Qui t’es toi ! T’es qui toi !
1 / De quelle place je parle ?
Le titre de cette journée, « Les enfants terribles- Mi/ni anges, Mi/ni démons » m’amène à dire maxi problème à voir la prolifération des discours sur la bonne éducation (supposée) pour les enfants.
Discours :
- De l’enfant roi où les enfants seraient presque tous devenus des petits tyrans domestiques……
- Moralisateur où les parents n’ont plus d’autorité
- Médical qui aurait tendance à pathologiser tout comportement « déviant » chez le jeune enfant.
Et on pourrait continuer à énumérer des discours différents toujours pleins de bonnes intentions….
Mais même s’il existe une évolution sur le plan de l’éducation avec des problématiques comment éviter un discours « prêt à porter » et de s’inscrire dans des conseils d’usage et de bon sens ?
A une mère de famille qui lui demande que faire pour bien élever ses enfants, Freud répond : faites ce que vous voulez, ça sera toujours insuffisant.
Le fait d’éduquer est impossible parce que quoi qu’on fasse on peut être sûr d’obtenir un succès insuffisant. Autrement dit éduquer est source d’insatisfaction : ça ne marche jamais comme on le voudrait. Parce qu’il s’agit d’une action où la question de la relation est centrale et chez l’être humain il y a quelque chose qui n’est pas conforme, qui ne marche pas au pas, qui résiste à l’emprise, et ce dès le plus jeune âge. Ce quelque chose appelons le : le sujet .
Etre de parole, l’enfant, le sujet est et demeure une énigme vivante.
Le monde des enfants n’a jamais été un monde de douceur et de sérénitude, les enfants ne sont pas des anges, pas plus que des démons et la question à poser est plutôt qu’en est-il de leur agressivité, de cette agressivité co-substentielle de la condition humaine.
La pulsion agressive fait partie de la nature humaine et
c’est une force qui meut les individus selon des modalités sur lesquels ils ont un certain pouvoir, au fondement du lien social.
Mais la limitation, la transformation de cette agressivité ne l’éradique pas et des décharges pulsionnelles de destruction font jour d’autant plus quand les exigences de la vie sociale ont du mal pour certains à correspondre à un intérêt rationnel qui leur permet de trouver leurs places dans cette société.
Ce que nous disent ces enfants terribles, c’est que ce qui est mis en place ça ne leur correspond pas, ils ne s’y retrouvent pas voir ils ne comprennent pas et personne n’est là pour leur dire, leur transmettre avoir un rôle de passeur qui permette de tisser des liens dans cette société.
On voit alors des conduites , des comportements d’agressivités, de violences qui nous dépassent, qui nous dérangent et parfois nous étonnent, face auxquels nous semblons démunis et qui nécessitent que différents regards se croisent pour comprendre ce qui se joue, quels sont les enjeux et éviter des réponses en miroir…...
Le titre de cette journée dans sa dualité intrinsèque et la complexité qu’elle pose doit nous interpeller justement sur la complexité sociale et idéologique du temps présent et sur ce quelle implique dans l’exercice des fonctions humanisantes et socialisantes de la famille.
Dualité comme la coexistence de deux choses de différente nature mais impossible à séparer du fait de leur relation étroite.
Complexité qui demande que l’on essaie de comprendre les relations entre le tout et les parties. Sachant que la connaissance des parties ne suffit pas et la connaissance du tout en tant que tout ne suffit pas non plus.
Ainsi, l’abord attentif à la subjectivité et à la singularité du sujet, doit être abordé pour prendre en compte cette dualité et complexité dans le champ du soin et éviter le risque d’une réduction à une approche seulement codifié par les troubles et une normalité sociale.
Pour essayer d’aborder ce thème j’ai proposé ce titre: qui t’es toi ! Où t’es qui toi ? , question, injonction qui semble résumer en peu de mots et avec une certaine intensité une demande fondamentale.
Plus qu’une interrogation c’est une exclamation qui surgit dans la bouche de jeunes adolescents voir pré-adolescents face à des personnes qui les interpellent sur différents champs de la commande sociale.
Expression généralisée qui sous un mode raccourci et avec une tonalité d’injonction pointe une différence, une incompréhension et une inquiétude.
Agressivité dans le ton, qui à travers cette injonction exprime une perte voir une absence de repères dérangeant et insécurisant.
Jeunes qui interrogent, à travers cette interpellation de l’autre, sur leur propre place et on pourrait entendre en fait : qui je suis moi et à quelle place je suis ?
Problématique de la place, de l’identité pour des adolescents à une période où le paradigme de la transformation trouve une illustration et posent à chacun la question lancinante de son identité.
Ce qui t’es toi intervient donc dans ce temps, cette période de transformation dont la complexité qui se déploie essaie de s’articuler avec les changements du monde contemporain et les mutations dans le lien social.
Lien social qui s’est développé sur le fait que les hommes ne vivent pas isolés, ils sont dans le rapport et l’échange, ils sont associés dans un travail solidaire pour pourvoir aux nécessités de la vie avec une prédominance du collectif et la reconnaissance comme allant de soi d’une place d’exception, la reconnaissance d’un lieu où il est légitime d’intervenir auprès des autres.
Place prévalente avec une autorité reconnu qui autorise et contribue à organiser la différence des places et une légitimité.
Place tierce qui permet que dans la conflictualité de tout rapport humain, la reconnaissance de cette place différente légitime que soit poser une contrainte symbolique pour régler le conflit.
Les différentes approches des sciences humaines montrent que le curseur avec le temps s’est déplacé progressivement du fonctionnement collectif vers une logique du contractualisme et d’une société des réseaux.
Evolution qui s’inscrit dans une vague d’individualisme sans précédent et qui implique un changement de l’ensemble des rapports sociaux.
Nouvelle approche du lien social qui pose que non seulement cette place n’est plus ni reconnue ni authentifiée comme telle mais qu’elle a perdu sa visibilité qui la désignait en tant que place d’exception aux générations précédentes.
Nouveau modèle où chacun à droit à la parole, à son trajet singulier et de cela nous pouvons nous réjouir mais chacun se pense libéré de la dépendance à l’égard de l’autorité qu’impliquait la reconnaissance comme allant de soi d’une certaine place.
Chacun se trouve alors dans une place identique en valeur et occuper une place différente des autres n’est plus reconnu.
Tous ceux qui ont la tâche d’occuper une telle place se trouvent alors mis à mal et forcés de chercher voir de défendre une légitimité.
Cette crise de légitimité atteint tous le monde et on peut comprendre pourquoi les parents dans ce contexte, se demandent souvent d’où tirer la légitimité pour dire non.
Dans les différentes sociétés, ce qui est universel, sous différentes modalités c’est qu’un enfant doit sortir de la relation duelle à sa mère où pourrait se satisfaire en circuit fermé une jouissance infinie.
Jouissance qu’il devra admettre comme impossible pour se voir ouvrir le champ borné du possible : celui du plaisir limité et codifié.
Dans notre culture c’est le père où quelqu’un qui en tient lieu qui va permettre l’introduction de cette fonction tierce dans la relation duelle, autre au-dessus qui vient signifier et transmettre la nécessité de la limite.
Or le Père ne va pas très bien, sa puissance s’effrite et sa place n’est plus très assurée. Les pères traversent un moment difficile mais au-delà de leurs personnes c’est la fonction qui est atteinte.
En disant non, et sans pour autant cesser de le dire, il disait oui aussi. Oui à autre chose, autrement, ailleurs, plus tard.
Ce père comme représentant du principe de la nécessaire séparation, garantissait via l’interdit qu’il transmettait, la place différente occupée par chacun.
L’évolution sociétale met à mal cette fonction en voulant faire croire que nous sommes affranchi de toute limite à la jouissance et que nous serions en droit de prétendre à tout……..
Les conséquences de ce phénomène est que la frustration a perdu sa qualité d’épreuve structurante pour beaucoup de nos contemporains, avec un brouillage des repères éducatifs et aussi une confusion voir une indifférenciation des places de chacun.
Ces jeunes en difficultés sont perdus puisqu’ils expérimentent une nouvelle condition subjective dont personne pour eux et encore moins les responsables de leur éducation ne posséde les clés.
Ce n’est pas de bon sens où de quelques leçons de morale à l’ancienne qui pourraient suffire à enrayer les effets. En effet, la morale ne peut se faire « qu’au nom de….. », alors que, dans le contexte d’autonomisation continue de l’individu, on ne sait plus au nom de qui où de quoi la faire.
Problématique pour ceux qui doivent leur parler tous les jours autant que pour ceux à qui on parle.
Tout cela accentue la difficulté des parents, des familles mais aussi de tous les professionnels concernés, qui se retrouvent souvent en demeure de se légitimer pour essayer d’arrimer un non dans le social, dans l’autre du corps social.
C’est précisément, à cette absence d’énonciateur collectif crédible que nous sommes confrontés et que viennent nous rappeler ces jeunes avec le : qui t’es toi.
Changement de paradigme, on n’est plus dans la question du pourquoi il m’est permis de faire interrogeant la culpabilité mais dans le comment faire qui interpelle les moyens à mettre en place, la capacité.
Le binôme permis/interdit est remplacé par possible/impossible et oblige le sujet, l’adolescent à aller chercher dans ces propres ressources ce qui peut faire limite dans son rapport à la jouissance quand il sera confronté à quelque chose qui lui échappe.
On pourra être alors face à une détresse ravageante, du fait de cette confrontation tardive au réel, qui pourra se manifester par des comportements disproportionnés et d’une violence extrême.
Notons d’ailleurs qu’on constate lors de ces manifestations une escalade qui souvent semble sans limite apparente….. car qui seront les proches qui pourront épauler et soutenir ce jeune qui présente des réactions discordantes ?
En effet ce n’est plus les proches, qui souvent se sentent démunis parce qu’ils sont eux aussi perdus et surtout ils pensent dans ce brouillage de repères que le savoir est ailleurs, qu’il existe des personnes compétentes pour cela. L’expert……
Gourous des temps modernes, on fait alors appel à un professionnel qui viendra comme tiers et dont la présence sera entendue souvent par le jeune comme signifiant et renforçant un « sans issue », c’est à dire la nécessité d’interpeller un autre, un expert qui n’est pas dans son entourage et viendra confirmer qu’il est livré à lui même, sans proches où repères quotidiens dans un éminemment précaire.
On perçoit les risques d’une déligitimation encore plus grande si on pose que le savoir, le faire, passe de façon de plus en plus fréquente par le carcan expertal de professionnels sollicités pour donner la bonne parole.
Risque de déresponsabilisation car à quoi bon pour eux essayer de signifier des avis, des contraintes, dire les choses si l’instance qui dit la vérité, la seule qui compte est la voix des experts.
Ce changement affecte le monde contemporain, modifie la prise de l’humain dans le symbolique et l’adolescent aujourd’hui se trouve souvent confronté dans ce contexte à trouver et produire ce qui pour lui peut faire limite dans son rapport à la jouissance.
Cela requiert pour lui le bricolage des moyens symboliques à sa disposition et d’aller chercher des ressources de créativité et de limites pour faire face aux exigences de son humanisation.
Rappelons que l’adolescent face aux modifications qui l’affectent, qu’il vit comme une effraction qui le dépasse voire qui l’envahit peut éprouver la nécessité d’une quête d’expériences, de vécu corporel pour se sentir exister et avoir une impression de maîtrise et d’excitation.
Il vit des changements, des transformations qui lui font violence et il a un besoin impérieux, une nécessité d’évacuer ce malaise, de le projeter sur l’extérieur.
Lorsque il se retrouve démuni sur le plan narcissique et objectal Il peut alors aller chercher dans le réel les limites qu’il ne trouve pas dans la parole.
Cet adolescent risque alors d’être emporté par la violence du mouvement devant le combat que représente pour lui sa quête d’identité.
Face à la tension, à l’excitation, la violence peut devenir le seul moyen d’évacuer, le seul moyen d’approche……dans un monde qu’il vit sans issue.
L’autre peut devenir alors un objet déshumanisé qu’on consomme et qu’on jette.
Souvent ces jeunes avant d’arriver à cette escalade de violence, on interpellé l’autre, on fait des demandes mais l’absence de réponses où le trop plein de réponses contractualiser ne leur ont pas permis d’aborder une autre voie, de s’étayer et ils se trouvent encore plus démunis.
2 / Hypothèses cliniques
Dans le cadre d’un CMPP, avec une éducatrice spécialisée nous avons travaillés avec des jeunes filles de 12 à 15 ans qui avaient comme critères d’adresse l’opposition, l’agressivité avec une violence qui a entrainé pour certaines l’exclusion tant sur le plan scolaire que familial.
Après tout un parcours protocolarisé de soutien, en attente d’accord de prises en charges….., de demandes de RDV et de bilans étalés dans le temps et de consultations diverses signifiants qu’elles ne relevaient pas de ces lieux, elles ont étés reçu au CMPP.
Ce travail au CMPP se situe dans le cadre d’un accueil soin qui essaie de répondre rapidement (mais pas de satisfaire où être dans l’urgence) et surtout de prendre en compte la complexité de la demande en évitant le piége des représentations où des causalités linéaires réductrices.
Nous avons donc reçu ces jeunes filles en binôme avec l’éducatrice et dés les premières rencontres nous avons signifié qu’elles avaient leurs places ici et qu’ont allé prendre le temps pour les rencontrer et que pour l’instant on ne voulait pas savoir mais plutôt se connaître….
On leur a demandé de revenir au moins une fois, pour qu’on voit ensemble si on continue de cheminer, sans objectif apparent dans un premier temps ……
Premier entretien plus dans la rencontre, l’interactivité et un minimum d’échanges que dans le savoir, le diagnostic où le bilan d’orientation…..
L’éducatrice les a revu individuellement et elle leur a parlé d’une hypothèse de travail avec elles. Elle a proposé un groupe de 4 adolescentes qui à partir d’une médiation créative et d’un partenaire professionnel travaillerai dans le champ de la photo.
Après un premier temps d’incertitude, de doute des fois de refus et d’opposition l’éducatrice par un patient travail de lien, d’étayage et de respect des places leur a permis de s’investir dans cette dynamique.
Ces jeunes se sont inscrit totalement dans ce projet qui a duré 1 ans et demi et leur a permis à partir de la photo de se réapproprié leurs lieux de vie.
Le résultat de la médiation a été une expo photo dans les différents CMPP et aussi en Arles mais surtout des jeunes filles à une autre place tant pour elles que dans le lien social.
Subjectivation sous forme de créativité dans cet accompagnement, ce prendre soin d’une autre façon d’être et de situer dans le monde.
Les parents ont partagés cet activité de différentes manières et pour reprendre les propos d’une mère qui avait toujours été en conflit avec sa fille avec des propos souvent dévalorisants: « je n’aurais jamais cru qu’elle puisse faire ça, je suis fier de ma fille….. »
Alors comment rencontrer un jeune qui semble ne pas vouloir parler et échanger avec des adultes qu’il ne connaît pas et à qui il n’a rien demandé.. ?
Comment faire avec« la non demande » manifeste lors d’une rencontre avec un adolescent qui se mure dans le silence où qui s’exprime sous diverses formes, opposition, agressivité et passage à l’acte.
Rencontre qui malgré toutes les théories et élaborations existantes s’avére très difficile et où la moindre proposition où le vouloir dire est souvent mis en échec.
Souvent pour ces jeunes parler est la pire des solutions, une solution qui viendrait menacer son intégrité.
D’ailleurs comment ne pas avoir une défiance de la parole quant il n’y a pas de dit et d’inter-dit et que cette récusation du symbolique peut entrainer une recherche de l’acte qui soit une marque, une trace!
Dans le symptôme, véritable signature d’un sujet, l’éducateur peut être introduit comme partenaire, il peut s’en faire momentanément l’adresse, même s’il n’en est pas en fin de compte, le destinataire. Cela se produit dans une rencontre singulière.
La rencontre entre un sujet dont on lui confie « la charge » et un éducateur peut démarrer par une histoire de transfert, c’est-à-dire une histoire d’amour, voire de haine parfois, où l’éducateur se fait en creux le réceptacle de ce mouvement.
Il s’agit d’accompagner l’adolescent et de le soutenir dans ses tentatives d’arrimer sa création subjective à des manières de faire et de vivre socialement acceptables.
Une place où il puisse se vivre comme un parmi d’autres et qu’à partir de médiations, chaque sujet puisse explorer ses potentialités et se faire reconnaître à travers elles.
Si l’on postule que la mise en place d’un cadre, de règles suffit à solutionner la problématique de la rencontre, on risque de se retrouver confronté à une exaspération des troubles, voire à des passages à l’acte violents.
Alors comment penser cette difficulté mais surtout comment pouvoir l’aborder sans être dans un relationnel paternaliste, compassionnel ou de bon aloi, ni seulement à travers la mise en place d’un cadre trop prégnant.
De nombreuses pratiques éducatives sont fécondes, avec des dispositifs inventifs qui se dotent d’espaces de pensées, de temps, pour donner du sens et permettre un tissage patient de liens.
Elles permettent que du tiers se pose, dimension soignante qui permet qu’une pratique éducative existe et soit contenante et structurante.
Pour que cela existe, il faut que l’acte de l’éducateur soit singulier, il n’advient pas contre le savoir ou la loi mais malgré la loi et en dépit du savoir.
Sinon cette possible création que représente cet acte, sera gommée aux dépends d’un discours centré sur le savoir et la maîtrise qui ne peut amener que de la norme, une escalade voire de l’exclusion.
Gilbert REJES, dans son article « chemins de traverse », montre, comment un travail sur l’incertitude et la surprise, entre autre, permet aux éducateurs de se faire passeurs.
Travail à partir aussi de médiations qui réinstaurent un espace de symbolisation, de la conflictualité, comme possibilité d’élaborer, de penser, essayant d’éviter des comportements compulsifs, qui sont autant de moyens de faire, pour les adolescents, avec les conflits.
La surprise est certainement l’outil essentiel à l’établissement d’une relation, fut-elle obligée par un cadre légal, entre un jeune et un adulte. Par surprise, il faut entendre cette capacité de l’éducateur à s’adresser à l’autre dans ce qu’il n’est pas ici et maintenant.
Il ne faut pas que l’on s’adresse aux jeunes pour ce qu’ils sont sensés être, sinon on risque de les assigner à une place de caractériels, délinquants et/ou de victimes, avec les risques que cela comporte en matière d’identification et d’absence de mouvement.
Cette surprise doit par ailleurs s’adresser autant aux jeunes qu’aux professionnels qui doivent être aussi sollicités et se sentir autorisés à oeuvrer là où, à priori, ils ne sont pas attendus.
Ce décalage entre position assignée et fonction exercée s’accompagne d’une dimension d’incertitude.
L’incertitude ne peut constituer un moteur pour l’action éducative et une source d’engagement pour les professionnels et les jeunes, que si cela s’effectue dans un contexte institutionnel repéré à partir duquel des situations « vraisemblables » pourront être initiées.
Alors la présente « surprise » au regard du cadre institutionnel dans lequel peut s’originer cette rencontre, fait alors partie intégrante du caractère vraisemblable de l’action qui favorise de manière « naturelle » une autorité.
Traverser ou s’écarter momentanément d’un cadre, c’est considérer l’existence de ce cadre.
L’acceptation voire l’incitation à des pratiques « trans/cadre » vise à se saisir des contraintes comme autant d’opportunités, afin de rendre mouvants et attractifs des cadres qui à priori, n’autorisaient pas les mouvements et ouvertures nécessaires aux jeunes et professionnels.
Ces pratiques aventurées, désirantes et incertaines sont des pratiques de professionnels avant que d’être des pratiques professionnelles et l’enjeu du temps, la notion de temps est fondamental dans toutes ces démarches.
On a souvent retenu de la « culture jeune » cette idée de refuge dans l’immédiat, cette quête de jouissance dans l’instant. Pour un très grand nombre de jeunes, il est vrai que l’horizon est celui d’un temps court.
C’est un temps d’expérimentation, de flexibilité, de mobilité, d’ouverture à toutes les nouveautés, parfois à tous les excès, avant la grande aventure adulte.
Pour certains jeunes, toutefois, le refuge dans l’instant présent constitue presque une stratégie de survie. Le repli sur soi, la quête de plaisirs immédiats sont souvent alimentés par les échecs scolaires, les difficultés familiales et les activités délinquantes sont parfois présentes avec souvent une représentation de l’avenir qui est fermée.
Laisser du temps à un jeune tout en énonçant et en tenant une échéance aux conséquences nommées, c'est déconstruire l'attitude de réponse
en miroir du « tout, tout de suite ».
Un jeune doit pouvoir faire l'expérience pour lui impensable que, pour réaliser
ce qu'il souhaite vraiment, il lui faut sortir de l'immédiateté du passage à l'acte et se construire comme être de désirs capable de choisir, c’est-à-dire de préférer, et donc de renoncer au tout.
Il faut pouvoir voir aussi, dans la spontanéité adolescente un potentiel de créativité et pas une force destructrice et pour cela le regard social, le regard tiers doit porter un effet de reconnaissance susceptible d’asseoir le travail de création et de subjectivation.
Il faut permettre à ce jeune par un patient travail de tissage de lien que cette spontanéité soit créative.
La médiation que représente la créativité avec le geste créateur donne à celui qui l’accomplit l’expérience d’être complétement lui même, le sentiment d’en être l’auteur et par conséquent d’en être le sujet.
Travail de médiation, de relieur qui vise à l’apaisement et cherche à restaurer, à rétablir des liens petit à petit, comme si de rien n’était.
Travail qui peut se faire par effet d’échanges, de partages, être actif plus que par des velléités d’une transmission, d’un savoir où le jeune serait passif et n’aurait pas l’impression de tenir le fil de ce qui le concerne.
Cette subjectivation, cette élaboration doit se faire à partir du mouvement d’aller/ retour identificatoire avec ses parents et donc la nécessité dans ce travail de réintroduire sa famille, ses proches, ceux qui le concerne et qui ont une place pour lui, même si cette place est confuse.
Il est important d’essayer de resituer à leur place ses parents, ses proches, ni héros, ni zéros celle de gens ordinaires qui ont fait ce qu’ils ont pu avec pour tout bagage leur doute, leurs propres embarras et pour seul repére, l’apprentissage de leur propre adolescence confronté aux données actuelles.
C’est tout un travail d’élaboration sur la participation réelle ou symbolique de la famille mais aussi la nécessité pour tous professionnels d’intégrer leurs limites pour éviter d’être dans une place de savoir et redonner une place aux proches.
Je conclurais cette réflexion sur les adolescents en difficultés, « les enfants terribles » par cette phrase d’Alain GIDE dans une lettre à Paul VALERY « Pour moi être aimé n’est rien, c’est être préféré que je désire. ».
Marc MAXIMIN Psychiatre
4 éme journée CRIR-AVS Marseille
13 Décembre 2013