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Licenciement : une chef de service témoigne.

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Véronique Hellot Direz

mercredi 03 mars 2010

Licenciement : une chef de service témoigne.

Après dix années d’exercice en tant qu’éducatrice spécialisée en internat et en AEMO, un CAFERUIS, et ces deux années sur un poste de chef de service éducatif placée et déplacée sur deux services, j’ai été licenciée par l’association.

Je ne peux pas dire « mon » association puisque aujourd’hui, à l’heure où les gros mangent les petits, les professionnels que nous sommes ont oublié cette ancienne notion d’appartenance à un lieu de travail, un jour, on est plus « chez soi » ! « Mon » ancienne association où je m’étais construite et professionnalisée a été reprise par une association de type entreprenariale, forte de plus de 900 salariés, déjà réputée pour licencier ses cadres.

Les professionnels des associations privées du secteur social, ont vu beaucoup d’éducateurs expérimentés devenir chef sur des critères de mérite ou du zèle. Ceux-ci étaient souvent porteurs de l’histoire de leur établissement.

Ces chefs de services éducatifs avaient un rôle essentiellement d’accompagnateur, de soutien de l’action, d’organisation des structures, et étaient porteurs d’une identité professionnelle. A l’écoute des salariés, et "en bon père de famille" ils encourageaient la mission éducative dans une certaine empathie avec les usagers.

Cette description du chef de service est distanciée de la réalité dans laquelle le cadre s’inscrit aujourd’hui. Être cadre intermédiaire est devenu une toute autre profession qu’ "éducateur chef ". Pendant ma formation CAFERUIS, je m’étais attachée à rechercher et à décrire dans mon mémoire les intérêts et les motivations de cette nouvelle fonction. J’ai repris pour ce présent texte certaines de mes hypothèses, ma courte expérience de deux années les a quelque peu éméchée. Les voici cependant avec mes commentaires illustrant une expérience de deux ans qui a menée à mon licenciement :

« Le cadre se situe entre l’équipe éducative et la direction pour organiser et accompagner une démarche collective » . L’intérêt de la fonction pourrait se situer là mais il m’a été demandé de le faire en m’appuyant presque exclusivement sur le contrôle et en posant ma démarche sur une méthode « exécutive », c'est-à-dire de faire redescendre les injonctions (et de ne pas faire trop remonter les « réactions »).

« La mission du cadre s’inscrit également dans les évolutions des politiques sociales, la loi 2002.2 rénovant l’action sociale et médicosociale et la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et dans la mise en place des outils qui s’y rapportent ».

Les objectifs et l’intérêt de la fonction de cadre pourraient se situer là également. En se faisant le relais de ces orientations, le chef de service va guider les travailleurs sociaux, renseigner et soutenir leur action. Mais la mise en place des outils de la loi 2002 est comptée d’une façon double, le nombre de DIPC effectué et la durée de l’entretien avec les parents. Ils doivent être fait en nombre quel que soit les obstacles et ne doivent pas dépasser une heure de temps, c’est l’efficacité au détriment de la rencontre et du sens ! Nous sommes dans une logique de fonctionnement, pas de mission. D’ailleurs, un des paramètres importants dans le rapport d’activité 2008 a été le comptage des actes, par éducateur et par enfant ! Révélateur non ? Et dire que c’est moi qui ai effectué cette tâche, on en avale des couleuvres… Ce travail a été conservé ensuite comme outil comparatif du travail des éducateurs les uns par rapport aux autres !

« Le but est de mettre tout en œuvre pour permettre à l’équipe de proposer les meilleures compétences et prestations aux usagers, dans une dynamique de projet » , et j’ajoute aujourd’hui dans le respect du timing ! « La fonction du cadre intermédiaire est donc prépondérante dans le sens où de lui dépend le dynamisme de l’équipe et le bon déroulement des mesures et/ou prises en charges » . Mais, confronté au mépris de la direction pour les éducateurs, je suis soupçonnée d’être trop à leur écoute et de trop les seconder dans leur travail, de contribuer à l’action éducative au détriment des notes et autre compte-rendu à l’ASE qui ne peuvent pas attendre ! Le chef de service en fait n’est pas prescripteur, il est prestataire du conseil général et donc assujetti à sa règle. Le chef de service contribue au saccage d’une mission, ceci dans la peur du financeur. Les années de savoir faire des équipes qui n’ont même pas été seulement évoquées (et encore moins le savoir être) lors des signatures de conventions, ne font pas le poids devant les obligations imposées alors par le conseil générale. Dans ce service, la peur est stratégie, c’est le directeur lui-même qui la véhicule : « On a tous des crédits à rembourser ! On a besoin de garder notre boulot ». Remarque de sa part, formulée aux éducateurs dénonçant par exemple que la prévalence des décisions du conseil générale va à l’encontre du travail entrepris avec les familles et parfois même contre la décision du juge, et demandant que le service se positionne autrement. Et dans ce service pourtant, pas d’éducateur dinosaure, des professionnels qui réfléchissent et nous interpellent simplement.

« Le chef de service doit donc aussi accompagner le changement », et j’ajoute aujourd’hui : « à tout prix », ceci dans l’oublie des bonnes pratiques professionnelles, et le dénie de ce qui marche bien.

La fonction du cadre intermédiaire se situe donc entre l’accompagnement « très cadré » d’une équipe éducative et des familles et l’application des politiques d’action sociale de l’association qui l’emploie. Il doit exercer ses fonctions de préférence sans réflexion ni apport de la plus-value de son expérience passée, perte de temps ; et encore moins en faisant part de sa réflexion à sa direction. « Etre source de proposition », quelle hypocrisie !! J’ai eu l’occasion de faire des propositions, d’autant plus qu’étant issue d’un autre site, j’avais une bonne connaissance des partenaires internes à l’établissement. Je me suis associée à certains projets relatifs à l’amélioration de la prise en charge et l’insertion des adolescents et fait des propositions vers l’amélioration de la préparation à l’autonomie des jeunes majeurs. Je peux dire que mon directeur n’a montré aucun intérêt aux écrits que j’ai fait dans ce sens ni été à l’écoute de ces initiatives et orientation éducative correspondant pourtant à des besoins repérés au sein de notre service.

Comment peut on prétendre intéresser sa direction quand on n’est pas capable d’exiger de ses éducateurs qu’ils rendent leur rapport en temps et en heure !

Mais poursuivons : « Le chef de service éducatif est un cadre de proximité qui doit faire vivre le service avec enthousiasme » . J’en ai eu et j’ai aussi fait preuve d’honnêteté, qualité fort inutile pour faire sa place dans ce métier, surtout quand j’ai voulu en rendre compte face à certains reproches qui m’étaient fait. Le directeur a toujours raison et le climat est celui du soupçon.

Or « le chef de service éducatif fait partie intégrante de l’équipe de direction, il réalise ses missions par délégation » . Mais laissez passer deux fautes d’orthographe en signant les rapports de situations et vous perdrez cette délégation, obligeant en outre votre directeur à relire lui-même tous ces rapports, (n’a-t-il que ça à faire ?). Là commence à pointer le spectre du chef de service incompétent où s’immisce l’espace du désaccord et de la faute.

Enfin, « animer et soutenir une équipe, c’est relever le défi de la " bientraitance " avec une meilleure prise en compte de l’aspect humain et de la spécificité d’une profession confrontée à la souffrance et aux difficultés de vie des usagers qu’elle rencontre » . Là j’étais carrément dans l’utopie ! Concrètement et simplement, ce pourrait être par exemple relayer (par l’écrit d’une note d’incident) une éducatrice qui prend des congés (préalablement programmés et accordés), à la suite d’une période de travail lourde et chargée d’évènements. En écrivant cette note, je suis devenue non pas la chef de service soutenante mais celle qui se fait avoir et n’inscrit plus son action dans le « faire faire » mais dans le « faire à la place » et qui a fauté en outre par dissimulation de manquements professionnels.

Mais quand les réunions de direction deviennent des listings de dysfonctionnements et un interrogatoire en règle sur « qui a fait ça ? » et « qui n’a pas fait ça ? », « je commence par quoi, tout déconne ! » entrecoupés d’entretiens de recadrage, survient encore le spectre de la rupture, ce n’est plus du pilotage ni du contrôle mais une recherche permanente de coupable et de trouble ! Toutes ces « graves » défaillances, nous étions deux à les rencontrer, ma collègue chef de service et moi-même dans un service accueillant 140 enfants, avec 70 assistantes familiales et 8 éducateurs et éducatrices et assistante sociale, deux à se dire tous les quinze jours après chaque réunion : « c’est encore pire que la précédente, il va aller jusqu’où ? ». Avis aux directeurs : à force d’acculer vos chefs, vos paroles perdent en efficacité mais nous abîment ! Puis il y a eu les menaces parce que je n’étais pas efficace dans le contrôle du travail envers une salariée désordonnée : « si je dois la virer, il n’y aura pas qu’elle qui tombera ! »

Une fois, il nous a été rappelé que nous n’avions pas rendu des fiches récapitulatives de placement relevant le nombre d’enfants confiés à l’ASE avec autres renseignements d’une grande importance. Cela nous avait déjà été demandé, nous étions une fois de plus le service qui dysfonctionne et notre organisation complètement nulle et inexistante, les derniers de l’association à s’exécuter, ce qui ne manquerait pas d’être relevé à la prochaine réunion au siège…. (Nous n’avions pas reçu le formulaire censé être arrivé par mail). Après le rattrapage de cette grave insuffisance et alors que nous rendions enfin les multiples documents enfin complétés en une journée où nous finîmes fort tard, nous avons appris par la responsable qui avait la charge de regrouper les documents pour toute l’association, que nous étions les premières à les rendre ! Aucun autre service n’avait encore eu le temps de les faire ! Quel bon stratège que notre directuer qui n’a de cesse lui, d’être le premier !

« Tu n’es pas là pour penser ! » Ont été à peu près les derniers mots que j’ai entendu de mon directeur, avant que je sorte de son bureau en lâchant que c’était de l’acharnement, (deux recadrages en deux jours). Et le fait que la faute, cause de mon licenciement soit une grosse interprétation de la réalité montre bien qu’elle a été prétexte à une volonté de me faire sortir de l’association sans tergiversation. Je n’ai évidemment pas été reçu par le siège. D’ailleurs, mon licenciement l’a finalement été pour « motif réel et sérieux », comme quoi la faute n’était pas fondée.

La faute ? Avoir tardé à informer le conseil général d’une suspension d’un hébergement d’une jeune fille chez son père, mais ceci sur la demande du père et accompagnée d’un travail de médiation père/fille par l’éducatrice et non sur une décision aléatoire du service. Il n’y avait donc pas suspension des droits mais une gestion de difficultés. Le conseil général veut savoir et veut décider, à quel rythme, au jour le jour, chaque semaine, chaque mois ? Peut on travailler ou doit on seulement écrire pour rendre compte et demander la marche à suivre ? Quelle valeur a encore la démarche éducative ? En outre un manquement vaut-il licenciement ? Non, m’a-t-on dit, c’est de ne pas avoir reconnu mes tords qui m’a valu celui-ci !

Et le fait que j’ai efficacement mené cette mission de mise à jour des DIPC avec sens et adhésion des éducateurs et entrepris la même chose avec les projets individuels n’a pas semblé digne d’intérêt lors des évènements bien sûr. Un élément peut être présenté comme le plus important quand il est sujet à reproche et être oublié quand il fonctionne, selon que la stratégie de management est d’utiliser ce qui sert la mise sous tension et non ce qui pourrait démontrer que le travail avance.

Mon courrier de licenciement contient beaucoup de fautes d’orthographe, même des fautes de structures de phrases qui en changent le sens ! Honte au directeur général qui a signé cette lettre sans m’avoir rencontré et qui a nommé depuis mon ancien directeur à la direction d’un service supplémentaire ! Lui qui en gérait déjà deux ! Vive le stress et les injonctions contradictoires. Avec mon licenciement, il a montré qu’il avait le pouvoir.

Le coup a été rude et je ne suis même pas allée aux prud’hommes, non pas par peur, j’ai l’avantage de ne pas trop me laisser mener par ce sentiment. Mais sans doute parce que je craignais de me retrouver assez isolée, je pense réellement que les professionnels y compris les chefs de service ont peur d’exprimer leur désaccord et donc leur soutien à la personne touchée par ce système. J’ai eu en outre une volonté prématurée de dépasser tout ça, et voilà, j’écris parce qu’en fait, je n’ai pas encore dépassé grand-chose.

Mon sentiment sur ces deux années est que j’ai inscrit ma démarche dans le travail et non pas dans un principe de revendication. Dans ce grand service, avec ma collègue j’ai beaucoup appris sur l’étendue et la complexité de la fonction et me suis maintenue dans la proximité avec les usagers et les professionnels. Je pense par contre que je n’avais pas la « bonne posture », et que j’ai eu affaire à un directeur qui cherche l’excellence dans la gestion de ses services. Le moins que je puisse dire est que ça ne fonctionnait pas avec lui sur le plan relationnel tout simplement parce qu’il n’y a pas eu volonté de se connaître. Mais derrière les fonctions, il y a des personnes.

Il voulait être en permanence informé de tout. Il a prétendu que j’ai été dans la dissimulation, moi qui me considère intègre, si j’ai pu fonctionner comme ça, c’est grave. Cela veut dire qu’il n’y avait plus de confiance mais de l’évitement. Je lui conseille de se questionner sur ses stratégies managériales parce qu’il parvient à des réactions inverses au résultat recherché.

Aujourd’hui chaque entretien d’embauche qui ne se concrétise pas, (parce que ce n’est pas facile de parler de son licenciement et que la principale préoccupation d’un employeur est la loyauté du chef de service), me fait penser que je vais finalement la faire cette démarche aux prud’hommes.

Quand je finalise ces pages, je vois sur Psychasoc qu’un livre vient de sortir sur les fonctions des directeurs, des témoignages sur un métier qui les passionne, je serais curieuse de les lire, moi qui crois encore que les fonctions d’encadrement ont du sens. Et j’espère que tous ne fonctionnent pas comme ceux précédemment cité. J’aimerai y trouver quelques arguments sur la plus-value des grosses associations, quels sont les signifiants sur le plan éducatif et de la promotion de notre mission ? Je recherche toujours un nouvel emploi.

A bon entendeur…

Véronique Hellot Direz

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Commentaires

licenciement

Bonjour, j'ai moi même été& licenciée pour faite grave alors que 4 années auparavant la même personne qui m'a licencié (président) me débauchait du poste que j'occupais pour me donner le poste de chef de service éducatif. J'ai moi aussi fait face à une directrice incompétente, non diplômée, caractérielle, qui voulait le paraître et non le sérieux d'un travail bien fait, qui a soif de reconnaissance et de notoriété et à qui il était impossible de s'opposer sans que cela ne déclenche des colères et des coups bas digne d'une petite fille trop gâtée. Elle a fini par manipuler mon équipe en utilisant la peur, le chantage et autres atouts peu recommandables et a sali ma réputation et obtenu mon licenciement en manipulant le président et le conseil d'administration. Moi j'ai fais une démarche aux prud'hommes car ce licenciement est injuste, non fondé et il n'y a aucune raison pour que nous acceptions tout sans rien dire. Nous avons des droits alors l'employeur est tenu de les respecter. Cette situation est difficile, douloureuse et a de sacrées conséquences sur notre vie. Mais dites vous bien que les personnes qui ont soif de pouvoir, de reconnaissance ne s'imaginent même pas le mal qu'elles font. Aujourd'hui je recherche un emploi mais ce "boulet" est lourd à traîner. Vais je m'en sortir ou pas ? En tout cas il faut garder le moral, positiver cette douloureuse expérience et ne jamais baisser les bras. C'est obligé la roue tourne. Et je suis convaincue que cette personne aura le retour du bâton. On ne peut pas être dans l'illusion, le mensonge et la manipulation très longtemps. Courage à tous et hauts les coeurs.

licenciement

Un grand Merci à Tous pour votre soutien, votre analyse et vos remarques, que je vais lire et relire. Cela devrait m'aider à un travail de distanciation et alimente déjà ma féflexion vers plus de discernement. J'espère que le débat va se poursuivre.
Je pense effectivement que les prud'hommes pourraient me rétablir professionnellement, à suivre...

licenciement

Quel choc!

Hélas je ne doute pas que cette situation en cache d'autres similaires.

Plusieurs commentaires:

Tout d'abord les Prud'hommes s'imposent. J'ai testé et gagné en 1990 ce qui a valu pour moi autorisation à penser que j'avais ma place dans le champ du social.
Ce qui dit le directeur (ou le CA) est une chose. Ce qui dit la Loi en est une autre, d'une autre valeur.

Votre témoignage m'évoque la rencontre avec une personnalité "limite" voire limité dans le sens intelligent du terme.
Diriger ce n'est pas ça. Ce directeur se prend pour la direction, ça va le rendre fou.

Je ne suis par contre pas d'accord du tout avec votre conception du chef de service entre l'équipe et la direction.
Non, le chef de service est cadre, rattaché à une autorité au sein d'une chaine hiérachique mais il n'est pas enchainé.
Il est acteur et auteur.

Le cadre peut interroger le cadre. Pourquoi? Parce qu'entre un idéal visé (un programme à décliner) et ce qui parait réaliste à un moment donné dans un contexte donné, il y a votre part d'inventivité.
S'il n'y a pas de marge, c'est qu'il n'y pas de cadre. C'est l'absence du vide, du manque, du désir, de l'incomplétude, appelons cela comme on veut, mais ce n'est pas "praticable".

Que dire de la conception du DIPc ou de l'évaluation....c'est comme ces analystes qui se déguisent et discréditent toute la profession. J.ROUZEL m'écrivait que c'est du canada dry...demain je vais tenir des propos sur la démarche d'évaluation interne auprés de directeurs et chefs de service en CER. J'espère que cela ouvrira des perspectives autres.

Bref, prenez le temps mais allez voir ce que dit la Loi.
c'est elle qui dit ce qui est et par là nous institue en nous empéchant de nous prendre pour ce que nous sommes sensés être (directeur, chef de service, psy...).

Courage à vous.

G.REGES

Une voie pour l'insubordination





Chère collègue,

Avant d’avancer les réflexions qui me sont venues à la lecture de votre témoignage si précieux, tant il est significatif de cette « terreur » (plus ou moins soft) dans laquelle nous sommes en train de basculer, permettez moi que je vous encourage d’abord à porter votre affaire devant les prud’hommes. Cela en évitant de trop vous enkyster dans le duel – ce qui ne se peut parfois sans trouver aussi une « médiation » amicale, voire celle d’un avocat, qui pour vous accompagner ne vous y pousse n’importe comment. On peut aisément se faire «prendre» par la destructivité que lève en nous de telles situations d’agression. Car c’est bien d’un équivalent de « meurtre » qu’il s’agit derrière votre affaire, sous la belle façade des idéaux de la «bonne gestion» et des « bonnes pratiques» brandis par ce directeur, mais pas que par lui. Ce « meurtre », il nous implique aussi ! Cela vient d’être relevé dans le premier commentaire. Je crois que c’est Schiller qui disait que le diable ne se présentait jamais sous les figures du diable, mais toujours sous les allures de la plus haute spiritualité. Mais bon, on ne croît plus au diable, nous qui sommes si bons, si pleins d’empathie pour notre prochain…

Ce texte, que je trouve très riche dans ses descriptions, dans l’expression de votre sensibilité, là où vous en êtes aujourd’hui, plus le fait que vous osiez ainsi porter votre affaire sur la place publique (via le site psychasoc), vous permettront j’espère, comme vous le dites en conclusion, de « finalement la faire cette démarche aux prud’hommes ».

Introduire ainsi le tiers juridique entre vous et cette association, qui n’a su arrêter, tempérer le bras du directeur de votre service, ne peut pas faire de mal dans de pareilles situations, tout au contraire je crois. Les Associations (les CA) ne savent plus jouer un rôle médiateur, de tempérance des directions, mais tout au contraire, ainsi que cela semble s’être engagé en votre cas, confortent et inscrivent les chefs dans ce mode de délégation managériale qui n’est pas « délégation » du sens de la Limite, délégation d’un esprit de mesure et de modération dans les actes, mais bien davantage cette «délégation » imaginaire du pouvoir, à résonance totalitaire, déliant les volontés de puissance, le fantasme d’emprise, d’omnipotence, poussant à jouir du pouvoir…

L’intérêt serait donc quand même je crois pour vous de ne pas refermer le questionnement sur votre propre implication et participation dans l’affaire. Mais sur ce point vous affichez aussi, comme sur beaucoup d’autres, une belle lucidité : « Le coup a été rude et je ne suis même pas allée aux prud’hommes, non pas par peur, j’ai l’avantage de ne pas trop me laisser mener par ce sentiment. Mais sans doute parce que je craignais de me retrouver assez isolée, je pense réellement que les professionnels y compris les chefs de service ont peur d’exprimer leur désaccord et donc leur soutien à la personne touchée par ce système. J’ai eu en outre une volonté prématurée de dépasser tout ça, et voilà, j’écris parce qu’en fait, je n’ai pas encore dépassé grand-chose. »

Quoiqu’il en soit de la difficulté ou pas des remarques que je vais tenter maintenant, croyez bien qu’après avoir lu ce témoignage, si évocateur de ce dans quoi nous sommes et allons de plus en plus être pris, je suis dans un état d’esprit cordial à votre endroit. Vieux rebelle, j’ai trop de sympathie pour l’insubordination, même si j’en sais aujourd’hui la voie très étroite. Je vous remercie donc d’abord de nous rapporter cette affaire qui vous touche avec tant de précision, et de courage. Vous nous exposez une expérience archétypique de la « schizophrénie » – de cette situation hautement paradoxale – dans laquelle se trouvent et vont se retrouver de plus en plus nombre de ceux qui, dans les fonctions de direction, garderont le sens commun, le sens du semblable, le sens de ce que j’appelle une alliance non faussée.

J’espère que vous trouverez dans mon propos quelque appui à votre propre travail de pensée et d’élaboration. Car nous sommes bien là, en effet, dans notre exercice praticien, pour penser, quoiqu’en veuille ce directeur qui vous dit « tu n’es pas là pour penser ! ». Je vais revenir en conclusion sur l’enjeu à mon sens associé à un tel propos.

S’il y a un trait qui caractérise ces managers qui ne veulent pas que nous « pensions » mais que nous chantions à l’unisson (« qui chante en groupe à l’unisson, quand on le lui demandera, mettra son frère en prison », c’est un aphorisme du poète Michaux), c’est de ne rien vouloir savoir du fait que « je est un autre », c’est de ne jamais, comme le pervers qui toujours porte haut le discours de l’idéal et de la norme, se reconnaître en autrui… C’est pour cela qu’il convient me semble-t-il de ne pas faire de même, et saisir un peu que la perversion – ce clivage qui nous rend insensible à autrui, quand autrui n’est pas un « même » – nous regarde, nous implique.

Ce n’est donc pas me semble-t-il avec le seul discours de l’humanisme et des « bons sentiments » que nous arriverons à affronter et à résister au rouleau compresseur du management. Nous ne ferons face à ce dont vous témoignez, qui correspond bien à ce qui est en train de se passer dans de plus en plus d’institutions et de services (et ce n’est peut-être qu’un avant-goût), sans d’abord retrouver une orientation éducative et clinique conséquente, j’entends là une orientation qui prenne en compte et l’éclairage freudien (celui sur « l’autre scène » de l’humain, la scène où règne la logique de l’indifférencié, la logique de l’inceste et du meurtre), et la fonction civilisatrice du droit et des institutions. Ce qui permet alors de saisir la fonction « parentale » médiane de tous sur la scène sociale, dans la diversité des fonctions et des niveaux de discours, de la parole.

L’attaque en règle en cours contre la Convention 66 montre bien je crois aussi que ceux qui prétendent gouverner la réforme de notre secteur, diriger les pratiques de manière technocratique, croient que le moment est proche ou enfin ils pourront mettre le réel au pli de l’idéal, à leur pli ! Toujours la même vieille folie politique des « réformateurs » ou des « révolutionnaires », toujours ressuscitée. J’espère donc que le réel, sous la forme d’un refus collectif puissant, sur des objectifs simples, va leur renvoyer la Limite. Mais, je ne cesse de le rabâcher, pour cela faut-il encore que nous en élaborions quelque chose du principe institutionnel de la Limite, que l’on peut aussi nommer, le principe du Père. Principe qui est d’abord un principe logique, ayant à voir avec les enjeux nodaux de la structuration subjective, avec ces enjeux de représentation au fondement de l’accès du sujet à la Raison, et non un principe fondé sur la biologie ou la sociologie de la famille ! Voilà posé le plus difficile : pouvons nous ou pas accéder à la dimension juridique de la fiction, de la structure, celle du théâtre oedipien qui régit institutionnellement la tache d’éducation, de transmission ?

Qu’est-ce qui peut nous faire ressembler à ces managers, si détestables de se réduire eux-mêmes à cette caricature, à laquelle ils finissent par croire, que vous décrivez ? En quoi ne serions nous pas de ces nouveaux « pasteurs » de la techno gestion, prêts à transformer toute erreur en faute, soucieux même de transformer toute erreur en faute ?

Il y a au fond de l’être de chacun quelque chose, du côté du lien inconscient aux figures du père, de la mère, qui peut nous attacher, fascinés, à tout discours de la maîtrise, même si ce discours ne joue plus de l’ancien modèle identificatoire au «bon père de famille» comme vous dites… Il joue la carte du père autrement. Mais ces discours continuent de tabler sur notre propre infantile, aussi bien donc sur notre volonté de puissance et nos idéaux, sur ce qu’il en est en chacun de ce qu’une psychanalyste a nommé « la maladie de l’idéalité »…

Nous partageons tous au départ, dans notre « vocation » à ces métiers, quand même bien particuliers, de « l’éducation spécialisée », bien des illusions. L’’illusion du pouvoir imaginaire, l’illusion de la Grande Réparation. N’est-ce pas pour cela qu’une formation digne de ce nom est d’abord une formation qui nous fait « perdre », renoncer, une formation qui nous ouvre au travail d’élaboration des idéaux ?
Une formation qui ne s’articule pas d’abord à cela, disons au « travail du négatif », peut-elle déboucher sur autre chose que sur le verrouillage de l’« orgueil » professionnel ? Et ne serait-ce d’abord cet orgueil (ou narcissisme) qui entrave le vrai travail éducatif, créatif, l’ajustement sensible et infini de chacun au Réel, à l’impossible à gouverner et à éduquer du désir d’autrui ?

La fonction de directeur, de chef de service, est devenue « une toute autre profession » dites vous. Oui, bien sûr. Mais j’estime que le ver était dans le fruit depuis longtemps, qu’il était déjà là, dans ce paternalisme qui allait si bien à tant d’entre nous, et dont beaucoup, si je les entends, sont nostalgiques. Les choses se nouent là. A force d’avoir voulu un père fraternel, protecteur, maternel, un père qui ferme les yeux, et bien on a récolté ce qu’on est en train de récolter. Certains en viennent à regretter le père d’antan! Moi je ne suis pas pour ce « retour » là, que je crois d’ailleurs impossible.

Votre propos témoigne cruellement de cette impasse : le modèle ancien, on n’y reviendra pas, et le nouveau modèle « managérial » ne pourra, je le crains, être dépassé (dialectiquement) qu’après de bien terribles épreuves, qu’au prix d’un effort de pensée que ceux qui mènent le bal, y compris dans le champ de la psychanalyse qui est aussi ma maison, sont loin encore d’accepter d’ouvrir sur des bases rigoureuses. Le modèle ancien, je simplifie, c’était celui du paternalisme, le nouveau, c’est celui de la Haute Mère Gouvernante.

La première « vertu » d’un manager ignorant (« ignorant », tel que la fable de La Fontaine, L’âne qui portait ses reliques, décrit un « juge ignorant »), c’est en vérité, et vous décrivez cela remarquablement, celle du « zèle » !

Le manager est d’abord un zélator ! Sa vocation première c’est d’être zélé, un «spécialiste zélé». Ça devrait nous rappeler quelque chose, vous savez la défense d’Eichmann à son procès ; il a dit qu’il n’était qu’un spécialiste, qu’un fonctionnaire zélé dans la mise en œuvre de la « solution finale ». Voyez-vous ça : ils tuaient en toute innocence professionnelle !

Voyons l’étymologie.
Zélator », le zélé, du latin zelus : l’envieux, qui veut toujours être le premier.
(dans les associations pieuses, c’était celui qui était chargé de stimuler le zèle des adhérents…)
Zélé, du grec zelos : ardeur et jalousie.

Nous y sommes, non ?

Ce qui est aujourd’hui privilégié, du côté du discours des maîtres, n’est-ce pas en effet le « zèle », et derrière ce zèle qu’y a-t-il, sinon la mise en œuvre de ce clivage dans la représentation (ceux d’en haut / ceux d’en bas, les innocents / les coupables), toutes ces fausses distances derrière lesquelles s’engage en vérité tout ce « mépris » dans lequel se tient « l’élu », l’élu œdipien…
Mais pour être parmi les élus, il faut donner les gages de l’allégeance. Les annonces d’embauche, les entretiens d’embauche sont on ne peut plus significatifs de l’état dans lequel nos milieux se trouvent aujourd’hui quant à ce qui est attendu de la « servitude ».

Il faut arriver à leur faire honte, ils n’ont plus de honte !
Voyez-vous ce qui m’a plu aussi dans votre texte, c’est que vous dites, vous, votre honte… Moi je n’ai pu évoluer qu’ainsi, qu’en reconnaissant combien je me suis sali, combien je me suis égaré… Evoluer, mais sans changer beaucoup. Du coup je ne suis pas un excité du « changement »… pour les autres…

Un de mes chers collègues me rapportait il y a peu un épisode vécu par lui. Lors d’un entretien d’embauche pour un poste de chef de service auquel il venait de postuler, le directeur qui officiait là lui demanda, comme critère des critères de la qualité à occuper le poste, s’il pourrait dire « non » aux éducateurs de base. Mon collègue lui répondit qu’il pensait pouvoir dire « non », mais que pouvoir dire « non » ce ne pouvait être ciblé que vers les praticiens de base, qu’il convenait aussi de pouvoir dire « non », si nécessaire, par exemple au directeur. Il ne peut pas y avoir d’écart si on ne peut pas se dire « non ». Il a soutenu ça aimablement.

« Non ? ou la vaine gloire de commander »
C’est le titre d’un beau film de Manoel de Oliveira.

La candidature de mon collègue n’a pas été retenue. Ce collègue, pour lequel j’ai de l’amitié, est un praticien qui a pris un chemin, et qui ne peut plus en prendre un autre, ou deux à la fois ; c’est ainsi. Alors son désir le portera peut-être ailleurs, ailleurs que dans cet univers régi par les enlacés de la Haute Mère, prêts à nouveau à « tuer » en toute innocence.
Mais on peut essayer aussi de s’infiltrer, d’intéresser à l’essentiel – aux droits subjectifs, poétiques, de tout un chacun – les moins piétistes et les moins collabos…
Pour cela il faut quand même apprendre à connaître l’enfant en nous, l’enfant qui « demande » satisfaction (qui dit « je veux »), qui exige aussi la reconnaissance inconditionnelle, tout l’amour, et dans un seul sens… Ce n’est que comme cela qu’on apprend à voir, derrière le chef omnipotent, l’enfant narcissique, cet enfant tyrannique qu’une mère (dois-je dire, une Association ?) laisse triompher, triompher œdipiennement à bon compte… On aborde tellement ces choses là en aveugle, en étant œdipiennement aveugle…, comme si la découverte freudienne n’avait servi de rien…

Ce qui guette semble-t-il de plus en plus tous ceux qui s’engagent en notre milieu vers des fonctions de direction, c’est de se mettre à croire qu’il ne s’agit par là pour eux de devoir continuer à perdre, autrement dit qu’il ne s’agit pas d’aller vers ces postes en ayant conquis de traverser l’illusion du pouvoir imaginaire, mais tout au contraire d’y aller pour conforter cette illusion, pour gagner toujours plus, pour gagner sur autrui, sur le réel d’autrui !

Aujourd’hui le management a perdu l’horizon de la Loi, l’horizon de sa propre fonction généalogique, symbolique. Mais, je ne cesse de le répéter : il l’ignore d’autant que le discours professionnel, éducatif, clinicien, ne s’est pas lui-même véritablement inscrit, institutionnellement inscrit, comme il y conviendrait, dans cet horizon de la Loi, dimension juridique comprise. Cela se retrouve dans votre texte. Vous le sentez bien d’ailleurs, vous qui dites en modestie, « je n’ai pas encore dépassé grand-chose ». C’est le genre de phrase qui ne me fait pas désespérer de ceux qui viennent. Je vois combien parmi mes jeunes collègues certains, pas tous bien sûr, ont capacité à ce regard sur eux. Ce qui me réjouit.

Qui pourrait vous « reprocher » de demeurer pour partie dans le même imaginaire, au fond « positiviste », que celui de ceux qui vous ont licencié ?
Je ne vous incrimine en rien ; ce que j’essaie de vous dire, à travers ce « commentaire», c’est que c’est peut-être ce «positivisme» (éducatif) qui nous aliène, et qui vous a aussi laissé sans vrais alliés dans cette situation. Vous évoquez aussi la peur.

C’est pour cela je crois qu’il convient parfois aussi, quand il le faut (comme aujourd’hui pour la défense de la CC 66), de « combattre », de déployer un refus consistant, collectif. Mais la question du refus, c’est d’abord une question singulière, qui regarde et implique chacun. Sans cela, toute « lutte », et en particulier dans notre secteur, a toute chance de renforcer ce que l’on dénonce…

Je reviens pour conclure sur cette phrase de ce directeur qui vous dit « tu n’es pas là pour penser ».
Moi je crois qu’en vérité il vous dit, sans le savoir of course, « tu n’es pas là pour être une femme », autrement dit tu n’es pas là pour être un sujet sexué, divisé du Phallus, un sujet parlant, pensant, un sujet qui peut dire oui, qui peut dire non. Tu es, comme moi, la même, une castrée, l’instrument de la Haute Mère.
Nous sommes là dans le fin fond de l’idéal de l’Institution parfaite qui tient ces gens, ce lieu où il n’est nul besoin que vous pensiez…
Cet idéal de l’Institution parfaite, c’est celui de tous les fondamentalismes…
Tout ce qui s’est manifesté en vous de refus et de pensée par rapport à ces mises infernales de la technogestion (DIPC etc.), ces mises dont nous souffrons tous de plus en plus, renvoyait ce collègue directeur à son surmoi, féroce comme on sait, à sa propre indivision, à sa propre impasse donc devant la Haute Mère. Cela ne pouvait que lui être, en l’état, dans le défaut d’interprétation, sans autre étayage pour lui aussi, qu’insupportable.

Et puis le simple fait que vous parliez, semble-t-il plutôt « normalement » à vos collègues, que vous ayez eu l’envie et le souci de travailler, non dans la verticalité, mais là encore je dirai « normalement » avec eux (préférant faire avec eux, que faire faire !), eh bien moi je crois que vous avez fait par là se réveiller le Grand Jaloux, l’Enfant qui veut la Mère rien que pour soi… Vous lui faites perdre son bâton de maréchal, le sacro-saint phallus imaginaire… Il est bien trop ce directeur, nous sommes toujours tous bien trop… Je n’irai pas plus loin dans cette réflexion d’ordre universel…

Un dernier point. Vous faites par trois fois un autre lapsus d’écriture, sur le « e » : vous écrivez « conseil générale » (au lieu de Conseil général), puis « oublie » (au lieu de «oubli»), puis «dénie» (au lieu de «déni») !
Oui, c’est La Générale qui commande maintenant !
Et puis, c’est trop beau, je trouve là confirmation de ce dont à mon sens derrière tout cela il s’agit. Oubli du féminin, déni du féminin !
Le management passe son temps à nous vouloir asexué, hors sexe, hors rapport sexuel ; il veut une humanité d’avant la chute ! Chasser le sexe c’est bien en effet chasser le féminin ; car, comme disait notre cher Lacan, sans féminin pas de sexe…

Ce qui est insupportable à tous, et particulièrement à ceux qui occupant le ciel des chefs espèrent pouvoir y échapper, c’est de se retrouver à devoir occuper la place tierce, en d’autres termes, c’est de devoir exercer la fonction parentale, et donc pour cela quitter sa place d’enfant : il nous faut soutenir la place de l’exclu œdipien…

Allez, un dernier tuyau pour "tuer le Directuer" (pour avancer dans le bon programme) : prenez donc l’habitude de ne plus employer le « possessif » quand vous parlez des éducateurs (« il exige de ses éducateurs ») ou du directeur ou de l’institution ; ne dites pas "mon directeur", mais «le directeur de l’institution» ; vous verrez ce n’est pas tout à fait la même chose… Et c’est un bon exercice pour « passer », je veux dire pour conquérir de voir la scène institutionnelle comme une fiction, un théâtre… Ce n’est pas dans les formations pour devenir « chef de service » ou directeur – à quelques exceptions près me dit-on – que vous allez tâter de cela, de cette dimension structurale de la fiction à l’œuvre dans l’institutionnalité…

Et puis laissez tomber aussi le vocable imposé, celui par exemple des «bonnes pratiques»!
Allez, je vous offre, après ces choses si difficiles, chère insubordonnée, ce poème de Paul Celan, un parmi ceux qui constituent mon modeste viatique :


Parle toi aussi
Parle toi aussi,
parle en dernier,
dis ta parole.

Parle –
Mais ne sépare pas le non du oui.
Donne aussi le sens à ta parole :
Donne-lui l’ombre.
Donne-lui assez d’ombre,
Donne-lui autant d’ombre
que tu en sais partagée autour de toi entre
minuit et midi et minuit.

Regarde tout autour :
Vois ce qui t’entoure devenir si vivant !
Dans la mort ! Vivant !
Celui qui parle l’ombre parle vrai.

Désormais le lieu où tu te tiens rétrécit :
Où aller maintenant, dépourvu d’ombre, où aller ?
Monte. En tâtonnant, monte.
Te voilà plus mince, moins ressemblant, plus fin !
Plus fin : un fil,
où l’étoile veut glisser et descendre :
pour nager en bas, tout en bas,
où elle se voit scintiller : dans la houle
des mots qui vont.

Paul Celan

lapsus

les métaphores guerrières sont dangereuses, elle vous conduisent à faire une petite erreur : quel bon stratège que notre "directuer", mais cette place délicate de cadre et de la perte de cette place est très bien rendue avec l'éclairage actuel de faire du chiffre, et de bien faire "obéir"