« Petit frère » de Maurice MONTACLAIR , je ne suis peut-être pas le mieux placé pour rendre compte du livre que Michel FIEVET a consacré à mon aîné.
Maurice MONTACLAIR (1918-2006) était un militant de la première heure de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) et de l’Action Catholique Ouvrière.
Il avait des croyances religieuses que je n’ai jamais partagées. De plus, Maurice a quitté la maison pour le service militaire alors que j’avais huit ans et quand il est revenu de l’enfer nazi, j’en avais quatorze. Je l’ai donc peu fréquenté.
Il a aussitôt repris et développé ses activités de militant. Il s’est marié avec Raymonde GAMBLIN, une responsable Jociste qui l’avait attendu, comme Pénélope attendait Ulysse, en tissant inlassablement. des liens sociaux entre les jeunes filles et jeunes femmes du monde ouvrier.
Michel FIEVET, à partir de témoignages de la famille, des écrits de Maurice qu’il a collectés, a reconstruit cet « Itinéraire militant » (tel est le titre de la collection des Editions « La toison d’or »)
Dans les petits boulots assurés dès l’âge de treize ans comme dans les camps disciplinaires, Maurice s’est acharné à tisser des liens sociaux là où il n’y avait que déshumanisation, souffrance, désespoir. Cette vocation, soutenue par sa foi chrétienne, à bâtir des réseaux de solidarité au sein de groupes humains en déshérence, s’est poursuivie à la libération. Militant syndical, dirigeant Assedic, premier adjoint d’une municipalité d’union de la gauche, on comprend que ce livre soit préfacé par François Asensi, député maire communiste de Tremblaye en France (93) et post-facè par Mgr de Béranger, évêque de Saint-Denis…
Une dimension de ce livre me semble particulièrement à retenir. Maurice a livré, dans une plaquette qui a été déposée au Mémorial de Caen, des propos que Michel FIEVET cite intégralement. C’est le concept de
« Résistance sans armes ».
La pensée, pourvu qu’elle soit entretenue dans une solidarité collective, reste l’arme inattaquable que les hommes peuvent opposer efficacement à la barbarie. Ce qui n’annule pas l’héroïsme des combattants armés.
Geneviève Antonioz De Gaulle , Marie-Claude Vaillant-Couturier ne disaient pas autre chose lorsqu’elles rapportaient qu’elles arrivaient à échanger un quignon de pain contre un livre. Les écrits de Primo Levi et de beaucoup d’autres attestent de cette résistance à la déshumanisation qui passait par la culture, la lecture, la musique. Toutes initiatives qui mettaient en rage les bourreaux nazis, impuissants devant la force de la pensée humaine.
A l’heure où un individualisme exacerbé est masqué par le libéralisme, fallacieuse liberté de consommer la même chose, il est important de rappeler que des hommes, et Maurice Montaclair était de ceux-là, ont lutté avec ténacité, luttent encore contre l’asservissement.
Doyen président le nouveau conseil municipal de Tremblay, il avait fait cette déclaration en 1977 à propos du pluralisme :
« Nous devons nous habituer à nous écouter et pas seulement à nous supporter
Nous ne serons capables de nous écouter et de réfléchir ensemble qu’à condition d’accepter l’idée que la compétence, la lucidité, la générosité ne sont l’apanage d’aucune personne et d’aucun parti. Nous avons tous notre part de vérité et notre part d’erreur. Nous ne travaillerons efficacement qu’à condition de rechercher ce qu’il y a de vrai dans l’autre. Le résultat du scrutin n’est pas de faciliter les règlements de compte ou d’empêcher l’autre d’agir, mais de permettre à des courants divers de participer chacun avec son originalité à l’avenir de Tremblay. Cela suppose des efforts, des habitudes à prendre ou à perdre, de l’imagination, une grande capacité à s’écouter les uns les autres. »
Ecoute, et pas seulement tolérance, de l’Autre, résistance à l’appauvrissement de la pensée, cette lutte est toujours d’actualité. La pensée humaniste a besoin d’être soutenue, fortifiée. Ce choix qu’on appelle éthique aujourd’hui s’oppose à un management matérialiste sectaire et déshumanisant.
Les travailleurs sociaux liront ces pages avec intérêt. Ils y puiseront l‘énergie de résister et l’espérance indispensable pour faire progresser les femmes, hommes et enfants qu’ils accompagnent. La Foi alors, en quelque sorte. Mais les religions n’en ont pas le monopole.
Ed. La toison d’or 2008. Fiche de lecture.