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Adolescence, corps et symbolisation

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Marie DESSONS

jeudi 16 juin 2011

Réseau Ville Hôpital Adolescent - Jeudi 26 mai 2011

Adolescence, corps et symbolisation

Marie DESSONS

"J’erre dans la vie comme un somnambule"

Baudelaire

Je voudrais vous proposer une réflexion sur le processus d’adolescence, la subjectivation, et le rapport au corps, notamment à travers le travail de symbolisation à l’adolescence : entre mise à l’épreuve du corps et travail de représentation.

Mon fil directeur sera le rêve et la fonction rêvante, y compris l’échec du rêve qu’est le somnambulisme par exemple et que l’on peut qualifier d’agir du rêve, dans une comparaison que je tenterai de faire avec les agirs auto-destructeurs des adolescents comme l’attaque du corps, que réalisent les scarifications par exemple.

Je ne développerai pas à quel point l’adolescence convoque la question du corps, à quel point elle est peut-être le moment le plus corporel et le plus corporéisé de la vie (s’approchant peut-être de l’expérience de la grossesse chez la femme) — soit des ressentis proches d’un processus de changement et de mutation concernant un corps étranger interne.

Ce qui m’intéresse, ce sont les vécus corporels à l’adolescence, subis par les transformations du pubertaire, provoqués à travers les agirs et autres passages par l’acte, hétéro et auto agressifs, souvent par des attaques de ce corps pulsionnel violenté, scarifié, bouleversé, marqué, percé, tatoué, etc. On va retrouver ce rapport au corps jusque dans le rêve, le sommeil et ses aléas.

La fonction rêvante a à voir de près avec la potentialité créatrice, nous verrons de quelle manière. Masud Khan précisait l’analogie entre l’espace du rêve et l’espace transitionnel, espace potentiel chez Winnicott qui est au fondement même de l’expérience créatrice.

Ainsi nous cheminerons dans ce travail du rêve et de la création au cœur du processus d’adolescence. Pour cela je m’appuierai sur deux types de travail fait auprès d’adolescents :

Cela me permettra d’interroger le processus de symbolisation à l’adolescence, celui qui mène de la mise en scène chorégraphiée des corps à la figurabilité à l’œuvre dans le passage des images aux mots.

Je développerai donc mon exposé en trois parties, dans lequel il sera question d’un mouvement général qui mène du corps aux mots :

L’adolescence, le corps et la fonction rêvante

Je m’intéresse aux vécus corporels des adolescents qui sont littéralement assaillis par ce pubertaire, dans une effraction quasi traumatique du sexuel, et les manières et techniques qu’ils trouvent pour s’en protéger ou pour l’ éprouver autrement . Ce vécu est fréquemment marqué par la bizarrerie, voire la dépossession de soi, quand il ne s’agit pas d’une décorporéisation (l’une des agonies primitives décrites par Winnicott ).

On observe fréquemment des dysmorphophobies à l’adolescence, qui témoignent de l’étrangeté de voir ce corps se transformer. Si elles sont normales, fréquentes et transitoires à l’adolescence, elles peuvent faire état d’un vécu délirant d’un corps difforme et qui se déforme, avec la question sous-jacente angoissante : quand est-ce que ça va s’arrêter ? jusqu’où ça va aller ? On perçoit le danger de l’entre-deux là, état transitoire entre deux formes, no man’s land qui n’est pas du côté de la transitionnalité, avec le risque d’un gouffre, d’une faille et d’une chute. Pour reprendre l’expression de Winnicott, l’angoisse liée à l’agonie primitive résiderait plutôt dans le sans fin que dans la chute elle-même, et dans l’absence de bord et de fond que dans le trou lui-même : chute sans fin dans un trou sans fond, où l’angoisse est dans le « ne pas cesser de tomber », et qui pourrait s’entendre chez l’adolescent comme l’angoisse d’un « ne pas cesser de se déformer-difformer ». L’informe qualifie bien l’état d’être en attente de forme et de figuration, parfois traduit par un être amorphe de l’adolescent, corrélatif d’un avachissement interne lié au vide et à la séparation, marqueur d’une certaine dépressivité qui vient témoigner d’un travail structurant de séparation, du côté du deuil. Il me semble qu’il y a un lien important entre la capacité à supporter l’informe (et cet état d’entre-deux), sans s’y perdre, et le potentiel de créativité de l’adolescent. C’est ce qu’on pourrait appeler le travail de l’informe à l’adolescence. Ceci va dans le sens où Winnicott reliait l’expérience informe à l’espace de création (tout comme il présentait le vide comme : « en attendant de se remplir », donc non pas sur un versant négatif mais rempli de potentialité créatrice). C’est aussi ce que Masud Khan désignait dans l’état d’être en jachère, nécessaire aux processus de création.

Un adolescent rapportait ce rêve d’angoisse à répétition : il rêve qu’il se réveille au milieu de son rêve et ne voit que du noir, rien du tout, quelque chose d’absolument terrifiant car cela devrait être le rêve et au lieu de cela il n’y a plus rien ni personne, ni représentation.

Je m’intéresse particulièrement au matériel des rêves et cauchemars rapportés par les adolescents, comme aussi les visions hypnagogiques de la zone de l’endormissement, qui ont souvent à voir avec des images-sensations de corps, corps en déformation-reformation, « sensations de formes » proches de ce que décrit Frances Tustin dans l’autisme.

Le rêve de cet adolescent m’apparaît très intéressant en ce qu’il désignerait une angoisse d’absence de représentation, proche de l’hallucination négative développée par André Green . Où l’absence de toute représentation pourrait s’apparenter à l’effet traumatique de l’effraction psychique. Au moins là, il y a encore de l’angoisse (certes sans représentation), mais du côté du vivant, car peut-être pire encore serait au-delà de l’angoisse : l’absence d’angoisse. Winnicott parlait de « la crainte de la folie » , appréhendée par le patient : « Il y a un état où ce que l’on appréhende, c’est la crainte de la folie, c’est-à-dire la crainte de l’absence d’angoisse pendant la régression à un niveau de non-intégration, de disparition du sentiment que l’on a de vivre à l’intérieur du corps. On redoute cette absence d’angoisse, c’est-à-dire qu’il y ait une régression qui pourrait bien être irréversible ». Au fond, tant qu’il y a de l’angoisse, il y a de l’espoir, notamment un espoir de réversibilité, l’assurance d’un retour possible de l’état de régression extrême (à la non-intégration primaire). L’absence d’angoisse, par contre, signerait le dépassement d’un seuil .

Les vécus corporels au moment de l’endormissement pourraient être proches en effet du vécu corporel dans la psychose, celui des agonies primitives (dissolution, liquéfaction, implosion, chute, morcellement…). Ces visions hypnagogiques au moment de l’endormissement, c’est quelque chose qui revient souvent dans la clinique adolescente que j’ai pu rencontrer : plusieurs font état d’un vécu plus ou moins angoissant d’un corps qui rapetisse jusqu’à un point proche de l’anéantissement, souvent dans un vécu de chute vertigineuse en arrière ; ou au contraire qui s’agrandit et grossit comme s’il gonflait, sans limite, dans un espace flottant, dans un vécu d’apesanteur et de menace d’exploser comme un ballon de baudruche trop gonflé ; ou encore une sensation de démembrement, chaque membre se détachant et s’éloignant du corps en s’évanouissant dans l’espace ou en devenant monstrueusement difforme et gros. Ces vécus corporels me sont tous présentés sur un mode ralenti, parfois passant de l’un à l’autre inverse, sur un mode fondu enchaîné. La comparaison donnée par un adolescent était exactement selon lui celle du mouvement filmé qui montre le passage en continu de l’infiniment petit à l’infiniment grand : à la fois filmé comme au ralenti et donnant pourtant une impression vertigineuse de précipitation du fait de la proximité des extrêmes infinis. Sentiment agréable d’immensité pour certains, angoisse absolue pour d’autres, pure agonie primitive.

Georges Perec ouvre son livre Un homme qui dort , par plusieurs pages sur ces visions hypnagogiques, donnant une description incroyablement minutieuse de la perception du monde en train de se déformer et de la vision de ces filaments lumineux oculaires en mouvement, insaisissables. Il montre aussi l’extrême centration sur soi qu’induit le moment de l’endormissement, paradoxal car concomitant à celui d’un abandon de soi. Mais chez cet homme qui dort , de Perec, ce vécu de retrait du monde s’étend au-delà du moment de l’abandon au sommeil, dans une expérience de torpeur existentielle généralisée, enlisée. Tout le livre décrit d’ailleurs un rapport au corps très auto-centré, parfois vécu comme une étrangeté, comme un corps qui aurait une existence en soi, indépendante ou dissociée du moi, que le personnage regarde survivre en léthargie et ressent comme de l’extérieur. Certains vécus dysmorphophobiques des adolescents pourraient se rapprocher de cette expérience.

Rêves, cauchemars, crises somnambuliques, réveils nocturnes, le tout est en lien avec les difficultés d’endormissement très fréquentes chez les adolescents, qui nécessitent parfois le recours au pétard et/ou à l’alcool, souvent pour parvenir à sombrer brusquement dans le sommeil et éviter, ou faire l’économie de cette zone de l’endormissement régressive trop dangereuse, qui a à voir avec la capacité à se laisser aller à la régression, à l’évanouissement des frontières du moi comme dans la capacité orgasmique (Roussillon) (donc au travail du féminin à l’adolescence), à se défaire du contrôle du moi, mais aussi à voir avec la capacité à être seul (c’est-à-dire avec ses pulsions et ses fantasmes) (Winnicott). Tomber brusquement dans le sommeil, mais d’une façon qui serait plus proche de l’évanouissement, cette « abolition de conscience » (dont le correspondant dans l’ordre de la représentation serait l’hallucination négative ). Paradoxalement, les visions hypnagogiques sont aussi celles qui sont recherchées dans le cannabis et la drogue, de manière peut-être plus poétiques, c’est-à-dire un vécu oniroïde qui permet de flouter les limites, où s’expérimente l’informe et les formes en formation-déformation. Comme ces lampes psychédéliques des années 70-80, où une masse informe dans une sorte de tube ne cesse de se former et de se déformer sous l’effet de la chaleur dégagée par la lampe, et qui rappelle un vécu sous acide à l’époque (LSD). De même, ces pièces où les ados fumeurs de cannabis se renferment à plusieurs, sans jamais ouvrir la fenêtre, se plongeant dans une épaisse fumée qui brouille la perception des limites, y compris celle des contours de la pièce, accentuant l’effet de la drogue elle-même. D’ailleurs, les fumeurs de cannabis le savent, bien, cela leur enlève les rêves. Certains en sont d’ailleurs soulagés, comme si cette fonction onirique les persécutait de l’intérieur.

Pour mieux comprendre le sens et la fonction de l’agir auto-destructeur, je fais un parallèle entre l’agir chez l’adolescent avec l’agir nocturne ou l’agir du rêve qu’est le somnambulisme, en m’appuyant sur les travaux de Marie-Claire Durieux sur « La perception somnambulique » .

Elle rapproche le somnambulisme du traumatisme, où la fonction du somnambulisme serait d’être gardien de l’intégrité somatique du dormeur. Elle envisage l’activité somnambulique comme un exutoire salutaire (et on verra comment on peut le mettre en lien avec ce qui se passe dans les attaques du corps comme les scarifications), donc comme un contre-poids régulateur d’excitation, ou encore une abréaction endopsychique agie par le corps, dispersant ainsi une certaine quantité des affects frappés d’interdiction de séjour psychique. De la même manière que la décharge motrice de l’acting est « démission psychique », ici le déplacement opéré permet le désinvestissement d’une représentation, par exclusion « hors représentation ». Ainsi le somnambulisme traduirait jusque dans le sommeil la nécessité de l’acting moteur, garde-fou de représentations inacceptables pour le psychisme.

Pur Guy Lavallée, dans le somnambulisme, « la déambulation vide équivaut à la recherche d’un rêve blanc » . Le somnambule recherche l’écran disparu du rêve. Recherche non pas d’un contenu de rêve mais de son contenant. Si la zone de l’endormissement est à entendre comme « temps constitutif d’un espace intérieur » selon Fédida , l’insomnie, comme le somnambulisme témoignerait de l’incapacité corrélative à trouver dans le rêve l’espace psychique qui est le véritable gardien du sommeil.

Marionnette du théâtre d’ombres, le somnambule erre sans but et sans représentation. On peut comparer une telle expérience à ces moments d’errance à l’adolescence, ou fugues suivies d’errance, périodes de confusion souvent sans but ni représentation, et qui traduisent selon Piera Aulagnier l’insistance d’une « zone sinistrée », signe d’une catastrophe identificatoire brutalement dévoilée mais ayant déjà eu lieu, et qui compose ce qu’elle appelle la potentialité psychotique, que l’adolescence peut brusquement rendre manifeste.

Poursuivons notre comparaison avec le sens et la fonction des pratiques de scarifications à l’adolescence. L’attaque active du corps témoignerait d’un débordement hors psyché, une dérégulation de la circulation psychique. On y trouverait un double mouvement paradoxal : à la fois besoin d’immobiliser le mouvement de l’excitation (interne, externe) et à la fois besoin de remettre en mouvement des éléments psychiques enkystés, enclavés, figés. À cela s’ajoute la dimension d’adresse que recèle le corps scarifié.

Les nouvelles recherches sur l’adolescence et le rapport au corps proposent des théorisations très intéressantes sur les attaques du corps, au-delà du modèle classique de l’attaque du corps pubère en tant que porteur du sexuel génital, mais aussi celui de la simple décharge d’excitation et même celui de la compulsion à répéter une effraction psychique/physique subie, dans le retournement d’un état de passivation en activation. Fanny Dargent propose ainsi d’entendre l’effraction cutanée (les scarifications) dans sa dimension d’expulsion hors de soi à visée détoxicante : la création de néo-orifices constituant une perforation à valeur de trous d’aération psychique face au psychisme menacé d’asphyxie. Ces trous vont se corporéiser en coupures sur la surface cutanée, et permettre de soustraire temporairement l’adolescent au vécu d’intoxication interne. Il s’agirait alors d’un mouvement de projection détoxicant, à visée auto-curative.

Le ressenti de soulagement qui accompagne souvent les scarifications ne peut d’ailleurs pas se réduire à la simple dimension de décharge (n’importe quelle décharge autre que les scarifications aurait alors une fonction équivalente). Ce soulagement est dû au caractère détoxicant de l’expulsion des charges affectives haineuses, mais aussi à la relance d’un mouvement dans le réel qui permet d’éloigner pour un temps d’un vécu de mort psychique et d’enlisement. Les pulsions destructrices ne peuvent tenter une sortie hors de soi vers l’objet sans risquer de le détruire et de vider le moi de sa substance. Telle est alors l’impasse dans laquelle se trouve l’adolescent, et à laquelle tente de remédier la pratique des scarifications.

Ainsi selon Fanny Dargent les attaques du corps chez les adolescents, du côté de la somatisation (en interne), ou du côté des acting out auto-destructeurs, comme en surface les pratiques morbides des scarifications, seraient le signe de la dérégulation de la circulation psychique, allant de paire avec un Moi-peau pathologique à double feuillet : le premier, trop poreux, signant le défaut de pare-excitation, le second, carapace protectrice visant à « tout garder » face aux angoisses de vidage, menant à l’intoxication.

La mise en scène chorégraphiée des corps adolescents

Le film E pour Eux réalisé par Karim Zériahen en 1999 à partir du travail de Mathilde Monnier avec 15 jeunes de 16 à 22 ans, présente le travail chorégraphique de la scénarisation comme un travail de figuration. La mise en scène y paraît très proche du travail du rêve, où les procédés de figurabilité et de dramatisation représentent et scénarisent les pensées du rêve.

Quand j’ai découvert ce film, il m’a justement fait penser à un rêve : des images et des mots, ou plutôt des lettres qui à leur tour convoquent des mots, la parole, et des images, des images du corps, des corps en mouvement, une scénarisation chorégraphiée (dans le rêve, les mots abstraits sont représentés par des images qui viennent les figurer, par exemple avec des postures du corps : ainsi être assis sur quelque chose, vient signifier le posséder, du fait des racines concrètes étymologiques). Proche du théâtre par moments, ce travail de création paraît complet et intense — où même le geste de l’écriture associé à la lettre évoque une matérialité du mot, la matière du langage ; presque une sensorialité du mot que l’on retrouvera dans le très beau geste de peindre des lettres sur la peau des corps, au plus près de la sensorialité qui caractérise les images du rêve.

Le film expose des corps, des mots-images, une autre scène sur laquelle les adolescents expriment et donnent à voir quelque chose qui leur est propre, qui fonde leur identité, et qui a à voir avec le processus d’adolescence qu’ils traversent. Au fond, le travail de Mathilde Monnier a consisté à rendre manifeste la potentialité de la pulsion créatrice, au cœur de chacun de ces jeunes. Quand je l’ai rencontrée pour préparer la journée de février organisée par l’Association via voltaire, elle me disait : « Je n’ai rien fait d’autre que de contribuer à révéler ce rapport artistique à la vie qu’ils avaient déjà en eux ».

À l’origine de cette journée, il y a le souci d’une réflexion sur l’incidence du travail artistique avec les adolescents, dans une démarche de prévention auprès de jeunes issus d’un quartier classé en ZUS. Il s’agissait d’inviter à un retour sur une expérience sensible en après-coup, près de 10 ans après sa réalisation. Cela a été l’occasion pour nous d’une réflexion sur nos pratiques : qu’est-ce qui est thérapeutique dans nos pratiques ? Quelle évaluation est possible ? Quel a pu en être l’impact à long terme, au-delà de l’effet présent ? Que pouvons-nous en retenir pour réfléchir et mettre en place des projets de prévention à l’adresse des jeunes ? Ces préoccupations sont au cœur de l’engagement de l’Association via voltaire.

Cette journée s’adressait à un public large (psychologues, travailleurs sociaux, éducateurs, étudiants, etc.) et a réuni en tables rondes des psychologues, sociologue, artistes, afin de croiser les regards et les réflexions. Mais aussi bien sûr tout l’intérêt a été de permettre à quelques uns de ces jeunes devenus adultes de venir témoigner dans l’après-coup, et de nous offrir une forme d’évaluation directe mais différée, « éprouvée ».

Au cœur de ce travail de création, on pourrait voir la volonté de donner ou rendre aux corps une fonction rêvante, au-delà d’une potentialité créatrice. Symbolisation et figurabilité sont sur la scène comme dans le rêve.

En ce sens la forme choisie pour cette création est très intéressante, puisqu’il s’agit d’un abécédaire, auquel manque la lettre « e » ( E pour Eux ) : 25 mots-images se succèdent comme autant d’images de rêve. L’abécédaire, c’est raconter le mot en lui donnant corps et histoire, à partir de la lettre. Il y a la lettre, le mot, l’acte de nomination, la voix, et cette condensation des mots-images. C’est justement la condensation du mot, sa surdétermination, qui appelle la nécessité de lui restituer la chose et ses coordonnées sensorielles, l’image et l’histoire. Sinon on à affaire à un langage désincarné, des mots désaffectés, des signifiants flottants, vides (telle une étoffe de mot, sans matérialité). Ce que ce film montre, au contraire, c’est comment habiter les mots, leur donner chair et vie ! Ce travail artistique, proche du théâtre parfois, avec ces corps en mouvement, ces corps habités et mis en scène sous forme d’abécédaire, nous propose une double incarnation : à la fois restitution de la capacité sensorielle du mot, et incarnation au sens littéral, corporel, en chair. C’est là toute la puissance métaphorique du mot : ici la puissance métaphorique dansée, scénarisée, chorégraphiée du mot. Soit un rapport carné aux mots.

Ce que l’on peut dire du retour qui nous a été fait par les jeunes, dix ans après, au-delà de l’intérêt certain d’un tel travail dans leur propre subjectivation, c’est peut-être l’effet d’après-coup justement, qui a donné à certains d’entre eux se (re)découvrant à l’écran un frappant sentiment d’étrangeté à la vue d’eux-mêmes adolescents, de leur corps en mouvement, dans une beauté esthétique et une sensualité qui les gênait presque. De là à dire qu’un sain refoulement avait recouvert efficacement ce que la création artistique avait permis de dévoiler, de mettre à nu, et d’inscrire, cela prouverait que le processus d’introjection a fait son œuvre (subjectivation et travail de culture). L’inquiétante étrangeté selon S. Freud renvoie bien au retour de quelque chose de familier mais refoulé.

Le psychiatre et psychanalyste Xavier Gassmann était intervenu lors de cette journée pour parler de la création en jeu à l’adolescence, à partir de la recherche qu’il mène avec Céline Masson sur les esquisses symboligènes à l’adolescence . Selon lui le travail de création à l’adolescence permet notamment des « en-formations », soit des mises en forme du corps dans l’art. Cela permet une relance du processus créatif d’une surface extra-topique, au sens où l’adolescent crée une autre surface que son corps pour inscrire sa parole —  autre surface, ici autre scène.

Il a présenté son travail avec des adolescents présentant un empêchement dans le remaniement psychique, pour lesquels sont proposés des ateliers artistiques avec des artistes à l’Hôpital de Jour pour adolescents L’Esquisse à Pontoise. Dans ce lieu les adolescents trouvent d’autres moyens, d’autres supports pour accéder à une mise en forme des contenus psychiques maintenus expulsés ou sous l’emprise de l’informe. Le figurable peut alors entrer dans un mouvement de représentation. Ainsi les mises en forme des adolescents témoignent de ce mouvement de créativité, pas forcément envisagées comme la production finie d’un objet d’exposition (si cela advient ce n’est que de surcroît). C’est le processus en lui-même qui nous intéresse ici, selon un point de vue résolument dynamique.

Des images aux mots : la figurabilité à l’œuvre

Pour continuer ma réflexion sur ce travail de représentation, je vais vous parler maintenant du dispositif mis en place à via voltaire à l’adresse des adolescents dans le cadre de la prise en charge des enfants et adolescents exposés aux violences conjugales et intrafamiliales. S’il existait déjà une prise en charge des enfants, un dispositif spécifique pour les adolescents était encore à créer. Ainsi, avec Guillaume Remize, psychologue clinicien à via voltaire, nous sommes en train de mettre en place un groupe thérapeutique pour les adolescents, autour d’un médiateur (un travail à partir d’images), ouvert et hebdomadaire, le mercredi après-midi. Le dispositif propose également un accueil individuel afin d’évaluer les situations.

Le groupe « des images et des mots » se propose de travailler à partir d’images choisies par les adolescents sur lesquelles nous leur proposons de réaliser un travail de liaison par « légendage » : chacun apporte ou choisit une image support d’une verbalisation avec l’objectif de donner une légende (mot, phrase, titre, texte…). Les images choisies seront ensuite accolées sur une affiche avec leur légende dans une réalisation finale composite.

Il s’adresse aux adolescents qui souffrent d’une forme de carence de l’activité fantasmatique, peut-être du fait de la prégnance d’images qui saturent et sidèrent (liées aux scènes de violence), et qui privilégient le passage par l’acte et le corps, hors psyché. Mais à côté de cette classique indication, ce groupe s’adresse aux sujets chez qui il ne s’agit pas vraiment d’une carence de l’activité fantasmatique, mais plutôt d’un défaut de traduction entre cette activité et le domaine des représentations de mots (symbolisation secondaire). L’activité fantasmatique est bien existante, souvent intense, mais elle est clivée (et non pas refoulée), enkystée, enclavée. Il faut prendre la mesure des efforts considérables qu’ils emploient pour se protéger des risques de retours explosifs de leur vie fantasmatique et affective secrète (sous forme d’affects catastrophiques et immaîtrisables). C’est ce que l’on retrouve dans la clinique du traumatisme que décrit Ferenczi , avec le clivage traumatique qui dissocie le moi pour le protéger. Sont concernés également les adolescents qui présentent des failles narcissiques, et dont l’écart narcissico-pulsionnel est trop important, et qui risquent de recourir à l’acte et à la violence, comme tentative de colmater un moi menacé.

Ce groupe thérapeutique se base donc sur le travail de liaison, qui est le travail du préconscient. Les représentations de choses, qui n’ont lieu que dans l’inconscient, peuvent être clivées des représentations de mots, et rester enclavées ou enkystées (défaut d’élaboration, défaut de symbolisation : éléments clivés liés à une zone traumatique insuffisamment symbolisée). Cet atelier se propose donc de relancer ce travail de liaison du préconscient à travers la tâche de légendage d’images choisies par les adolescents. L’effet traumatolytique de ce processus est crucial, notamment par la liaison de l’angoisse qu’il permet. Pouvoir associer des mots à des choses, reliés aux affects, c’est en effet la majeure fonction traumatolytique, base de toute psychothérapie référée à la psychanalyse L’atelier va favoriser également une relance de l’activité fantasmatique qui peut être bloquée ou défaillante, et favorise ainsi le travail de secondarisation. Enfin, au-delà de la dimension groupale, très intéressante à l’adolescence, ce groupe mise sur l’effet du travail de création et de sublimation, en lien avec les processus de la transitionnalité mais aussi avec la fonction importante d’un dépôt de trace.

Sous-jacent au choix des images et des mots qui y sont reliés (inspirés par celles-ci ou vice versa), il y a donc un travail de « légendage » , d’abord silencieux, puis verbalisé et même écrit, dans un mouvement progrédient de la pensée aux mots écrits, collés, affichés. Cet atelier se base sur cette hypothèse de l’effet thérapeutique du travail de légendage, en tant que travail de liaison psychique, qui ne va pas sans la convocation des affects, permettant une (re)connaissance et une (re)qualification de ceux-ci.

Enfin, derrière un choix conscient et manifeste, le choix des images se fera également en résonance avec des images inconscientes, scènes enclavées, représentations de choses non liées, brutes, jamais reliées à des mots, leur impact traumatique provenant justement de cela : effet de sidération et d’empêchement de la pensée de scènes de violence physique et psychiques. Le travail du groupe doit ainsi permettre le « contact » avec des angoisses non élaborées.

Ce groupe s’inscrit dans une continuité avec les ateliers proposés aux enfants, atelier papier-crayon pour les 5-8 ans et atelier écriture pour les 8-11 ans. Nous avons ainsi une progression qui va du dessin (figuration picturale), à l’écriture (registre de la narrativité, historisation et symbolisation) au légendage d’images (travail de symbolisation et de représentation, et travail de liaison).

Le but commun de ces ateliers étant de favoriser et relancer le travail de représentance en clinique infanto-juvénile, désignant l’activité de représentation en tant que telle, indépendamment des produits, des résultats de celle-ci. Les différents modes expressifs de cette activité représentative (dessin, modelage, peinture, écriture, danse, légendage…) ne sont que des traductions manifestes de l’activité représentative proprement dite. Celles-ci représentant déjà un travail de traduction .

*

Pour finir, je renverrai à ce que Fédida appelle le travail d’images et la mise en langage , qui caractérise selon lui le sens de l’écoute clinique, et qui est une écoute corporelle, proche des sensations de forme, où « des formes se mettent en langage » . Il écrit : « La mobilité psychique requise de l’analyste est cette mise en éveil toujours renouvelée des images et des mots. La résonance tonale des affects et leur métaphorisation contribuent à restituer au patient le langage de ce qu’il éprouve dans son état » .

Mais Fédida parlait aussi du pouvoir de fascination de l’image et de la nécessité de « désimaginer l’image, [de] la laisser se fragmenter jusqu’à la rendre impuissante de fascination ». Il s’agit notamment de la déchirure de l’image par le langage propre à la mise en figure : soit ouvrir les images par le langage, par les mots. Sinon l’image peut paraître un trompe-l’œil, du fait de la clairvoyance de l’image manifeste, c’est-à-dire sa clarté plastique sensorielle. Il écrit alors : « L’image est arrêt sur le langage, l’instant d’abîme du mot ».

Une réflexion de M. Foucault me semble aller dans ce sens, lorsqu’il écrivait que l’image tue l’imagination : « L’image constitue une ruse de la conscience pour ne plus imaginer ; elle est l’instant du découragement dans le dur labeur de l’imagination » . L’image peut-elle se présenter alors comme une forme de renoncement à l’imagination ? « L’image ne s’offre pas au moment où culmine l’imagination mais au moment où elle s’altère », écrit encore Foucault ; par conséquent avoir une image ce serait renoncer à imaginer. Il dira de l’image qu’elle est le vertige de l’imagination, son point de bascule, son vacillement.

Bien entendu il ne s’agit pas de dénigrer l’image comme forme d’aboutissement du travail de l’imagination, mais plutôt de ne pas s’arrêter à cette image, au sens où elle viendrait remplacer les mots, et de la prendre au contraire comme point de départ. Ce qui m’intéresse c’est l’image qui puisse susciter l’imagination par la mise en mots, et qui par conséquent contribue à toujours renouveler et alimenter le processus de l’imagination lui-même, dans ce qui le rapproche le plus de la fonction rêvante.

Je terminerai par cette citation de M. Foucault :

« Toute imagination, pour être authentique, doit réapprendre à rêver ; et l’« art poétique » n’a de sens que s’il enseigne à rompre la fascination des images pour rouvrir à l’imagination son libre chemin, vers le rêve qui lui offre, comme vérité absolue, son « infracassable noyau de nuit » .

Marie DESSONS

Psychologue clinicienne

Maître de Conférences en Psychologie clinique

Université Paul Valéry – Montpellier III

marie.dessons@univ-montp3.fr

Références

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Durieux  M.C., « La perception somnambulique », Revue Française de Psychanalyse , 2/1995, p. 513-525.

Dupeu  J.-M., « Légendage », Psychiatrie française , 2002, vol. 33, n° 1, p. 104-126.

Fédida  P., « Le conte et la zone de l’endormissement », in Corps du vide et espace de séance , 1977, Éd. Jean-Pierre Delarge, p. 155-191.

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Fédida  P., « Désimaginer l’image ou l’œuvre d’art déformée », Revue Internationale de Psychopathologie , n°4, 1991, PUF, p. 341-343.

Fédida  P., « Le souffle indistinct de l’image » (1993), Le Site de l’étranger . La situation psychanalytique , Paris, PUF, « Psychopathologie », 1995, p. 187-220.

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Green  A., Narcissisme de vie, narcissisme de mort , Éd. de Minuit, 1983.

Green  A., Le Travail du négatif , Éd. de Minuit, Coll. « Critique », 1993.

Khan  M., (1977), « Être en jachère », in Passion, solitude et folie , Gallimard, 1985, p. 219-226.

Laplanche  J. (1987), Nouveaux fondements pour la psychanalyse , PUF, « Quadrige », 1994.

Lavallée  G., « L’enveloppe du rêve et l’hallucinatoire de transfert. Hypothèses sur le dégagement d’un trauma nocturne », in Autour de l’œuvre d’André Green, Enjeux pour une psychanalyse contemporaine , sous la dir. de F. Richard et F. Urribarri, PUF, 2005, p. 305-326.

Perec  G., Un homme qui dort , Denoël, « Folio », 1967.

Winnicott  D. W. (1952), « L’angoisse liée à l’insécurité », in De la pédiatrie à la psychanalyse , Paris, Payot, 1989, p. 198-202.

Winnicott  D. W., « La crainte de l’effondrement », Nouvelle revue de psychanalyse , n°11, 1975, p. 35-43.

D. W. Winnicott, « La crainte de l’effondrement », Nouvelle revue de psychanalyse , n°11, 1975, p. 35-43.

La capacité à supporter l’informe, l’état d’attente amorphe — terme que l’on emploie d’ailleurs volontiers pour qualifier l’avachissement de l’adolescent sur le canapé (amorphe, ça veut dire sans forme, qui n’a pas de forme déterminée, et par extension : qui n’a aucune énergie) —, va déterminer pourtant le potentiel de changement, mais aussi quelque chose d’essentiel : le potentiel de créativité de l’adolescent. Il faut nécessairement de la jachère pour pouvoir être créatif. Masud Khan décrit cet état particulier qu’il nomme l’« être en jachère » et qu’il assimile aux besoins fondamentaux de la personne comme le besoin de jouir de son intimité et d’être dans un état de non-intégration. L’être en jachère est cette aire intime et non conflictuelle de l’expérience de soi, état fait d’une quiétude vigilante et d’une conscience réceptive alerte. En tant que « disposition transitoire », elle se rapproche de l’aire transitionnelle, comme espace potentiel, lui-même fournissant le substrat énergétique nécessaire à toute créativité. La jachère interroge en effet le travail de création dans son paradoxe fécond : convoquant à la fois la nécessité du travail et en même temps la nécessité de laisser reposer les choses. La possibilité d’être en jachère a donc une fonction vitale pour le créateur, sans quoi le terrain de la création risquerait de s’appauvrir ou de s’épuiser. Il me semble qu’il en va de même pour l’adolescent. L’adolescence traduirait en effet un état comme celui-ci, d’apparence paradoxale : entre un aspect amorphe, en attente, et un formidable potentiel de créativité qui ne demande qu’à trouver des mises en forme. Je crois que c’est la définition même de cet être en jachère que décrit Masud Khan (1977), « Être en jachère », in Passion, solitude et folie , Gallimard, 1985, p. 219-226.

A. Green (1993), Le Travail du négatif , Éd. de Minuit, Coll. « Critique », chap. 7.

D. W. Winnicott (1952), « L’angoisse liée à l’insécurité », in De la pédiatrie à la psychanalyse , (1958), trad. J. Kalmanovitch, Paris, Payot, 1989, p. 198-202.

Il s’agit de cette séquence filmée qui part d’une des cellules de l’épiderme d’une main humaine et qui rejoint par un zoom arrière les galaxies dans l’univers, puis qui retourne à la cellule dans un va et vient vertigineux entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, tous deux invisibles à l’œil nu.

G. Perec, Un homme qui dort , Denoël, « Folio », 1967.

S. Freud (« Complément métapsychologique à la doctrine des rêves ») décrit l’homme qui s’endort, se défait de son enveloppe corporelle, de son moi… il dévêt son psychisme comme il enlève ses habits, renonçant à la plupart de ses acquisitions psychiques, de telle sorte dit Freud qu’il « se rapproche à l’extrême de la situation qui fut le point de départ de son développement ». Sorte d’altération du moi ? Proche de l’expérience de l’informe. J.-B. Pontalis parlait de la « pénétration du rêve », qui rapprocherait d’un état de passivation.

Green : « le désinvestissement que constitue l’évanouissement ne se borne pas à revivre une expérience de fusion, mais réalise également une expérience de coupure, de vide… qui troue l’inconscient (…). L’hallucination négative en est le correspondant dans l’ordre de la représentation », in Narcissisme de vie, narcissisme de mort , Éd. de Minuit, 1983.

M.C. Durieux, « La perception somnambulique », Revue Française de Psychanalyse , 2/1995, p. 513-525.

G. Lavallée, « L’enveloppe du rêve et l’hallucinatoire de transfert. Hypothèses sur le dégagement d’un trauma nocturne », in Autour de l’œuvre d’André Green, Enjeux pour une psychanalyse contemporaine , sous la dir. de F. Richard et F. Urribarri, PUF, 2005, p. 305-326.

P. Fédida, « Le conte et la zone de l’endormissement », in Corps du vide et espace de séance , 1977, Éd. Jean-Pierre Delarge, p. 155-191.

P. Aulagnier, « Telle une zone sinistrée », Adolescence , 1984 Tome2, n°1, p. 9-21. Selon M.-C. Durieux, la valeur économique de ce sommeil hors sommeil, de cette « projection au dehors » de perceptions intérieures se faisant par le truchement de la motricité, comme pouvant protéger le patient de toute dérive psychotique qui le guetterait s’il sortait de son « autisme » traumatique. Le somnambulisme s’opposant alors à la régression triple du sommeil (où la représentation retourne à l’image sensorielle), comme si le psychisme du dormeur s’y refusait parce que atteindre le dernier repli du sommeil, celui où le dormeur retrouve dans ses rêves le contact avec ses perceptions, ses traces perceptives, risquerait de « dégeler », au prix de trop grandes souffrances, des mouvements psychiques interdits.

F. Dargent, « Persécution dedans-dehors. De l’attaque du corps au projet de peau : étude d’un mouvement de projection détoxicant », Adolescence , 26, 2008, p. 681-696.

X. Gassmann, « Les esquisses symboligènes », La lettre de l’enfance et de l’adolescence , 2007/3, n° 69, p. 41-48.

S. Ferenczi (1933/1982), « Réflexions sur le traumatisme », in Psychanalyse IV, 1928-1933, Œuvres complètes , Paris : Payot, p. 139-147.

Cf. J.-M. Dupeu, qui a théorisé et conceptualisé cette notion, et à qui nous devons ce mot repris de R. Barthes : « Légendage », Psychiatrie française , 2002, vol. 33, n° 1, p. 104-126.

Inverse au mouvement régrédient du rêve.

Parmi les réflexions préalables à la mise en place de ce dispositif, qui nous ont animées Guillaume Remize et moi-même, un questionnement s’est fait jour  : Sera-t-il possible d’observer une différence manifeste entre des adolescents qui vivent actuellement des violences intra-familiales et des adolescents qui ont vécu dans le passé de telles violences ? Ce questionnement fait référence à deux temporalités psychiques différentes et à la dimension de l’après coup qui caractérise le traumatisme. Nous faisons l’hypothèse que l’atelier pourrait enrayer le processus traumatique par l’offre de liaison dans l’ actuel qu’il propose.

Nous employons cet terme en référence à la théorie traductive-refoulante de Jean Laplanche, et plus précisément à l’exigence de traduction par le bébé des messages énigmatiques émanant de la mère, compromis par l’inconscient de celle-ci. J. Laplanche (1987), Nouveaux fondements pour la psychanalyse , PUF, « Quadrige », 1994.

P. Fédida, « La mimétique et la fonction du voir », (1987), Les Cahiers de l’IPPC , Institut de Psycho-Pathologie Clinique, n° 6, nov. 1987 : « Voir, écouter, toucher », p. 7-32.

P. Fédida, Des bienfaits de la dépression. Éloge de la psychothérapie , Paris, Odile Jacob, 2011, p. 55. Parlant d’un patient très fortement déprimé, il disait qu’« il perdait jusqu’à la sensation de ses propres mots ».

On parle là des images figées, qui sidèrent, et par là même qui effractent.

Fédida, « Désimaginer l’image ou l’œuvre d’art déformée », Revue Internationale de Psychopathologie , n°4, 1991, PUF, p. 341-343.

Fédida, « Le souffle indistinct de l’image » (1993), Le Site de l’étranger . La situation psychanalytique , Paris, PUF, « Psychopathologie », 1995, p. 187-220.

M. Foucault, « Introduction à Rêve et Existence de L. Binswanger » (1954), in Dits et écrits , tome 1, NRF Gallimard, 1994, p. 94-147.

Ibid ., p. 146.

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