« Et l’Asie continue son mouvement, sourd et secret en moi, large et violent parmi les peuples du monde. Elle se remanie, elle s’est remaniée, comme on ne l’aurait pas cru, comme je ne l’avais pas deviné »
« Il faut qu’une pensée agisse, agisse directement, sur l’être intérieur, sur les êtres extérieurs. Les formules de la science occidentale n’agissent pas directement. Aucune formule n’agit directement sur la brouette, même pas la formule des leviers. Il faut y mettre les mains ».
Ces deux extraits du maître ouvrage du poète Henri Michaux, Un barbare en Asie , nous invitent à un déplacement et de plus, comme il l’écrit « il faut y mettre les mains ». Phrase qui n’est pas sans faire écho à celle de Jacques Lacan en ouverture à ses Ecrits en 1966, où il incite le lecteur à « … y mettre du sien ». L’ASIE en Europe ? Quelle idée ! Cette nomination introduit un coin dans le brut du bois, un grain de sable dans la mécanique. Ce déplacement c’est ce qu’on est en droit d’attendre d’un superviseur.
En France depuis quelque temps la question de la supervision dans le secteur social et médico-social, voire en entreprise, a été soulevée à nouveau après une période d’éclipse. En Belgique, ces dix dernières années révèlent une progression marquée de la demande de supervision auprès des organismes de formation continuée. On constate une demande tout aussi accrue en Suisse francophone. Cette question revient non sans une certaine confusion. On ressent bien la nécessité dans les équipes de travailleurs sociaux de lieux d’élaboration de ce qu’ils engagent dans la relation aux usagers, comme de ce qui se joue au sein de l’équipe et de l’institution. On a vu fleurir face à cette demande mi-dite, des cabinets de coaching, de consulting, d’audit, tout ceci mélangé avec l’analyse des pratiques. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! D’aucuns, médecins psychiatres, psychologues, psychosociologues, voire psychanalystes se sont adjugés ces espaces sans aucune formation, ni réflexion, s’appuyant sur le syntagme « psy », comme si par magie il préparait à occuper une telle fonction. D’où certains dérapages, foirades et autres dérives.
Notre volonté avec la création d’ASIE est de soutenir des espaces de réflexion et d’élaboration pour les superviseurs, donc de déplacement, des prise d’air, voir des prises d’être pour les praticiens du social, là où le quotidien écrase la pensée sous son rouleau-compresseur de routines et contraintes, dans un contexte social soumis aux illusions managériales et gestionnaires, cet « ordre dur » comme le désigne Lacan, qui empoisonnent à petit feu les pratiques sociales en instrumentalisant ses praticiens. Il s’agit – principalement dans les métiers de l’intervention sociale, - de maintenir vif l’appareil à penser et à inventer de chacun.
Des collègues de Belgique, de Suisse, de France et même du Canada, se sont ainsi engagés à mettre la main à la pâte, à y mettre du sien, pour dégager petit à petit les cordonnées d’une pratique, celle de superviseur, que l’on a pensé jusque là comme allant de soi. Eh bien, non , ça ne va pas de soi !
Pour ce faire nous avons développé des outils spécifiques, à partir des inventions de nos prédécesseurs : Freud, Balint, Bion, Anzieu, Lacan… et notamment un outil nommé « instance clinique » qui peut se décliner sur plusieurs niveaux : supervision, régulation d’équipe, analyse institutionnelle, supervision individuelle. Mais ce site se fera aussi l’écho d’autres approches, d’autres inventions, d’autres trouvailles.
ASIE est une émanation de l’Institut Européen Travail Social et Psychanalyse (PSYCHASOC). C'est une association de fait, sans bureau, sans conseil d'administration, sans cotisation, au pied léger, donc, selon l'article 2 de la loi du 1er juillet 1901.Elle est en lien avec PSF, l'association Psychanalyse sans frontière.
Le site est animé par Joseph ROUZEL, Directeur de PSYCHASOC.
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Où en sommes-nous 5 ans plus tard, ce 28 février 2010?
* Plus de 150 personnes (éducateurs, psychologues, psychanalystes, directeurs, chefs de service, médecins...) ont été formés à la supervision par Psychasoc...
* Pas mal de personnes se sont renseignées et ont été déboussolées par le fait qu'il n'y ait pas d'adhésion prévue: non, ça n'adhère pas, ça ne colle pas! ASIES et PSF reposent sur l'engagement de chacun là où il se trouve. Pas facile de faire vivre une association ainsi, sans aucune hiérarchie. C'est pourtant une tentative à poursuivre pour sortir de l'ornière où s'envasent la plupart des associations de psychanalyse.
* Nous avons réalisé en octobre 2009 les 1 ères journées européennes sur la supervision. Beau succès: près de 200 personnes y ont assisté, venant de France et des pays européens francophones.Les interventions des journées, réparties en 4 dossiers, sont disponibles sur le site de Psychasoc, en rubrique: "textes".
* L'ouvrage PSF auquel ont collaboré une vingtaine de collègues est paru en numérique, aux Editions du Champ Social de Nîmes.
* Nous serons évidemment présents au 3 ème Congrès de Psychasoc organisé à Montpellier du 4 au 6 octobre 2010 autour de la résistance.Pour plus d'infos: http://www.psychasoc.com
* Peut-être des journées spécifiques PSF d'ici un an ou deux où l'activité d'Asies serait présentée?
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Dernières nouvelles. 1 er décembre 2012:
- le 4e congrès de Montpellier est sur les rails "L'acte en intervention sociale: éducatif, pédagogique, thérapeutique". Du 10 au 12 octobre. Tous enseignements sur le site de Psychasoc. La question de la supervision sera présnte dans plusiuers interventions.
- une des difficultés des superviseurs c'est de se retrouver un peu seuls dans leur pratique. D'où des séances d'intervision (comme on dit en Belgique) que nous proposons. Nous nous déplaçons en région...
- nous projetons pour 2014 une rencontre de week-end sur la question de la transmission de la supervision. D'aucuns pensent que ça ne s'enseigne pas. A Asies nous pensons le contraire, c'est pour cela que nous avons monté une formation qui ne désemplit pas. Dans ces 2e rencontres européennes nous aurons à coeur de confronter les diverses formations en la matière.
- quelques interventions en cours d'année en Master 2 de psycho pour mettre la puce à l'oreille aux étudiants sur ce débouché possible pour la profession, à condition d'y avoir été formé.
- parution d'un ouvrage de référence en matière de formation de superviseurs:
Si nombre d'ouvrages traitent de la supervision et de l'analyse de la pratique, de leurs théories sous-jacentes, de leurs effets sur les équipes, peu d'entre eux abordent la formation des praticiens qui encadrent ces groupes. Dans celui-ci, les auteurs s'appuient sur l'expérience de l'Ecole supérieure de travail social (ETSUP) qui forme, depuis la fin des années 1950, des superviseurs/analyseurs de pratiques professionnelles. Avec une particularité toutefois... celle d'oser penser que des professionnels aguerris du secteur social (travailleurs sociaux, cadres, psys...) sont, de par leur passé personnel et professionnel, leur diplôme initial et leurs expériences, les plus à même de devenir, à l'issue d'une formation spécifique, des superviseurs ou des analyseurs de pratiques professionnelles légitimes et fiables au sein même de leur secteur d'activité. Cet ouvrage s'adresse aux professionnels, formateurs et étudiants soucieux de comprendre les mécanismes en jeu clans la formation et la mise en oeuvre de la supervision et l'analyse des pratiques en travail social.