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Notes de lecture : Henri REY-FLAUD

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Guy Arthur Rousseau

dimanche 18 mai 2008

L’enfant qui s’est arrêté au seuil du LANGAGE / COMPRENDRE L’AUTISME, Henri REY-FLAUD – Ed. Aubier, Coll. La psychanalyse prise au mot, 2008

Voilà un discours salutaire sur l’autisme !

« Comprendre l’autisme » est un rigoureux ouvrage sur la question énigmatique de cette maladie de l’âme, qu’Henri Rey-Flaud introduit ainsi : « Il existe des enfants dotés d’une peau si transparente qu’on dirait des enfants fées. Leur visage de cire vierge, sur lequel aucun événement heureux ou malheureux ne paraît avoir laissé de trace, semble signifier qu’ils n’attendent rien, non plus, de l’avenir… »

Le style fait l’homme. Le poète nous arrache à la mécanique animalière. Ce pari sur la poésie est donc d’abord et avant tout un pari sur l’humanisation. « L’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage », s’engage, courageusement, sur le fil fragile du « parlêtre » pour pointer ce qui fait défaut à ces enfants qu’on dit autistes : la possibilité de faire métaphore.

Le premier mérite du livre est d’affirmer, à partir d’une expérience clinique référée à la psychanalyse, que, si l’étiologie reste une énigme, si les causes sont, à l’évidence, multiples, l’enfant autiste est notre prochain. Nous renvoyant les résonances de notre propre vécu originaire de cruauté, cet « ancien- autre- nous-même » nous fait peur. Stigmatisé par sa dénomination, il est, aujourd’hui, l’objet d’une ségrégation efficace de la part de tout ce qui se fonde du lien, groupe, institution, famille, société, au nom du bien de l’autre parfois même, de l’intégration et du processus d’individualisation !

Nos défenses relationnelles que la technique rend de plus en plus puissantes, en font un handicapé, victime de son destin génétique et relevant, exclusivement, d’une rééducation qui vise à en faire un robot assagi.

Pour Henri Rey-Flaud, l’autisme, cette énigme des « enfants-fées », n’est pas une fatalité. Sa rencontre constitue une exigence humaine essentielle, singulière, sensible, voire douloureuse. Elle ne nous laisse pas indemne et nous convoque à l’humanité. La douleur qu’elle implique, dont les polémiques actuelles passionnelles et stériles sont, à coup sûr, l’expression malheureuse, forme l’obstacle majeur à ce que Freud appelait « le travail de la civilisation ».

Henri Rey-Flaud le sait qui aborde, avec délicatesse, le « malentendu Bettelheim ». La pensée de ce grand psychanalyste américain, d’origine juive autrichienne, qui a connu les camps de la mort, marque une étape dans l’accueil, l’écoute et la compréhension des enfants en déshérence psychique. Mais celui-ci a eu le malheur d’écrire que « la maladie de l’enfant répond au désir de mort décliné ou refoulé, des parents », faisant l’erreur d’exprimer en public et sans précaution, les arcanes de l’inconscient. Maladresse funeste qui a nourri le rejet de l’approche freudienne et repoussé de nombreux parents vers des thèses organicistes, rassurantes par leur apparente maîtrise de la situation.

En réalité, cette référence systématique au discours scientiste progressiste, soutenue par des médias soumis au spectacle, contribue à leur faire perdre la foi dans leur propre enfant, caché derrière ses difficultés. Le déficit ainsi annoncé, renforçant les défenses, constitue un verdict de fatalité biologique qui les dépossède de leur responsabilité. Or, « S’opposant à cette forme d’invalidation et d’exclusion, la psychanalyse a maintenu la volonté d’appréhender la position subjective comme une figure à part entière de l’humaine condition ».

Tout en respectant les familles, Henri Rey-Flaud affirme que l’autisme n’est pas une fatalité. La dynamique vers laquelle nous entraînent ses propos se soutient de la conviction que ces enfants, en panne de communication, sont des êtres parlants. Les respecter c’est entendre leur appel d’humanité.

Aussi, nous appartient-il d’écouter leurs symptômes, et de créer les conditions d’une réponse précédent leurs questions. C’est la condition première d’une humanisation permettant une rencontre de visage buriné à visage de cire vierge, avec la stricte exigence de ne pas confondre imaginaire et symbolique. On ne parle pas pour communiquer mais pour reconnaître et être reconnu. C’est à cela qu’il faut faire place. Tosquelles écrivait : « L’homme souffrant, ira toujours à la recherche d’un lieu où il puisse parler, voire dissimuler sa souffrance psychique. Et ces lieux seront toujours –hors de soi et à l’intérieur de soi- des lieux institutionnalisés, c'est-à-dire des lieux plus ou moins rituels de rencontre et de parole entretenus avec les autres » (1)

Ces lieux ne peuvent donc être que des « lieux pour dire » accueillant la défaillance ou le ratage du symptôme comme parole et protégeant l’enfant « du séisme continuel de brisures, de morcellements, d’émiettement, de déchiquetage » (2)

Si Rey-Flaud ne le dit pas ainsi, du moins, il le suggère : L’exigence de soin individuel ne peut se concevoir sans un fond commun, suscitant un sentiment d’appartenance, et sur lequel surgissent des événements faisant l’objet d’une élaboration narrative constante et permettant à tout un chacun de trouver sa place parmi les autres, dans un jeu d’aller-retour entre le mal à dire et la parole.

Sans cela, dans un contexte de déchirure du tissu symbolique, quand l’emportent les techniques d’individualisation de masse et de standardisation anti-subjective, l’autisme, par sa mise en échec de l’opération fondatrice de la psyché, pourrait bien devenir l’avenir de l’homme

Henri Rey-Flaud ouvre, quant à lui, les perspectives d’une humanisation. Donnant la priorité au respect de ceux qu’on dit autistes, « l’enfant qui s’est arrêté au seuil du langage » contribue, par sa rigueur, sa sensibilité et son élévation de pensée, au « travail de la civilisation

15 mai 2008

(1) François Tosquelles – Soins Psychiatrie, n° 9, mai 1981

(2) Henri Michaux cité par Henri Rey Flaud

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Commentaires

Sur le livre de rey-flaud

Educateur au sein d'un IME (ayant pour référence principale la psychanalyse,toutefois sans dogmatisme et fermeture aux autres),notamment auprès d'enfants autistes, je porte un grand intérêt à l'apport de la psychanalyse pour mon travail. Je trouve toutefois dommageable des écrits comme celui-ci. Si le livre présente un réel intérêt, c'est d'abord sur la tentative de synthèse des travaux de différents psychanalystes. Ensuite sur certaines descriptions cliniques, car le livre est bien écrit.
Par contre nous relevons plusieurs écueils choquants :
1) D'abord la lecture est fastidieuse car une fois que l'auteur déploie son argument théorique, il prétend avoir compris ce qu'est l'autisme et fait entrer dans son système tous les auteurs, les concepts... sans jamais relancer de questions ouvertes, de contradictions... Son développement se veut intégratif et cohérent, tout y entre, pasde dialectique... (ainsi il manquait à Freud ceci pour qu'il en vienne aux mêmes conclusions, il manquait cela à Lacan qui aurait pu en venir aux mêmes idées que l'auteur...)
2)Le parti pris est d'ignorer toutes les avancées des autres recherches qu'elles soient génétiques ou d'autres courants.
3)L’autre surprise vient de l’ignorance des travaux déjà anciens concernant la gestation et la mise en route successive et progressive des sensations du fœtus. Ces données semblent ne pas avoir été reconnues par l’auteur qui place le début de la vie sensorielle de l’enfant et en conséquence le commencement de sa communication avec l’environnement à sa naissance.

De même sa position consistant à évoquer la naissance dans un cri comme premier refoulement et acceptation du symbolique, à le lire, relève du pur délire! (il explique ainsi, que souvent l'enfant autiste ne crie pas, ce qui signe déjà un refus de vie, un refus du symbolique...). Or Chacun peut aujourd’hui constater que l’enfant lorsqu’il est accueilli dans certaines conditions favorables ne crie pas.
4) Enfin H. Rey-Flaud nous semble assez ambivalent en ce qui concerne tant l’avenir de ces enfants que l’importance de la mère comme grand Autre. D’un côté il laisse la porte ouverte à une éventuelle efficacité thérapeutique évoluant sinon vers la guérison complète du moins vers une nette amélioration comme en témoignent d’ailleurs les nombreux écrits qu’il cite lui-même. Mais d’un autre côté il affirme que ces enfants n’auront jamais accès au symbolique. L’approche de l’auteur donne naturellement une place centrale au grand Autre c’est à dire à la mère dans la plupart des cas celle-ci jouant un très grand rôle dans l’accès de l’enfant au symbolique et au langage.

Ce qui enfonce, de notre point de vue, les théories psychanalytiques dan les deux écueils qui mettent aujourd'hui bien à mal le psychanalystes :
Considérer la psychose, et ici l'autisme, comme un "archaisme" (le mot est utilisé sans arret) de l'humain. l'enfant 'est arrêté au pré-langage. Puis l'autisme Kanner est le plus primaire (primate de la parole?), il peut évoluer éventuellement vers l'autisme asperger qui est un autisme "supérieur". Mais ils ne deviendront jamais névrosés ou normaux (summum de l'humain?).
(Notons les multiples références à Lacan, alors que celui-ci dès les premiers séminaires rejettent une psychologisation du développement par stades et émets les plus vives critiques sur les théories qui situe un développement par paliers pour arriver au stade ultime (celui de l'auteur en général...)
Et Surtout, sous couvert du "grand Autre" c'est toujours un défaut dans l'attitude de la mère (qui n'a pas joué son rôle de contenant, réceptacle du mauvais et de validation symbolique par le regard) qui et mis en avant de façon non ambigüe. L'auteur parle de la mère et non d'un éventuel blocage, dysfonctionnement chez l'enfant de la mise en place de la fonction nommée par Lacan "Autre"...

Ce livre me semble tout à fait choquant quant aux thèses soutenues, dont certaines peuvent être facilement contredites quand on a de l'expérience dans le lien avec des enfants autistes, et ne peut être reçu que comme une forme de violence pour les parents des enfants reconnus comme autistes.