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Sur le « thérapeutique » et l’exercice de la fonction d’éducateur (lettre ouverte à un collègue éducateur)

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Daniel Pendanx

jeudi 10 janvier 2008

(lettre ouverte à un collègue éducateur)

[ L'éducateur doit être à lui-même sa propre figure parentale, point besoin pour cela de se confondre ou de se trouver (de façon bien imaginaire) identifié au "thérapeute" ou au "psychanalyste"… ]

« Cher Jean-Marie,

Je te lis ce jour (9 janvier 2008) sur le forum du site Psychasoc (sur le fil intitulé « est-ce que notre travail est thérapeutique ? »), tu as je crois profondément raison dans ce que tu essaies d'avancer : l'éducateur doit être à lui-même sa propre figure parentale , point besoin pour cela de se confondre ou de se trouver (de façon bien imaginaire) identifié au "thérapeute" ou au "psychanalyste".

Il y a dans nos milieux, sous le terme par exemple de « soignant », un primat de l'identification imaginaire au psychanalyste, au psy, qui a fait des ravages ; je ne développe pas ici cet aspect des choses.

Mais ce « continuer d’exister » suppose aussi et peut-être surtout que chacun, comme toute institution, se trouve lié, institutionnellement lié ( référé comme je le dis souvent) aux limites de ses compétences, à son "statut", à ce qu'il en est des limites de son discours... Il faudrait en la matière se préoccuper de marcher sur ses deux jambes : celle du subjectif, celle du juridique... Mais qui se soucie de la fonction dogmatique instituante du sujet de la parole, d'un sujet différencié, de la fonction du droit et des institutions au regard de la problématique subjective « oedipienne », des enjeux de la différenciation subjective ?

Qui a envie de payer son propre prix à la Limite dans l’exercice de sa fonction ? Qui a envie de savoir que le roi est nu ? Pas plus les juges que les autres praticiens…

Cela consiste à soutenir son propre jeu d'interprète dans le mythe oedipien institutionnel… Faut-il encore repérer combien ce mythe tend aujourd'hui à être faussé par des législations et des montages insensés!

Ce que je nomme "politique de l'interprète" est très subversif dans les temps où nous sommes, car les praticiens s’extraient par là du champ de la séduction généralisée, et des duels attenants..., de ces duels ou de ces « complicités » dans lesquels les duellistes de tous bords s'entretiennent si bien au chaud des narcissismes institutionnels, des « corps » professionnels...

Cet enjeu est celui que la psychanalyse (la vraie) relève comme celui de la "résolution du transfert", de l'au-delà du "roman familial" (cf. le texte de Freud Le roman familial du névrosé ) ; cet enjeu se résume sous la formule bateau du "tuer le père" : il s'engage dans tout ce mouvement infini de l'élaboration subjective, poétique, à travers lequel, dans la dialectique du tragique (de notre réduction au corps propre, à sa finitude) et des plaisirs ("plaisirs" à ne pas confondre avec l'impératif surmoïque de jouissance), dans la dialectique de l'angoisse et de l'assomption subjective de cette angoisse (ah ces gens " beautemps " qui prétendent vivre hors le négatif : ce sont en vérité les suppôts du nihilisme!), nous ne cessons d'accéder dans nos vies et notre travail au mythe parental, j'entends là à notre propre responsabilité et liberté au monde... Ce long travail de conquête de sa propre responsabilité et liberté au monde, toujours à recommencer par chaque génération, est aussi toujours entravé par toutes sortes de perversions institutionnelles, politiques, du Texte et du lien de Référence.

Saisir ce point, traverser, s’arracher à l’imaginaire maternaliste et paternaliste, accéder à la dimension symbolique, fictionnelle, des figures parentales, (dimension qui demeure dans un rapport de dette au corps, c’est-à-dire au sexuel et au langage, et partant aux catégories juridiques de la filiation) suppose de s'extraire d'une vision réductrice, très familialiste et sociologique, de la famille... Je ne crois pas que les formations actuelles y préparent beaucoup... Le sociologisme, derrière sa façade libérale et libertaire, règne en la matière, dans les Instituts de formation comme dans nombre de cercles psy.

Est-il alors bien raisonnable de parler de « thérapeutique » ?

J’espère avoir pu ici offrir miroir à ta propre ré-flexion,

Amicalement,

Educateur à Bordeaux

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