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Adolescents en rupture : comment répondre à l’urgence ?

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Collectif d'auteurs

mercredi 14 septembre 2011

 

Adolescents en rupture : comment répondre à l’urgence ?     

De par sa mission auprès des jeunes et des Magistrats pour enfants, le S.O.A.E. est souvent confronté au problème de l’ urgence et essaie de réfléchir et de travailler sur cette notion.

Nous essayons au maximum d’analyser les situations de crise et de conflit, d’entendre les divers protagonistes et de les faire émerger comme sujets responsables – quelles que soient les décisions que le Magistrat soit amené à prendre.

Il arrive cependant que nous soyons pris dans l’urgence et que nous accédions à la demande pressante d’un jeune qui est dans une situation difficile sans pouvoir donner au Magistrat les éléments qui lui permettraient aussi de différer sa décision.

Nous avons ainsi été interpellés par quelques cas où des adolescents se présentent dans un « état d’urgence » tel que cela entraîne de la part des intervenants une réponse immédiate à leur demande. Les effets négatifs ou en tous les cas les réactions négatives qui s’en sont suivis n’ont pas manqué de nous interroger.

1-   Comment ces adolescents nous interpellent-ils ?

Nous avons retenu quatre cas, deux adolescents et deux adolescentes pour – à travers une relecture des dossiers –  essayer d’en dégager quelques traits saillants.

a)   R. a seize ans. A la suite d’un conflit aigu père-fils, R a quitté le domicile de ses parents. Il est hébergé chez un voisin éthylique « dans des conditions déplorables » lit-on sur le rapport de l’éducateur. Entendu par le Magistrat, il indique qu’il ne veut pas rentrer chez son père. Père dur, exigeant. R. ne peut plus supporter cette situation très tendue et conflictuelle, où le père et le fils ne s’adressent plus la parole. Il est admis dans un foyer d’accueil.

b)   C. a  seize ans. Il écrit au Magistrat sur les conseils d’un éducateur de prévention rencontré dans la rue. Il a quitté le domicile de son père, très sévère et violent, depuis plusieurs mois, et ne veut plus y revenir. L’éducateur qui va à sa rencontre le trouve dans la rue dans un « état lamentable » : il est sale, il a faim, il n’a pas dormi ; de plus, il s’est fait une entorse à la cheville. Il est reçu « en catastrophe » par le Magistrat et placé dans un foyer d’accueil. Le père refusera par la suite de se rendre aux convocations du Magistrat et de rencontrer l’éducateur.

c)   I. a dix sept ans. Elle écrit au Magistrat sur les conseils de sa mère. Elle a quitté le foyer de son père après avoir eu un accrochage sérieux avec lui. Il est très strict, très sévère, lui interdit de sortir, de voir des copains, de fumer. Elle s’est rendue chez sa mère (les parents sont divorcés) qui ne peut la prendre en charge. I. est interne dans un L.E.P. mais elle n’a aucun lieu d’hébergement pour le prochain week-end. Il y a une intervention « en catastrophe », et elle est accueillie pour les week-ends dans un foyer. (I. a été reçue avec sa mère par le Juge des Enfants). Le père aura une réaction violente au téléphone lorsqu’il en sera informé : ne veut plus voir sa fille … puis apparaît très malheureux…

d)   D. a quinze ans et est en 3 ème . Au cours d’une seconde fugue du domicile de ses parents elle fait une T.S. par absorption de médicaments avec son ami F. C’est l’hôpital qui alerte le Magistrat qui mandate un éducateur. D.  est « dans un désarroi intense ». Elle ne veut pas rentrer chez ses parents. Il ya eu un conflit violent avec son père quand ce dernier a appris qu’elle fumait. Son père ne veut plus la voir « et a brûlé toutes ses affaires ». Le placement en foyer d’accueil a lieu directement depuis l’hôpital ; la mère est venue accompagner sa fille.

Dans ces quatre situations, nous retrouvons une demande pressante et urgente de la part des adolescents. Dans les rapports des éducateurs, on retrouve les termes de conditions déplorables , lamentables, en désarroi intense et d’intervention en catastrophe.

Tous les quatre ont quitté le domicile des parents à la suite d’un conflit aigu avec un père sévère et exigeant , et ne veulent pas y retourner .

Ils sont donc en situation de fugue , « à la rue », ils demandent « un toit ». Dans chacun de ces quatre cas, la situation est suffisamment dramatique ou dramatisée pour amener l’éducateur et le Magistrat à donner une réponse quasi immédiate à l’adolescent. La situation a induit , dans les quatre cas, que la réponse soit un placement provisoire en foyer d’accueil.

Le placement s’est fait, dans tous les cas, sans que le père soit entendu et sans qu’il en soit au préalable informé .

2-   Une réponse inadaptée ? Les réactions au placement.

Les réactions au placement n’ont pas manqué de nous interroger.

a)   R. est opéré d’un phlegmon dans la première semaine. Par la suite, son comportement se détériore rapidement :

–    Il participe à des agressions répétées sur un garçon plus jeune ;

–    Il manque l’école (alors que jusque là sa fréquentation était très régulière) ;

–    Il détériore le matériel du foyer ;

–    les sorties nocturnes sont de plus en plus fréquentes ; il est retrouvé drogué dans un appartement ;

–    Il commet des délits qui entraînent, quelques mois plus tard, son incarcération).

b)   C. , quelques jours après son placement, est interpellé pour vol de cyclo. :

–     Il sort de plus en plus et ne rentre pas de la nuit ;

–    il se lance dans un trafic de « shit », fume devant le foyer, manipule ostensiblement des sommes d’argent importantes ;

–     se dérobe à tout projet de formation professionnelle.

c)   I. , le premier week-end au foyer est pénible :

–    elle est triste et isolée.

–    dès le second week-end elle adhère complètement au comportement des adolescentes les plus perturbées, passe la nuit dehors, transgresse tous les interdits, etc.

d)   D. , très vite, ne participe plus à la vie du foyer, oublie les heures de repas :

–    elle passe de plus en plus souvent les nuits dehors,

–    fait des expériences de « drogues douces », accentue son aspect « punk » ;

–    bientôt elle ne rentre plus du tout au foyer… squatte une maison, se promène avec un rat blanc sur l’épaule,

–    quitte la ville

–    on restera sans retrouver sa trace pendant plusieurs mois.

 

Aucun de ces adolescents pris dans un cadre éducatif rigide n’avait auparavant manifesté ce type de comportement . Au plus, c’est l’émergence de revendications de « liberté » qui avait provoqué des réactions violentes de la part du père et la fugue de l’adolescent – refus « d’obéir » au père pour R. ;  interdiction de sorties, renvoie du L.E.P. pour C. ; sortir, voir les copains, fumer pour I. ; avoir plus de liberté et fumer pour D..

La levée du cadre éducatif imposé par le père semble les laisser très démunis, incapables d’assimiler un cadre éducatif différent et d’en accepter les règles et livrés sans limites à leurs poussées pulsionnelles.

Mais,  au-delà de ces constatations au niveau du comportement, la rapidité de la chute de l’adaptation sociale , le côté négatif et autodestructeur   des actes posés nous amènent à nous demander si des processus  psychiques complexes ne sont pas aussi là à l’œuvre.

3-   Approche de la personnalité de ces adolescents

Quelle était la demande profonde de ces adolescents ? Aurions-nous pu la décoder et y apporter des réponses plus adéquates ?

Dans ces quatre cas, un bilan a été demandé par le Magistrat. Ce bilan a donc été réalisé par le service alors que le placement en foyer d’accueil  était engagé.

Lors de ces bilans, nous avons essayé de retracer l’histoire familiale et personnelle de chacun et de faire une approche de personnalité à travers les tests projectifs.

a)   R. a un frère aîné bien inséré socialement mais qui a quitté le foyer de ses parents, en conflit avec le père. C’est lui qui a fait entrer R. dans l’école professionnelle où il est inscrit après une 3 ème C.P.A.. Le  père est fonctionnaire, dur au travail, exigeant avec ses fils comme avec sa femme. Il oblige R. à travailler avec lui tous les week-ends sur une petite propriété de vignes qu’il vient  d’acheter. La mère semble toute acquise à son fils, l’aidant à contourner l’autorité du père.

A l’examen psychologique, R. ne livre qu’une façade lisse et conformiste. Personnalité fragile. Relation très dépendante à l’image maternelle, avec difficulté de séparation et tendance à la banalisation. Relation difficile à l’image paternelle, impossibilité d’aborder les situations conflictuelles toujours déniées et contournées. Tonalité dépressive. Faille narcissique avec alternance entre désir de toute puissance et moments de dévalorisation et de sentiment d’échec.

b)   C. a un père originaire du Togo. Il est décrit comme rigide, soucieux de donner une bonne   éducation à ses enfants. Il veut que leur conduite soit « bonne et droite ». il y a déjà eu un signalement D.D.A.S.S. pour violences sur les enfants de la part du père.  C. était en L.E.P.. Il a été renvoyé pour sa conduite. C’était après une correction du père, suite à ce renvoi, qu’il a quitté le domicile ; mais il nous dit qu’il sait qu’il reviendra chez son père et que celui-ci le tapera pour toutes ses bêtises.

A l’examen psychologique, il est conformiste et séducteur. I l y a un attachement archaïque à l’image maternelle, avec une angoisse de séparation. Le deuil de la mère n’a pas été élaboré. L’image paternelle fonctionne comme un surmoi archaïque : transgresser ses interdits amène à la mort. Faille narcissique abandonnique. Il fonctionne dans la séduction, le paraître, la toute-puissance. Confronté à la perte et au manque, il est totalement démuni et pris dans une fuite en avant, dans des actes autodestructeurs.

c)    I. : les parents sont divorcés. I. est l’aînée de deux filles qui sont confiées à la garde de la mère. I. demande à revenir chez le père, et il y a pour elle un changement de garde. Le père est décrit par sa fille comme très strict, très sévère, interdit les sorties, lit son courrier. Il ya quelques mois, son père l’accuse de « traîner partout » et I. fait une T.S. par absorption de médicaments. Après un accrochage avec le père elle fugue, pense aller chez un copain, va finalement chez sa mère qui a refait sa vie et ne peut la garder. I. est interne dans un L.E.P..

Revendicatrice et défensive au début de l’examen psychologique, ses défenses sthéniques laissent très vite la place au besoin de contact, besoin de se raconter, au côté très immature et labile de sa personnalité. Assises très fragiles de la relation à l’image maternelle. Relation ambivalente à l’image paternelle chargée de toutes les attentes et de tous els conflits. Faille narcissique abandonnique, personnalité fragile, suggestible et vulnérable.

d)   D. : sa mère – de parents divorcés – a elle-même un passé de fugues et de placement en foyer. Dès sa sortie du foyer, à vingt et un ans, elle est enceinte de D. et abandonnée par le père. Seize mois plus tard elle fait connaissance de son mari actuel qui légitime l’enfant. La mère apparaît très immature. Elle apporte en cadeau à D. à l’hôpital, après sa T.S., un squelette en plastique noir.

Le père est vaillant, très exigeant ; tout le monde capitule devant lui.

Derrière sa présentation punk, D. est très infantile, en quête affective massive. L’image maternelle est peu structurée, anxiogène. Elle ne peut se confronter à une relation conflictuelle avec le père. Les réactions d’opposition sont très vite retournées en une sorte d’auto-agressivité. Fragilité narcissique majeure, tendances dépressives.

Dans ces quatre cas, les pères sont décrits comme durs au travail , rigides , parfois violents , une des mères est décédée, les autres apparaissent comme fragiles , et en tous cas, défaillantes dans leur fonction parentale.

C’est une réaction de révolte de l’adolescent contre la rigidité paternelle qui est dans tous les cas à l’origine de la crise et de la rupture. L’adolescent a quitté son domicile, il est en fugue ou en galère, sauf I. qui a tenté un retour vers la mère.

Au moment où ces adolescents font une demande, il semble qu’ils ne soient plus dans le versant sthénique de l’opposition –  d’un départ  du domicile comme passage à l’acte et défi. Ils se présentent en mauvais état physique, en désarroi psychique ; ils demandent un toit.  Dans la façon dont ils interpellent les intervenants, quelque chose fait que ceux-ci ne peuvent pas lui dire non, ni même différer leur réponse. Il semble que la demande, et surtout son mode d’expression , soit un signe du passage sur le versant régressif-dépressif .

Dans ces quatre cas, nous relevons une faille narcissique (abandonnique) de la personnalité, une difficulté d’élaborer la séparation et la perte , une difficulté d’élaborer les conflits face à une image paternelle qui fonctionne comme un surmoi archaïque .

La demande explicite est de ne pas revenir chez le père qui a été jusqu’ici le pôle solide de la structure familiale.

Répondre par un placement en urgence c’est confronter directement l’adolescent à la « séparation impossible » qu’il a provoquée et que justement il ne peut pas assumer . C’est le faire en disqualifiant le père puisqu’on soustrait l’adolescent à son autorité sans qu’il soit associé à la décision de placement.

4-   Réflexions et hypothèses

Nous  faisons l’hypothèse que cela peut précipiter l’effondrement narcissique   en cristallisant peut-être au plus profond de l’adolescent la réalité de la défaillance parentale , en portant atteinte à ce que Michel SOULE a pu appeler la «  filiation narcissique  » et qui est au fondement même de la personnalité . La violence de l’irruption des conduites négatives et destructrices qui suivent le placement est peut-être à la mesure de la souffrance psychique qui n’a pu être contenue et élaborée.

Fonctionner comme un « contenant » de la situation, restaurer les images parentales symboliques qu’elle que soit la réalité de la famille, refaire les liens , permettre à chacun de se situer comme acteur dans  cette situation et donner du sens aux actes posés – même si par la suite une séparation se réalise elle n’aura plus alors cette dimension de rupture catastrophique dans un rejet réciproque mais dans un sens de démarche vers  l’autonomie de l’adolescent – c’est sans doute ce qui peut donner sens à notre intervention.

Différer les réponses , résister aux pressions , qu’elles viennent d’institutions extérieures, de la famille ou de l’adolescent lui-même, pour se donner le temps de trouver du sens, cela nous paraît être essentiel dans le travail éducatif.

5-   Le travail éducatif : déconstruction de la demande et restauration des liens

Nous allons essayer, dans cette dernière partie de notre exposé, d’illustrer ce qu’est au quotidien notre pratique éducative :

–    Pratique d’écoute de l’adolescent pour « contenir » son agressivité et sa souffrance, mais aussi prise de recul et d’analyse de sa demande.

–    Jouer le rôle de tiers mais aussi renouer le dialogue avec les parents dans la recherche d’une « alliance éducative » est indispensable. Il s’agit de les aider à se positionner comme parents dans ce conflit avec leur enfant qui ravive les avatars douloureux de leur histoire personnelle. Cela ne peut passer que par la restauration de leur propre narcissisme blessé par notre intervention même.

Le cas E.

La mesure éducative est prise par le Juge des Enfants  à la demande de l’adolescente.

Après une violente dispute avec sa mère, E. quitte le domicile, est hébergée chez des voisins amis dans le même immeuble depuis quinze jours. L’assistante sociale du secteur à qui elle s’adresse dans un premier temps pour demander son placement d’urgence en foyer, la renvoie vers le Tribunal pour Enfants.

Dans un souci de rapidité, E. porte elle-même la lettre au Tribunal, dont voici le contenu :

«  Mes parents sont divorcés depuis 1984. Ma mère a la garde des trois enfants (9 ans, 8ans).

Au début de mon adolescence, ma mère me donnait l’impression de voir en moi une rivale : insultes à mon égard, voudrait que je reste à la maison pour m’occuper des petits, m’a frappée avec un manche à balai dans les reins et sur les jambes, avec un patin à roulettes, enfin tout ce qui lui tombe sous la main.

Elle me réveille en plaine nuit à coups de gifles pour que je fasse la vaisselle. Ma mère a été frappée à coups de ceinturon par son père ; j’ai l’impression qu’elle reproduit ça sur nous.

Je ne compte pas les hommes qui ont défilé chez moi pour ma mère.

J’ai des problèmes aux yeux, ma mère ne s’en est jamais occupée. Je suis partie de chez moi le 24 janvier 1989 ; ma mère n’a toujours pas prévenu la police. Je vais partir en foyer, mais le plus près possible de X … où résident mes amies. »

Dès réception de la lettre, le magistrat convoque la mère et l’adolescente.

L’audience aura lieu avec la mère et le père bien qu’il n’ait pas été convoqué. L’adolescente ne s’est pas présentée. Une mesure éducative est prise en sa faveur.

E. contacte l’assistante sociale du secteur qui, informée de notre mesure, la dirige le lendemain de l’audience dans notre Service où elle arrive immédiatement, sans rendez-vous.

D’emblée, E. parle du conflit familial dans une description très fidèle à sa lettre, ajoutant force détails et exemples. Elle se plaint d’avoir à s’occuper des tâches ménagères pendant que sa mère travaille, de devoir être responsable et garder son frère et sa sœur, de l’état de nervosité de sa mère qui cumule deux emplois. Elle veut être libre, voir ses copines quand elle en a envie. Elle a arrêté sa scolarité depuis mai 1988.

Elle demande à être placée très rapidement dans un foyer, la personne qui l’héberge ne peut continuer ce « dépannage ».

Tout son discours sera une succession de situations, de justifications pour sa demande de placement, traçant un sombre tableau de son milieu familial, avec une mère trop exigeante.

Nous essayons de reprendre avec elle tout ce qui vient d’être « étalé » en cherchant avec elle comment fonctionne cette relation mère-fille. Quels sont leurs échanges dans d’autres situations que celles qu’elle vient d’énumérer ? Quelles sont les demandes de sa mère vis-à-vis d’elle ? Ses réponses ? Ses désirs d’ado. ? Ses besoins ? Les tolérances et les limites de sa mère ? Que peut attendre sa mère de l’aînée de ses trois enfants ? Sa réalité au quotidien en tant que mère ? Sa réalité d’ado. ? De quelle façon E. participe à la vie de sa famille ? Comment circule la parole dans sa famille ?

Nous allons entamer avec cette adolescente tout un travail de déconstruction et répondre par le négatif à sa demande de placement , du moins pas dans l’urgence . Nous précisons aussi que le Magistrat ayant reçu sa lettre, bien qu’ayant lui seul le pouvoir, n’a pas pris de décision de placement d’urgence : c’est déjà une première réponse qui lui est signifiée .

Evidemment, ceci provoque dans l’instant l’effondrement d e l’adolescente qui pleure ; elle est déçue, dépitée, puisse passe à l’agressivité : « j’ai fait tout ça pour rien ! ». Si un placement est nécessaire, nous le préparerons avec elle , nous allons l’évaluer ensemble. 

Il est exact que dans notre pratique face à une demande aussi pressante, il est difficile de résister aux pressions : pressions de l’adolescente, de l’entourage, d’autres travailleurs sociaux, de l’école, etc. Il faut évaluer la notion d’urgence, indissociable de la notion de danger.

Différer un placement demande beaucoup plus de travail et de mobilisation que de faire un placement d’urgence.

La séparation dans la cassure, comme le demande E., peut avoir des conséquences graves pour la suite des relations familiales dans son ensemble, et pas seulement mère-fille.

L’adolescent a besoin de cette séparation pour accéder  à l’autonomie et devenir adulte , mais dans la mesure où la triangulation familiale n’a pas été faite , il ne voit pas d’autre issue que de faire cette séparation dans la cassure .

Or, nous sommes là pour permettre cette séparation des deux côtés mais pas dans un rejet réciproque .

Ces adolescents que nous rencontrons, qui ne parviennent pas à devenir adultes, font un passage à l’acte impulsif, compulsif. On peut se demander pourquoi dans ces familles ça se joue comme ça ? Souvent les parents eux-mêmes ont été placés, et nous devons être vigilants pour éviter ce phénomène de répétition. Notre travail doit être de restaurer le narcissisme familial. Cette restauration des liens doit être une constante de notre pratique professionnelle dans la mesure éducative qui nous est confiée, même en « urgence ».

Janine LAHONTAA, Anne GARDE (†), psychologues

Martha COMLA-CATHALA, éducatrice spécialisée

Patrick BARRIERE, Thierry FEVRIER, éducateurs spécialisés.

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