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la démarche qualité en institut

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Fréderic Stork

lundi 21 novembre 2005

Notre travail change. Depuis qu'il s'accompagne de cette démarche qualité, il est beaucoup + simple de savoir vers où, ou quoi, il s'oriente ! En effet, si l'on est pressé on peut se contenter de regarder le vocabulaire utilisé et tout s'éclaire assez vite.
Les nouveaux termes à la mode sont :

- manager responsable (chef de service)
- clients (jeunes)
- entreprise de services (IME ou toutes autres institutions !)
- procédures ( qui ont tendance à remplacer les formations collectives )
- démarche qualité (démarche prévue pour l'industrie dans un premier temps, que Ken Loach évoque dans son film « the navigators » sous l'ère Tatcher dans le milieu des chemins de fer anglais en 1993 et qui en montre les effets)
- réunion de projets ( qui remplace la synthèse, et qui privilégie l'action à la réflexion, les questions principales étant : où quand et comment plutôt que le pourquoi , afin de pouvoir être + facilement évaluable, le tout agrémenté de grilles et de petites cases qui font penser que le sujet est cerné, maîtrisé.
- Evaluation personnelle ( du travailleur social qui, paraît il, est encore « craintif » par rapport à ceci . Il n'est pas encore habitué à être évalué, puisqu'à priori il n'est pas productif, il n'aurait pas encore tout à fait compris que lui aussi avait des comptes à rendre, individuellement.

Oui, nous avons maintenant le même vocabulaire, la même façon
d'appréhender les choses que n'importe quelle entreprise. Le slogan d'un directeur de coca-cola « il n'y a pas de problèmes, il n'y a que des solutions » est à présent de mise, dans le social .
Le discours néo-libéral s'est emparé du social !!
Absolument rien de pédagogique dans ce mouvement. Est ce parce que l'on considère que tout est génétique que la pédagogie n'a plus sa place ! ? Toujours est-il que l'important ne se situe plus à ce niveau, l'action est plus à la mode que la réflexion pédagogique, voire que la réflexion en générale.
Même la formation peut être remplacée par l'action concrète, évaluable au plus vite, avec la VAE (validation des acquis par l'expérience). La notion de formation théorique s'amenuise.


Comment ne pas se poser la question des moyens lorsqu'on parle de démarche « qualité » ?
Cette question est délibérément mise de côté .L'on parle sournoisement d' optimiser les moyens , pour ne surtout plus avoir à les augmenter !
« L'obligation de la mise en ouvre des moyens, sans obligation de
résultats », disparaît. Au profit de l'obligation de résultats avec le moins de moyens possibles? Cette démarche, à saint André, fait suite à la perte de 4% d'encadrement lorsque que nous sommes passés au 35h., car ils n'ont embauché que 6% sur les 10% de perte d'encadrement dans notre association. Il est à noter que dans notre établissement, depuis la mise en place de cette démarche, les formations collectives se réduisent à peaux de chagrin. Par contre maintenant on met en place nombres de procédures à respecter (on a même créé 2 demi postes d'animateur qualité , qui viennent nous faire signer feuille après feuille, procédure après procédure, qui est ensuite déposée dans nos 2 !! classeurs démarches qualité!) A chaque acte, sa procédure.
Réflexion inexistante, seule l'application de ces procédures est demandée.
Oui, la notion de technicien commence à prendre vie !
Qui, où, quand et comment mettre en place le Projet Personnel Individualisé ? et nous voilà au sommet de la réflexion.

Autre obsession de cette démarche, uniformiser au maximum tous les instituts et créer la notion de contrat entre les parents et l'institut. (la notion de concurrence entre les établissements est elle aussi à
l'ordre du jour !)
Par contre il est très important de savoir dire ce qu'on fait de bien. Il faut à tout prix parler de la forme, du décors (veiller à créer des espaces fleuris par exemple) plutôt que du fond, la pédagogie ou l'éducatif par exemple. (le terme « éducatif » a d'ailleurs été oublié dans les premiers travaux écrits entrepris par le cabinet chargé de la mise en place de cette démarche qualité !)

Lorsque la direction est prise à partie sur des problèmes de moyens elle répond : on ne vous demande pas de décrocher la lune !
Les points négatifs n'existent pas, seuls les points à améliorer (sur le papier) existent, bref, soyons positifs à tous prix !
Exemple, nous ne faisons plus 3 colos de 2 semaines l'été, dans les alpes ou près de la mer ,mais un transfert d'une semaine dans un autre établissement à 150 km de chez nous et un autre de 3 jours à moins de 100 km (les colonies extérieures, beaucoup plus coûteuses, mais à la charge des parents, peuvent prendre le relais!) mais ceci est présenté autrement : on met l'accent sur l'avantage d'avoir l'équipe éducative au complet dès la
rentrée, car les éducateurs n'ont plus de jours de récupération à prendre.

Quant à l'argumentation finale , elle a le mérite d'être claire : c'est mieux que rien !

Concernant les prochaines formations, nous devrions nous contenter désormais d'intervenants de l'institut , afin de réduire les coûts, bref, l'économie nous montre le chemin à suivre !
(Par contre l'investissement dans des logiciels informatiques pour réduire le nombre de repas exécuté en trop, durant l'année a été faite)

On peut avoir l'impression d'enfoncer des portes ouvertes, tant le message dicté semble clair et pourtant ! La plupart de nos spécialistes (psychologue.) ne voient pas pourquoi ce serait à eux de rejeter cette démarche, comme si tout ce vocabulaire n'était même pas choquant.la suppression du « sujet » au profit du « client » ne serait donc pas si choquante finalement ! Quoique ce terme a quand même fini par être remplacé dans la plupart des écrits par celui plus neutre « d'usager » Serait il encore trop tôt pour n'employer que le terme "client" sans risques !?
Les syndicats de l'institut ne trouvent pas qu'il y a une notion politique dans cette démarche et ne veulent pas s'y attaquer.
Il reste la lutte individuelle, qui se solde par l'interdiction de la
direction de parler en mal de cette démarche qualité ! ou alors « allez
voir ailleurs ! »
ou alors rencontrer le syndicat largement majoritaire de l'institut (la
cfdt) mais par moment la réponse donnée semble être du même acabit : «
sois cohérent avec toi même, démissionne !!!! »

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