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Un homme, ça ne pleure pas

Un homme, ça ne pleure pas
Fayard
01/01/2013

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Un homme, ça ne pleure pas,  Faïza Guène, Fayard, Paris, 2013, 320p, 18 €.

 Beaucoup de livres me passent entre les mains par plaisir ou optique de critique littéraire. Beaucoup me lassent par manque de style là où il pourrait y avoir une histoire intéressante, ou du fait de litanies sans fin et discours pléthoriques là où il n’y a pas de fond, ou, en ce qui concerne les ouvrages étrangers, par des traductions approximatives où même la grammaire se trouve malmenée y compris chez de grands éditeurs !

Et puis de temps en temps, je trouve une petite pépite. En l’occurrence, un roman français bien dans l’air du temps, d’un auteur français dont le style n’a rien à envier aux plus chevronnés de nos écrivains.

 C’est le cas de ce roman de Faïza Guène, nouvelle recrue littéraire au nom peu franchouillard et qui fait la preuve que, de l’immigration, ne sort pas que du chômage. Elle fait mentir les axiomes populistes comme quoi les étrangers mangent le pain des Français car le pain en question elle le fabrique avec brio et applique une recette qui pourrait faire bien des envieux... Elle nous fait la démonstration efficace que l’intégration, tout en gardant son originalité, peut produire des richesses incalculables dont tout un chacun profite, le lecteur le premier. Son style original et plein d’humour accompagne une vision décapante des différences de milieux sociaux depuis les familles maghrébines encroûtées dans leurs traditions (père analphabète, mère méditerranéenne étouffante), à la bourgeoisie de droite dans tous ses clichés de snobisme et de consommation. Elle dissèque la vie d’une famille dans son intimité, examinant à la loupe de son expérience une fratrie où chacun va faire sa route à sa manière : l’aînée en se démarquant de son héritage, la suivante en l’adoptant et le répétant et le fils cadet en s’en affranchissant sans s’en priver, car y restant  attaché ; trois façons d’être la proie de sa détermination mais en y opposant le « choix du sujet ». Question philosophique certes récurrente mais  ravivée par les tensions de l’assimilation. S’y greffe une description lucide et tranchante terriblement pertinente du milieu enseignant en banlieue parisienne, dans une zone dite sensible… C’est drôle, décapant, vivant et d’une acidité qui passe au crible les travers de notre actualité dans une moquerie douce amère d’où émanent cependant, compassion et humanité pour notre société en pleine déroute. Elle épingle, dans le désordre, Gucci, la « Haute » et la « France du dedans », Facebook et les réseaux sociaux, les portables et les jeux en boucle, les Mcdo, et traite, sans  aménité, des problèmes de fond de la transmission des générations, de l’éducation, des traditions, et de la crise d’adolescence (une maladie bien européenne), de la maladie, de la mort, du racisme, et de la famille avec une acuité et une émotion remarquables. Elle aborde sans retenue la religion, les musulmans, la vie quotidienne, l’amour, les idéaux, le choc des cultures, le tout avec une pudeur et une tendresse qui en imposent.

La réflexion est gaie et intelligente. Pas besoin de lire des essais fastidieux de sociologie : elle fait le tour de la situation vue de l’intérieur. Et ce n’est pas un coup d’essai, elle s’était déjà faite remarquer avec « Kiffe, kiffe demain » et une vente de 500.000 exemplaires. Une écrivaine aux multiples talents qui n’a pas froid aux yeux et passe la société aux rayons X, sans concessions mais avec bonté, usant d’un ton léger pour aborder les enjeux les plus graves, soit, l’essentiel, ce qui fonde notre humanité, la tolérance à la différence et l’acceptation dans le respect de l’autre. Une leçon de vie dont on aura raison de s’inspirer !

 Florence Plon