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La prétendue « imposture maternologique »

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Christian Godin

vendredi 10 septembre 2010

Date : 15.02.2008
Auteur : Christian Godin

La prétendue « imposture maternologique »

À propos d'une mise à mort

Dénonciation d'une dénonciation

C'est avec consternation que j'ai pris connaissance, il y a quelques jours, du texte de Sandrine Aumercier « L'imposture maternologique », auquel je voudrais réagir à plusieurs titres.

Je suis philosophe, auteur d'une trentaine d'ouvrages dont La Totalité (7 volumes, Champ Vallon, 1996-2003). Si je commence par ce « titre », ce n'est ni par orgueil ni par vanité, mais pour effacer un anonymat souvent gênant quand on tombe sur les pages d'Internet. C'est aussi parce qu'ayant travaillé sur l'idée de totalité (dont madame Aumercier se gausse dans son article), j'ai été moi également traité d'imposteur par des « collègues » qui n'en avaient pas tant à mes idées (qu’ils n'ont évidemment même pas pris la peine de chercher à connaître) qu'à mon existence. Je ne veux pas dire qu'ils voulaient me tuer mais, plus simplement, moins tragiquement, qu'ils auraient voulu que je n'existe pas.

Enfin, c'est la nature de mon travail qui a été l'occasion de ma rencontre avec le docteur Delassus dont j'ai entendu parler comme praticien, que je connais comme homme et dont j'ai lu les ouvrages.

C'est pourquoi le texte de madame Aumercier, dont elle dit qu'il a été provoqué en réaction à une session de formation organisée par le docteur Delassus en personne, me paraît relever des deux catégories de l'infâme et de l'aberrant.

Est infâme ce qui contredit directement une réputation avérée, aberrant ce qui contredit la plus élémentaire logique. Certes, une réputation avérée n'est pas une preuve, ni même un signe suffisant de valeur réelle. Mais lorsqu'on a consacré sa vie à l'écoute des souffrances d'autrui et à la recherche d'une pensée et d'un savoir adéquats, lorsqu'on a, pendant 20 ou 30 ans, animé une équipe de collaborateurs restés fidèles et reconnaissants, lorsqu'on a publié le résultat de ses travaux et expériences chez un éditeur aussi irréprochable que Dunod, on n'a pas à subir au terme d'un aussi long et honorable parcours l'humiliation publique d'être traité d'imposteur. L’infinie libéralité d'Internet ne devrait pas donner à n’importe qui le droit d'écrire n'importe quoi. Un imposteur est celui qui se fait passer pour celui qu’il n'est pas de manière à en tirer des avantages personnels. Le docteur Delassus, à ma connaissance, n'a jamais cherché à se faire passer pour autre chose qu'un médecin découvreur d’un secteur jusque-là oublié ou très largement négligé de la réalité humaine. Croit-on vraiment qu’un imposteur aurait choisi pour nommer sa discipline un nom aussi modeste et simple que celui de « maternologie » ? Un imposteur - c'est facile à vérifier en prêtant un minimum d'attention au langage des gourous de tous acabits - chatouille toujours trois fibres chez son auditoire : la sexuelle, la financière et la mystique. Ceux qui ont entendu et lu le docteur Delassus savent qu'il ne les conduit jamais sur ces registres-là.

(Texte déjà paru sur Psychasoc et qui avait disparu lors du changement de serveur)

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Commentaires

La prétendue « imposture maternologique »

Il est bien dommage que le texte du Pr Christian Godin n'ai pas été publié dans son intégralité contrairement à celui de Sandrine Aumercier. Je souhaiterai donc que ce droit de réponse puisse être disponible dans sa totalité sur votre site, conformément à la volonté de son auteur.
Je vous joints ce texte si vous l'avez égaré.
Merci d'avance.

À propos d'une mise à mort
Date : 15.02.2008
Auteur : Christian Godin

La prétendue « imposture maternologique »
À propos d'une mise à mort
Dénonciation d'une dénonciation

C'est avec consternation que j'ai pris connaissance, il y a quelques jours, du texte de Sandrine Aumercier « L'imposture maternologique », auquel je voudrais réagir à plusieurs titres.
Je suis philosophe, auteur d'une trentaine d'ouvrages dont La Totalité (7 volumes, Champ Vallon, 1996-2003). Si je commence par ce « titre », ce n'est ni par orgueil ni par vanité, mais pour effacer un anonymat souvent gênant quand on tombe sur les pages d'Internet. C'est aussi parce qu'ayant travaillé sur l'idée de totalité (dont madame Aumercier se gausse dans son article), j'ai été moi également traité d'imposteur par des « collègues » qui n'en avaient pas tant à mes idées (qu’ils n'ont évidemment même pas pris la peine de chercher à connaître) qu'à mon existence. Je ne veux pas dire qu'ils voulaient me tuer mais, plus simplement, moins tragiquement, qu'ils auraient voulu que je n'existe pas.
Enfin, c'est la nature de mon travail qui a été l'occasion de ma rencontre avec le docteur Delassus dont j'ai entendu parler comme praticien, que je connais comme homme et dont j'ai lu les ouvrages.
C'est pourquoi le texte de madame Aumercier, dont elle dit qu'il a été provoqué en réaction à une session de formation organisée par le docteur Delassus en personne, me paraît relever des deux catégories de l'infâme et de l'aberrant.
Est infâme ce qui contredit directement une réputation avérée, aberrant ce qui contredit la plus élémentaire logique. Certes, une réputation avérée n'est pas une preuve, ni même un signe suffisant de valeur réelle. Mais lorsqu'on a consacré sa vie à l'écoute des souffrances d'autrui et à la recherche d'une pensée et d'un savoir adéquats, lorsqu'on a, pendant 20 ou 30 ans, animé une équipe de collaborateurs restés fidèles et reconnaissants, lorsqu'on a publié le résultat de ses travaux et expériences chez un éditeur aussi irréprochable que Dunod, on n'a pas à subir au terme d'un aussi long et honorable parcours l'humiliation publique d'être traité d'imposteur. L’infinie libéralité d'Internet ne devrait pas donner à n’importe qui le droit d'écrire n'importe quoi. Un imposteur est celui qui se fait passer pour celui qu’il n'est pas de manière à en tirer des avantages personnels. Le docteur Delassus, à ma connaissance, n'a jamais cherché à se faire passer pour autre chose qu'un médecin découvreur d’un secteur jusque-là oublié ou très largement négligé de la réalité humaine. Croit-on vraiment qu’un imposteur aurait choisi pour nommer sa discipline un nom aussi modeste et simple que celui de « maternologie » ? Un imposteur - c'est facile à vérifier en prêtant un minimum d'attention au langage des gourous de tous acabits - chatouille toujours trois fibres chez son auditoire : la sexuelle, la financière et la mystique. Ceux qui ont entendu et lu le docteur Delassus savent qu'il ne les conduit jamais sur ces registres-là.
Regardons à présent le texte de madame Aumercier et les arguments (si l'on peut dire) qu'elle développe pour justifier son incroyable diagnostic.
Son article commence curieusement - mais ô combien significativement ! - par dire que « le propos ne sera pas de défendre ici une autre énoncé que celui dénoncé ». Mais enfin, lorsque l'on prétend dénoncer une imposture et que l'on jette un nom en pâture aux araignées de la Toile anonyme, c'est bien en fonction de certains critères ou du moins d'une certaine idée de ce qui serait juste et vrai. C'est, par exemple, au nom de l'astronomie scientifique que peut être dénoncée l'imposture astrologique, c'est au nom de la chimie scientifique que peut être dénoncée l'imposture alchimique etc. On ne peut pas relever une illusion sans dire ce qui par opposition fait le réel.
Mais le plus étrange dans cet article, et qui peut-être lui donne sa clé psychique, est l'incompatibilité des arguments présentés.
D'un côté, il nous est dit que le docteur Delassus fait part de sa difficulté qu'il rencontre à trouver les mots pour désigner des états hors du champ de notre expérience, mais d'un autre côté, son « dogmatisme » est violemment pris à partie. Il faudrait savoir !
D'un côté, il nous est dit que le docteur Delassus développe un « discours autoréférent, sans généalogie historique » mais d'un autre côté il lui est reproché son usage de certains concepts philosophiques et psychanalytiques. Il faudrait savoir !
Madame Aumercier fait grief au docteur Delassus d'utiliser le terme de « transfert » dans un sens non psychanalytique, et l'expression d'aperception originaire dans un sens non kantien. Mais il n'y a pas de copyright sur les mots, que l'on sache, et le terme de transfert est suffisamment porteur de sens pour qu'on puisse l’utiliser en dehors de la cure analytique. Et lorsque le docteur Delassus emploie l'expression d'aperception originaire, ce n'est évidemment pas en référence au je transcendantal de Kant, lequel n'est convoqué ici par l'auteur de l'article que pour montrer sa culture et son caractère de non-dupe.
Quant aux figures de style que madame Aumercier tient en abomination, on pourrait lui rappeler que toute pensée un peu neuve prend volontiers une tournure paradoxale (« para-doxa » : aller à l'encontre de l'opinion reçue : voir Jean-Jacques Rousseau : « J'aime mieux être un homme à paradoxes qu'un homme à préjugés »). On pourrait lui rappeler également qu'une science dure comme la physique moderne, difficilement soupçonnable d'imposture, n'hésite pas à utiliser des oxymorons (comme « l'énergie du vide »).
Freud disait de l'inconscient qu'il ignore la contradiction. On pourrait en déduire que l'article de madame Aumercier est un symptôme, qu’il vient de son inconscient puisqu'il veut ignorer à la fois les contradictions et les objections rationnelles et que c'est la raison pour laquelle il est aussi singulièrement dépourvu de raison(s).
Madame Aumercier dénonce également avec virulence l'utilisation des images vidéo de mères allaitant leur enfant - images « sollicitant, dit-elle, le voyeur ému et le scientiste déchiffreur ». Mais si, dans la relation mère-enfant, ni les mots ni les images ne sont possibles, on ne voit pas bien ce qui reste...
Mais le clou de l'article, si l'on peut dire, tient dans les quelques citations extraites des livres publiés par le docteur Delassus, Psychanalyse de la naissance et Le Sens de la maternité, et que Sandrine Aumercier a consultés avec l'état d'esprit que l'on imagine. Ce qu'il y a de fabuleux avec ces citations, c'est qu'elles sont jetées dans l’égout du Web pour susciter le dégoût mais qu'elles font sur le lecteur un tant soit peu averti un effet exactement inverse : riches de sens et de sensibilité, elles développent une pensée originale et forte sur des mondes humains (la vie prénatale, la naissance après l'accouchement…) que les hommes de la médecine n'avaient jusque-là que peu interrogés et sur lesquels ils n'avaient pas vraiment réfléchi. Choisir des phrases difficiles, les arracher à leur contexte, et les balancer ainsi sous le regard de lecteurs que l'on espère (ah ! cette anticipation jubilatoire de la bêtise et de l'ignorance chez les autres !), bêtes et ignorants pour leur délivrer ce message : voyez comment est celui qui a écrit cela ! Le procédé est connu, il relève du plus vil poujadisme anti-intellectuel, machinerie obscène déployée contre la pensée et dont les plateaux de télévision se sont fait depuis 30 ans une implacable spécialité.
Amusons-nous un peu. Arrosons à notre tour l'arroseur, ou plutôt l’arroseuse. Dans un article intitulé « Le Samu social. De l'urgence à l'inclusion globale », et disponible lui aussi sur le Web, Sandrine Aumercier, après avoir diagnostiqué que « le respect par le Samu social du refus d'hébergement se solde par un pistage de la population sans-abri » (on reconnaît là en passant du Foucault mal digéré : un service social qui s'occupe des populations les plus démunies ne peut que les pister...), Sandrine Aumercier, donc, écrit : « Le Samu social cristallise le lieu d'adresse d’une demande sociale, au sens où toute société requiert des instances à qui éclairer de son malaise et au besoin les crée » (La Revue du M.A.U.S.S., numéro 23, premier semestre 2004, pages 120-121). Le lecteur moyen ne serait-il pas en droit de rire à la galéjade ? De dénoncer l'insupportable prétention d'un discours qui concocte une affreuse mixture d'obscurités de Lacan et d'obsessions de Foucault ? Quelques pages plus loin, on a le plaisir de découvrir ceci : « Telle est désormais la perspective de l'être-au-monde globalisé : elle laisse le réel en désespoir de s'éprouver ; l'exclusion mise en scène dans un espace transparent rapatrie l’exclu au moment même de sa désignation dans une communauté immatérielle » (page 125) et, puis encore ceci, encore plus bas (si l'on ose dire) : « La notion d'intégration souligne a minima un processus par lequel un sujet extérieur à un corps social trouve ou déploie des modes d'assimilation à un monde commun, s'approprie ou rejette des habitus sociaux, avec la tension vivante d'une marge qui permet tous les paliers » (page 128). Qu'en termes délicats ces choses-là sont dites ! Ceux qui n'auront pas compris, et j'avoue être de ceux-là, hausseront les épaules à défaut de lever le doigt, mais ils n'auront pour autant pas nécessairement envie de transgresser le « principe de charité » (expression de la théorie de la communication : faire crédit à l'autre qu'il dit quelque chose de sensé) et de crier à l'imposture.
Madame Aumercier s'est également penchée sur le cas d’Edward L. Bernays, l'idéologue de la propagande (son article, de 11 pages, est également consultable) - et l'on peut en déduire qu'elle a développé une sensibilité particulière aux techniques de manipulation (le savoir, comme moyen et alibi du pouvoir, la thèse, venue de Nietzsche, est de Foucault) - qu’elle tend à traquer partout. Mais sans doute devra-t-elle poursuivre un petit peu plus loin sa quête et interroger sa propre pratique à elle, car en publiant son article « L'imposture maternologique », c'est bel et bien une mise à mort qu'elle entend susciter, mise à mort d'une discipline dont elle déplore qu'elle ait pu obtenir une reconnaissance et des soutiens officiels, et qu'elle cherche ainsi à supprimer. De cette façon, place nette pourra être faite aux deux puissances qui n'attendent que cela pour délivrer les êtres humains de leurs malheurs : la chirurgie et la pharmacie. Le scalpel et le médicament n'ont, en effet, que faire du sens, et des réponses multiples et incertaines qu'il suscite. Les procédés et les solutions (uniques, forcément uniques et incontournables) leur suffisent.
Joli travail, madame ! Vous êtes une assez digne représentante de ce gauchisme intellectuel qui, traquant le pouvoir et la manipulation chez les rares qui font encore résistance (on songe à ceux qui dans les années 70 dénonçaient la « culture bourgeoise » à l'école à l'heure où la télévision imposait son hégémonie définitive aux esprits) - font un travail (inconscient, mais c'est loin d'être une excuse) de porte-flingue pour le grand bénéfice des puissances commerciales. Un jour peut-être vous rendrez-vous compte du caractère ignominieux de votre action. Mais peut-être devrez-vous passer auparavant par une mise au clair de votre propre économie intérieure, avec ce qu'il en est pour vous du sens de la maternité, de la naissance et de l'enfantement. Ainsi vous délivrerez-vous peut-être de cette « obscénité » que vous croyez voir par docteur Delassus interposé et qui vous fait tant horreur.


Christian Godin, philosophe, maître de conférences de philosophie à l'université de Clermont-Ferrand. Derniers ouvrages parus : Petit lexique de la bêtise actuelle (Éditions du temps, 2007), Le Triomphe de la volonté (Champ Vallon, 2007), Le Racisme (Éditions du temps, 2007), L'Homme, le bien, le mal, entretiens avec Axel Kahn (Stock, 2008).

reaction a votre article

Infirmière de secteur psychiatrique, formée à saint cyr l'école(78), j'ai travaillé avec le Dr Delassus, qui, à juste titre, comme vous le dites si bien, est pronfondément humble, humain, et surement pas uin imposteur.
Son travail sur la maternologie a ouvert des portes, des clés à des femmes et leur enfant, leur mari, jusqu'ici laissés pour compte, ou séparés.
C'est un grand monsieur et je voulais le signaler.
Bravo pour votre droit de réponse, concis, droit et honnete.