dimanche 01 novembre 2009
Chers collègues, Chers amis,
Michel Lapeyre aura été pour beaucoup quelqu'un de très important. Sa
disparition signifie une page qui se tourne, dans un grand moment de
solitude pour nous. Il aurait certainement pensé que l'important est celle
qui s'ouvre. Nous sommes d'ores et déjà dans le temps de son héritage. Qu'en
ferons-nous?
En 1990, je commençai à fréquenter les amphis de l'université du Mirail à
Toulouse et écoutai son ami Marie-Jean Sauret qui nous introduisait de
manière fulgurante à l'importance de l'équivoque en psychanalyse, en somme
les clefs du signifiant. Puis l'année suivante, j'écoutai pour la première
fois les enseignements de Michel Lapeyre. Celui-ci déployait une telle
énergie et une telle constance dans sa tâche; son style était sans
concession et engagé; et il n'hésitait pas à racler les fonds du discours
avec son penchant bien à lui à revisiter sans cesse ce qu'il avait ouvert:
le nouveau était toujours déjà là, à porter de mains. C'était le temps de
"l'au-delà de l'Oedipe" dont il nous laisse des écrits (là était l'effet
accélérateur de Michel Lapeyre: à peine nous introduisions-nous à quelque
chose que nous étions transportés au-delà!).
Nous étions quelques uns à nous dire que nous rencontrions là quelque chose
qui en valait la peine; et nous commencions à nous sentir moins perdus. Les
enseignements de Michel Lapeyre auront aussi accompagné... des amitiés! Plus
tard, nous l'écoutions dans ses réflexions sur la création et la féminité.
Je me dis aujourd'hui que ce qui sensibilisait peut-être autant les
étudiants, c'était autant son savoir... que sa jeunesse d'esprit et de cœur.
Il était un homme à la page, résolument!
Homme de lettres, il a su représenter la psychanalyse dans ce qu'elle a de
plus subversif en donnant tout son sens à ce que peut signifier: ne pas
céder sur son désir... car du désir, il en avait! Il était autant homme de
discours que d'acte. Il fut en définitive pour beaucoup le catalyseur ou/et
la confirmation de la rencontre de chacun avec soi-même.
Pour moi, Michel Lapeyre était un véritable passeur entre Freud et Lacan.
Ainsi, il remettait sans cesse en lien les avancées lacaniennes les plus
abouties avec les origines de la psychanalyse. Espérons que la communauté
analytique lui en rendra hommage à sa juste mesure. Car c'était un homme
exceptionnel mais en définitive discret. Je lui dois beaucoup. Notre dette
envers lui est énorme.
En pensant à Michel Lapeyre, je pense aussi beaucoup à l'homme de
l'université qui a sensibilisé, enseigné, formé, soutenu tant d'étudiants.
J'en suis un parmi tant d'autres. La psychanalyse à l'université, cela ne
lui faisait pas peur, la "masse" des étudiants non plus! Je voudrais dire à
ses proches que l'aspect laborieux de son travail, sa formidable énergie de
travail, a eu un impact considérable. Michel Lapeyre était un utopiste
éclairé; je veux dire qu'il savait nous conduire au delà (et en deçà) de la
lourdeur impitoyable de notre monde actuel sans nous leurrer sur la réalité.
Pour moi, c'était un de ces psychanalystes pour lequel la formule "rejoindre
la subjectivité de son époque" prenait tout son sens.
Lors de notre dernière rencontre, il y a un peu plus d'un mois, même s'ils
n'étaient pas nouveaux, ses derniers mots m'ont beaucoup touché: "ce que
nous faisons est important et il faut le considérer tel; il faut tenir bon!
Il faut y être!". Plus que la psychanalyse et son savoir je crois pouvoir
dire que Michel Lapeyre aimait avant tout les hommes. Il gagnait là tout le
respect qu'on lui doit.
Nous allons donc poursuivre sans lui sur les chemins de cette "honte de
vivre" qu'il ne cessait de nous mettre devant le nez comme boussole pour la
vie. Considérons qu'en ce qui le concerne, il a su en faire quelque chose...
Bon courage à tous
Wilfried GONTRAN
Ce texte paraîtra dans le prochain n° de la revue Psychologie Clinique.
BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE DE MICHEL LAPEYRE
(établie par Marie-Jean Sauret)
1992 Michel Lapeyre, Lecture critique I. In L’autisme et la psychanalyse. Sous la responsabilité d’André SOUEIX. Toulouse, Séries de la Découverte Freudienne, Vol. VIII, mars 1992. pp, 119-128.
1993 Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret," Le dessin et la cure avec un enfant " in Le Journal des Psychologues, n° 108, pp. 55-58.
1994 Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret, "Faire cas du père pour apprendre à s'en passer", Le Journal des Psychologues, n° 120, pp. 34-38.
1993 Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret," Le symptôme et le champ social ", rapport d'activité et projet de l'E.R.U. 153 La Découverte Freudienne, janvier.
1997 Michel Lapeyre, Au-delà du complexe d’Œdipe, Paris, Anthropos.
2000 Michel Lapeyre, Clinique freudienne. Cinq leçons, Paris, Anthropos.
2000 Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret, Lacan et le retour à Freud , Toulouse, Editions Milan, 64 pages, I.S.B.N. : 2.7459.0046.3.
2000 Michel Lapeyre, Le complexe d’Œdipe et le complexe de castration, Paris, Anthropos.
2000 Sidi Askofaré, Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret, « Sintoma, sexualidad y lazo social : la implicacion de la toxicomania », Revista Analisis, numero special : Saberes y practicas, n° 3, pp. 78-95.
2001 Sidi Askofaré, Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret, "The cut", in Huguette Glowinski, Zita Marks, Sara Murphy, A compendiums of lacanian terms, London, Free Association Book, pp. 51-54.
2001 Marie-Jean Sauret, Michel Lapeyre, Sidi Askofaré, "Infantile", in Huguette Glowinski, Zita Marks, Sara Murphy, A compendiums of lacanian terms, London, Free Association Book, pp. 93-100.
2001 Michel Lapeyre, Luis-Fernando Palacio, Marie-Jean Sauret, “ L’intérêt politique de la présence de la psychanalyse dans le monde ”, L’Odyssée lacanienne, Rio de Janeiro, 10-15 avril.
2003 Michel Lapeyre, « L’inquiétant et le capitalisme », L’inquiétant , Psychanalyse et recherches universitaires (PERU), Rennes, PUR (Presses universitaires de Rennes), Clinique psychanalytique et psychopathologie, 2003, p. 29-33.
2003 Michel Lapeyre, « … Toulouse, 21 septembre 2001 », Les Traumas psychiques , textes réunis par Michèle Bompard-Porte, Paris, L’Harmattan, Espace théorique, 2003, p. 107-127.
2003 Michel Lapeyre, Isabelle Morin, Le féminin, principe de séparation et de vivant, Paris, APJL.
2003 Michel Lapeyre, Sidi Askofaré, Marie-Jean Sauret, "L’inquiétant et le capitalisme", in L’inquiétant, Rennes, PUR, collection Clinique Psychanalytique et Psychopathologie, pp. 29-333, ISBN 2-86847-793-3.
2003 Sidi Askofaré, Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret, "Enjeux scientifiques, politiques et éthiques d’une théorie du singulier", in Marie-Claude Mietkiewicz et Sylvain Bouyer, Où en est la psychologie clinique ? , Paris, L’Harmattan, 2003, pp. 189-201.
2003 Michel Lapeyre, « Les métiers de la médiation culturelle », 11 et 12 décembre 2003, IUT Michel de Montaigne, université Bordeaux 3. Atelier 4 : « Art et culture : comment préserver la démarche artistique ? ». Exposé : « La culture & l’art : en cinq actes ».
2003 Michel Lapeyre, Laetitia Jodeau, « Faut-il réduire la psychanalyse à la biologie ou promouvoir une biologie qui ne se moquerait pas du savoir freudien ? »,.IXe colloque de PERU, 24 et 25 janvier 2004, Paris, hôpital Sainte-Anne, « L’imprévisible », publié dans les acres.
2005 Marie-Jean Sauret, Michel Lapeyre) “ La psychanalyse avec la science ”, dossier : “ Soigner, enseigner, évaluer ? ”, Cliniques Méditerranéennes , n° 71, pp. 143-168.
2007 Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret, « Autisme et institution », CAMPS, Polynésie française, Papeete, Tahiti, 1er-7 aout 2007, publication interne.
2008 : Michel Lapeyre, Marie-Jean Sauret, « Psychanalise com a ciéncia », Tempo psicanalitico, n° 2, vol. 40, pp. 273-306. Indexaçào : INDEX PSI, LILACS/BIREME, PsycINFO. Avaliaçao QUALIS Nacional A.
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vendredi 27 avril 2012