des martyrs, saints et croyants, est instructive à ce sujet.

[34] Jaccard Pierre, L’inconscient, les rêves, les complexes , Paris, petite bibliothèque payot, 1973.

[35] Nathan Tobie, La nouvelle interprétation des rêves , Paris, Odile Jacob, 2011, 2013.

[36] Foucault Michel, Le Souci de soi , Paris, Gallimard, 1984.

[37] « … car le rêveur ne parviendra à métaboliser son rêve qu’en passant par un tiers. » (Nathan, op. cit., 2001, 2013,p. 28)

[38] D’autant que, comme le rappelle Pierre Jaccard : « Cinq siècles avant Jésus-Christ, Héraclite l’avait dit : « Chaque homme possède en rêve son monde à lui, mais à l’état de veille, tous on un monde commun. » (Jaccard, op. cit ., 1973, p. 102)

[39] Dit aussi Artmédore d’Éphèse (situé en Turquie), est un auteur Grec qui a écrit sur l’oniromancie au IIe siècle.

Artémidore de Daldis, La clé des songes  ; Onirocriton , Paris, La Librairie philosophique, VRIN, traduit et annoté par A. J. Festugière, Membre de l’Institut, publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique, 1975.

[40] Publius Aelius Aristides Theodorus, rhéteur et sophiste latin (117 ?-185 ?), à la même époque, décrira également une collection de rêves, dans le premier de ses Discours Sacrés.

[41] A noter que « Les interprètes de rêves, les onirocrites et les oniromanciens, considérés comme des hérétiques, étaient poursuivis par l’Inquisition. » (Nathan, op. cit ., 2011, 2013, p. 50)

[42] Nathan, op. cit ., 2011, 2013, p. 93.

[43] Nathan, op. cit ., 2011, 2013, p. 170.

[44] En ce sens : « L’interprétation des rêves construit ce qu’elle décrit et participe à ce qu’elle observe. L’interprétation des rêves est un modèle de relation sociale responsable. » (Nathan, op. cit . 2013, p. 221)

[45] À ce sujet : « Les conséquences du rêve sont observables dans la vie éveillée ; elles sont même mesurables et ont donné lieu à des investigations spécifiques et à des expérimentations. » (Nathan, op. cit ., 2011, 2013, p. 87-88)

[46] Trésor de la langue française, dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789-1960), Tome 14 e , Paris, Gallimard, 1990, Centre National de la Recherche Scientifique.

[47] Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, ouvrage écrit de 1776 à 1778.

[48] A propos des songes, Artémidore toujours, tente d’opérer dans son traité des distinctions, ce qui signifie combien il analyse des particularités : les Songes théorématiques et songes allégoriques, avec des divisions à l’intérieur de chaque « catégorie » ; les songes politiques et les songes cosmiques ; les songes « demandés aux dieux et les songes envoyés sans demande » ; les songes prophétiques.

Certains considèrent que dans les textes bibliques, les visions sont réservées aux prophètes et les rêves aux profanes.

[49] Dans le livre I de son traité (La clé des songes), Artémidore de Daldis a voulu distinguer le rêve (enuption) de la vision du songe (oneiros). Considérant que la vision envisage l’avenir alors que le rêve signifie la réalité présente (bien que réel, le rêve est quelque chose qui n’est pas (encore)). Il précise que le rêve qui se passe durant le sommeil (en-hupnion), (même si la vision de songe est aussi durant le sommeil), disparait le sommeil terminé.

[50] Les trois révélations : les religions juive, chrétienne et musulmane. La révélation de Saint Jean : L’Apocalypse, etc.

[51] Nathan, op. cit ., 2011, 2013, p. 151.

[52] « Le monde antique a toujours été anxieux des rêves. Astyage, dernier roi des Mèdes, mort en 549 avant Jésus-Christ, avait vu en rêve une source vive sortir du sein de sa fille Mandane et inonder l’Asie. On conseille à celle-ci d’épouser un étranger et elle devient la femme de Cambyse, roi des Perses. Plus tard, Astyage voit un cep s’élever du sein de sa fille et couvrir de son feuillage le royaume de Médie. Il craint alors que sa fille ait un fils qui lui ravît sa couronne et ordonne de tuer l’enfant. Mais celui-ci échappera et devint Cyrus, roi des Perses, lequel s’empara de l’ancien royaume de Médie. (…) La sagesse des nations l’a toujours dit : on rêve de ce que l’on désire ou de ce que l’on craint. Freud n’a jamais dit autre chose, mais il a tiré parti de cette observation banale en mettant au point une technique d’analyse de l’inconscient. » (Jaccard, op. cit ., 1973, p. 87)

[53] « (…) Il suspectait jusqu’à ses amis, parce que, disait-il, les connaissant hommes de sens, il savait bien qu’ils aimeraient mieux être tyrans eux-mêmes que d’obéir à un tyran. Il tua Marsyas, un de ses officiers, à qui il avait donné un commandement dans ses armées, uniquement à cause qu’il avait rêvé que cet officier regorgeait ; prétendant qu’il n’avait en ce songe pendant la nuit, que parce que Marsyas avait formé le complot dans la journée, et l’avait communiqué à d’autres. » (Plutarque, Vies XIV, Dion, Brutus , Paris, Société d’édition « Les belles lettres », collection des universités de France, texte établi et traduit par Robert Flacelière et Émile Chambry, 1978, p. 25-26)

[54] Elle fit un rêve « la nuit qui suivit la visite que lui avait faite une détenue libérée. Elle rêva qu’une femme l’appelait à aider les malheureuses dans les prisons. Ouvrant la Bible, elle lut ce verset : « Je serai avec toi, là où tu iras… » Toute l’œuvre internationale de secours aux femmes détenues est sortie dans ces circonstances. » (Jaccard, op. cit ., 1973, p. 115)

[55] Cf la note 31, à propos de Jacques de Voragine.

[53] Pierre Jaccard rappelle que la conversion de saint Augustin « a été déterminée par un songe bien connu : assis dans un bosquet, il entendit un jeune homme qui lui dit en passant : Tolle, lege  ! Prends et lis ! Il trouva chez un ami les Épitres de Paul et les ayant ouvertes au hasard, il tomba sur le passage : « Ne passez pas votre vie dans les plaisirs. » Si Dieu peut parler dans les rêves, remarqua Augustin, la concupiscence s’y exprime aussi. » (Jaccard, op. cit ., 1973, p. 91)

[57] Jaccard, op. cit ., 1973, p. 115.

[58] Pierre Jaccard rappelle que Jung cite l’adage latin : Canis panem somniat, piscator pisces , le chien rêve de pain, le pêcheur de poisson. » (Jaccard, op. cit ., 1973, p. 106)

[59] La réalité du rêve induit la réalité qui suit le rêve : celle du/des lendemains qui se présent(ent). En ce sens : « le rêve prépare la personne à la saisie inventive du monde ». (Nathan, op. cit ., 2011, 2013, p. 156)

[60] Ce trésor comporte : « Les vêtements royaux ou impériaux, brodés de chameaux et de lions, avaient été confectionnés au début du XII e siècle à Palerme, en Italie, et portés par les grands rois-soldats de l’Europe médiévale. Le glaive impérial – parfois appelé « glaive de saint Maurice » - était ainsi nommé en l’honneur d’un centurion romain martyr, commandant légendaire de la légion de Thèbes. La couronne, le sceptre et l’orbe en forme de pomme avaient appartenu, entre autres, au roi Frédéric Barberousse, le redoutable monarque à barbe rouge qui avait jadis installé sa cour dans le château de Nuremberg et qui avait perdu la vie au cours de la troisième croisade en Terre sainte. […] la Sainte lance, connue aussi sous le nom de lance de Longin ou lance du Destin, aurait été l’arme qui avait transpercé le flanc du Christ lors de la crucifixion, et avait été ensuite portée lors de bataille par les empereurs Constantin et Charlemagne. Les objets de la chambre forte étaient les joyaux de la Couronne, du Saint Empire germanique, la collection d’œuvres d’art la plus précieuse de toute l’Europe. Hitler, dans sa quête pour dominer le monde, les avait confisqués dans la trésorerie royale à Vienne, en Autriche, avant de les exposer brièvement à Nuremberg où il les avait cachés après que le bombardement de l’Allemagne eut commencé. Et si la collection était encore intacte, elle faisait l’objet d’intenses spéculations chez les historiens d’art et les conservateurs de musée du monde entier. » (Kirkpatrick Sidney, Les reliques sacrées d’Hitler ; Sur la piste des secrets ésotériques du Reich , Paris, Cherche Midi, Pocket , traduit de l’anglais (États-Unis) par Danièle Mazingarbe, 2012, p. 23-24)

[61] Walter Horn a été professeur d’histoire de l’art de l’université de Californie, à Berkeley. « Avant de fuir l’Allemagne nazie, il avait étudié l’histoire de l’art à Hambourg, Munich et Berlin et avait obtenu un doctorat sous la direction d’Erwin Panofsky, spécialiste en art médiéval mondialement connu, et qu’il avait ensuite poursuivi ses études supérieures avec Bernard Berenson à Florence. » (p. 20). Lors de la Libération, en tant que lieutenant de l’armée américaine, il a été « un des dix enquêteurs parlant allemand de la 3ieme armée américaine basés à Camp Namur (…) âgé de trente six ans » (p. 16) […] En ce hiver (du 23 février 1945), le lieutenant Horn avait reçu l’ordre de chercher à savoir si Hitler allait utiliser des armes chimiques ou biologiques au moment où les armées alliées franchiraient le Rhin pour entrer en territoire allemand (p. 17 […] ». Lors de son enquête, le prisonnier Hüber lui parla « d’un trésor caché dans un bunker sous le château de Nuremberg. La cachette est creusée dans la roche sous la falaise de grès. Elle a été tenue très secrète. Personne n’est au courant, sauf le Reichsfürer-SS Himmler, son état-major, quelques fonctionnaires haut placés de la ville et ceux qui travaillaient dans le bunker. » (20). Ce fut le début d’une enquête pour retrouver ce trésor du Saint Empire germanique, « collection légendaire qui avait figuré dans d’innombrables tableaux médiévaux et manuscrits monastiques. » (Kirkpatrick, op. cit ., 212, p. 23)

[62] Kirkpatrick Sidney, Les reliques sacrées d’Hitler ; Sur la piste des secrets ésotériques du Reich , Paris, Cherche Midi, Pocket , traduit de l’anglais (États-Unis) par Danièle Mazingarbe, 2012, p. 189-190

[63] « La collection d’œuvres d’art qu’Hitler avait l’intention de constituer à mesure que le Reich s’étendait dans le monde devait être abritée dans le bâtiment le plus vaste, le plus luxueux du monde en son genre. Jusqu’à ses dernières heures, le Führer était à tel point obsédé par son rêve que, pendant que le Reich brûlait, il se penchait dans son bunker sur les plans de la maquette en trois dimensions de son musée et du futur Linz agrandi. » (Kirkpatrick, op. cit ., 2012, p. 384)

[64] Alors qu’un maire, plus proche des administrés, sera peut-être plutôt attendu sur du concret, moins dans l’obligation de faire rêver à une « grande Nation ».

[65] Plutarque, Conseils aux politiques pour bien gouverner , Paris, Payot & Rivages, Rivage Poche Petite Bibliothèque , traduit du grec et présenté par Franck Lemonde, 2007.

[66] « Après tout, la politique est l’art de la persuasion ; la politique est la dimension de la vie sociale où les choses demeurent vraies quand ceux qui y croient sont assez nombreux. » (Graeber David, Dette ; 5000 ans d’histoire , Paris, Les Liens qui Libèrent, traduit de l’anglais par Françoise et Paul Chemla, 2013, p. 417)

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