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Moi,… la jupe

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Jean-Pierre MEYER

jeudi 23 juin 2011

Moi,… la jupe

Au départ le titre devait être "jupe ou pantalon", découvrant le titre de l’émission théma d'ARTE, ayant ce titre, je change.

Les vêtements pourraient être un élément aussi banal que se laver les dents. Je ne le pense pas.

Je pense que l'habit, les vêtements sont les symboles, plutôt une des éléments de la civilisation. Les colonisateurs arrivant en Amériques ou en Afrique ont exigé des populations de se vêtir. On pourrait penser que ne pas porter un vêtement, ne pas cacher sa nudité est un péché. Les esclaves en Amériques n'avaient que des vêtements succincts. Notre imaginaire personnel attribue une façon de se vêtir, codifiée par des manières, des codes de la civilisation ou de classe.

Pourtant il me semble qu'Adam et Eve ne portaient pas de vêtements. Pourtant ils sont le début de notre civilisation.

Après mai 68, ne pas porter de soutien gorges pour les nanas, pouvait montrer une certaine forme de libération. A une époque, porter un jean était une marque de différence. Dans certaines familles, le port du jean était "mal". On ne pouvait pas aller partout, en jean. Quand j'étais lycéen, le jean était déconseillé au bahut.

L'autre jour, en lisant une revue, j'ai découvert que le port du pantalon était interdit au femme, par une ordonnance de police du 26 brumaire an VIII (17 novembre 1799), signée par le préfet de police de Paris qui se déclare « informé que beaucoup de femmes se travestissent, et persuadé qu'aucune d'elles ne quitte les habits de son sexe que pour cause de santé. A cette époque, il fallait justifier des raisons médicales et demander une autorisation à la police pour pouvoir enfiler un pantalon, vêtement réservé aux hommes. En avril, l’an passé, plusieurs députés radicaux de gauche ont déposé une proposition de loi à l'Assemblée nationale pour abroger l'interdiction, toujours en vigueur, du port du pantalon par les femmes. Je ne sais pas si elle a été votée par cette assemblée comblée de beaucoup d'hommes.

Lors d'une formation sur l'autisme, le docteur Gabbaï racontait quand il était médecin dans l'établissement La Force (Dordogne), il ne comprenait pas pourquoi le temps de la toilette était souvent source de conflit violent. Lors d'une observation, il remarque que les vêtements de la personne accueillie étaient par terre sur le sol de la salle de bain. L'éducateur pouvait marcher sur le linge sale. Dès que le linge sale fut mis dans une corbeille, le temps de la toilette devenait serein.

La peau est l'enveloppe du corps, un peu une forteresse qui protége le corps. La peau pourrait être quelque chose qui touche le psychisme. Je pense que pour le psychotique, en construction, cette peau est l'enveloppe intouchable. Souvent il transforme le vêtement en peau supplémentaire. Ce port semble atténuer la violence qu'il ressent, la douleur qu'il ressent. Un peu une éponge qui "essuierait" leur mal être.

Le vêtement garde en nous la trace de notre petite enfance. La maman choisit l'enveloppe qu'est le vêtement, l'admire. Souvent l'achat de vêture pour la maman, peut démontrer ses marques d'amour. Le temps de l'habillement de l'enfant est un temps fort dans la vie de l'enfant. Notre regard dans le miroir après notre habillage, avec telle tenue, nous renvoie des images de ce temps de douceurs.

Enfant, je mettais mes habits de dimanche quand j'accompagnais mes parents en visite. Petit, j'avais une cravate avec un élastique, puis adolescent une vraie cravate. Mon premier costume m'a été acheté pour le mariage de ma marraine, j'avais 7 ans.

Ce temps est chargé de sens. Le sujet autour de l’habit est inépuisable. J’ai envie d’écrire que se vêtir est autrement plus complexe que le besoin physiologique auquel il répond. S’habiller renvoie une image belle, à l’autre, peut changer la relation avec l’autre

Je suis directeur bénévole d'un camp des Eclaireurs de France, accueillant des enfants handicapés mentaux. La différence avec les autres enfants ne doit pas venir de l’hygiène ni de la tenue de l’enfant. Des animateurs ne comprenaient pas que je ne voulais pas que les enfants sortent du camp grimés en hippies.

En institution, la vêture est une tâche annuelle pour les adultes accueillis en foyer. Acheter des vêtements pourrait être ce rituel. Le rituel a une fonction de communication qui est essentiellement expressive et symbolique. Ces rituels permettent d’organiser l'année. 

Jacqueline, personne ayant des troubles de la personnalité était très mal au moment de la vêture (juillet et décembre). Une espèce de boulimie du vêtement s'est installé au tour de Jacqueline. La psychiatre qui l'accompagnait dans le soin, disait que nous étions dans la folie, la plongeait dans la folie. Pendant 5 mois pas d'achat de vêtements et tout à un coup un ou deux caddies.

Elle ne pouvait aller Bien devant ce tsunami d'habit. Carole, sa référente institue plusieurs temps d'achat dans l'année, elle cousait dans la soirée les marques, pour que Jacqueline puisse mettre le lendemain, les vêtements achetés.

Jpierre, personne ayant des troubles de communication vit l'achat de vêtements comme un temps de bonheur. Mais il ne pouvait pas les mettre avant le camp. Il était mal, avoir choisi un vêtement et attendre pour le porter. Nous l'enfoncions dans une folie

Jacqueline, et Jpierre, comme d'autres résidents accueillis au Foyer, semblent avoir vécu des temps abandonniques. Michel Lemay dans son livre "j'ai mal à ma mère parle de ses enfants en déficit affectif.

La privation de milieu familial normal, notamment celle d’une image maternelle satisfaisante, entraîne, on le sait, des conséquences qui peuvent être fort dommageables pour le développement d’un être humain et retentir, à travers son enfance et son adolescence jusque dans la vie adulte.

Ces observations me renvoient à l'image de Michel Lemay, la blessure narcissique, de l'impossibilité de cicatriser. Le résident se remplit de vêtements, d'une x peau, pour essayer de combler ses trous. Mais il n’arrive pas à fermer cette plaie. J'imagine que les vêtements sont peut être un pansement sur cette blessure, quelque chose qui soulage, tout simplement une éponge absorbante la souffrance.

Le vêtement est porteur d'une tache affective pour les personnes accueillis au Foyer Le Reynard. C'est la limite, entre l'intime (ce que je veux cacher) et le monde (ce qui se voit). Partir en vêture est un temps important, privilégié et individuel, avoir le droit de choisir une jupe, une chemise ou un pantalon. Mais aussi choisir pour faire plaisir à l'éducateur…ice qui accompagne ce temps. Résidant comme éducateur, chacun apporte ainsi sa pierre à la relation, à cette envie d’avoir des vêtements beaux. Et en est en même temps co-auteur et co-acteur.

Pourtant, ce temps de vêture est un temps de projection. Ce choix de vêtements est souvent "comme j'aimerai être habillé et non "comment il aimerait être habillé.

Une discussion que j'ai souvent avec des collègues plus jeunes est souvent comment "habiller le résident". Elle souhaiterait qu'ils s'habillent en moderne, comme elle aime s'habiller. Tant pis si le résident a plus de 40 ans. Souvent, je laisse le choix à Jacques de choisir entre un pantalon et un panta-court

Y a Claire, derrière moi, qui me souffle et si le résident choisit le panta-court ?

Pour terminer, j'aimerai parler du rangement des armoires. Dans le secteur handicap mental, ce temps semble être un temps obligatoire. Certains chefs vont vérifier l'état de rangement des armoires des personnes accueillis. J'ai même entendu des chefs faire la remarque à des collègues. Pourtant, j'ai travaillé en Mecs, pas d'obsession de rangement d'armoire. Pourquoi ? Est ce le fait que l'enfant en difficultés sociales, parle exige? Ou tout simplement une forme d'accompagnement.

L'armoire de la personne n'est-elle pas l'image interne de la personne ?

Jean-Pierre MEYER

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