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La supervision d'équipes en travail social, J. Rouzel : YAKAFOCON au pilori

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Florence Plon

samedi 03 novembre 2007

Rien ne s’y présente comme réponse et aucune solution ne s’en déduit, mais il s’en dégage une aide au travail de réflexion qui fait surgir les questionnements et ouvre des horizons.
D’ailleurs, Joseph Rouzel annonce d’emblée la couleur en citant Michaux « aucune formule n’agit directement sur la brouette, même pas la formule des leviers.

« Il faut y mettre les mains »

En effet ! Alors mettons-y les mains !

D’où s’origine ce principe de la supervision ?

Bion et Balint en désignent les fondements dans cette injonction : « débrouillons-nous pour faire quelque chose ensemble » ou pour le dire autrement, « demandons-nous ce que nous faisons là », à travailler dans le champ social, avec de la matière humaine.

Entre l’historique de la supervision, et la pratique sur le terrain, J. Rouzel nous plonge dans la richesse de son expérience professionnelle, éclairant le secteur social sur les dangers des dérives du management à l’américaine et de la sclérose institutionnelle, facteurs de ravages sur les usagers.

Il revient aux sources, aux maîtres de l’acte éducatif bien pensé, célèbres pionniers d‘une théorie et d‘une pratique, incontestables encore de nos jours par leur modernité : Tosquelles, certes mais surtout Aïchorn, disciple de Freud, qui développe, dès 1918, une pratique clinique très originale : composer des groupes éducatifs à partir du positionnement subjectif des jeunes dans la collectivité et en fonction de leurs incapacités à céder à la contrainte, voire à lutter contre l’envahissement de leurs pulsions ; pratique articulée sur une appréhension des conduites délinquantes à l’instar du symptôme dans la cure.

La supervision doit ses lettres de noblesse au processus que l’on appelle le contrôle, pur produit de la psychanalyse.

Il y est, en effet question de s’avancer dans l’histoire de l’inconscient.

Freud pose d’emblée la différence : même si la cure et le contrôle visent le même point : le traitement de la jouissance, la supervision s’inscrit dans le registre social et la cure et le contrôle dans la réalité psychique.

Une évidence s’en déduit : la psychanalyse ne peut pas ne pas y être dans le cheminement des travailleurs sociaux car elle donne les outils théoriques pour poser ses actes.

.

Il s’agit donc d’un dispositif, comme l’explique Joseph Rouzel.

D’un dispositif visant à une continuelle remise en question, enchâssée dans un cadre où naviguer en toute confiance.

Un préalable s’impose, de toujours cerner la demande émanant des directions et des équipes et d’étudier soigneusement les éléments pour ne pas se faire coincer dans des dispositifs institutionnels ingérables et pouvoir se préserver une place logique. Cette demande une fois repérée, reste à la travailler, avant toute analyse clinique de leur pratique, avec les équipes pour faire surgir un questionnement.

Ce processus, contrairement à la régulation d’équipe, où l’objet du travail est le repérage de la place de chacun et des fonctionnements institutionnels, n’inclut pas la présence des personnels de direction.

La supervision s’oriente d’une boussole simple: mobiliser le désir au sein de la demande.

Cela invite à orienter des réflexions sur les concepts d’objet, de transfert et de pulsion. Le protocole s’instruit sur trois temps :

- un parle, les autres écoutent ;

- les autres parlent, l’un écoute ;

- une conversation à tous, dans laquelle s’introduit la parole du superviseur d’une place d’extériorité.

Ou pour le dire autrement, une mise en œuvre d’un savoir qui s’appuiera sur l’exposition d’un faire, que suivra l’élaboration d’un savoir-faire.

La méthode vise à dénouer ce qui se passe entre un travailleur et un usager. Auparavant, il est judicieux de faire remarquer aux travailleurs sociaux, qui l’ignorent, le plus souvent, que l’être humain est, avant d’être un être de besoin, un être de désir.

S’appuyer sur le quotidien, les petits rien, les banalités conduit à « imaginer des dispositifs qui favorisent dans l’après-coup de l’action quotidienne la prise en compte de ce qui s’y dérobe » 3 .

Il s’agit donc de faire, là encore, avec ce qui nous échappe…

Ce qui nous échappe, par exemple dans le transfert ! Lequel est toujours sujet à de graves confusions.

La supervision ne se voulant en aucun cas un déversoir ou un défouloir, après l’expression de la plainte, vient le temps de construire. Construire pour que s’instaure une séparation dans le transfert, pour «transférer le transfert», afin d’en assurer un maniement éthique.

En découle une nécessité logique, celle qui consiste à permettre et accompagner un sujet dans ce travail de défusion qu’opère la parole. 4 »

La parole, comme le quotidien, emporte en elle ce qui ne peut pas se dire ; elle charrie l’objet manquant, quelque chose d’insoutenable, d’inconsistant, de pas tenable, ni soutenable, bref l’innommable (ce qui est sans mot). Dès lors, l’instauration d’un processus de mise en tension de positions et d’énonciations variées et variables, va permettre que se dégage du nouveau, de l’inattendu. Une vigilance s’impose, visant à ce que personne ne lâche sur ses positions propres, mais en même temps, que de l’inconciliable, naisse par des mouvements de va et vient du singulier au collectif et du collectif au singulier, une production autre mais commune qui rassemble et étonne.

Cela revient à travailler sur cette étrangeté qui habite celui qui parle dans sa rencontre avec l’autre, aussi bien le collègue que l’usager, et à empêcher, comme disait Lacan, que cela fasse colle, que ça tourne en rond dans l’imaginaire, les projections et les interprétations propres au système.

En résumé, la psychanalyse vient freiner la jouissance du travailleur social qui, de ce fait, pourra freiner celle de l’usager.

Mais ce n’est pas une mince affaire car les résistances des travailleurs sociaux sont là à leur affaire : d’aucuns préfèrent s’embourber dans le quotidien et ce qui s’y répète de routine sécurisante ; car tous, s’ils ne voient pas ce qu’ils vont y gagner, cernent clairement ce qu’il va leur falloir perdre du côté de cette jouissance.

Une solution peut venir de comment l’éducateur a pris la peine d’éprouver « à même son corps » ce qu’il en est de l’analyse, pour s’inscrire dans une élaboration constante. Ce qui l’autorise alors à se mettre à nu devant le groupe et le superviseur.

Le superviseur occupe une place d’exception, une fonction qui l’expose, quant à lui, dans ce statut de « sujet-supposé-savoir ».

Sa charge est protéiforme et implique de pouvoir lier les concepts et la pratique.

Il doit mener la lutte contre les résistances en s’adressant, non à un groupe, mais à chaque sujet. Pour ce, au un par un, il devra, au sein des énonciations, dégager le signifiant maître, celui qui emporte le sens au de là des énoncés, et ainsi faire entendre à l’autre ce qu’il ne s’est pas entendu dire.

Cette écoute lui permettra de faire trou dans le savoir, de maintenir la question ouverte en se gardant de « saturer de réponses ». Comme au jeu de pousse- pousse, il saura créer une place vide afin que puisse circuler une certaine fluidité.

Du Réel jaillira, qu’il va falloir accueillir et apprivoiser, au rythme des scansions. Cette émergence, dans la mesure où nous ne sommes pas dans le dispositif de l’analyse, imposera d’encadrer les participants afin « ne pas les laisser seuls aux confins de la vacuité ». 5

Toujours dans le même registre de vigilance, le superviseur devra épauler les éducateurs face à la psychose et à l’inconnu qu’elle véhicule.

De surcroît, s’introduit invariablement la dimension de ce qu’un sujet abandonné s’abandonne quelque part et n’y est pas pour rien dans ce qui lui arrive ; s’aborde alors, inéluctablement, la dimension du choix du sujet.

Dans ce parcours épineux, le superviseur doit, à l’évidence, pouvoir se soutenir lui-même dans le vide et avoir fait de son éprouvé, un style.

Au final, un déplacement incessant se substituera à la confusion, pour que les choses ne soient plus les mêmes avant et après, et que s’élude l’approche objectivante et réifiante de l’institution. En parallèle, la clinique ne peut se penser, en ces lieux, qu’à partir d’une politique récusant les modes actuels de rentabilité peu en phase avec l’idée d’ouverture.

Le résultat va permettre d’avancer, au lieu que se dise, à l’envi, que rien ne peut être fait !

1 Joseph Rouzel, La supervision d’équipes en travail social , Dunod, 2007.

2 2002 Eres

3 p 195

4 p XXX

5 p XXXI

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