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Entre « Ethnie » et « Groupe social », comment décoloniser les imaginaires ?

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François Simonet

mardi 05 septembre 2017

Si le temps des empires et des colonies est révolu, le langage, quant à lui, en véhicule toujours des éléments résiduels au sein de l’espace social. Les représentations, saturées d’imaginaire, d’aspects culturels et symboliques, ont de ce fait inscrit des formes particulièrement prégnantes dans les esprits. Ainsi, bien que les critères utilisés lors de son apparition au sein d’un contexte puissent être considérés comme obsolètes, le terme « ethnie » reste vecteur de ces éléments dans son usage.

À partir d’une réflexion appuyée, le texte interroge la permanence d’une rhétorique qui maintient des conceptions particulières dans les mentalités contemporaines.

L’homme est un être pensant sans pour autant qu’il y ait une loi par laquelle advient la société. Si nous produisons la société dans laquelle nous vivons, elle nous construit à son tour. La relation de réciprocité prend racine dans l’imaginaire et le culturel. Cette culture qui nous préexiste, nous façonne et nous conditionne, dans les limites de son espace ; l’organisation sociale étant déjà là : par ses institutions, ses règles, ses modes relationnels, ses valeurs, qui prennent forme dans les pratiques.

Chaque société, porteuse d’un habitus, fabrique sa vision des autres sociétés et des individus. Chacune oriente et impose les focales de ses conceptions, de ses croyances, de ses fantasmes, de ses peurs, de ses ambitions et intentions. Ce qui fait que tout individu est le témoin de son temps ; tout auteur d’une œuvre, y compris scientifique, véhicule, par ses positions, les caractéristiques idéologiques de son époque, au-delà de toute volonté d’objectivité qui voudrait supprimer les aspects non-rationnels de son jugement. 

En ce sens, le langage utilisé, par les termes sollicités saturés de significations, imprègne les esprits, induisant et véhiculant des manières de voir. Une certaine banalisation s’installe, avec des « allant-de-soi », des clichés et autres stéréotypes résistant à la déconstruction. Ainsi, par leurs descriptions et analyses du « bon sauvage », de l’indigène, ethnologues et anthropologues ont aussi argumenté la supériorité de la civilisation à partir de laquelle ils écrivaient et se positionnaient[1] - avec son système de références. Lévi-Strauss écrira que l’« on a dit parfois que la société occidentale était la seule à avoir produit des ethnographes ; que c’était là sa grandeur et, à défaut des autres supériorités que ceux-ci lui contestent, la seule qui les oblige à s’incliner devant elle puisque, sans elle, ils n’existeraient pas. On pourrait aussi bien prétendre le contraire : si l’Occident a produit des ethnographes, c’est qu’un bien puissant remords devait le tourmenter, l’obligeant à confronter son image à celle de sociétés différentes dans l’espoir qu’elles réfléchiront les mêmes tares ou l’aideront à expliquer comment les siennes se sont développées dans son sein. »[2] Les récits n’ont pas manqué et ne manquent pas.

À l’heure où nous nous débattons avec notre passé, début d’un nouveau millénaire qui « commémore » les indépendances africaines, quelle est la sémantique qui se véhicule aujourd’hui encore ? Le fleuve de l’histoire charrie toujours les eaux boueuses du racisme, de la haine, de l’intolérance. Notre société lutte contre les discriminations, pensant les éradiquer. Que reste-t-il donc du souffle encore chaud de Césaire ? Quelles interrogations sur ce présent métissé ? 

Faisons l’hypothèse que, par la sémantique utilisée pour décrire le colonisé d’hier, nous maintenons vivace la construction dont il a est toujours l’objet. Le stigmate reste actuel et distingue, de manière exclusive et par des marques réductrices, les groupes sociaux. La sémantique d’aujourd’hui poursuit l’invention et les « classifications » d’époque par des positions politiques conservatrices. Mieux : en s’appropriant le langage du colonisateur, le colonisé a fait sienne cette vision stigmatisante. Face aux préjugés qui nous engourdissent l’âme et nous alourdissent l’esprit, quelle autre possibilité que celle de s’affranchir du pouvoir que prennent les mots, dans une tentative de libération de leur influence ? 

Nonobstant l’évolution des connaissances et des consciences, que dire du terme « ethnie », dont l’usage porte aujourd’hui à caution tant il paraît impropre, douteux même ? Et cependant d’autant plus tenace qu’il est ancré solidement dans la « francophonie ». Les conceptions qu’il véhicule, et hors le contexte dans lequel il s’est développé, sont en décalage par rapport à l’évolution sociale. Ce qu’il a servi à désigner ne sont plus ces formes méprisées et reléguées au rang d’une infériorité ; cet Autre n’est plus cette figure à classer selon des catégories raciales. Il n’aurait d’ailleurs jamais dû l’être, mais la polémique perdure ! Les arguments n’ont pas manqué, et ne manquent pas, à ceux qui veulent prouver et démontrer cette infériorité. Alors que dans le monde occidental prenaient forme les classes sociales, au sud, il était toujours question de primitifs, vus d'un œil condescendant. Qui pouvait bien être le miroir de l’autre ?

Partant d’un regard occidentalo-centré, comme point d’une vue particulière, cette réflexion à propos de l’usage du terme « ethnie », objet d’une vulgarisation dans l’opinion, appuyée par les médias en fonction des évènements sociaux, relève d’une ascèse nécessaire. Elle participe de la question permanente à propos des statistiques « ethniques » qui reviennent régulièrement sur le « tapis » et, actuellement, compte tenu de la situation du monde avec la problématique des réfugiés, prend un sens particulier. 

Un passé sur lequel se fonde notre présent. 

Comme en réaction à un empire déchu, notre société semble s’accrocher autant qu’elle peut aux vestiges de sa « grandeur » disparue. Faisant état des bienfaits de la colonisation, l’intention s’inscrivait dans une interprétation de l’Histoire, comme si les évènements pouvaient se réécrire à volonté - le discours polémique sous-entendant une dette de reconnaissance. Fernand Braudel a été de ceux qui ont défendu le caractère positif de la colonisation, affirmant que « grâce à la colonisation, la civilisation a pénétré l’Afrique noire qui a pu ainsi entrer dans l’histoire[3]. C’est à travers son rapport à l’Occident que l’Afrique construit son devenir historique, et ce devenir est interprété en termes de « trahison ». »[4] Mais parle-t-on des bienfaits de la colonisation romaine ? N’étions-nous pas dans des ténèbres, desquelles d’autres s’arrogeaient le droit de nous en sortir par devoir de nous éclairer ?

Une telle vision civilisatrice, jusqu’à la création en ce nouveau millénaire d’un ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’identité nationale (et du co-développement), renvoie à la nostalgie d’une « Grande époque », conception despotique d’une utopie qui ne repose que sur l’endoctrinement et la propagande. Faisons donc le postulat que l’esclavage et le colonialisme n’ont pas existé au nom d’une volonté civilisatrice, ni d’un quelconque progrès, mais plutôt du fait d’un état d’esprit arrogant à vouloir s’approprier l’autre, le spolier. Plus une société possède de technicité, plus elle aura la volonté de soumettre le monde à ses propres intérêts, pour servir ses ambitions. 

Voilà qui met à l’épreuve les Lumières, période qui s’est voulue éclairée[5] – et qui l’a été sur bien des aspects. Si avant 1789 des voix se sont élevées contre la traite et l’esclavage, la « Société des amis des Noirs » (composée d’abolitionnistes, dont Brissot de Warville, Condorcet, l’abbé Grégoire, La Fayette, Mirabeau, Pétion) a dû lutter d’arrache-pied pour se faire entendre. L’effervescence des Lumières annonçait des bouleversements radicaux, à tous les niveaux de la société. Si la Révolution veut supprimer l’Ancien régime, féodal, aristocratique, et les privilèges liés, pour autant, elle n’abolit pas l’esclavage. Les lobbies de l’époque protègent leurs intérêts ! Par la couleur stipulée, les divers Codes noirs précisent bien à qui ils s’adressent. Protestants et juifs n’étant pas épargnés par ailleurs.

Est citoyen celui qui appartient de droit, et à part entière, au « corps social » ; celui qui correspond aux principes et aux valeurs révolutionnaires puis républicaines : Liberté, Égalité, Fraternité, Patrie, Nation. Or, dans leur majorité, « les représentants du peuple français n’ont pas voulu penser à l’esclave noir. Parce qu’il n’est pas membre du corps social. »[6] Le Noir n’a d’ailleurs pas à être citoyen, pas plus qu’il n’a besoin d’être instruit[7]. Il est seulement maté ! Il n’appartient pas à l’humanité tout simplement parce qu’il n’est pas « visible ». Les reproches communément faits aux Lumières sont ceux d’une certaine frilosité à abolir radicalement l’esclavage. Certes, la proposition de Condorcet[8] d’un affranchissement par « degrés », qui se veut avant tout position de raison, met l’impatience de l’homme contemporain à l’épreuve ; comme pour Montesquieu, « actionnaire » lui-même d’une compagnie négrière. Mais ce serait trop rapidement faire fi que, dans l’Europe, leurs voix étaient décriées. Entre l’arrêt d’une organisation funeste et l’écroulement d’une structure économique, politique, sociale, le dilemme est réel. Les dénonciations argumentées d’hier ne sont pas plus entendues que celles d’aujourd’hui ! L’homme contemporain n’est pas plus rapide pour régler les problèmes de son temps, lui qui cherche si souvent à se dédouaner de toute responsabilité lorsqu’il est impliqué.

Face à l’amnésie de notre société, pourtant si consommatrice de cérémonies mémorielles, hommage soit ici rendu à Toussaint Louverture[9] - et à tous ceux qui n’ont pas supporté l’asservissement, sans que cela fût au seul nom de principes Républicains. La France révolutionnaire est loin de ces soulèvements à Saint-Domingue, préoccupée plutôt par des intérêts de pouvoirs (politiques et économiques). Révolution en Métropole en 1789 et première abolition de l’esclavage dans les colonies françaises par la Convention le 4 février 1794. Il faudra attendre le 10 mai 2011 pour que l’Assemblée nationale qualifie, par la loi Taubira, la traite et l’esclavagisme de « crimes contre l’humanité ».

La liberté des esclaves Noirs n’est qu’affaire de temps : pour les mentalités d’une part et les affaires d’autres part. Car, qui va donc exploiter les propriétés des colons… au moindre coût ? Ces derniers n’envisageant ni la ruine, pas plus que de subir le même sort qu’ils ont réservé à leurs esclaves ! Rappelons que : « Avec la Révolution (française), le combat a changé de dimension. Il ne s’agit plus seulement d’une bataille d’idées. La lutte est devenue intensément politique. La destruction de l’Ancien Régime et l’avènement d’une nouvelle société fondée sur la liberté et l’égalité des hommes doivent logiquement entraîner la suppression de la traite et l’abolition de l’esclavage. Mais du même coup, se trouvent menacés des intérêts économiques considérables. »[10]

Le temps s’écoule. Sous la IIIe République qui, notamment depuis la défaite de 1870, cherche à regagner du prestige et de la puissance sur la scène internationale, la conquête coloniale poursuit son développement en Afrique, dans les Amériques et en Asie, avec l’impulsion du gouvernement de Jules Ferry. Du milieu du XIXe siècle jusqu’à son abolition (1946), le Code de l’indigénat sera là pour administrer les colonies. Encore que ce code soit resté en vigueur en Algérie jusqu’à l’indépendance de celle-ci (1962). Il s’agissait d’un ensemble de législations et de textes juridiques par lesquels l’indigène n’était aucunement un citoyen. 

Cette politique coloniale de premier plan pour la nation n’est pas isolée. C’est même toute l’Europe qui s’est lancée dans cette course effrénée, fondée sur le progrès, né de l’esprit des Lumières, avec la participation des sciences. La puissance des empires est au prix de leur installation dans les contrées lointaines. Sous couvert d’un jeu de relations diplomatiques, les territoires de l’Afrique possédés par les États européens sont en fait des zones de contrôle et d’influence. S’installe de ce fait une compétition acharnée entre allemands, anglais, belges, espagnols, français, italiens et portugais.

Par la Conférence de Berlin du 16 février 1885, l’Afrique est partagée entre ces puissances impérialistes, sous l’arbitrage du roi des Belges Léopold II qui, à force de volonté tenace arrivera à conquérir et à posséder le bassin du Congo. Le partage étant établi, les États européens ont exploité les ressources et les terres de leurs « possessions », investissant sur des infrastructures dont eux seuls tiraient profit. En fait, en guise d'établir les règles du jeu pour la conquête du continent, dans le but perceptible de détendre les rapports conflictuels entre les colonisateurs, la Conférence ne fait que confirmer les principes d’un partage existant[11]. C’est l’avenir imminent de l’Europe qui se joue ici en sourdine.

La situation du continent africain est en effet particulière, et elle semble le rester dans les esprits encore aujourd’hui – même si des discours évoquent une rupture avec le système de la France-Afrique. Jusque dans la première moitié du XIXe siècle, l’Afrique n’est pas convoitée par les puissances européennes comme peut l’être l’Asie. Certes, des parties sont connues par les explorations, où la recherche des sources du Nil a pris un sens mythique par exemple. Les conquêtes culturelles, avec l'Islam qui, après l’implantation dans la partie nord du continent[12] s’étend au sud, provoquent la rencontre conflictuelle des croyances. Par la traite des esclaves, ce sont les côtes, notamment de l’Afrique noire, qui ont été le lieu des échanges commerciaux et d’exportation (ainsi que de déportation) vers le Nouveau monde. Or, l’abolition de ce trafic se fait au profit de l’exploitation d’autres marchandises comme le caoutchouc, les huiles de palme et d’arachide, le bois, etc. Ainsi, les pénétrations se font de plus en plus à l’intérieur d’un continent gigantesque, stimulant d’autant plus l’aventure qu’il aiguise les concupiscences. 

Cette volonté de conquête de territoires et d’expansion représente de véritables enjeux politiques, sociaux (notamment démographiques), économiques, culturels et idéologiques. Le but est de contrôler le monde en s’imposant de manière stratégique, faisant de l’Afrique un terrain de rivalités entre les puissances européennes. L’impérialisme, qui va soumettre l’Afrique à sa botte, est une réalité très organisée, aux luttes fraternelles partisanes, découpant et partageant de manière aléatoire et arbitraire les possessions coloniales : au gré des combats et des manœuvres, les maîtres couronnés changent parfois, les autochtones subissent toujours.

Les valeurs d’une société éclairée.

Au nom des valeurs républicaines, et pour la grandeur de la Nation française, il s’agit de civiliser, en administrant les populations et les ressources locales. Avec un schéma clairement dessiné : là où le paganisme est vu comme sauvagerie, le christianisme se présente comme source de civilisation. Le bon sauvage rousseauiste nécessite toujours d’être policé ! 

L’exploitation si pénible des nombreuses ressources naturelles tant convoitées dont regorge l’Afrique va de pair avec les progrès techniques de cette fin de XIXe siècle : le développement des moyens de communication et de transport - par exemple les croisières : Noire pour l’Afrique, Jaune pour l’Asie -, les découvertes médicales - qui permettent de soigner et de prévenir les fièvres paludéennes éprouvantes.

Portées par une foi scientifique toute nouvelle, armées de moyens de plus en plus développés, les expéditions sont composées de géographes, de botanistes, de naturalistes, de biologistes, d’ethnologues et autres aventuriers, avec le concours de l’Académie des Sciences, de la Société royale de médecine.

Des peuples rencontrés, les mœurs et les coutumes font l’objet de nombreuses observations, de relevés détaillés et répertoriés, établissant ainsi une cartographie du progrès et de la connaissance. L’ethnologie et l’anthropométrie s’affirment. L’ethnie est un concept qui entre en scène et prend son essor. Les sociétés étaient dites primitives, vivant selon des règles de vie premières, éloignées de la « civilisation ».

L’étude de ces sociétés, considérées comme « exotiques », n’est pas le fait de ce XIXe siècle : la période de la traite et de l’esclavagisme avait été, en son temps, objet d’une littérature importante. Mais ici, au sein de cet administration coloniale, il s’agit d’une véritable politique impérialiste expansionniste menée par des explorateurs, des marchands, des aventurier(e)s et chercheurs d’or d’un type nouveau, des missionnaires, des officiers militaires et des administrateurs, transportés par une aventure coloniale vécue comme exaltante par l’Occident[13]. En cette période de patriotisme exacerbé, l’ambition n’a pas la limite des frontières. 

Contexte et connaissances sont intriqués, comme toujours, orientant de ce fait les idées. La préoccupation est de créer une hiérarchisation des individus selon des caractéristiques particulières. Arthur Joseph de Gobineau (1816-1882), comte de son rang, écrira son Essai sur l’inégalité des races (parution en quatre volumes de 1853 à 1855), et Jules Ferry dira que les races considérées supérieures ont un droit sur celles dites inférieures. Il apparaît ainsi clairement qu’une scission s’est opérée entre des parties du globe et que la revanche que veulent prendre les nations européennes entre elles se fait par et dans leurs territoires coloniaux.

Le regard porté sur ces sociétés colonisées, avec ces peuples et ceux qui y sont générationnellement liés, s’est-il transformé depuis ? Penser en termes d’ethnie reste aujourd’hui très présent. Ce qui correspond toujours à des critères particuliers : degré de civilisation, attitudes, comportements, pratiques culturelles et sociales. La vision actuelle s’est fortement nourrie du « côté sombre des Lumières, qui sont également à l’origine de la classification de l’Humanité et de toutes les sociétés en sauvages, barbares et civilisés, et qui ont attribué aux seuls Européens de l’ancien et du nouveau monde la gloire d’être civilisés et d’incarner la seule voie possible vers le « Progrès » du genre humain. Ce sont ces représentations d’eux-mêmes et de leur rôle dans l’histoire qu’ont mis en avant les Occidentaux pour justifier - au nom de leur rôle civilisateur - la conquête et l’exploitation des peuples d’Amérique, d’Asie, d’Afrique et d’Océanie »[14]

Profondément attachés à notre propre système de référence occidental, prisme déformant d’un contexte, que déduisons-nous de celui qui n’y répond pas, en partie ou totalement ? Doit-on considérer aujourd’hui que des sociétés et des cultures nous seraient inférieures parce que différentes ? Les nombreux conflits de par le monde paraissent attester de cette réalité ! Lévi-Strauss en appelait à un certain « relativisme » culturel dans le sens qu’une société n’est pas meilleure qu’une autre, ni supérieure, aux motifs de ses normes, de ses usages, de ses méthodes et de sa technologie sophistiquée. 

La construction unilatérale d’une sémantique. 

Le « primitif », désignation de ces populations indigènes, exotisme d’un temps, correspond à de multiples figures aussi caricaturales les unes que les autres : l’être naïf, fourbe, barbare, sauvage, lubrique. Autant d’ersatz qui nourrissent la propagande. Qui, à propos du Nègre, n’a pas entendu les plaisanteries les plus douteuses et méprisantes ?[15] Cela vaut d’ailleurs pour toute forme d’humour, regorgeant généralement de préjugés, à l’adresse de catégories sociales particulières : l’arabe, le turc, le juif, le belge… Cette construction sociale historique de l’autre[16] relève d’une invention[17] et reste empreinte de représentations et de préjugés erronés[18], l’autochtone ne participant aucunement à la formation de son identité « ethnique », du moins activement. Le regard de l’observateur occidental reste seul habilité à lui octroyer une appellation. Ce qui donne dès lors dans l’imposture. Simple question : qui a nommé les continents et l’ensemble du globe terrestre ?

Une autre remarque. Nombreuses sont encore les moqueries à propos des parlers. Il n’est pas si loin le temps où certains humoristes chatouillaient drôlatiquement leur auditoire avec les expressions et les prononciations antillaises, africaines, asiatiques. C’est méconnaître que la diffusion du français (émergeant) dans les pays colonisés s’est faite par des dialectes, des jargons, avec des prononciations en usage à l’époque, spécifiques à des zones géographiques de la France du XVIIe et XVIIIe siècles[19] qui se sont transformés localement. Les langages portent les conceptions des époques par le biais des termes sollicités et des expressions. Les écrits d’Amadou Hampâté Bâ par exemple, et pour ne citer que lui, révèlent une langue maîtrisée et élaborée. 

Revenons à notre XXIe siècle, où « Ethnie » est devenue un terme par lequel nous nous fourvoyons. Il renvoie, au quotidien, à des stigmates inscrits dans l’espace social. Effectivement il a remplacé l’usage abusif de race, mais pour autant, qu’est-ce qui justifie son emploi pour désigner une catégorie d’individus en particulier ? En France, parle-t-on d’ethnies à propos des basques ? Des charentais ? Des bretons ? Et pourtant… 

Le terme désigne bien « un ensemble d’individus qui ont en partage un certain nombre de caractères de civilisation, notamment linguistique », une « classe d’êtres d’origine et de conditions communes »[20]. Maurice Godelier entend par ethnie « cet ensemble de groupes locaux se sachant issus d’une même souche, parlant des langues apparentées et partageant un certain nombre de principes d’organisation de la société et de représentations de l’ordre social et cosmique, ainsi que des valeurs communes. Mais attention, le fait d’appartenir à une même ethnie ne vous donne pas de femmes ni d’accès à la terre. Cela vous confère une identité particulière qui déborde le fait d’être membre de votre société et vous rattache à une communauté culturelle et linguistique qui s’étend bien au-delà du groupe local, de la tribu à laquelle vous appartenez par la naissance ou par adoption. »[21].

Fin du XIXe siècle, l’ethnologie se définit comme « la science des groupes humains, notamment les groupes sociaux appartenant aux civilisations pré-industrielles ». Mais « groupe », « nation », « peuple », auxquels ethnos donne sens, sont autant de termes qui suggèrent qu’une organisation sociale a une existence propre et autonome. Ce qui nous concerne tout autant de ce côté-ci de cette « modernité » toujours évoquée pour nous identifier. 

Pourquoi alors ne pas parler d’ethnies concernant l’histoire de France et de l’Europe ? Avec ces invasions « barbares » aux couleurs si variées. À qui viendrait l’idée de parler de conflit ethnique à propos de la Grande Guerre de 14-18 ? Alors que, même pour la seconde guerre mondiale, les soldats des colonies n’ont pas manqué d’offrir leur vie à la Mère Patrie. Qu’est-ce donc que le fait d’être ethnique change à une guerre ? Les moyens utilisés ? La barbarie ? La cruauté ? Car ce sont toujours les raisons avancées. 

Un tel regard ethniste crée une ethnicisation des rapports sociaux et demeure « un outil politique particulièrement opérant »[22] dont on peut mesurer toute la stratégie dramatique dans l’accès à la magistrature suprême. Derrière la notion d’« ivoirité » déjà entendue par exemple, ne serait-ce pas une forme d’ethnicité qui se profilerait ? Un travers dont le concept de négritude ne s’est pas distancié. À moins qu’il ne s’agisse d’un argument pour le dénaturer. Un regard d’autant mieux prégnant qu’il contient là, de manière intrinsèquement historique, les marques particulières de domination qui ont eu cours lors de la colonisation. Rappelons-nous que celle-ci a été l’imposition d’une civilisation sur des populations, usant et abusant d’un procédé particulier : jouer sur la division des peuples dominés, entre eux, en utilisant les oppositions culturelles, les clivages religieux, les rivalités « ethniques », ou supposées telles, semant ainsi la discorde. La corruption demeurant à ce jour un reste bien présent de ce « modèle » d’organisation sociale. 

Ainsi, dans ces parties du monde explorées par les empires, il y a des « groupes ethniques », tandis que dans l’univers des nations occidentales, il y a des « groupes sociaux ». Dans l’ensemble, même s’il s’agit d’individus, les contextes différent et le verbe nomme distinctement. De plus, les critères de discrimination ont à ce point aliéné ceux qui les subissent qu’ils les utilisent pour eux-mêmes, s’identifiant par appartenance à tel groupe d’affiliation ethnique, assignés à des rôles, forçant même le trait. La distinction devient une affaire de style : d’un côté les sociétés à la culture évoluée, de l’autre celles qui sont folkloriques. Aux uns : du sophistiqué, de la technicité ; aux autres : du rudimentaire, de l’intuitif. Une conception qui ne fait que maintenir les clichés.

La permanence d’une rhétorique. 

C’est très justement que Césaire proposait de remplacer ce terme, porteur de « connotations forcément désagréables parce qu’équivoques que le mot ethnicity entretient »[23]. Car ces connotations nous amènent à des impasses interprétatives. Et le fait est là : la rhétorique n’a pas varié d’un iota. Elle reste empreinte de termes galvaudés porteurs de représentations d’une époque révolue, traînant son lot de stéréotypes, de références obsolètes qui ne font que maintenir un ascendant sur les esprits. Il paraissait plus facile d’observer les conduites des populations locales sous des aspects dits primitifs, dénonçant l’anthropophagie, plutôt que de voir, dans ses propres rangs, la sauvagerie dont faisaient preuve les nations civilisées, ingénieuses dans l’art de détruire et dans la perversité cruelle pour y réussir. 

Présent et passé se superposent et il n’est pas exagéré de parler de l’existence, depuis les indépendances, d’une « permanence de schèmes coloniaux dans la culture (francophone) et les mentalités »[24].

C’est un réseau sémantique qui s’est puissamment structuré où, à « ethnie », viennent se greffer « tribu » et « clan », généralement entendus de manière négative, voire péjorative. Avec le temps, quelques glissements substantiels ont de ce fait transformé sens et usages. Ainsi tient la structure sociale, organisant les systèmes de valeurs à partir desquels nous interprétons le monde et où croyances et convictions sont nos guides.  

Pour l’heure, c’est dans le domaine scientifique que la perspective est différente, pas pour la doxa. Pour celle-ci, le teint de l’épiderme et le faciès sont considérés comme des stigmates quasi délictueux, passant de l’apparence extérieure à la brûlure dans les chairs, si douloureux à changer dans les mentalités[25]. Des marques qui se déplacent sur le curseur de l’imaginaire, glissant avec tant d’instabilité du plus clair au plus foncé, jouant sur la comparaison. En réalité, que déduire de cette logique ? Les traits qui ont servi - et servent encore, au nom de la culture - à de telles classifications n’ayant aucune validité humaniste. 

En quoi ces marques positionnent-elles les individus de manière égalitaire et fraternelle ? En quoi de telles désignations sont-elles structurantes et respectueuses ? Il ne s’agit pas de faire appel à un nouveau modèle importé, au risque de l’imposer, pour désigner d’autres formes identitaires. La « discrimination positive » restant avant tout une discrimination ! 

À qui le monopole de l’histoire ? 

La France a mal à son histoire, versus colonisation, cette plaie sanguinolente au cœur de la République. Et le passé est là, dans le continuum de l’histoire. Impossible de l’occulter ! À l’évolution sociale en général, mœurs et langage ne répondent pas de la même manière ni au même rythme, opposant quelques retenues, voire des résistances. 

D’aucuns prétendront que la signification du terme ethnie a évolué. Toutefois, l’évolution ne coupe pas radicalement d’avec ses racines mais a plutôt tendance à trouver des compromis. En fait, la perception n’a pas vieilli ; le discours s’est tout simplement adapté : le colonisé d’hier est l’immigré, ou issu de l’immigration aujourd’hui. 

Prenons le discours du chef d’État français[26] qui, au nom de la Nation, s’adresse à un des peuples d’Afrique, le Sénégal, pour lui exprimer que : -« Le drame de l’homme africain, c’est que, dans son imaginaire, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. » Que « Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance […] « … ce besoin de croire plutôt que de comprendre, ce besoin de ressentir plutôt que de raisonner, ce besoin d’être en harmonie plutôt que d’être en conquête. » De plus, considérant que l’Afrique va mal, il précise que :-« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » mais qu’il est plutôt dans « l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, (…) l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout est écrit d’avance. Jamais l’homme (africain) ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. »

Ce discours nous renseigne sur plusieurs points. D’abord, il confirme bien que le temps révolu ne change rien aux clichés et que représentations et perceptions ont, globalement, toujours cours dans les esprits. Les mots collent aux êtres et traversent l’histoire. Rappelons que, faisant plusieurs fois la France, le continent n’a d’africain que l’appellation occidentale. Il contient DES « Afriques », et c’est bien réducteur que d’exprimer à un de ses pays une généralité pour un continent entier. Où se situe l’Égypte ? Terre dont l’Occident a puisé un symbolisme et un imaginaire qui saturent son espace social. Dans quelle partie du globe se trouve le bassin méditerranéen, d’où notre culture est issue ? Et quel est donc ce continent dont on dit qu’il est le berceau de l’humanité ? 

L’homme africain ne serait donc « pas assez entré dans l’histoire » ? En manque d’un « destin » ? Parce qu’il aurait été spolié de cette idée même ! Il est vrai que, entravé par chaînes et boulets, toute la difficulté est de pouvoir s’élancer vers l’avenir !

Autre chose. Quel est ce patrimoine déposé sur les quais de la Seine ? Des Arts premiers ? Des Arts primitifs ? Des Arts tribaux ? La polémique qui a eu lieu autour de l’appellation à attribuer à l’écrin architectural dans lequel sont si précieusement entreposés ces trésors est significative de la sémantique et des représentations dont il est question. Est-ce à dire qu’après l’Afrique, les anciennes colonies d’Océanie, d’Asie et des Amériques n’auraient pas d’histoire ? D’où viendraient donc ces connaissances et ces techniques, héritage de lignées ancestrales et fondatrices ? 

Par son article paru dans le Monde diplomatique en novembre 2007, « Les sources hégéliennes du discours de Nicolas Sarkozy », Olivier Pironnet met le « discours de Dakar » en relation avec la position du philosophe Hegel. Celui-ci écrivait à propos de l’« Afrique proprement dite[27] (que) ce continent n’est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l’homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation. L’Afrique, aussi loin que remonte l’histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde ; c’est le pays de l’or, replié sur lui-même, le pays de l’enfance qui, au-delà du jour de l’histoire consciente, est enveloppé dans la couleur noire de la nuit. »[28] 

Que les qualités d’un continent qui, au regard de sa superficie contient une multitude de peuples et de cultures d’une grande variété, sans rapport entre les quatre points cardinaux, soit évaluées à l’aune de l’historicité est là un critère purement du XIXe siècle du monde occidental et de la modernité émergente. L’Histoire serait liée à la Raison, et l’Afrique n’est pas rationnelle ! L’auteur précédemment cité, Sala-Molins, rappelle que : « Dans un discours à la gloire de l’abolition de l’esclavage, prononcé le 18 mai 1879, Victor Hugo proclame : « Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire qui date de son commencement dans la mémoire humaine : l’Afrique n’a pas d’histoire. » »[29] Si tout le monde le dit… ! 

Ce n’est cependant pas sur cet aspect que le lien est à établir avec le discours de Dakar. Lorsque Hegel développe son raisonnement sur l’Afrique, il se livre en fait à un exposé des critères et des valeurs de l’époque ; des considérations totalement inscrites dans la logique du colonialisme des États européens du XIXe siècle et qui relèvent de visions particulières qui annoncent les clichés qui ont émergé de descriptifs. En précisant que l’Afrique « … ne fait pas partie du monde historique, elle ne montre ni mouvement, ni développement et ce qui s’y est passé, c’est-à-dire au Nord, relève du monde asiatique et européen. Carthage fut là un élément important et passager. Mais elle appartient à l’Asie en tant que colonie phénicienne. L’Egypte sera examinée au passage de l’esprit humain de l’Est à l’Ouest, mais elle ne relève pas de l’esprit africain ; ce que nous comprenons en somme sous le nom d’Afrique, c’est un monde anhistorique non–développé, entièrement prisonnier de l’esprit naturel et dont la place se trouve encore au seuil de l’histoire universelle. »[30] Tout est dit ! Cette considération du continent relève d’un arrangement idéologique. 

Qu’en est-il de la sémantique actuelle ? 

Les appellations sociales actuelles, qui s’inscrivent dans la logique ethnique, existent : les minorités, l’immigré, être issu de l’immigration. 

Les minorités sont considérées visibles comme invisibles dans leurs spatialités. L’invisibilité ne venant pas de celui que l’on ne voit pas mais de celui qui regarde. « Minorité » est donc à considérer dans son acception la plus large. Ce sont aussi les paysans de tel « pays », ou province française ; c’est également tel groupe perpétuant telle musique du Poitou ; les adeptes de telle pratique ancestrale sur une partie circonscrite du territoire. De ce fait, l’étranger, le natif ne sont pas uniquement ceux qui viennent d’un autre continent, mais aussi d’un autre temps, avec des pratiques sui generis et, à ce titre, inscrites dans le patrimoine. Ce qui prend alors le nom de folklore. 

Quant aux critères qui identifient ces « minorités », ils ne s’appliquent qu’à celles-ci. Or, ce qu’ils servent à désigner et classifier concerne tout individu social, qu’il soit dans une minorité ou une majorité. Les pratiques, les goûts, l’épiderme, les croyances, la religion, etc., sont autant d’éléments valables pour connaître chacun et ne peuvent servir de traits caractéristiques à des fins douteuses d’identification. Il apparaît donc clairement que la conception ethnique actuelle, véhiculée sous cette forme, ne fait qu’alimenter la stigmatisation. Une réelle ghettoïsation linguistique, où les individus sont identifiés et s’identifient eux-mêmes : beurs, blacks, issus de la Xième génération - comme soumis à une traçabilité permanente (logique de la démarche qualité) qui dépasse les espaces de la cité, de la banlieue. Ainsi, bien que des générations soient nées en France de parents espagnols, portugais, italiens, anglais et autres, celles qui sont considérées comme « issues de l’immigration » le sont de parents maghrébins – quand ce n’est pas de parents « arabes », pour ajouter à la confusion. Le stigmate reste redoutable !

« Ethnie » et tous les termes qui y sont liés sont des constructions sociales qui s’inscrivent dans les imaginaires. Dans une dynamique de détermination et de production de valeurs sociales, la sémantique reconnait et exclut : qui est dans et hors humanité, dans et hors l’histoire. Jusqu’à s’appuyer sur une distinction théorique des races : un apartheid qui se fait de manière diffuse, larvée. 

Au travers l’usage de termes particuliers, le langage maintient vivace des conceptions et des croyances fossilisées. 

Quel meilleur conditionnement mental que le système codé qu’est le langage ? Relatif à un contexte bien particulier, le philologue Klemperer avait écrit que : « sous le mot isolé, c’est la pensée d’une époque qu’on découvre, la pensée générale où se niche celle de l’individu, la seconde étant influencée, peut-être même guidée, par la première. »[31] La novlangue œuvre aujourd’hui efficacement en ce sens, jouant de l’oubli, de l’effacement du sens des mots par leur usage. 

Il y a nécessité d’un changement radical dans les esprits, en rompant d’avec un certain langage, orienté, plutôt que d’en être esclave. L’Autre, quel qu’il soit, est un égal sans maître qui ne peut se soumettre aux diktats d’un peuple venu d’ailleurs. 

Dans une logique d’autonomie, en s’affranchissant du poids des usages culturels, traditionnels, sans positionner les sociétés selon une échelle de valeurs excluantes, là se trouve l’émancipation et la liberté, à commencer par celle de penser et d’exister pleinement.

Pourquoi donc ne pas faire le rêve ambitieux de « décoloniser les imaginaires »[32] afin de construire un monde différent ? Le rêve annonçant la réalité.

Paru dans AFRICULTURES le 30 Juillet 2011, ce texte est né dans le cadre de deux séjours au Cameroun. 

[1] Croyance en une supériorité supposée de l’homme évolué et de « la civilisation européenne », profondément mise à mal par les guerres et les régimes totalitaires au XXe siècle.

[2] Claude LÉVI-STRAUSS, Tristes tropiques, Paris, Plon, Terre Humaine/Poche, 1955, p. 466.

[3] « Mais aujourd’hui, il y a quelque chose de changé dans l’Afrique noire : c’est, tout à la fois, l’intrusion des machines, la mise en place d’enseignements, la poussée de vraies villes, une moisson d’efforts passés et présents, une occidentalisation qui a fait largement brèche, bien qu’elle n’ait certes pas pénétré jusqu’aux moelles », « Histoire des civilisations : le passé explique le présent », Fernand BRAUDEL, Grammaire des civilisations, Paris, Flammarion, 1987, p. 313.

[4] In Les Grecs, les Arabes et nous ; Enquête sur l’islamophobie savante, sous la direction de Philippe BUTTGEN, et al., Paris, Fayard, Ouvertures, 2009, p. 339.

[5] Louis SALA-MOLINS, Les misères des Lumières ; Sous la raison l’outrage, Paris, Homnisphères, Savoirs autonomes, 2008, p. 104.

[6] ibid., p. 104.

[7] À ce propos, interrogeons-nous sur ce que devient aujourd’hui l’éducation pour le peuple - même position envers le refus de l’accès à l’instruction pour l’esclave d’hier !

[8] CONDORCET, Réflexion sur l’esclavage des Nègres, Paris, Mille et une nuits, 2001. « Des moyens de détruire l’esclavage des Nègres par degrés », pp. 34-44.

[9] Aimé CÉSAIRE, Toussaint Louverture ; Le Révolution française et le problème colonial, Paris, Présence Africaine, 1981.

[10] Elisabeth BADINTER ; Robert BADINTER, Condorcet ; Un intellectuel en politique, Paris, Fayard, Livre de Poche, nouvelle édition revue et augmentée, 1988, p. 332.

[11] Partage qui repose sur une contradiction : d’un côté, de réelles rivalités entre les États impérialistes du fait de cette concurrence pour s’emparer des territoires, de l’autre, c’est affaire d’entente entre ces mêmes États qui tentent de trouver des arrangements, délimitant leurs territoires comme autant de zones d’influence afin d’éviter de faire dégénérer les luttes au Sud en conflits au Nord, en Europe. Il s’agit là d’une règle du jeu où les procédés utilisés visent à maintenir des dissensions entre les États, jusqu’aux limites ne pouvant éviter les guerres. Celles-ci devenant un autre moyen de partages des territoires, et donc des modalités d’influence dépouillant les pays vaincus au profit des vainqueurs. Et la règle du jeu continue.

Aventuriers du monde, sous la direction scientifique de Pierre FOURNIÉ et la direction éditoriale de Sophie De SIVRY, Paris, Gallimard, Folio, 2003.

[12] Albert HOURANI, Histoire des peuples arabes, Paris, Seuil, traduit de l’anglais par Paul Chemia, 1993.

[13] Une aventure décrite par des auteurs comme : Joseph CONRAD, Au cœur des ténèbres, Paris, Garnier-Flammarion, 1989 ; André GIDE, Voyage au Congo, Paris, Gallimard, Folio, 1927 & 1928 ; Albert LONDRES, Terre d’ébène ; la traite des noirs, Monaco, Le Serpent à Plumes, Motifs, 1998.

[14] Maurice GODELIER, Au fondement des sociétés humaines ; ce que nous apprend l’anthropologie, Paris, Albin Michel, Bibliothèque idées, 2007, p. 248.

[15] Serge BILÉ, La légende du sexe surdimensionné des noirs, Monaco, Éditions du Rocher/Le Serpent à Plumes, 2005. L’on peut constater l’utilisation en « ligne », sur les réseaux de rencontres, de ce type de critère physique.

[16] Éric SAVARÈSE, Histoire coloniale et immigration, une invention de l’étranger, Paris, Séguier, Les colonnes d’Hercule, 2000.

[17] « Civilisés jusqu’à la moelle des os ! L’idée du Nègre barbare est une invention européenne » écrivait l’ethnologue Léo FROBENIUS. Histoire de la civilisation africaine, Paris, Gallimard, NRF, 1952, pp. 14-15. De même, et à l’inverse, nous pourrions nous interroger sur l’idée que se fait encore aujourd’hui le Noir du Blanc.

[18] Voir par exemple : « Paris couleurs ; de l’« indigène » à l’immigré, regard sur un imaginaire fantasmé », film de Pascal BLANCHARD et Éric DEROO, produit par Image et Compagnie, 2005.

[19] Alain REY, Frédéric DUVAL, Gilles SIOUFFI, Mille ans de langue française, histoire d’une passion ; I. Des origines au français moderne, Paris, Perrin, Tempus, 2007, 2011 pour la présente édition, p. 603.

[20] Le Robert, dictionnaire historique de la langue française, sous la direction de Alain Rey, 2000.

[21] Maurice GODELIER, op. cit., p. 96.

[22] Pierre PÉAN, Noires fureurs, blancs menteurs ; Rwanda 1990-1994, Paris, Fayard, Mille et une nuits, 2005, p. 392.

[23] « Je dirais donc non pas ethnicity, mais identity (identité), et qui désigne bien ce qu’il désigne : ce qui est fondamental, ce sur quoi tout le reste s’édifie et peut s’édifier : le noyau dur et irréductible ; ce qui donne à un homme, à une culture, à une civilisation sa tournure propre, son style et son irréductible singularité. » Aimé CÉSAIRE, Discours sur la Négritude, Paris, Présence Africaine, 2004, p. 88-89.

[24] Nicolas BANCEL, « L’immigration fait partie de l’histoire de France », Alternatives Internationales, n°30, mars 2006, p. 35.

[25] Gaston KELMAN, Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Paris, Max Milo, Faits et Cause, 2004.

[26] Discours du président français Nicolas Sarkozy prononcé à l’Université de Dakar le 26 juillet 2007. Consultable sur le site :

  http://www.afric.com/article12199.html http://elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/2007/juillet/allocution_a_l_universite_de_dakar.79184.html

[27] Précisons que HEGEL considère l’Afrique « composée de trois continents qui sont totalement séparés l’un de l’autre et n’ont aucune communication réciproque. L’un se trouve au sur du désert du Sahara : c’est l’Afrique proprement dite, le haut pays qui nos est totalement inconnu, avec d’étroites bandes côtières au bord de la mer. L’autre, situé au nord du désert, est l’Afrique, pour ainsi dire, européenne, un pays de côtes. Le troisième est le bassin du Nil, la seule vallée d’Afrique, qui se rattache à l’Asie ». G. W.F. Hegel, La Raison dans l’Histoire ; Introduction à la philosophie de l’Histoire, traduction et présentation de Kostas Papaioannou, Paris, Librairie Plon, 1965, Bibliothèques 10/18, p. 245-246.

[28] Georg W F HEGEL, La raison dans l’histoire ; Introduction à la Philosophie de l’Histoire, Paris, Librairie Plon, Éditions 10/18, Bibliothèques 10/18, 1965, p. 246.

[29] Louis SALA-MOLINS, op. cit., p. 25.

[30] Georg W F HEGEL, op. cit., p. 269.

[31] Victor KLEMPERER, LTI, la langue du IIIe Reich ; Carnets d’un philologue, Paris, Albin Michel, Agora, traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot, présenté par Sonia Combe et Alain Brossat, 1996, p. 199.

[32] Constantin XYPAS, professeur de sciences de l’éducation, directeur des études doctorales, Université Catholique de l’Ouest (France), « Les jeunes des banlieues, entre imaginaire collectif et idéologie républicaine », texte du Colloque international d’Angers, Juillet 2007.

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