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Vivre c'est résister

Vivre c'est résister
La Pensée Sauvage
30/04/2010

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J’ai d’abord été troublé de me risquer à vous présenter  « Vivre c’est Résister », un livre écrit à plusieurs mains : 15 auteurs, car je ne suis pas rompu à cet exercice. Ma difficulté s’est accrue de ce qu’on y parle de deux personnages Germaine Tillion et Aimé Césaire qui n’ont pas grand chose en commun, même pas la couleur de peau, sauf la chronologie, encore que, oui, chacun des deux a su résister.

Aussi ai-je pris le parti de vous dire ce que ce livre m’a apporté.

Germaine Tillion est pour moi une vielle amie très chère et son œuvre et son personnage m’ont tenu captif pendant plus d’une année. Je la retrouve avec une grande joie. C’est comme si tous ces hommages, toutes ces paroles autour d’elle écrites par des gens qui l’ont aimée me la rendaient à nouveau présente. Et je la retrouve telle que je l’avais connue et étudiée. Je la reconnais et c’est un plaisir.

Aimé Césaire n’était pour moi qu’un nom. J’avais quand même, très récemment, lu un recueil de ses poèmes, et l’éclat de son écriture m’avait traversé sans que rien en moi n’y fasse obstacle, et je sens que nous allons avoir ensemble une longue histoire d’amour. Dans ce livre, ceux qui parlent de lui m’ont permis en très peu de temps, que se dessine en moi son image d’un trait de crayon vif et tendre. Et me voilà confirmé dans mon désir de le connaître au travers de ses écrits, autant que j’en serai capable.

Vous voyez que parvenu là, j’étais déjà bien rétribué d’avoir lu « Vivre c’est  Résister. »

Mais ce n’est pas tout : ce livre entend créer un pont entre l’univers concentrationnaire qu’a connu Germaine Tillion et l’esclavage des ancêtres de Césaire. Il reprend là la position affirmée de Césaire. (Abolition de l’esclavage : 1848 ,soit 65 ans avant sa naissance)

Cela va de soi, mais encore fallait-il le souligner. Oui, la volonté de détruire l’humain dans l’autre est la même, qu’il soit enfermé à Ravensbrück pour y mourir ou qu’il soit esclave dans une plantation. J’ai eu un peu honte de n’y avoir pas pensé clairement tout seul, étant jusque là resté un peu enfermé dans l’univers concentrationnaire nazi. Aimé Césaire fait ce lien et il ne se prive pas d’en parler au nom de tous les siens.

Germaine Tillion et Aimé Césaire sont étonnants, sympathiques, atypiques, indifférents aux tendances moutonnières des hommes en troupeau. L’un comme l’autre, ils ont choisi et rien n’a pu les faire renoncer à leur choix. Pour tous deux, il s’agit de recréer de l’humain dans un univers radicalement aliénant.

C’est peut-être pour ça que l’éditrice a pris le risque d’écrire le dialogue imaginaire d’une improbable rencontre entre eux deux.

Il me revient une anecdote de Germaine Tillion : Elle est à Ravensbrück, un SS est an train de battre à mort une de ses compagnes. Elle s’interpose et lui dit « Nein !». Puis elle enlève ses lunettes, et attend. Le SS interdit sans doute par l’extraordinaire détermination de son regard - au lieu de la tuer sur place - s’interrompt et s’en va.

Je regrette de ne pas connaître assez Césaire pour offrir de lui une anecdote de la même eau, mais je présume que dans sa protestation contre le colonialisme, à l’époque où ce n’était pas de mise, dans les années trente, celles de l’exposition coloniale, il avait la même détermination.

Mais là je m’égare peut-être un peu de mon propos de vous présenter « Vivre c’est Résister ». encore que…

Joseph Gazengel

VIVRE C’EST RÉSISTER, textes pour Germaine Tillion et Aimé Césaire ; Claire Mestre, Hélène Asensi, Marie-Rose Moreau eds. 2010, la pensée sauvage.